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Arrêt
publié le 12 avril 2005

Extrait de l'arrêt n° 51/2005 du 1 er mars 2005 Numéro du rôle : 2948 En cause : la question préjudicielle relative aux articles 4 et 26 de la loi du 26 mai 2002 concernant le droit à l'intégration sociale, posée par le juge de pa La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges R. Henneuse, (...)

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COUR D'ARBITRAGE


Extrait de l'arrêt n° 51/2005 du 1er mars 2005 Numéro du rôle : 2948 En cause : la question préjudicielle relative aux articles 4 et 26 de la loi du 26 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/05/2002 pub. 31/07/2002 numac 2002022559 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi concernant le droit à l'intégration sociale fermer concernant le droit à l'intégration sociale, posée par le juge de paix du troisième canton de Liège.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges R. Henneuse, L. Lavrysen, J.-P. Snappe, E. Derycke et J. Spreutels, assistée du greffier P.-Y.Dutilleux, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par jugement du 10 mars 2004 en cause de S. Cox et du centre public d'action sociale de Liège contre F. Ferrara et C. Cox et en cause de T. Ferrara contre F. Ferrara et C. Cox, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 17 mars 2004, le juge de paix du troisième canton de Liège a posé la question préjudicielle suivante : « Les articles 4 et 26 de la loi du 26 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/05/2002 pub. 31/07/2002 numac 2002022559 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi concernant le droit à l'intégration sociale fermer concernant le droit à l'intégration sociale ne violent-ils pas les articles 10 et 11 de la Constitution en ce sens que dans le premier cas (article 4) le débiteur d'aliments poursuivi par le C.P.A.S. lorsque celui-ci agit au nom et en faveur du bénéficiaire de l'aide sociale, mais avec possibilité de subrogation à son propre profit, pourrait être condamné quel que soit le niveau de ses revenus, alors qu'il ne pourrait l'être dans le second cas, soit l'hypothèse où il serait poursuivi directement par le C.P.A.S. en nom propre, si les revenus n'atteignent pas le plancher fixé par le Roi en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par l'article 26 ? » (...) III. En droit (...) Quant aux dispositions en cause B.1.1. L'article 4 de la loi du 26 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/05/2002 pub. 31/07/2002 numac 2002022559 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi concernant le droit à l'intégration sociale fermer concernant le droit à l'intégration sociale (ci-après : loi du 26 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/05/2002 pub. 31/07/2002 numac 2002022559 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi concernant le droit à l'intégration sociale fermer) dispose : « § 1er. Il peut être imposé à l'intéressé de faire valoir ses droits à l'égard des personnes qui lui doivent des aliments, ces dernières étant limitées à : son conjoint ou, le cas échéant, son ex-conjoint; les ascendants et descendants du premier degré, l'adoptant et l'adopté. § 2. Les conventions relatives à une pension alimentaire ne sont pas opposables au centre. § 3. Le centre peut agir de plein droit au nom et en faveur de l'intéressé afin de faire valoir les droits visés aux articles 3, 6°, et 4, § 1er. » B.1.2. L'article 26 de la même loi dispose : « Le remboursement du revenu d'intégration octroyé par un centre en application de la présente loi est poursuivi par ce centre en vertu d'un droit propre, dans les limites, les conditions et les modalités fixées par le Roi, à charge des débiteurs d'aliments visés à l'article 4, § 1er, ainsi qu'à charge des débiteurs d'aliments visés à l'article 336 du Code civil, à concurrence du montant auquel ils sont tenus pendant la période durant laquelle le revenu d'intégration a été octroyé. » B.2. Le juge a quo interroge la Cour sur la compatibilité de ces dispositions avec les articles 10 et 11 de la Constitution en ce que, si l'action du centre public d'action sociale (ci-après : C.P.A.S.) est fondée sur l'article 4, le débiteur alimentaire peut être condamné quel que soit le niveau de ses revenus, ce qui n'est pas le cas s'il est poursuivi directement par le C.P.A.S. en nom propre, si les revenus n'atteignent pas le plancher fixé par le Roi en vertu des pouvoirs qui Lui sont conférés par l'article 26.

Quant à l'exception soulevée par le Conseil des Ministres B.3. Selon le Conseil des Ministres, la discrimination alléguée entre les débiteurs d'aliments ne réside pas dans une norme législative, mais dans l'exécution de cette norme par l'article 50 de l'arrêté royal du 11 juillet 2002 « portant règlement général en matière de droit à l'intégration sociale », de telle sorte que la Cour ne serait pas compétente pour se prononcer sur la question de savoir si le Roi, dans l'exercice du pouvoir qu'Il puise dans l'article 26 en cause, a méconnu ou non les articles 10 et 11 de la Constitution.

B.4.1. La question préjudicielle dont est saisie la Cour dénonce la différence de traitement entre débiteurs alimentaires qui résulterait de l'existence ou non de seuils de revenus, selon que l'action du C.P.A.S. est fondée sur l'article 4 ou l'article 26 de la loi du 26 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/05/2002 pub. 31/07/2002 numac 2002022559 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi concernant le droit à l'intégration sociale fermer.

B.4.2. S'il est certes exact que les seuils de revenus sont fixés dans l'article 50 de l'arrêté royal du 11 juillet 2002 précité, norme dont il n'appartient pas à la Cour d'apprécier la compatibilité avec les articles 10 et 11 de la Constitution, la différence de traitement dénoncée trouve cependant sa source dans la combinaison des articles 4 et 26 de la loi du 26 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/05/2002 pub. 31/07/2002 numac 2002022559 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi concernant le droit à l'intégration sociale fermer, en ce que la seconde disposition habilite le Roi à fixer des « limites, conditions et modalités » à l'action du C.P.A.S., ce que ne prévoit pas la première disposition.

Indépendamment de la suite donnée par le Roi à l'habilitation ainsi reçue, la différence de traitement alléguée trouve son origine dans les dispositions législatives en cause, en ce qu'elles autorisent ou non l'instauration de limites à l'action du C.P.A.S. contre le débiteur alimentaire.

B.4.3. L'exception d'incompétence est rejetée.

Quant au fond B.5. La loi du 26 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/05/2002 pub. 31/07/2002 numac 2002022559 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi concernant le droit à l'intégration sociale fermer concernant le droit à l'intégration sociale s'inspire dans une large mesure des dispositions de la loi du 7 août 1974Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/08/1974 pub. 28/10/1998 numac 1998000076 source ministere de l'interieur Loi instituant le droit à un minimum de moyens d'existence - Traduction allemande fermer instituant le droit à un minimum de moyens d'existence, qu'elle a abrogée par son article 54.

B.6. L'article 4, § 3, en cause confirme ainsi le droit du C.P.A.S. d'agir de plein droit au nom et en faveur de l'intéressé afin de faire valoir ses droits aux prestations sociales en vertu de la législation belge et étrangère (article 3, 6°, de la loi du 26 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/05/2002 pub. 31/07/2002 numac 2002022559 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi concernant le droit à l'intégration sociale fermer) et aux créances alimentaires à l'égard de certains débiteurs d'aliments (article 4, § 1er, de la loi du 26 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/05/2002 pub. 31/07/2002 numac 2002022559 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi concernant le droit à l'intégration sociale fermer), « lorsque la personne ne peut elle-même faire valoir ses droits aux prestations ou aux revenus à l'égard de tiers, ou lorsqu'elle ne peut, compte tenu des circonstances (raisons psycho-sociales, rupture familiale etc...) faire appel elle-même à ces débiteurs d'aliments proches » (Doc. parl., Chambre, 2001-2002, DOC 50-1603/001, p. 13).

Cette disposition s'inspire directement de l'article 8, § 4, de la loi du 7 août 1974Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/08/1974 pub. 28/10/1998 numac 1998000076 source ministere de l'interieur Loi instituant le droit à un minimum de moyens d'existence - Traduction allemande fermer précitée.

B.7.1. L'article 26 en cause octroie par contre au C.P.A.S., « comme par le passé » (Doc. parl., Chambre, 2001-2002, DOC 50-1603/001, p. 31), un droit propre pour obtenir le remboursement de l'aide octroyée en vertu du droit à l'intégration sociale à charge de certains débiteurs alimentaires, à concurrence du montant de l'aide octroyée, sous réserve cependant des limites, conditions et modalités fixées par le Roi.

Les articles 41 à 55 de l'arrêté royal du 11 juillet 2002 portant règlement général en matière de droit à l'intégration sociale règlent les modalités de la récupération par le C.P.A.S. des sommes allouées.

B.7.2. Ce droit propre d'agir en récupération contre le débiteur alimentaire s'inspire directement de l'article 13, alinéa 2, 1°, de la loi du 7 août 1974Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/08/1974 pub. 28/10/1998 numac 1998000076 source ministere de l'interieur Loi instituant le droit à un minimum de moyens d'existence - Traduction allemande fermer précitée, disposition qui s'inspirait elle-même de l'article 17 de la loi du 2 avril 1965 relative à la prise en charge des secours accordés par les commissions d'assistance publique, remplacées ultérieurement par les centres publics d'aide sociale.

Suite à un amendement du Gouvernement, le texte de l'article 13, alinéa 2, 1°, de la loi du 7 août 1974Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/08/1974 pub. 28/10/1998 numac 1998000076 source ministere de l'interieur Loi instituant le droit à un minimum de moyens d'existence - Traduction allemande fermer précitée a prévu que le droit propre de récupération à charge des débiteurs alimentaires ne s'effectue que « dans les limites et conditions fixées par le Roi ».

La fixation par arrêté royal des modalités d'exécution du recouvrement à charge des débiteurs alimentaires a ainsi été jugée nécessaire « notamment aux fins de pouvoir tenir compte des revenus de ces personnes » (Doc. parl., Sénat, S.E. 1974, n° 247/2, p. 51).

Un arrêté royal du 9 mai 1984 a exécuté l'article 13, alinéa 2, 1°, de la loi du 7 août 1974Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/08/1974 pub. 28/10/1998 numac 1998000076 source ministere de l'interieur Loi instituant le droit à un minimum de moyens d'existence - Traduction allemande fermer précitée.

B.8.1. Tant l'article 4 que l'article 26 en cause traduisent le même principe de la prééminence de la solidarité familiale sur la solidarité collective, conformément au caractère « essentiellement résiduaire » (Doc. parl., Chambre, 2001-2002, DOC 50-1603/001, p. 13) du droit à l'intégration sociale.

B.8.2. Les dispositions en cause font ainsi apparaître une différence de traitement entre le débiteur alimentaire qui est poursuivi par le C.P.A.S. sur la base de l'article 26, et qui peut bénéficier des limites établies en vertu de cette disposition, et le débiteur alimentaire qui est poursuivi par le C.P.A.S. sur la base de l'article 4, § 3, pour lequel des limites n'ont pas été prévues.

B.9.1. Cette différence de traitement repose cependant sur un critère objectif, les actions visées par les articles 4, § 3, et 26 se distinguant tant par leur chronologie que par leur fonction et leur effet.

B.9.2. En effet, d'une part, il résulte de la structure du texte de la loi du 26 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/05/2002 pub. 31/07/2002 numac 2002022559 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi concernant le droit à l'intégration sociale fermer que l'action visée par l'article 4, § 3, disposition située dans le chapitre « Dispositions générales », est indépendante de l'octroi préalable ou non d'une aide financière par le C.P.A.S., contrairement aux articles 24 à 26, qui, situés dans un chapitre « Des recouvrements », supposent qu'une aide financière ait préalablement été octroyée.

B.9.3. D'autre part, l'article 4, § 3, confère au C.P.A.S. un pouvoir de représentation légale, sans qu'aucun mandat ne soit requis. Cette action visée à l'article 4, § 3, apparaît comme le corollaire du droit d'imposer d'agir contre certains débiteurs alimentaires, prévu par l'article 4, § 1er, et permet d'éviter au demandeur d'aide sociale d'initier lui-même une action alimentaire, compte tenu des difficultés humaines liées aux actions alimentaires.

L'article 26 confère par contre au C.P.A.S. un droit propre pour agir en récupération de l'aide octroyée à charge des débiteurs alimentaire; l'action est donc introduite personnellement par le C.P.A.S., sans par ailleurs que doive être à la cause le créancier alimentaire.

B.9.4. Enfin, lorsque le C.P.A.S. introduit une action sur la base de l'article 4, § 3, il agit en tant que mandataire, au nom du demandeur du droit à l'intégration sociale et la totalité du bénéfice de cette action entrera en principe dans le patrimoine de ce dernier.

Lorsqu'il agit en récupération par contre, son action est limitée à concurrence du montant octroyé, pour la période pendant laquelle le montant a été octroyé, nonobstant un droit éventuellement plus étendu du créancier alimentaire.

B.9.5. En raison de ces éléments et de l'objectif poursuivi par la délégation au Roi de la fixation des modalités de l'action en recouvrement du C.P.A.S. à charge des débiteurs alimentaires, rappelé en B.7.2, le législateur a pu raisonnablement estimer qu'il ne convenait pas de prévoir, dans l'article 4 en cause, des limitations aux obligations des débiteurs alimentaires lorsque le C.P.A.S. agit à leur égard au nom et en faveur des créanciers alimentaires, compte tenu, notamment, de ce que sera prise en considération, conformément aux dispositions pertinentes du Code civil, la capacité contributive desdits débiteurs alimentaires.

B.10. La question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : Les articles 4 et 26 de la loi du 26 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/05/2002 pub. 31/07/2002 numac 2002022559 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi concernant le droit à l'intégration sociale fermer concernant le droit à l'intégration sociale ne violent pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 1er mars 2005.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, M. Melchior.

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