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Arrêt
publié le 06 mai 2009

Extrait de l'arrêt n° 42/2009 du 11 mars 2009 Numéro du rôle : 4400 En cause : la question préjudicielle relative à la loi du 10 avril 1990 réglementant la sécurité privée et particulière, posée par le Tribunal de première instance de Bruxe La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Melchior et M. Bossuyt, et des juges P. Ma(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 42/2009 du 11 mars 2009 Numéro du rôle : 4400 En cause : la question préjudicielle relative à la loi du 10 avril 1990Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/04/1990 pub. 08/04/2000 numac 2000000153 source ministere de l'interieur Loi sur les entreprises de gardiennage, sur les entreprises de sécurité et sur les services internes de gardiennage . - Traduction allemande fermer réglementant la sécurité privée et particulière, posée par le Tribunal de première instance de Bruxelles.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Melchior et M. Bossuyt, et des juges P. Martens, R. Henneuse, E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, J. Spreutels et T. Merckx-Van Goey, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par jugement du 7 décembre 2007 en cause de la SPRL « Zanzibar » contre l'Etat belge, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 26 décembre 2007, le Tribunal de première instance de Bruxelles a posé la question préjudicielle suivante : « La loi du 10 avril 1990Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/04/1990 pub. 08/04/2000 numac 2000000153 source ministere de l'interieur Loi sur les entreprises de gardiennage, sur les entreprises de sécurité et sur les services internes de gardiennage . - Traduction allemande fermer sur la sécurité privée viole-t-elle les articles 10 et 11 de la Constitution, et le principe général d'égalité et de non-discrimination, interprétée en ce sens qu'elle ne permet pas au Tribunal de première instance, saisi d'un recours à l'encontre d'une décision infligeant une amende administrative à l'auteur d'une infraction à cette loi de lui accorder la suspension du prononcé ou un sursis, alors que le juge pénal peut user de cette faculté lorsqu'il statue sur les poursuites pénales des mêmes faits infractionnels ? N'en est-il pas de même en ce que la loi du 10 avril 1990Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/04/1990 pub. 08/04/2000 numac 2000000153 source ministere de l'interieur Loi sur les entreprises de gardiennage, sur les entreprises de sécurité et sur les services internes de gardiennage . - Traduction allemande fermer ne permet pas de bénéficier d'une réduction de l'amende en dessous des minima légaux, comme c'est le cas pour l'article 85 du Code pénal ? ». (...) III. En droit (...) Quant à la disposition en cause et à la portée de la question préjudicielle B.1.1. L'article 19 de la loi du 10 avril 1990Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/04/1990 pub. 08/04/2000 numac 2000000153 source ministere de l'interieur Loi sur les entreprises de gardiennage, sur les entreprises de sécurité et sur les services internes de gardiennage . - Traduction allemande fermer dispose : « § 1er. A toute personne physique ou morale qui ne respecte pas les dispositions de la présente loi ou de ses arrêtés d'exécution, à l'exception des infractions visées à l'article 18, il peut : 1° être adressé un avertissement par lequel le contrevenant est exhorté à mettre fin au fait imputé;2° ou être proposé un arrangement à l'amiable portant sur la moitié du montant de l'amende administrative visée au 3°, sans toutefois être inférieur à 100 euros.Le paiement du montant de l'arrangement à l'amiable annule la procédure visant à infliger une amende administrative; 3° ou être infligé une amende administrative de 100 euros à 25.000 euros étant entendu que l'amende administrative en cas d'infraction aux dispositions visées à ou en vertu de : - l'article 2, § 1er, ou l'article 4, est comprise entre 12.500 euros et 25.000 euros; - l'article 1er, § 1er, alinéas 2, 4 ou 6, l'article 2, § 2, l'article 3, l'article 9, § 4, ou l'article 15, est comprise entre 7.500 euros et 15.000 euros; - l'article 8, à l'exclusion du § 3, ou un des articles 13.1 jusque et y compris 13.14, est comprise entre 2.500 euros et 10.000 euros; - l'article 5, alinéa 1er, 1°, 5° ou 8°, l'article 6, alinéa 1er, 1° ou 8°, l'article 4bis, l'article 8, § 3, l'article 9, l'article 14 ou l'article 20, est comprise entre 1.000 euros et 2.500 euros; - l'article 6, alinéa 1er, 5°, est comprise entre 500 euros et 1.000 euros.

Les taux applicables aux amendes administratives sont : 1° majorés de moitié si, dans l'année après qu'un avertissement ait été adressé au contrevenant, tel que visé à l'alinéa 1er, 1°, l'agissement qui y a donné lieu est constaté;2° doublés si l'infraction est constatée dans les trois ans qui suivent l'acceptation d'un accord à l'amiable ou la décision d'infliger une amende administrative;3° doublés si l'infraction est constatée alors qu'elle l'a déjà été et que la cessation de l'agissement a été ordonnée dans le cadre de l'article 16, alinéa 3. En cas de concours d'infractions, les différents taux sont comptabilisés, sans que le montant total de ces taux ne puisse excéder le montant maximal visé à l'alinéa 1er, 3°. § 2. Le Roi désigne les fonctionnaires compétents visés aux articles 16, 19 et 20.

Le Procureur du Roi dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception du procès-verbal, visé à l'article 16, alinéa 5, pour examiner la qualification des faits et, le cas échéant, pour informer le fonctionnaire compétent visé à l'alinéa premier de ce qu'au vu de cette qualification, il estime devoir faire application de l'article 18. [...] § 5. Le fonctionnaire compétent, visé au § 2, alinéa 1er, décide d'infliger une amende administrative après avoir permis à celui qui viole la loi de présenter ses moyens de défense.

La décision fixe le montant de l'amende et est motivée.

Elle est notifiée, par lettre recommandée à la poste, à celui qui viole la loi ainsi qu'à la personne physique ou morale civilement responsable du paiement de l'amende administrative. Il y est annexé une invitation à payer l'amende dans le délai fixé par le Roi. Après l'écoulement de ce délai, un intérêt de retard, égal au taux d'intérêt légal, est dû.

Les personnes physiques ou morales visées à l'article 1er sont civilement responsables du paiement de l'amende administrative infligée à leurs administrateurs, aux membres de leur personnel dirigeant et d'exécution, à leurs préposés ou mandataires.

Lorsqu'elles n'ont pas de siège d'exploitation en Belgique, les entreprises, les organismes et les entreprises organisant un service fournissent une garantie bancaire réalisable à première demande à concurrence d'une somme de EUR 12.500,00 en garantie de paiement des redevances et des amendes administratives. Cette garantie bancaire doit pouvoir être entamée par les autorités belges. Le Roi définit les modalités et la procédure du dépôt de cette garantie bancaire, la manière dont les autorités font appel à cette garantie bancaire et son approvisionnement.

Celui à qui une amende est infligée ou la personne civilement responsable peut, dans le délai fixé par le Roi pour le paiement de l'amende, contester l'application de l'amende administrative par requête auprès du tribunal de première instance de Bruxelles. Ce recours suspend l'exécution de la décision.

Le recours, par lequel l'application de l'amende administrative est contestée, est uniquement recevable si une copie de la requête est envoyée par lettre recommandée à la poste au fonctionnaire compétent, visé au § 2, alinéa 1er, au plus tard à la date du dépôt de la requête au tribunal.

Aucun appel n'est possible contre la décision du tribunal de première instance. » B.1.2. Il ressort des termes de la question préjudicielle, éclairés par les motifs du jugement qui la pose, qu'est soumise au contrôle de la Cour la loi du 10 avril 1990Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/04/1990 pub. 08/04/2000 numac 2000000153 source ministere de l'interieur Loi sur les entreprises de gardiennage, sur les entreprises de sécurité et sur les services internes de gardiennage . - Traduction allemande fermer réglementant la sécurité privée et particulière, mais uniquement en ce que celui qui exerce, devant le Tribunal de première instance de Bruxelles, un recours contre une décision lui infligeant une amende administrative ne peut bénéficier de certaines modalités d'individualisation de la peine.

Il s'ensuit que la question préjudicielle porte, en réalité, sur l'article 19, § 5, alinéa 6, précité de la loi.

B.2.1. La Cour est interrogée sur la compatibilité de cet article 19, § 5, alinéa 6, avec les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il ne permet pas au Tribunal de première instance de Bruxelles d'accorder la suspension du prononcé ou une mesure de sursis, ni de réduire l'amende en dessous des minima légaux, alors que le juge pénal peut user de cette faculté lorsqu'il statue sur les poursuites pénales intentées, selon le juge a quo, en raison des mêmes faits.

B.2.2. Les amendes prévues par l'article 19, § 1er, ont pour objet de prévenir et de sanctionner les infractions commises par les sociétés actives dans le domaine de la sécurité privée et particulière - ou par les membres de leur personnel - qui ne respectent pas les obligations imposées par la loi en cause.

Ces obligations sont, entre autres, d'agir dans les limites légales, de détenir les autorisations, agréments et assurances requis, d'agir dans les limites autorisées, d'informer les autorités judiciaires et administratives des activités de la société et de respecter les conditions générales et particulières d'exercice.

B.2.3. L'article 19, § 1er, alinéa 1er, de la loi exclut expressément de son champ d'application les infractions qui sont sanctionnées pénalement en vertu de l'article 18 de cette loi. Il s'ensuit qu'un même manquement à la loi du 10 avril 1990Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/04/1990 pub. 08/04/2000 numac 2000000153 source ministere de l'interieur Loi sur les entreprises de gardiennage, sur les entreprises de sécurité et sur les services internes de gardiennage . - Traduction allemande fermer précitée ne peut faire l'objet tantôt de sanctions pénales, tantôt de sanctions administratives.

En vertu de l'article 18 de la loi, les infractions aux articles 8, § 2, alinéas 2 à 5, et 11 sont punies d'une amende de 25 à 25.000 euros et les infractions à l'article 10 sont punies d'une amende de 2,50 à 2.500 euros.

L'article 8, § 2, contient des dispositions concernant le stockage, le port, la détention et l'enregistrement d'armes.

L'article 10 oblige les entreprises, services et organismes qui relèvent du champ d'application de la loi, ainsi que les membres du personnel de ces entreprises, services et organismes et les personnes travaillant pour leur compte, à communiquer sans délai aux autorités judiciaires, chaque fois que celles-ci le demandent, toutes les informations relatives aux délits dont ils ont connaissance dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs activités.

L'article 11 interdit de s'immiscer ou d'intervenir dans un conflit politique ou dans un conflit de travail, d'intervenir lors de ou à l'occasion d'activités syndicales ou à finalité politique, d'exercer une surveillance sur les opinions politiques, philosophiques, religieuses ou syndicales ou sur l'appartenance mutualiste, ainsi que sur l'expression de ces opinions, de créer à cette fin des banques de données et de communiquer à des tiers une information quelconque sur leurs clients et les membres du personnel de ces derniers.

B.2.4. Les services internes de gardiennage disposent de pouvoirs importants en ce qui concerne tant le contrôle et la surveillance des personnes, le cas échéant, dans des lieux accessibles au public que la constatation d'infractions administratives. En outre, les autorisations de stockage, de détention et de port d'armes dans le chef des services internes de gardiennage et de leur personnel sont soumises à des dispositions dérogatoires au droit commun (article 8, § 2).

Les personnes qui travaillent au service ou pour le compte d'un service interne de gardiennage peuvent, sous certaines conditions, procéder au contrôle des vêtements ou des biens personnels ainsi que se faire présenter ou remettre, contrôler, copier ou conserver des documents d'identité (article 8, §§ 6bis à 6quater et § 11). Elles ne peuvent toutefois exercer leurs compétences que dans la mesure où, conformément à une loi, celles-ci ne sont pas exclusivement réservées aux représentants de l'autorité publique (article 8, § 8, alinéa 2).

B.2.5. Comme le soulignent les travaux préparatoires de la loi du 7 mai 2004Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/2004 pub. 03/06/2004 numac 2004000264 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 10 avril 1990 sur les entreprises de gardiennage, les entreprises de sécurité et les services internes de gardiennage, la loi du 29 juillet 1934 interdisant les milices privées et la loi du 19 juillet 1991 organisant la profession de détective privé fermer « modifiant la loi du 10 avril 1990Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/04/1990 pub. 08/04/2000 numac 2000000153 source ministere de l'interieur Loi sur les entreprises de gardiennage, sur les entreprises de sécurité et sur les services internes de gardiennage . - Traduction allemande fermer sur les entreprises de gardiennage, les entreprises de sécurité et les services internes de gardiennage, la loi du 29 juillet 1934 interdisant les milices privées et la loi du 19 juillet 1991 organisant la profession de détective privé », l'objectif du législateur a été de créer « une base juridique afin de confier au secteur de la sécurité privée certaines activités qui sont aujourd'hui exercées par les services de police mais qui ne relèvent pas de leurs activités essentielles et certaines situations hybrides de surveillance privée apparues au fil des années » (Doc. parl., Chambre, 2002-2003, DOC 50-2328/001, p. 4).

Quant au contrôle de la Cour B.3.1. En ce qui concerne les amendes administratives, il fut précisé dans les travaux préparatoires de la loi en cause : « Outre les sanctions prévues à l'article 17 et les peines prévues à l'article 18, ce sont surtout les amendes administratives qui doivent assurer le respect de la présente loi et de ses arrêtés d'exécution.

Les amendes administratives n'ont pas d'influence sur le casier judiciaire, portent atteinte à l'honneur dans une moindre mesure et pourront de ce fait être appliquées d'une manière plus souple que les peines proprement dites.

Si cependant le montant de l'amende est suffisamment élevé, l'effet dissuasif en sera incontournable » (Doc. parl., Sénat, 1988-1989, n° 775/1, p. 20).

Les sanctions visées à l'article 17 de la loi sont le retrait ou la suspension, par le ministre compétent, de l'autorisation ou de l'agrément et le retrait de la carte d'identification visée à l'article 8, § 3.

B.3.2. Les amendes administratives visées par la disposition en cause sont de nature pénale au sens de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.

La Cour doit dès lors prendre en compte, dans le contrôle qu'elle exerce au regard des articles 10 et 11 de la Constitution, les garanties contenues dans cet article 6 et, notamment, la garantie qu'un juge indépendant et impartial puisse exercer un contrôle de pleine juridiction sur l'amende infligée par l'autorité administrative compétente.

B.4. Les garanties contenues à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme n'exigent pas qu'en outre, toute personne à laquelle est infligée une sanction administrative, qualifiée de pénale au sens de cette disposition, puisse se voir appliquer les mêmes mesures d'adoucissement de la peine que celles dont bénéficie la personne à laquelle est infligée une sanction qualifiée de pénale au sens du droit interne. Dès lors que la décision d'infliger une amende administrative peut faire l'objet d'un contrôle de pleine juridiction, la Cour doit, en ce qui concerne les autres aspects en cause, limiter son contrôle au respect des articles 10 et 11 de la Constitution.

B.5. Lorsque le législateur estime que certains manquements à des dispositions législatives doivent faire l'objet d'une répression, il relève de son pouvoir d'appréciation de décider s'il est opportun d'opter pour des sanctions pénales sensu stricto ou pour des sanctions administratives. Le choix de l'une ou l'autre catégorie de sanctions ne peut être considéré comme établissant en soi une discrimination.

Il n'y aurait discrimination que si la différence de traitement qui découle de ce choix impliquait une restriction disproportionnée des droits des personnes concernées.

B.6. L'appréciation de la gravité d'un manquement et la sévérité avec laquelle ce manquement peut être puni relèvent également du pouvoir d'appréciation du législateur. Il peut imposer des peines particulièrement lourdes dans des matières où les infractions sont de nature à porter gravement atteinte aux droits fondamentaux des individus et aux intérêts de la collectivité.

C'est dès lors au législateur qu'il appartient de fixer les limites et les montants à l'intérieur desquels le pouvoir d'appréciation de l'administration et, par conséquent, celui du tribunal, doit s'exercer. La Cour ne pourrait censurer un tel système que s'il était manifestement déraisonnable (arrêt n° 93/2008 du 26 juin 2008, B.15.3), notamment parce qu'il porterait une atteinte disproportionnée au principe général qui exige qu'en matière de sanctions rien de ce qui appartient au pouvoir d'appréciation de l'administration n'échappe au contrôle du juge (arrêt n° 138/2006 du 14 septembre 2006, B.7.2), ou au droit au respect des biens lorsque la loi prévoit un montant fixe et n'offre donc pas un choix qui se situerait entre cette peine, en tant que peine maximale, et une peine minimale (arrêt n° 81/2007 du 7 juin 2007, B.9.4).

Hormis de telles hypothèses, la Cour empiéterait sur le domaine réservé au législateur si, en s'interrogeant sur la justification des différences qui existent entre les nombreux textes législatifs prévoyant des sanctions pénales ou administratives, elle ne limitait pas son examen, en ce qui concerne l'échelle des peines et les mesures d'adoucissement de celles-ci, aux cas dans lesquels le choix du législateur contient une incohérence telle qu'il aboutit à une différence de traitement manifestement déraisonnable.

Quant à la jurisprudence de la Cour B.7. Lorsque l'auteur d'un même fait peut être puni de manière alternative, c'est-à-dire lorsque, pour les mêmes faits, il peut, soit être renvoyé devant le tribunal correctionnel, soit se voir infliger une amende administrative contre laquelle un recours lui est offert devant un tribunal non pénal, la Cour a jugé qu'un parallélisme doit en principe exister entre les mesures d'individualisation de la peine : lorsque, pour les mêmes faits, le tribunal correctionnel peut infliger une amende inférieure au minimum légal s'il existe des circonstances atténuantes (article 85 du Code pénal) ou lorsqu'il peut accorder un sursis ( loi du 29 juin 1964Documents pertinents retrouvés type loi prom. 29/06/1964 pub. 27/11/2009 numac 2009000776 source service public federal interieur Loi concernant la suspension, le sursis et la probation. - Coordination officieuse en langue allemande fermer), le tribunal du travail, saisi du recours dirigé contre la décision d'infliger une sanction administrative, doit en principe disposer des mêmes possibilités d'individualisation de la peine (arrêts nos 40/97, 45/97, 128/99, 86/2007).

B.8. Le législateur a tenu compte de cette jurisprudence en ce qui concerne les circonstances atténuantes : par la loi du 13 février 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 13/02/1998 pub. 19/02/1998 numac 1998012088 source ministere de l'emploi et du travail Loi portant des dispositions en faveur de l'emploi type loi prom. 13/02/1998 pub. 19/02/1998 numac 1998012125 source ministere de l'emploi et du travail Loi modifiant le code judiciaire à l'occasion de la loi du 13 février 1998 portant des dispositions en faveur de l'emploi fermer portant des dispositions en faveur de l'emploi, il a inséré dans la loi du 30 juin 1971 un article 1erter qui, s'il existe des circonstances atténuantes, autorise tant le fonctionnaire que le tribunal du travail à réduire l'amende, sans qu'elle puisse être inférieure, selon les cas, à 40 ou 80 p.c. des minimums fixés dans la loi. Les articles 79 à 117 de la même loi du 13 février 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 13/02/1998 pub. 19/02/1998 numac 1998012088 source ministere de l'emploi et du travail Loi portant des dispositions en faveur de l'emploi type loi prom. 13/02/1998 pub. 19/02/1998 numac 1998012125 source ministere de l'emploi et du travail Loi modifiant le code judiciaire à l'occasion de la loi du 13 février 1998 portant des dispositions en faveur de l'emploi fermer ont également modifié les règles du droit pénal social et, dans le souci d'harmoniser ces règles avec celles relatives aux amendes administratives applicables aux mêmes infractions, ils disposent que, dorénavant, le juge pourra tenir compte de circonstances atténuantes mais sans pouvoir réduire l'amende en dessous des mêmes pourcentages, afin de conserver à ces amendes un caractère suffisamment dissuasif.

Il existe donc aujourd'hui, à cet égard, un parallélisme entre les dispositions sur les amendes administratives et celles du droit pénal.

B.9. Par contre, le législateur n'a pas permis au tribunal du travail d'accorder une mesure de sursis ou la suspension du prononcé. La Cour a considéré que cette dernière mesure était difficilement conciliable avec une procédure qui ne se déroule pas devant une juridiction pénale, mais elle a jugé discriminatoire que le sursis ne puisse être accordé par le tribunal du travail (arrêt n° 105/2004 du 16 juin 2004).

B.10. Dans la loi en cause, le législateur avait à l'origine opté pour un système de « sanctions alternatives » comparable à celui des amendes en matière sociale (Doc. parl., Sénat, 1988-1989, n° 775-1, pp. 40 et 41) mais, pour tenir compte d'une remarque de la section de législation du Conseil d'Etat, qui redoutait « qu'une confusion s'instaure entre l'infraction pénale et l'infraction administrative » (ibid., pp. 57 à 60), il a distingué les faits qui sont passibles d'une amende pénale (article 18) et d'autres faits qui peuvent faire l'objet d'une sanction administrative (article 19).

Le raisonnement tenu dans les arrêts cités en B.7 ne peut donc être reproduit en l'espèce puisque les articles 18 et 19 de la loi en cause répriment des faits différents.

B.11. Au sujet du Code de la TVA, qui prévoit, pour les mêmes faits, des sanctions cumulatives, c'est-à-dire des amendes fiscales et des amendes pénales, la Cour a jugé qu'il est discriminatoire de ne pas pouvoir assortir d'un sursis l'amende fiscale, dont le montant est égal à deux fois la somme éludée, alors que l'amende pénale, qui varie entre 250 et 125.000 euros, peut être fixée au-dessous de ce minimum en cas de circonstances atténuantes et peut faire l'objet d'un sursis (arrêt n° 157/2008 du 6 novembre 2008).

Le même raisonnement n'est pas transposable tel quel en l'espèce puisque l'amende administrative et l'amende pénale ne répriment pas les mêmes faits.

B.12. En ce qui concerne les décrets flamands des 19 décembre 1998 et 22 décembre 1999, contenant diverses mesures d'accompagnement du budget, qui prévoient que ceux qui endommagent le revêtement routier sont passibles d'une amende administrative de 100 à 750 francs pour certains faits, d'une amende pénale de 100 à 75 000 francs pour d'autres, la Cour a jugé que, dès lors qu'il décide de fixer le montant de l'amende administrative au taux minimal de l'amende pénale, le législateur décrétal pouvait, en contrepartie, faire en sorte que cette amende conserve un caractère suffisamment dissuasif en ne permettant pas de la réduire en application de circonstances atténuantes (arrêt n° 127/2000 du 6 décembre 2000).

Ce raisonnement n'est pas transposable à la loi en cause, où il existe une différence sensible entre le minimum de l'amende pénale et les montants minimums des amendes administratives.

Quant à la loi en cause dans sa version originaire B.13. La loi du 10 avril 1990Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/04/1990 pub. 08/04/2000 numac 2000000153 source ministere de l'interieur Loi sur les entreprises de gardiennage, sur les entreprises de sécurité et sur les services internes de gardiennage . - Traduction allemande fermer prévoyait à l'origine que les infractions pénales étaient punies, selon le cas, d'une amende de 25 à 25.000 euros ou de 2,50 à 2.500 euros (article 18, alinéa 1er), tandis que l'amende administrative était de 100 à 25.000 euros.

Pour les amendes pénales, le tribunal correctionnel pouvait descendre en dessous du minimum en application de l'article 85 du Code pénal et il pouvait faire bénéficier le prévenu des dispositions de la loi du 29 juin 1964Documents pertinents retrouvés type loi prom. 29/06/1964 pub. 27/11/2009 numac 2009000776 source service public federal interieur Loi concernant la suspension, le sursis et la probation. - Coordination officieuse en langue allemande fermer concernant la suspension, le sursis et la probation. Il existait donc une différence entre l'amende pénale et l'amende administrative en ce qui concerne les mesures d'individualisation de la peine.

B.14. Toutefois, en ce qui concerne l'amende administrative, dès l'origine, le fonctionnaire pouvait adresser un avertissement ou proposer un accord à l'amiable (article 19, § 1er, 1° et 2°), ce qui permettait à ce fonctionnaire, sous le contrôle du tribunal, d'individualiser la peine. Quant au montant de l'amende administrative, dès lors que son minimum était fixé à 100 euros, il n'était pas déraisonnable de ne pas permettre au fonctionnaire, et par conséquent au Tribunal de première instance de Bruxelles, de descendre en dessous de ce minimum.

B.15. Il peut être déduit de ce qui précède que, si les mesures d'individualisation de la peine décrites en B.14 n'étaient pas identiques à celles dont peut user le juge pénal, la différence de traitement entre personnes, selon qu'elles pouvaient se voir infliger une amende administrative ou une amende pénale, n'était pas telle qu'elle eût porté une atteinte disproportionnée aux droits des premières, le Tribunal de première instance de Bruxelles pouvant exercer un contrôle de pleine juridiction sur la décision du fonctionnaire.

Quant à la loi en cause dans sa version actuelle B.16. Il convient toutefois d'examiner les modifications apportées à la loi du 10 avril 1990Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/04/1990 pub. 08/04/2000 numac 2000000153 source ministere de l'interieur Loi sur les entreprises de gardiennage, sur les entreprises de sécurité et sur les services internes de gardiennage . - Traduction allemande fermer par la loi du 2 septembre 2005 « simplifiant la loi du 10 avril 1990Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/04/1990 pub. 08/04/2000 numac 2000000153 source ministere de l'interieur Loi sur les entreprises de gardiennage, sur les entreprises de sécurité et sur les services internes de gardiennage . - Traduction allemande fermer réglementant la sécurité privée et particulière ».

B.17. L'article 19, § 1er, alinéa 2, de la loi du 10 avril 1990Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/04/1990 pub. 08/04/2000 numac 2000000153 source ministere de l'interieur Loi sur les entreprises de gardiennage, sur les entreprises de sécurité et sur les services internes de gardiennage . - Traduction allemande fermer, qui fixait l'amende administrative entre un minimum de 100 euros et un maximum de 25.000 euros, attribuait en outre au Roi la compétence « dans les limites de l'échelle, telle que visée à l'alinéa 1er, 3°, » de « fixer le taux des amendes administratives et des accords à l'amiable ». Le législateur considéra à raison, en se fondant sur les motifs de l'arrêt de la Cour n° 27/2005 du 2 février 2005, que cette délégation n'était pas compatible avec le principe de légalité en matière pénale (Doc. parl., Chambre, 2004-2005, DOC 51-1775/001, p. 8, et DOC 51-1775/003, p. 4). Par la loi précitée du 2 septembre 2005, il abrogea la délégation que l'article 19, § 1er, alinéa 2, accordait au Roi et détermina lui-même les minimums et les maximums des amendes administratives, tels qu'ils sont détaillés à l'article 19, § 1er, cité en B.1.1.

B.18. Cette amélioration du texte initial au regard du principe de légalité a toutefois pour conséquence que les possibilités d'individualisation de la peine dont dispose le fonctionnaire compétent, sous le contrôle du Tribunal de première instance de Bruxelles, diffèrent dans une large mesure de celles dont dispose le tribunal correctionnel quand il inflige l'amende pénale prévue par l'article 18 de la loi.

B.19. Ainsi, lorsque, comme c'est le cas dans le litige pendant devant le juge a quo, le fonctionnaire inflige une amende administrative pour infraction à l'article 2, § 1er, de la loi, il ne peut descendre sous le minimum prévu de 12.500 euros et l'« arrangement à l'amiable » qu'il propose ne peut porter sur un montant inférieur à la moitié de cette somme (article 19, § 1er, 2° et 3°, premier tiret).

B.20. Pour justifier le montant des amendes administratives, il avait été observé, dans les travaux préparatoires de la loi du 10 avril 1990Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/04/1990 pub. 08/04/2000 numac 2000000153 source ministere de l'interieur Loi sur les entreprises de gardiennage, sur les entreprises de sécurité et sur les services internes de gardiennage . - Traduction allemande fermer, que « si cependant le montant de l'amende est suffisamment élevé, l'effet dissuasif en sera incontournable » (Doc. parl., Sénat, 1988-1989, n° 775-1, p. 20). Une telle considération peut justifier que le maximum des amendes puisse atteindre 25.000 euros. Mais elle ne peut expliquer que, dans la même loi, les infractions pénales, qui sont censées être plus graves que les infractions punies d'une amende administrative, puissent être réduites à des montants largement inférieurs à ceux des amendes administratives.

Une telle situation, en ce qui concerne le taux et les mesures de modération de la peine, doit être considérée comme étant à ce point incohérente qu'elle conduit à une différence de traitement manifestement déraisonnable.

B.21. La question préjudicielle appelle une réponse affirmative mais uniquement dans la mesure où l'article 19, § 1er, de la loi du 10 avril 1990Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/04/1990 pub. 08/04/2000 numac 2000000153 source ministere de l'interieur Loi sur les entreprises de gardiennage, sur les entreprises de sécurité et sur les services internes de gardiennage . - Traduction allemande fermer, telle que celle-ci a été modifiée par la loi du 2 septembre 2005, fixe les minimums des amendes administratives à des montants très supérieurs à ceux des amendes pénales, sans que l'article 19, § 5, alinéa 6, de la même loi permette au juge de réduire les amendes administratives en dessous des minimums fixés par la loi.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 19, § 5, alinéa 6, de la loi du 10 avril 1990Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/04/1990 pub. 08/04/2000 numac 2000000153 source ministere de l'interieur Loi sur les entreprises de gardiennage, sur les entreprises de sécurité et sur les services internes de gardiennage . - Traduction allemande fermer réglementant la sécurité privée et particulière, modifiée par la loi du 2 septembre 2005 « simplifiant la loi du 10 avril 1990Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/04/1990 pub. 08/04/2000 numac 2000000153 source ministere de l'interieur Loi sur les entreprises de gardiennage, sur les entreprises de sécurité et sur les services internes de gardiennage . - Traduction allemande fermer réglementant la sécurité privée et particulière », viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il ne permet pas aux personnes qui exercent le recours prévu par cette disposition de bénéficier d'une réduction de l'amende administrative en deçà du minimum légal.

Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, à l'audience publique du 11 mars 2009.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, M. Melchior.

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