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Arrêt
publié le 06 novembre 2008

Extrait de l'arrêt n° 139/2008 du 22 octobre 2008 Numéro du rôle : 4318 En cause : le recours en annulation des dispositions des titres III et IV de la loi du 26 mars 2007 portant des dispositions diverses en vue de la réalisation de l'inté La Cour constitutionnelle, composée du président M. Bossuyt, du juge P. Martens, faisant fonctio(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 139/2008 du 22 octobre 2008 Numéro du rôle : 4318 En cause : le recours en annulation des dispositions des titres III et IV de la loi du 26 mars 2007Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/03/2007 pub. 27/04/2007 numac 2007022520 source service public federal securite sociale Loi portant des dispositions diverses en vue de la réalisation de l'intégration des petits risques dans l'assurance obligatoire soins de santé pour les travailleurs indépendants fermer portant des dispositions diverses en vue de la réalisation de l'intégration des petits risques dans l'assurance obligatoire soins de santé pour les travailleurs indépendants, introduit par la SA « DKV BELGIUM ».

La Cour constitutionnelle, composée du président M. Bossuyt, du juge P. Martens, faisant fonction de président, et des juges R. Henneuse, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, J. Spreutels et T. Merckx-Van Goey, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Bossuyt, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 23 octobre 2007 et parvenue au greffe le 24 octobre 2007, la SA « DKV Belgium », dont le siège social est établi à 1000 Bruxelles, boulevard Bischoffsheim 1-8, a introduit un recours en annulation des dispositions des titres III et IV de la loi du 26 mars 2007Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/03/2007 pub. 27/04/2007 numac 2007022520 source service public federal securite sociale Loi portant des dispositions diverses en vue de la réalisation de l'intégration des petits risques dans l'assurance obligatoire soins de santé pour les travailleurs indépendants fermer portant des dispositions diverses en vue de la réalisation de l'intégration des petits risques dans l'assurance obligatoire soins de santé pour les travailleurs indépendants (publiée au Moniteur belge du 27 avril 2007, deuxième édition). (...) II. En droit (...) Quant aux dispositions attaquées B.1.1. La loi du 6 juillet 1964 modifiant la loi du 9 août 1963 instituant et organisant un régime d'assurance obligatoire contre la maladie et l'invalidité et l'arrêté royal du 30 juillet 1964 « portant les conditions dans lesquelles l'application de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités est étendue aux travailleurs indépendants » ont eu pour conséquence que l'assurance obligatoire soins de santé, telle qu'elle était applicable aux travailleurs salariés, a été étendue aux travailleurs indépendants.

L'ensemble des soins assurés a toutefois été limité, pour les indépendants, aux « gros risques ». L'exclusion des « petits risques » a été justifiée par la crainte que les cotisations sociales compromettent la capacité d'investissement des indépendants ou grèvent excessivement le budget familial. Une assurance libre subventionnée par les pouvoirs publics offrait aux indépendants la possibilité de s'assurer également contre les « petits risques ».

B.1.2. L'arrêté royal du 10 juin 2006 « modifiant l'arrêté royal du 29 décembre 1997 portant les conditions dans lesquelles l'application de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994, est étendue aux travailleurs indépendants et aux membres des communautés religieuses » a étendu l'assurance obligatoire soins de santé aux « petits risques » en ce qui concerne les personnes qui ont entamé, après le 30 juin 2006, une activité professionnelle d'indépendant à titre principal et en ce qui concerne les indépendants pensionnés qui bénéficient d'un revenu garanti pour personnes âgées.

B.1.3. La loi du 26 mars 2007Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/03/2007 pub. 27/04/2007 numac 2007022520 source service public federal securite sociale Loi portant des dispositions diverses en vue de la réalisation de l'intégration des petits risques dans l'assurance obligatoire soins de santé pour les travailleurs indépendants fermer portant des dispositions diverses en vue de la réalisation de l'intégration des petits risques dans l'assurance obligatoire soins de santé pour les travailleurs indépendants (ci-après : la loi intégrant les petits risques) intègre, pour tous les travailleurs indépendants, les « petits risques » dans l'assurance obligatoire soins de santé. Le titre III (articles 12 à 37) et le titre IV (articles 38 à 58) de cette loi sont attaqués par l'actuel recours.

Les dispositions du titre III modifient sur plusieurs points la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994 (ci-après : la loi AMI).

Les dispositions du titre IV modifient sur plusieurs points la loi du 6 août 1990Documents pertinents retrouvés type loi prom. 06/08/1990 pub. 21/12/2007 numac 2007001031 source service public federal interieur Loi relative aux mutualités et aux unions nationales de mutualités. - Traduction allemande de dispositions modificatives du premier semestre 2007 type loi prom. 06/08/1990 pub. 17/03/2009 numac 2009000060 source service public federal interieur Loi relative aux mutualités et aux unions nationales de mutualités. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer relative aux mutualités et aux unions nationales de mutualités (ci-après : la loi relative aux mutualités).

Le titre II de la même loi, dont l'annulation n'est pas demandée, règle le financement de l'intégration des « petits risques » dans l'assurance obligatoire soins de santé des travailleurs indépendants.

Quant au premier moyen B.2. Dans le premier moyen, la partie requérante dénonce la violation des articles 10, 11 et 16 de la Constitution, combinés ou non avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme. Ce moyen comprend deux branches.

B.3. Dans la première branche, la partie requérante reproche aux dispositions attaquées de ne pas suffisamment tenir compte de l'existence des entreprises d'assurance privées. Le principe d'égalité et de non-discrimination serait violé pour deux raisons. Premièrement, les entreprises qui ne sont pas mentionnées à l'article 2, i), de la loi AMI, et qui étaient pourtant actives sur le marché de l'assurance des travailleurs indépendants contre les « petits risques », ne pourraient plus, par suite des dispositions attaquées, offrir utilement ces produits. Deuxièmement, ces entreprises ne bénéficieraient pas de dispositions transitoires réglant le sort des contrats en cours conclus avec des travailleurs indépendants.

B.4.1. Les dispositions attaquées intègrent pour les travailleurs indépendants l'assurance contre les « petits risques » dans l'assurance obligatoire soins de santé. A cet effet, elles modifient sur plusieurs points la loi AMI et la loi relative aux mutualités.

B.4.2. Cette intégration a pour effet que seuls les organismes mentionnés à l'article 2, i), de la loi AMI peuvent être considérés comme organismes assureurs.

Cet article dispose : « Dans la présente loi coordonnée, on entend : [...] i) par `organisme assureur', une union nationale, la Caisse auxiliaire d'assurance maladie-invalidité et la Caisse des soins de santé de la S.N.C.B. Holding ».

Les unions nationales sont définies de la manière suivante par l'article 6, § 1er, de la loi relative aux mutualités : « des associations d'au moins cinq mutualités ayant le même but que celui visé à l'article 2 et les mêmes missions que celles fixées à l'article 3 et qui, en vertu de la loi coordonnée du 14 juillet 1994, précitée, sont autorisées, en qualité d'organismes assureurs, à contribuer à l'exécution de l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités ».

L'article 2, § 1er, de la loi relative aux mutualités définit les mutualités comme suit : « des associations de personnes physiques qui, dans un esprit de prévoyance, d'assistance mutuelle et de solidarité, ont pour but de promouvoir le bien-être physique, psychique et social. Elles exercent leurs activités sans but lucratif ».

B.4.3. Etant donné que tous les travailleurs indépendants doivent s'assurer contre les « petits risques » auprès d'un des organismes visés à l'article 2, i) de la loi AMI, l'activité des assureurs privés qui souhaitent offrir utilement à des travailleurs indépendants un produit d'assurance visant à couvrir ces risques est entravée.

Ainsi, les dispositions attaquées créent une différence de traitement entre, d'une part, les assureurs privés qui étaient déjà actifs sur le marché de l'assurance des indépendants contre les « petits risques » et, d'autre part, les organismes visés à l'article 2, i), de la loi AMI. B.5. Le but de l'intégration des « petits risques » dans l'assurance obligatoire soins de santé des travailleurs indépendants consiste à assimiler sur ce point les indépendants aux travailleurs salariés, dont l'assurance obligatoire soins de santé couvrait toujours tant les « gros risques » que les « petits risques » (Doc. parl., Chambre, 2006-2007, DOC 51-2764/003, p. 3).

Aligner la protection sociale des travailleurs indépendants sur celle des travailleurs salariés est un objectif légitime. L'intégration des « petits risques » dans l'assurance obligatoire soins de santé est en outre pertinente pour atteindre le but poursuivi, étant donné que ces risques font également partie, pour les travailleurs salariés, de cette assurance obligatoire.

B.6.1. Comme la Cour l'a déjà constaté dans son arrêt n° 23/92 du 2 avril 1992, il existe une différence fondamentale entre les activités des mutualités et celles des compagnies d'assurances. Les mutualités fondent leur fonctionnement, par application de l'article 2, § 1er, de la loi relative aux mutualités, sur les principes fondamentaux de « prévoyance », d'« assistance mutuelle » et de « solidarité », et elles exercent leurs activités, en vertu de cette même disposition, sans but lucratif. En revanche, les assureurs privés poursuivent un but lucratif et utilisent pour cette raison des techniques d'assurance classiques comme la sélection des risques, la segmentation des souscripteurs et l'exclusion des mauvais risques.

L'équivalence, pour ce qui est de la couverture contre les « petits risques », de la protection sociale entre les travailleurs salariés et les travailleurs indépendants, serait insuffisamment atteinte si les mêmes organismes que les « organismes assureurs » au sens de l'article 2, i), de la loi AMI n'intervenaient pas pour les deux catégories.

B.6.2. En outre, les dispositions attaquées n'interdisent pas que les assureurs privés continuent d'offrir un produit qui complète la couverture offerte par l'assurance obligatoire.

B.6.3. Par conséquent, en reprenant dans l'assurance obligatoire soins de santé la couverture contre les « petits risques » pour les indépendants, le législateur n'a pas pris une mesure disproportionnée à l'objectif poursuivi.

B.7.1. La partie requérante fait en outre valoir que les dispositions attaquées ne prévoient pas de mesures transitoires réglant le sort des contrats d'assurance en cours qui ont été conclus entre des travailleurs indépendants et des assureurs privés en vue de couvrir les « petits risques ».

B.7.2. L'article 22, avant-dernier et dernier alinéa, de la loi du 9 août 1963 instituant et organisant un régime d'assurance obligatoire soins de santé et indemnités dispose : « Les contrats d'assurance privée souscrits par les personnes énumérées à l'alinéa premier, dont les garanties sont égales ou inférieures à celles résultant pour elles de l'application de la présente loi sont résiliés de plein droit à la date à laquelle ces personnes deviennent bénéficiaires de dispositions de la présente loi.

La prime est remboursée par l'assureur sous déduction de 25 % au prorata de la partie non couverte du risque.

Les contrats d'assurance dont les garanties sont supérieures à celles résultant pour les personnes qui les ont souscrits de l'application de la présente loi sont réduits à due concurrence à la date à laquelle ces personnes deviennent bénéficiaires des dispositions de la présente loi. Le remboursement de la prime afférente à la partie résiliée de plein droit se fait de la manière prévue à l'alinéa précédent ».

B.7.3. Cette disposition a été insérée par la loi précitée du 6 juillet 1964 dans la loi du 9 août 1963 en vue de l'extension réalisée, par l'arrêté royal du 30 juillet 1964, de l'assurance obligatoire soins de santé aux indépendants en ce qui concerne les « gros risques ». Etant donné que la loi du 26 mars 2007Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/03/2007 pub. 27/04/2007 numac 2007022520 source service public federal securite sociale Loi portant des dispositions diverses en vue de la réalisation de l'intégration des petits risques dans l'assurance obligatoire soins de santé pour les travailleurs indépendants fermer ne déroge pas à cette disposition rédigée en des termes généraux, cette loi, par suite de l'entrée en vigueur des dispositions attaquées, est également applicable aux contrats d'assurance en cours conclus entre des assureurs privés et des travailleurs indépendants en vue de couvrir les « petits risques ».

B.7.4. Etant donné que les dispositions attaquées ont été publiées au Moniteur belge du 27 avril 2007 et qu'en vertu de l'article 52 de la loi du 26 mars 2007Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/03/2007 pub. 27/04/2007 numac 2007022520 source service public federal securite sociale Loi portant des dispositions diverses en vue de la réalisation de l'intégration des petits risques dans l'assurance obligatoire soins de santé pour les travailleurs indépendants fermer, ces dispositions sont entrées en vigueur le 1er janvier 2008, les assureurs disposaient par ailleurs de sept mois pour se conformer à la nouvelle réglementation.

B.8. Le premier moyen, en sa première branche, n'est pas fondé.

B.9. Dans la seconde branche du premier moyen, la partie requérante reproche aux dispositions attaquées de constituer une réglementation du droit de propriété, au sens de l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, qui serait disproportionnée en ce qu'elles ont pour effet que la partie requérante, d'une part, ne peut plus offrir utilement ses produits d'assurance à des clients potentiels et, d'autre part, ne peut plus continuer de les offrir aux personnes qui étaient déjà assurées auprès d'elle.

B.10. L'article 16 de la Constitution dispose : « Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique, dans les cas et de la manière établis par la loi, et moyennant une juste et préalable indemnité ».

L'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme dispose : « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens.

Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ».

B.11.1. Eu égard à l'article 22, avant-dernier et dernier alinéa, précité, de la loi du 9 août 1963, l'entrée en vigueur des dispositions attaquées a une incidence sur les contrats en cours conclus entre des travailleurs indépendants et des assureurs privés en vue de couvrir les « petits risques ». Les dispositions attaquées constituent une restriction du droit de propriété en ce qu'elles ont pour conséquence que ces assureurs perdent une partie ou l'ensemble de leur droit au paiement des primes d'assurance prévues dans ces contrats.

Cette restriction ne constituerait une atteinte à l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme que si elle n'était pas prévue en vue de défendre un intérêt général légitime ou si elle n'était pas proportionnée à cet intérêt général.

B.11.2. En vue d'apprécier la légitimité de l'intérêt général, il convient de prendre en compte la grande latitude dont dispose le législateur pour mener une politique sociale, économique et fiscale (CEDH, 23 novembre 2000, ex-Roi de Grèce et autres c. Grèce, § 87).

Les dispositions attaquées alignent la protection sociale des travailleurs indépendants sur celle des travailleurs salariés pour ce qui est de l'assurance obligatoire soins de santé. Parallèlement, le titre II de la loi du 26 mars 2007Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/03/2007 pub. 27/04/2007 numac 2007022520 source service public federal securite sociale Loi portant des dispositions diverses en vue de la réalisation de l'intégration des petits risques dans l'assurance obligatoire soins de santé pour les travailleurs indépendants fermer modifie sur plusieurs points le financement de l'assurance obligatoire soins de santé. Les dispositions attaquées s'inscrivent dans le cadre du « Pacte des générations », qui prévoyait un nouveau système de financement de la sécurité sociale (Doc. parl., Chambre, 2006-2007, DOC 51-2764/003, p. 4). La poursuite d'une meilleure protection sociale des travailleurs indépendants et d'un meilleur financement du régime de sécurité sociale constitue un intérêt général légitime.

B.11.3. Pour les raisons indiquées en B.6.1 à B.6.3, les effets des dispositions attaquées sur les assureurs privés ne sont en outre pas disproportionnés à cet intérêt général.

B.11.4. Un contrôle des dispositions attaquées au regard des articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, coïnciderait avec l'examen de la première branche du premier moyen et ne saurait par conséquent aboutir à une autre conclusion.

B.12. Le premier moyen, en sa seconde branche, n'est pas fondé.

Quant au second moyen B.13. Dans le second moyen, la partie requérante dénonce la violation des articles 10, 11 et 16 de la Constitution, combinés avec les articles 43 et 49 du Traité CE. Ces dispositions seraient violées au motif que les dispositions attaquées réserveraient aux organismes nationaux l'offre de l'assurance obligatoire soins de santé, de sorte que les organismes établis dans un autre Etat membre de l'Union européenne, et qui étaient déjà actifs en Belgique dans le cadre de l'assurance des indépendants contre les petits risques, ne pourraient plus offrir leurs produits, en violation des libertés d'établissement et de prestation de services.

B.14. L'article 43 du Traité CE dispose : « Dans le cadre des dispositions visées ci-après, les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un Etat membre dans le territoire d'un autre Etat membre sont interdites. Cette interdiction s'étend également aux restrictions à la création d'agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d'un Etat membre établis sur le territoire d'un Etat membre.

La liberté d'établissement comporte l'accès aux activités non salariées et leur exercice, ainsi que la constitution et la gestion d'entreprises, et notamment de sociétés au sens de l'article 48, deuxième alinéa, dans les conditions définies par la législation du pays d'établissement pour ses propres ressortissants, sous réserve des dispositions du chapitre relatif aux capitaux ».

L'article 49 du Traité CE dispose : « Dans le cadre des dispositions visées ci-après, les restrictions à la libre prestation des services à l'intérieur de la Communauté sont interdites à l'égard des ressortissants des Etats membres établis dans un pays de la Communauté autre que celui du destinataire de la prestation.

Le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission, peut étendre le bénéfice des dispositions du présent chapitre aux prestataires de services ressortissants d'un Etat tiers et établis à l'intérieur de la Communauté ».

B.15.1. Au sujet de la compétence des Etats membres en ce qui concerne la sécurité sociale, la Cour de justice des Communautés européennes a jugé : « Il y a lieu de souligner que, selon une jurisprudence constante, le droit communautaire ne porte pas atteinte à la compétence des Etats membres pour aménager leurs systèmes de sécurité sociale » (CJCE, 28 avril 1998, C-158/96, Kohll, § 17).

La Cour de justice y a toutefois ajouté : « les Etats membres doivent néanmoins, dans l'exercice de cette compétence, respecter le droit communautaire [et] la nature particulière de certaines prestations de services ne saurait faire échapper ces activités au principe fondamental de libre circulation » (ibid., § § 19-20).

En vertu de cette jurisprudence, chaque Etat membre est libre de fixer les conditions auxquelles une personne peut ou doit s'affilier à un régime de sécurité sociale ainsi que les conditions auxquelles existe un droit à des allocations, sous réserve du respect des dispositions relatives à la libre circulation.

B.15.2. Selon la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, un Etat membre peut réserver la couverture d'un risque à un organe public précisé par la loi si cette pratique trouve une justification dans le droit communautaire, notamment si est ainsi poursuivi un objectif de politique sociale et si l'exclusion des assureurs privés est proportionnée à cet objectif.

Dans ce cadre, la Cour de justice tient notamment compte de l'assurabilité du risque, de la nature et du montant des cotisations, du montant des indemnités et de la possibilité pour les assureurs privés d'offrir un produit d'assurance complémentaire à l'assurance légale.

B.16.1. Les dispositions attaquées obligent dorénavant les travailleurs indépendants à souscrire également à l'assurance obligatoire soins de santé pour la couverture des « petits risques ».

En vertu de l'article 2, i), de la loi AMI, seuls certains organismes publics nationaux peuvent, à cet effet, intervenir comme « organismes assureurs ».

Ainsi, l'activité des assureurs privés établis dans un autre Etat membre de l'Union européenne qui souhaitent proposer utilement un produit d'assurance en vue de couvrir les « petits risques » des travailleurs indépendants peut être entravée.

B.16.2. L'article 46, paragraphe 1, du Traité CE dispose : « Les prescriptions du présent chapitre et les mesures prises en vertu de celles-ci ne préjugent pas l'applicabilité des dispositions législatives, réglementaires et administratives prévoyant un régime spécial pour les ressortissants étrangers, et justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique ».

L'article 55 du Traité CE rend également applicable à la libre circulation des services ce motif de justification, qui fait partie du titre « Le droit d'établissement ».

B.16.3. En ce qui concerne la justification de restrictions à la libre circulation des services dictées par des motifs tenant à la santé publique, la Cour de justice des communautés européennes a jugé : « A cet égard, si des objectifs de nature purement économique ne peuvent justifier une entrave au principe fondamental de libre circulation des marchandises, cependant, s'agissant des intérêts d'ordre économique ayant pour objectif le maintien d'un service médical et hospitalier équilibré et accessible à tous, la Cour a admis qu'un tel objectif pouvait également relever de l'une des dérogations pour des raisons de santé publique, dans la mesure où il contribue à la réalisation d'un niveau élevé de protection de la santé » (CJCE, 11 septembre 2008, C-141/07, Commission c. Allemagne, § 60).

B.16.4. Les dispositions attaquées assurent l'équivalence de protection contre les « petits risques » des travailleurs salariés et des travailleurs indépendants et garantissent l'unité du système d'assurance obligatoire soins de santé. L'entrave à la libre prestation de services et à la liberté d'établissement qui en découle apparaît comme raisonnablement justifiée eu égard à la nécessité de permettre l'accomplissement effectif, dans des conditions acceptables, de la mission d'intérêt général qui incombe aux organismes visés par les dispositions attaquées. Permettre à des entreprises d'assurance privées d'intervenir sur le marché considéré aurait en effet pour conséquence de confier une part croissante de « mauvais risques » aux organismes susdits, ce qui pourrait aboutir à l'impossibilité d'accomplir dans des conditions acceptables les missions d'intérêt général qui leur ont été imparties et à mettre en péril leur équilibre financier. Dès lors, les dispositions attaquées s'avèrent nécessaires pour réaliser l'objectif d'assurer un niveau de protection élevé de la santé publique et n'apparaissent pas aller au-delà d'une telle nécessité.

B.16.5. Etant donné que les dispositions attaquées sont justifiées pour des raisons de santé publique, elles ne violent pas les articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec les articles 43 et 49 du Traité CE. B.17. Le second moyen n'est pas fondé.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, à l'audience publique du 22 octobre 2008.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, M. Bossuyt.

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