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Arrêt
publié le 11 septembre 2008

Extrait de l'arrêt n° 110/2008 du 31 juillet 2008 Numéro du rôle : 4273 En cause : le recours en annulation de l'article 6 de la loi du 20 décembre 2006 « modifiant le Code pénal en vue de réprimer plus sévèrement la violence contre certain La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Melchior et M. Bossuyt, et des juges P. Ma(...)

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Extrait de l'arrêt n° 110/2008 du 31 juillet 2008 Numéro du rôle : 4273 En cause : le recours en annulation de l'article 6 de la loi du 20 décembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/12/2006 pub. 12/02/2007 numac 2007009137 source service public federal justice Loi modifiant le Code pénal en vue de réprimer plus sévèrement la violence contre certaines catégories de personnes fermer « modifiant le Code pénal en vue de réprimer plus sévèrement la violence contre certaines catégories de personnes », introduit par l'ASBL « Ligue des Droits de l'Homme ».

La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Melchior et M. Bossuyt, et des juges P. Martens, R. Henneuse, E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, J. Spreutels et T. Merckx-Van Goey, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 10 août 2007 et parvenue au greffe le 13 août 2007, l'ASBL « Ligue des Droits de l'Homme », dont le siège social est établi à 1190 Bruxelles, chaussée d'Alsemberg 303, a introduit un recours en annulation de l'article 6 de la loi du 20 décembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/12/2006 pub. 12/02/2007 numac 2007009137 source service public federal justice Loi modifiant le Code pénal en vue de réprimer plus sévèrement la violence contre certaines catégories de personnes fermer modifiant le Code pénal en vue de réprimer plus sévèrement la violence contre certaines catégories de personnes (publiée au Moniteur belge du 12 février 2007). (...) II. En droit (...) Quant aux dispositions attaquées B.1.1. Il résulte des termes de la requête que le recours en annulation porte sur l'article 6 de la loi du 20 décembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/12/2006 pub. 12/02/2007 numac 2007009137 source service public federal justice Loi modifiant le Code pénal en vue de réprimer plus sévèrement la violence contre certaines catégories de personnes fermer modifiant le Code pénal en vue de réprimer plus sévèrement la violence contre certaines catégories de personnes, qui insère un article 410bis dans le Code pénal.

B.1.2. L'article 410bis du Code pénal dispose : « Dans les cas mentionnés aux articles 398 à 405, si le coupable a commis le crime ou le délit envers un conducteur, un accompagnateur, un contrôleur ou un guichetier d'un exploitant d'un réseau de transport public, un facteur, un pompier, un membre de la protection civile, un ambulancier, un médecin, un pharmacien, un kinésithérapeute, un infirmier, un membre du personnel affecté à l'accueil dans les services d'urgence des institutions de soins, un assistant social, ou un psychologue d'un service public, dans l'exercice de leurs fonctions, le minimum de la peine portée par ces articles sera doublé s'il s'agit d'un emprisonnement, et augmenté de deux ans s'il s'agit de la réclusion.

Il en sera de même si le coupable, étant un élève ou un étudiant qui est inscrit dans un établissement d'enseignement ou qui y a été inscrit au cours des six mois précédant les faits, ou le père ou la mère ou un membre de la famille de cet élève ou de cet étudiant, ou toute autre personne ayant autorité sur cet élève ou cet étudiant ou en ayant la garde, a commis le crime ou le délit envers un membre du personnel ou de la direction de cet établissement d'enseignement, envers les personnes chargées de la prise en charge des élèves dans un Institut médico-pédagogique organisé ou subventionné par la communauté, ou envers un intervenant extérieur chargé par les autorités communautaires de prévenir et de résoudre les problèmes de violence scolaire, dans l'exercice de leurs fonctions ».

B.1.3. Les articles 398 à 405 du même Code disposent : «

Art. 398.Quiconque aura volontairement fait des blessures ou porté des coups sera puni d'un emprisonnement de huit jours à six mois et d'une amende de vingt-six euros à cent euros, ou d'une de ces peines seulement.

En cas de préméditation, le coupable sera condamné à un emprisonnement d'un mois à un an et à une amende de cinquante euros à deux cents euros.

Art. 399.Si les coups ou les blessures ont causé une maladie ou une incapacité de travail personnel, le coupable sera puni d'un emprisonnement de deux mois à deux ans et d'une amende de cinquante euros à deux cents euros.

Le coupable sera puni d'un emprisonnement de six mois à trois ans et d'une amende de cent euros à cinq cents euros, s'il a agi avec préméditation.

Art. 400.Les peines seront un emprisonnement de deux ans à cinq ans et une amende de deux cents euros à cinq cents euros, s'il est résulté des coups ou des blessures, soit une maladie paraissant incurable, soit une incapacité permanente de travail personnel, soit la perte de l'usage absolu d'un organe, soit une mutilation grave.

La peine sera celle de la réclusion de cinq ans à dix ans, s'il y a eu préméditation.

Art. 401.Lorsque les coups portés ou les blessures faites volontairement, mais sans intention de donner la mort, l'ont pourtant causée, le coupable sera puni de la réclusion de cinq ans à dix ans.

II sera puni de la réclusion de dix ans à quinze ans, s'il a commis ces actes de violence avec préméditation.

Art. 402.Sera puni d'un emprisonnement de trois mois à cinq ans et d'une amende de cinquante euros à cinq cents euros, quiconque aura causé à autrui une maladie ou incapacité de travail personnel, en lui administrant volontairement, mais sans intention de tuer, des substances qui peuvent donner la mort, ou des substances qui, sans être de nature à donner la mort, peuvent cependant altérer gravement la santé.

Art. 403.La peine sera la réclusion de cinq ans à dix ans, lorsque ces substances auront causé, soit une maladie paraissant incurable, soit une incapacité permanente de travail personnel, soit la perte de l'usage absolu d'un organe.

Art. 404.Si les substances administrées volontairement, mais sans intention de donner la mort, l'ont pourtant causée, le coupable sera puni de la réclusion de quinze ans à vingt ans.

Art. 405.La tentative d'administrer à autrui, sans intention de donner la mort, des substances de la nature de celles mentionnées à l'article 402, sera punie d'un emprisonnement d'un mois à trois ans et d'une amende de vingt-six euros à trois cents euros ».

B.2. L'exposé des motifs indique : « Constatant l'augmentation des violences physiques à l'encontre de personnes qui dans l'exercice de leur fonction sont obligées d'entrer en contact avec le public en vue de remplir d'indispensables missions d'intérêt collectif, le gouvernement propose de permettre à la société d'avoir les moyens d'y apporter une réponse appropriée en envoyant un signal fort aux auteurs potentiels de ces violences.

Point n'est besoin de rappeler les nombreuses agressions dont sont victimes les chauffeurs et les accompagnateurs des transports publics, les facteurs, les professionnels de la santé et de l'aide sociale ainsi que les enseignants tant de la part des élèves que des membres de leur famille.

Face à ce nouveau phénomène social, le gouvernement entend faire preuve de fermeté en protégeant mieux les personnes actuellement confrontées à ce phénomène.

Ainsi, pour assurer une meilleure dissuasion et une répression plus efficace, il est proposé d'introduire une nouvelle circonstance aggravante dans le Code pénal, plus précisément dans la partie consacrée aux homicides, non qualifiés meurtres, et aux lésions corporelles volontaires, c'est-à-dire les articles 398 à 405 du même Code.

En cas d'infraction à ces articles, le minimum de la peine sera doublé s'il s'agit d'un emprisonnement et augmenté de deux ans s'il s'agit de la réclusion » (Doc. parl., Chambre, 2004-2005, DOC 51-1843/001, p. 4; dans le même sens : Sénat, 2006-2007, n° 3-1791/3, p. 2).

Quant au principe de légalité (premier moyen) B.3.1. Le premier moyen est pris de la violation des articles 12 et 14 de la Constitution, combinés avec l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

B.3.2. Dans la première branche du moyen, la partie requérante fait valoir que l'article 410bis du Code pénal viole le principe de légalité en matière pénale en ce qu'il ne définit pas « l'exercice des fonctions » dans lequel sont protégées les catégories de personnes qu'il vise; elle se réfère à des dispositions constitutionnelles et législatives et à la jurisprudence qui donnent à cette notion un contenu qui n'est pas défini de manière uniforme.

B.3.3. Les articles 12 et 14 de la Constitution disposent : «

Art. 12.La liberté individuelle est garantie.

Nul ne peut être poursuivi que dans les cas prévus par la loi, et dans la forme qu'elle prescrit.

Hors le cas de flagrant délit, nul ne peut être arrêté qu'en vertu de l'ordonnance motivée du juge, qui doit être signifiée au moment de l'arrestation, ou au plus tard dans les vingt-quatre heures ». «

Art. 14.Nulle peine ne peut être établie ni appliquée qu'en vertu de la loi ».

L'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme dispose : « 1. Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d'après le droit national ou international. De même il n'est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'infraction a été commise. 2. Le présent article ne portera pas atteinte au jugement et à la punition d'une personne coupable d'une action ou d'une omission qui, au moment où elle a été commise, était criminelle d'après les principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées ». L'article 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques dispose : « 1. Nul ne sera condamné pour des actions ou omissions qui ne constituaient pas un acte délictueux d'après le droit national ou international au moment où elles ont été commises. De même, il ne sera infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'infraction a été commise. Si, postérieurement à cette infraction, la loi prévoit l'application d'une peine plus légère, le délinquant doit en bénéficier. 2. Rien dans le présent article ne s'oppose au jugement ou à la condamnation de tout individu en raison d'actes ou omissions qui, au moment où ils ont été commis, étaient tenus pour criminels, d'après les principes généraux de droit reconnus par l'ensemble des nations ». B.3.4. En vertu de l'article 1er, 2°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989, modifié par la loi spéciale du 9 mars 2003, la Cour est compétente pour contrôler des normes législatives au regard des articles du titre II « Des Belges et de leurs droits » et des articles 170, 172 et 191 de la Constitution.

Lorsqu'une disposition conventionnelle liant la Belgique a une portée analogue à une ou plusieurs des dispositions constitutionnelles précitées, les garanties consacrées par cette disposition conventionnelle constituent toutefois un ensemble indissociable avec les garanties inscrites dans les dispositions constitutionnelles en cause.

Il s'ensuit que, lorsqu'est alléguée la violation d'une disposition du titre II ou des articles 170, 172 ou 191 de la Constitution, la Cour tient compte, dans son examen, des dispositions de droit international qui garantissent des droits ou libertés analogues.

B.3.5. En attribuant au pouvoir législatif la compétence, d'une part, de déterminer dans quels cas et sous quelle forme des poursuites pénales sont possibles et, d'autre part, d'adopter la loi en vertu de laquelle une peine peut être établie et appliquée, les articles 12, alinéa 2, et 14 de la Constitution garantissent à tout citoyen qu'aucun comportement ne sera punissable et qu'aucune peine ne sera infligée qu'en vertu de règles adoptées par une assemblée délibérante, démocratiquement élue.

B.3.6. Le principe de légalité en matière pénale procède en outre de l'idée que la loi pénale doit être formulée en des termes qui permettent à chacun de savoir, au moment où il adopte un comportement, si celui-ci est ou non punissable. Il exige que le législateur indique, en des termes suffisamment précis, clairs et offrant la sécurité juridique, quels faits sont sanctionnés, afin, d'une part, que celui qui adopte un comportement puisse évaluer préalablement, de manière satisfaisante, quelle sera la conséquence pénale de ce comportement et afin, d'autre part, que ne soit pas laissé au juge un trop grand pouvoir d'appréciation.

Toutefois, le principe de légalité en matière pénale n'empêche pas que la loi attribue un pouvoir d'appréciation au juge. Il faut en effet tenir compte du caractère de généralité des lois, de la diversité des situations auxquelles elles s'appliquent et de l'évolution des comportements qu'elles répriment.

La condition qu'une infraction doit être clairement définie par la loi se trouve remplie lorsque le justiciable peut savoir, à partir du libellé de la disposition pertinente, quels actes et omissions engagent sa responsabilité pénale.

B.3.7. Ce n'est qu'en examinant une disposition pénale spécifique qu'il est possible, en tenant compte des éléments propres aux infractions qu'elle entend réprimer, de déterminer si les termes généraux utilisés par le législateur sont à ce point vagues qu'ils méconnaîtraient le principe de légalité en matière pénale.

B.3.8. La disposition attaquée ne crée pas une incrimination nouvelle.

Elle ne peut s'appliquer que lorsque les crimes et délits qu'elle vise ont été commis envers une des catégories de personnes qu'elle cite. La circonstance que la notion d'« exercice des fonctions » fasse l'objet de définitions qui ne sont pas uniformes dans la législation ou dans la jurisprudence tient à la variété des situations et des fonctions auxquelles elle est appliquée et à l'objet de la règle qui se réfère à cette notion. Il reste que celle-ci a, dans le langage courant et selon le sens commun, une signification que le justiciable ne saurait ignorer et est raisonnablement capable d'évaluer, dès lors que les qualifications des victimes énumérées par l'article 410bis ne permettent pas de douter des circonstances dans lesquelles ces personnes sont protégées. Si un doute pouvait surgir en raison de caractéristiques propres à une infraction déterminée - par exemple parce qu'une personne protégée aurait été agressée en dehors de son lieu de travail -, il appartient au juge, compte tenu de l'intention de l'auteur des faits et de ce que le législateur a, plusieurs fois, indiqué que les personnes protégées étaient des personnes qui sont « obligées d'entrer en contact avec le public en vue de remplir d'indispensables missions d'intérêt collectif » (Doc. parl., Chambre, 2004-2005, DOC 51-1843/001, p. 4; dans le même sens, Doc. parl., Sénat, 2006-2007, n° 3-1791/3, pp. 2 et 8), d'apprécier si la personne protégée exerçait effectivement ses fonctions et si, dès lors, une sanction plus lourde doit être appliquée.

B.4.1. Dans la deuxième branche du moyen, la partie requérante fait valoir que l'article 410bis du Code pénal viole le principe de légalité en ce qu'il s'abstient de préciser s'il s'applique ou non aux infractions qui seraient motivées par des considérations d'ordre privé et ne précise donc pas l'élément moral de l'infraction.

B.4.2. La question des différends d'ordre privé a été évoquée au cours des travaux préparatoires (Doc. parl., Sénat, 2006-2007, n° 3-1791/3, p. 4) et un amendement visant à limiter l'application de l'article 410bis à l'hypothèse « où la fonction de la victime était connue de l'auteur et [où] l'auteur a voulu porter atteinte à cette fonction » a été rejeté (ibid., pp. 13 et 14).

B.4.3. En précisant, dans la disposition attaquée, que les personnes qu'elle vise seraient protégées « dans l'exercice de leurs fonctions », le législateur a pu estimer superflu d'ajouter que les crimes et délits commis envers elles à l'occasion de litiges d'ordre privé ne sont pas de ceux pouvant être punis d'une peine plus sévère en vertu de la disposition qu'il adoptait.

B.5.1. Dans la troisième branche du moyen, la partie requérante fait valoir que l'article 410bis du Code pénal viole le principe de légalité en ce qu'il ne définit pas avec clarté et précision les limites de l'application de la loi, par la confusion dans un même article de catégories disparates relevant du secteur privé et du secteur public, et par l'absence de définition des notions de service public fonctionnel et de missions d'intérêt général ou collectif.

B.5.2. En énumérant les différentes catégories de personnes bénéficiant de la protection qu'elle instaure, la disposition attaquée satisfait aux exigences du principe de légalité. Le législateur a lui-même estimé qu'une définition plus générale semblait impossible et ne répondrait pas à ces exigences (Doc. parl., Sénat, 2006-2007, n° 3-1791/3, p. 11). Les notions de secteur privé, de secteur public, de service public fonctionnel ou de missions d'intérêt général ou collectif auxquelles se réfère la partie requérante n'avaient pas à être définies par la disposition attaquée puisqu'elles ne sont pas utilisées par celle-ci, même si elles ont fait l'objet de discussions, portant sur le champ d'application de la loi, au cours des travaux préparatoires (Doc. parl., Sénat, 2006-2007, n° 3-1791/3, pp. 6 à 11).

B.5.3. Les arguments que la partie requérante entend tirer de la circonstance que ces notions ne seraient pas définies constituent en réalité une critique du champ d'application de la loi - défini par celle-ci de manière précise et objective - et des différences de traitement que le champ d'application implique suivant que certaines victimes sont ou non protégées par la disposition attaquée. Ces arguments, qui sont étrangers au contrôle du principe de légalité, se confondent par conséquent avec ceux invoqués à l'appui de la quatrième branche du second moyen, pris de la violation du principe d'égalité et de non-discrimination, et seront pris en compte lorsque ce moyen sera examiné.

B.6.1. Dans la quatrième branche du moyen, la partie requérante fait valoir que l'article 410bis, alinéa 2, du Code pénal viole le principe de légalité en ce qu'il ne définit pas de manière précise et claire les membres de la famille qu'il vise, alors que l'article 372, § 2, du Code pénal le fait en matière d'attentat à la pudeur.

B.6.2. En réponse à une observation analogue de la section de législation du Conseil d'Etat (Doc. parl., Chambre, 2004-2005, DOC 51-1843/001, p. 14), le Gouvernement indiqua : « Compte tenu de l'objectif poursuivi, le gouvernement considère cependant qu'il convient de comprendre le terme ' famille ' au sens large et dans son sens usuel.

Il peut ainsi s'agir, non seulement de l'ascendant, de l'adoptant, du frère ou de la soeur mais aussi du beau-frère, de la tante, du cousin,... » (ibid., p. 9).

B.6.3. Le législateur peut, sans violer le principe de légalité en matière pénale, se référer à une notion, même comprise au sens large, entendue dans son sens usuel.

B.7. Le premier moyen n'est pas fondé.

Quant au principe d'égalité et de non-discrimination (second moyen) B.8.1. Le second moyen est pris de la violation des articles 10, 11 et 24, § 4, de la Constitution.

B.8.2. Pour satisfaire aux exigences de l'article 6 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, les moyens de la requête doivent faire connaître, parmi les règles dont la Cour garantit le respect, celles qui seraient violées ainsi que les dispositions qui violeraient ces règles et exposer en quoi ces règles auraient été transgressées par ces dispositions.

Le moyen n'est pas recevable en ce qu'il est pris de la violation de l'article 24, § 4, de la Constitution, faute d'exposer en quoi cette disposition serait violée.

B.8.3. La partie requérante fait d'abord valoir que l'article 410bis du Code pénal crée une différence de traitement injustifiée entre les prévenus qui peuvent être condamnés à une peine minimale double ou à une peine minimale simple suivant que la victime relève ou non d'une des catégories de personnes visées par la disposition attaquée.

Elle soutient qu'il n'y aurait pas d'adéquation entre les objectifs poursuivis par le législateur et les moyens qu'il a mis en oeuvre, qu'il n'y aurait pas de données statistiques ou scientifiques fiables établissant l'augmentation des violences que la loi attaquée entendrait réprimer, que celle-ci et l'accroissement de la sévérité de la peine qu'elle implique n'auraient pas d'effet dissuasif (parce que les agissements des délinquants ne sont pas rationnels et parce qu'il est improbable que ces derniers prennent connaissance des modifications législatives), que la mesure attaquée ne serait pas efficace (parce l'alourdissement des peines n'a pas d'effet positif sur la récidive) et que la meilleure protection des victimes qui constitue l'objectif du législateur ne peut être garantie par la sévérité croissante du système pénal mais par des mesures ouvrant des droits aux victimes (première branche). Elle soutient aussi que l'accroissement de la sanction ne peut être justifié par une quelconque nécessité parce qu'il existe des « solutions alternatives » telles les mesures préventives ou l'application des principes de la justice réparatrice (deuxième branche). Elle soutient enfin que même si les moyens étaient pertinents au regard des objectifs et que même si les « solutions alternatives » devaient être écartées, la disposition attaquée devrait être censurée, compte tenu de la nature des principes en cause, parce qu'elle porte une atteinte disproportionnée au droit à la liberté (troisième branche).

B.8.4. Aucune disposition constitutionnelle ne subordonne l'intervention du législateur à l'existence de données scientifiques ou statistiques. Il dispose à cet égard d'un pouvoir d'appréciation pour prendre des mesures qui, à son estime, répondent à l'attente des citoyens. Ces mesures résistent au contrôle de constitutionnalité si elles ne portent pas d'atteinte discriminatoire aux droits des justiciables.

B.8.5. Il appartient aussi au législateur d'apprécier si les violences auxquelles il entend mettre fin doivent faire l'objet de mesures préventives, de mesures réparatrices, de mesures visant à protéger les victimes ou de mesures répressives telles que la privation de liberté.

B.8.6. En se référant aux articles 398 à 405 du Code pénal, l'article 410bis concerne la violence physique qui n'est acceptable dans aucune circonstance et qu'aucune autorité soucieuse de l'intérêt général ne saurait tolérer. Il relève du pouvoir d'appréciation du législateur d'inciter les juges à la sévérité lorsqu'il s'agit de réprimer des infractions qui portent atteinte de manière particulièrement grave à l'intérêt général. La loi ne prévoit pas une augmentation du maximum des peines et elle n'écarte l'application, ni de l'article 25 du Code pénal (qui permet la correctionnalisation des crimes), ni des articles 79 à 85 du même Code qui permettent de réduire les peines de réclusion et d'emprisonnement s'il existe des circonstances atténuantes (Doc. parl., Chambre, 2004-2005, DOC 51-1843/001, p. 7), ni des dispositions de la loi du 29 juin 1964Documents pertinents retrouvés type loi prom. 29/06/1964 pub. 27/11/2009 numac 2009000776 source service public federal interieur Loi concernant la suspension, le sursis et la probation. - Coordination officieuse en langue allemande fermer concernant la suspension, le sursis et la probation. En augmentant, dans la mesure indiquée, le minimum des peines, le législateur a pris une mesure qui est en rapport avec l'objectif poursuivi et qui n'est pas disproportionnée à celui-ci.

B.9.1. Dans les quatrième et cinquième branches, la partie requérante fait valoir que l'article 410bis du Code pénal crée une différence de traitement injustifiée entre les personnes qu'il vise et celles qui, tout en se trouvant dans des situations similaires, ne sont pas visées et ne bénéficient donc pas de la protection qu'elle institue.

B.9.2. Les travaux préparatoires de la loi attaquée indiquent que le champ d'application de l'article 410bis fut largement discuté (Doc. parl., Chambre, 2005-2006, DOC 51-1843/007, pp. 5, 11 et 12).

Le Conseil d'Etat fit observer : « Les infractions commises contre les personnes visées par l'avant-projet portant atteinte de manière particulièrement grave à l'intérêt général, la modification projetée du Code pénal ne suscite pas d'objection.

Cependant, la multiplication des circonstances qui permettent une augmentation de la peine ou de son minimum pourrait faire naître des interrogations, par rapport aux articles 10 et 11 de la Constitution, sur l'impossibilité d'une telle augmentation dans d'autres circonstances qui portent également une atteinte particulièrement grave à l'intérêt général, en raison de la qualité (personnes âgées, usagers des transports en commun, personnes travaillant la nuit, etc.) ou de la profession de la victime (les fonctionnaires exerçant une mission de contrôle ou en contact avec le public, les transporteurs de fonds, les guichetiers de La Poste ou d'une banque privée, les stewards en matière de sécurité des matchs de football, les vétérinaires, voire les personnes exerçant une fonction policière ou assimilée, etc.) » (Doc. parl., Chambre, 2004-2005, DOC 51-1843/001, pp. 12 et 13).

Le Gouvernement répondit : « En réalité, il s'agit plutôt de la question du champ d'application ratione personae du présent projet.

Ainsi, les personnes qui seront dorénavant mieux protégées par les dispositions en projet seront celles qui remplissent une mission de service public fonctionnel ou une mission d'intérêt général dans les domaines de la mobilité, de la distribution du courrier, de la santé publique, de l'aide sociale ou de l'enseignement et qui dans l'exercice de leurs fonctions sont obligées, en vertu de leur statut ou de leur déontologie, d'entrer en contact avec le public bénéficiaire de leurs prestations. En outre, ces personnes exercent des métiers particulièrement exposés pour lesquelles il est ardu de recourir à des mesures de protection soit en raison de l'infrastructure soit en raison de la difficulté à évaluer a priori les dangers qu'elles encourent. [...] Par contre, les critères retenus n'incluent pas les personnes âgées, les usagers des transports en commun, les personnes travaillant la nuit, les transporteurs de fonds, les guichetiers de La Poste ou d'une banque privée, les chauffeurs de taxis ou les vétérinaires lorsqu'ils exercent à titre privé.

En effet, soit ces personnes n'exercent pas de mission de service public fonctionnel ni une mission d'intérêt général telle que définie ci-dessus, les obligeant à entrer en contact avec le public, soit elles ont la possibilité de recourir à d'autres mesures de protection.

Quant aux fonctionnaires exerçant une mission de contrôle, il est rappelé qu'en règle ceux-ci peuvent faire appel aux forces de l'ordre lors de leur mission de surveillance et de contrôle.

A titre d'exemple, la loi du 16 novembre 1972Documents pertinents retrouvés type loi prom. 16/11/1972 pub. 17/08/2007 numac 2007000738 source service public federal interieur Loi concernant l'inspection du travail fermer concernant l'inspection du travail peut être citée.

Le même raisonnement peut s'appliquer aux vétérinaires assumant des fonctions de surveillance et de contrôle, comme dans la lutte contre le trafic d'hormones ou dans le domaine de la sécurité alimentaire.

De plus, notre Code pénal prévoit l'infraction d'outrage qui réprime d'une part l'outrage par paroles, faits, gestes ou menaces et d'autre part les violences commis notamment envers les personnes ayant un caractère public, ce qui est le cas du personnel des services publics organiques, mais aussi envers les officiers ministériels, les agents dépositaires de l'autorité ou de la force publique.

En ce qui concerne les personnes exerçant une fonction policière, il est rappelé qu'outre l'infraction d'outrage, elles sont aussi protégées par l'infraction de rébellion qui punit l'attaque ou la résistance avec violences ou menaces envers les officiers ministériels, les gardes champêtres ou forestiers, les dépositaires ou agents de la force publique, les préposés à la perception des taxes ou des contributions, les porteurs de contrainte, les préposés des douanes, les séquestres, les officiers ou agents de la police administrative ou judiciaire agissant pour l'exécution des lois, des ordres ou ordonnances de l'autorité publique, des mandats de justice ou jugements.

En réalité, le présent projet n'a pas uniquement, comme le dit le Conseil d'Etat, pour objectif de viser les personnes ' en raison de la qualité [...] ou de la profession de la victime '. Il est plus précis : il s'agit de mieux protéger les personnes qui sont actuellement confrontées à un nouveau phénomène de violence, que la société et les pouvoirs publics ne peuvent tolérer, en donnant à la justice les moyens d'y apporter une réponse efficace » (Doc. parl., Chambre, 2004-2005, DOC 51-1843/001, pp. 5 et 6).

B.9.3. Il peut être admis que le législateur ait souhaité limiter le champ d'application de la disposition attaquée, afin d'éviter non seulement d'« affaiblir le signal » donné par celle-ci (Doc. parl., Chambre, 2005-2006, DOC 51-1843/007, pp. 7 et 12) mais aussi de généraliser l'alourdissement de peines liées à des circonstances aggravantes censées constituer une exception (Doc. parl., Sénat, 2006-2007, n° 3-1791/3, p. 7).

En outre, il peut aussi être admis que la protection que confère la disposition attaquée soit limitée à des personnes particulièrement exposées à un risque d'agression.

B.10. Le second moyen n'est pas fondé.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi prononcé en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, à l'audience publique du 31 juillet 2008.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, M. Melchior.

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