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Arrêt
publié le 30 juillet 2010

Extrait de l'arrêt n° 49/2010 du 29 avril 2010 Numéro du rôle : 4857 En cause : la question préjudicielle relative aux articles 2 et 4 de la loi du 25 juillet 2008 modifiant le Code civil et les lois coordonnées du 17 juillet 1991 sur la co La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et M. Melchior, et des juges R. He(...)

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Extrait de l'arrêt n° 49/2010 du 29 avril 2010 Numéro du rôle : 4857 En cause : la question préjudicielle relative aux articles 2 et 4 de la loi du 25 juillet 2008Documents pertinents retrouvés type loi prom. 25/07/2008 pub. 22/08/2008 numac 2008009714 source service public federal justice Loi modifiant le Code civil et les lois coordonnées du 17 juillet 1991 sur la comptabilité de l'Etat en vue d'interrompre la prescription de l'action en dommages et intérêts à la suite d'un recours en annulation devant le Conseil d'Etat fermer modifiant le Code civil et les lois coordonnées du 17 juillet 1991 sur la comptabilité de l'Etat en vue d'interrompre la prescription de l'action en dommages et intérêts à la suite d'un recours en annulation devant le Conseil d'Etat, posée par la Cour d'appel d'Anvers.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et M. Melchior, et des juges R. Henneuse, L. Lavrysen, J.-P. Moerman et E. Derycke, et, conformément à l'article 60bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, du président émérite P. Martens, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Bossuyt, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt du 20 janvier 2010 en cause de Jozef De Schauwer contre le centre public d'action sociale de Boom, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 27 janvier 2010, la Cour d'appel d'Anvers a posé la question préjudicielle suivante : « Les articles 2 et 4 de la loi du 25 juillet 2008Documents pertinents retrouvés type loi prom. 25/07/2008 pub. 22/08/2008 numac 2008009714 source service public federal justice Loi modifiant le Code civil et les lois coordonnées du 17 juillet 1991 sur la comptabilité de l'Etat en vue d'interrompre la prescription de l'action en dommages et intérêts à la suite d'un recours en annulation devant le Conseil d'Etat fermer modifiant le Code civil et les lois coordonnées du 17 juillet 1991 sur la comptabilité de l'Etat en vue d'interrompre la prescription de l'action en dommages et intérêts à la suite d'un recours en annulation devant le Conseil d'Etat violent-ils le principe constitutionnel d'égalité et le principe de non-discrimination inscrits aux articles 10 et 11 de la Constitution, tant lus isolément qu'en combinaison avec la protection du droit de propriété contenue dans l'article 1 du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme et avec le principe de la sécurité juridique, en ce que, par suite de l'entrée en vigueur des articles de loi : - d'une part, le débiteur qui, en application de l'article 2262bis du Code civil, avait acquis la prescription d'une action en dommages et intérêts extracontractuelle qui pouvait lui être opposée et qui avait également vu cette prescription confirmée par une décision judiciaire devenue définitive, conserve cette prescription, - d'autre part, le débiteur qui, en application de l'article 2262bis du Code civil, avait acquis la prescription d'une action en dommages et intérêts extracontractuelle qui pouvait lui être opposée, sans que soit intervenue une décision devenue définitive, voit revivre contre lui cette action prescrite ? ».

Le 9 février 2010, en application de l'article 72, alinéa 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, les juges-rapporteurs E. Derycke et R. Henneuse ont informé la Cour qu'ils pourraient être amenés à proposer de rendre un arrêt de réponse immédiate. (...) III. En droit (...) Quant aux dispositions en cause B.1.1. La loi du 25 juillet 2008Documents pertinents retrouvés type loi prom. 25/07/2008 pub. 22/08/2008 numac 2008009714 source service public federal justice Loi modifiant le Code civil et les lois coordonnées du 17 juillet 1991 sur la comptabilité de l'Etat en vue d'interrompre la prescription de l'action en dommages et intérêts à la suite d'un recours en annulation devant le Conseil d'Etat fermer modifiant le Code civil et les lois coordonnées du 17 juillet 1991 sur la comptabilité de l'Etat en vue d'interrompre la prescription de l'action en dommages et intérêts à la suite d'un recours en annulation devant le Conseil d'Etat (ci-après : la loi du 25 juillet 2008Documents pertinents retrouvés type loi prom. 25/07/2008 pub. 22/08/2008 numac 2008009714 source service public federal justice Loi modifiant le Code civil et les lois coordonnées du 17 juillet 1991 sur la comptabilité de l'Etat en vue d'interrompre la prescription de l'action en dommages et intérêts à la suite d'un recours en annulation devant le Conseil d'Etat fermer) prévoit que le délai de prescription d'une action en réparation du dommage causé par un acte administratif annulé est interrompu par suite de l'introduction d'un recours en annulation auprès du Conseil d'Etat.

B.1.2. Ce régime a été commenté comme suit dans les travaux préparatoires : « L'arriéré au Conseil d'Etat est un problème qui ne date pas d'hier et qui s'est amplifié, au cours de ces dix dernières années, au point d'en devenir intenable. [...] [...] les citoyens ordinaires, qui sont confrontés à une décision des pouvoirs publics qu'ils considèrent comme illégale, [...] ont [...] la faculté d'introduire des recours en suspension et en annulation devant le Conseil d'Etat.

Malheureusement, l'ampleur de l'arriéré les condamne à rester des années durant dans l'incertitude à propos de leur statut juridique. [...] Cinq années s'écoulent en moyenne avant que les citoyens concernés soient fixés sur l'annulation ou non d'une décision pour cause d'infraction à la loi, et puissent, en conséquence, prétendre à des dommages et intérêts.

Or, conformément à l'article 2262bis du Code civil, toutes les actions en réparation d'un dommage fondées sur une responsabilité extra-contractuelle se prescrivent par cinq ans à partir du jour qui suit celui où la personne lésée a eu connaissance du dommage ou de son aggravation et de l'identité de la personne responsable. [...] Vu la procédure de recours administratif susceptible de s'intercaler, une partie du délai de prescription s'est souvent déjà écoulée avant que le recours en annulation soit introduit devant le Conseil d'Etat. [...] Il y a donc une forte probabilité que l'action en réclamation de dommages et intérêts se prescrive au cours de la procédure en annulation. Beaucoup d'avocats conseilleront par conséquent à leurs clients d'engager une action civile immédiatement après l'introduction du recours en annulation ou au cours de la procédure devant le Conseil d'Etat, et de demander le renvoi de cette action au rôle.

En effet, aux termes de l'article 2244 du Code civil, une citation en justice forme une interruption civile. Conformément à une jurisprudence constante, cette interruption subsiste d'ailleurs tant que l'affaire reste pendante, si bien que le nouveau délai de prescription ne commence à courir qu'après la fin de l'instance en question.

Cette pratique juridique née du mauvais fonctionnement de l'institution n'est cependant pas une bonne chose, dans la mesure où elle rejette entièrement sur le citoyen le risque de la perte du droit à des dommages et intérêts : c'est le citoyen qui devient une victime potentielle de la lenteur anormale de la justice. Par ailleurs, cette façon de faire encombre les rôles des tribunaux civils d'affaires qui ne sont pas en état d'être jugées pendant des années, créant ainsi un surcroît inutile de la charge administrative.

Cela représente en outre un coût supplémentaire inutile à charge du citoyen qui doit constater au bout du compte que la décision contestée des pouvoirs publics n'a pas été annulée » (Doc. parl., Sénat, S.E. 2007, n° 4-10/1, pp. 1-3).

B.2. Les articles 2 et 4, en cause, de la loi du 25 juillet 2008Documents pertinents retrouvés type loi prom. 25/07/2008 pub. 22/08/2008 numac 2008009714 source service public federal justice Loi modifiant le Code civil et les lois coordonnées du 17 juillet 1991 sur la comptabilité de l'Etat en vue d'interrompre la prescription de l'action en dommages et intérêts à la suite d'un recours en annulation devant le Conseil d'Etat fermer disposent : «

Art. 2.L'article 2244 du Code civil est complété par deux alinéas rédigés comme suit : ' Une citation en justice interrompt la prescription jusqu'au prononcé d'une décision définitive.

Pour l'application de la présente section, un recours en annulation d'un acte administratif devant le Conseil d'Etat a, à l'égard de l'action en réparation du dommage causé par l'acte administratif annulé, les mêmes effets qu'une citation en justice. ' ». «

Art. 4.La présente loi est applicable aux recours en annulation introduits devant le Conseil d'Etat avant son entrée en vigueur.

Elle n'est toutefois pas applicable lorsque l'action en dommages et intérêts a été déclarée prescrite par une décision passée en force de chose jugée avant son entrée en vigueur et contre laquelle un recours en cassation n'est pas introduit ».

Il ressort de la formulation de la question préjudicielle que c'est en particulier l'article 4 précité, qui concerne l'entrée en vigueur de ce régime d'interruption de la prescription, qui est soumis au contrôle de la Cour. La Cour limite son examen à cette disposition.

Quant au contrôle au regard du principe d'égalité B.3. Dans la question préjudicielle, il est demandé à la Cour de contrôler la disposition en cause au regard des articles 10 et 11 de la Constitution, combinés ou non, d'une part, avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme et, d'autre part, avec le principe de la sécurité juridique.

A cet égard, la Cour doit examiner si la disposition en cause porte atteinte de manière discriminatoire à des prescriptions déjà acquises, également celles dont se prévalent les autorités publiques relevant du champ d'application des lois coordonnées du 17 juin 1991 sur la comptabilité de l'Etat. En outre, la Cour doit examiner si la disposition en cause crée une différence de traitement entre, d'une part, les personnes dont l'action en dommages et intérêts a été déclarée prescrite avant l'entrée en vigueur de la loi par une décision passée en force de chose jugée contre laquelle aucun recours en cassation n'a été introduit et, d'autre part, les personnes dont l'action en dommages et intérêts n'a pas été déclarée prescrite avant l'entrée en vigueur de la loi par une décision passée en force de chose jugée contre laquelle aucun recours en cassation n'a été introduit.

B.4.1. En ce qui concerne l'entrée en vigueur de la loi, l'article 3 de la proposition de loi qui est devenue la loi du 25 juillet 2008Documents pertinents retrouvés type loi prom. 25/07/2008 pub. 22/08/2008 numac 2008009714 source service public federal justice Loi modifiant le Code civil et les lois coordonnées du 17 juillet 1991 sur la comptabilité de l'Etat en vue d'interrompre la prescription de l'action en dommages et intérêts à la suite d'un recours en annulation devant le Conseil d'Etat fermer disposait que l'entrée en vigueur de la loi n'avait pas pour effet qu'un nouveau délai de prescription commence à courir « lorsque l'action en réparation d'un dommage est prescrite avant l'entrée en vigueur de la présente loi » (Doc. parl., Sénat, S.E. 2007, n° 4-10/1, p. 6). B.4.2. Le Sénat a adopté un amendement remplaçant l'article 3 proposé par le texte suivant : « La présente loi s'applique aux litiges en cours dans la mesure où ils n'ont pas été tranchés par une décision passée en force de chose jugée » (Doc. parl., Sénat, 2007-2008, n° 4-10/2, p. 2, et n° 4-10/3, p. 17). La justification de cet amendement renvoie, d'une part, à l'article 11 de la loi du 10 juin 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/06/1998 pub. 17/07/1998 numac 1998009557 source ministere de la justice Loi modifiant certaines dispositions en matière de prescription fermer modifiant certaines dispositions en matière de prescription et, d'autre part, à l'arrêt de la Cour n° 98/2003 du 2 juillet 2003, dans lequel la Cour, « répondant à une question préjudicielle posée par la Cour d'appel de Mons, a clairement affirmé qu'un jugement ou arrêt passé en force de chose jugée constitue un critère de rattachement objectif et ne revêt donc pas un caractère discriminatoire » (Doc. parl., Sénat, 2007-2008, n° 4-10/3, p. 15).

B.4.3. Le Conseil d'Etat a toutefois observé, en ce qui concerne le texte adopté par le Sénat, que : « Pour traduire l'intention du législateur, telle qu'elle résulte actuellement des discussions au Sénat, l'article 3 devrait être adapté de manière à permettre aux personnes ayant attendu l'arrêt du Conseil d'Etat d'encore agir devant le juge civil lorsque l'arrêt a été prononcé (ou notifié) à une date se situant dans un délai inférieur au délai légal de prescription » (avis n° 44.302/2 du 29 avril 2008, Doc. parl., Chambre, 2007-2008, DOC 52-0832/004, p. 13).

B.4.4. En réponse à cette observation, la Chambre des représentants a adopté un amendement correspondant à la disposition litigieuse. Cet amendement a été justifié comme suit : « Le présent amendement reformule l'article 3 afin de tenter de répondre aux observations du Conseil d'Etat relatives à son manque de clarté.

La loi est déclarée applicable aux recours en annulation introduits devant le Conseil d'Etat avant son entrée en vigueur : soit le recours est toujours pendant et, dans ce cas, il interrompra la prescription jusqu'au prononcé de la décision du Conseil d'Etat, soit il a déjà été statué sur le recours et, dans ce cas, un nouveau délai de prescription aura commencé à courir à partir du prononcé de la décision du Conseil d'Etat et pourra ou non avoir expiré au moment de l'entrée en vigueur de la présente loi.

L'application de la loi ne peut toutefois pas avoir pour effet de remettre en cause une décision passée en force de chose jugée qui aurait déclaré l'action civile prescrite et contre laquelle un recours en cassation ne serait pas introduit » (Doc. parl., Chambre, 2007-2008, DOC 52-0832/005, pp. 3-4).

B.5. Par l'article 4 de la loi du 25 juillet 2008Documents pertinents retrouvés type loi prom. 25/07/2008 pub. 22/08/2008 numac 2008009714 source service public federal justice Loi modifiant le Code civil et les lois coordonnées du 17 juillet 1991 sur la comptabilité de l'Etat en vue d'interrompre la prescription de l'action en dommages et intérêts à la suite d'un recours en annulation devant le Conseil d'Etat fermer, le législateur souhaitait garantir que la nouvelle loi serait applicable aux affaires « pendantes » ainsi qu'aux « affaires dans lesquelles le Conseil d'Etat a rendu un arrêt d'annulation moins de 5 ans avant l'entrée en vigueur du nouveau régime » (Doc. parl., Sénat, 2007-2008, n° 4-10/3, p. 12), sans qu'il soit toutefois « possible de remettre en cause des décisions coulées en force de chose jugée » (ibid., p. 13).

B.6. La disposition en cause a pour conséquence que certaines actions en réparation du dommage causé par un acte administratif qui pouvaient être considérées comme prescrites avant l'entrée en vigueur de la loi du 25 juillet 2008Documents pertinents retrouvés type loi prom. 25/07/2008 pub. 22/08/2008 numac 2008009714 source service public federal justice Loi modifiant le Code civil et les lois coordonnées du 17 juillet 1991 sur la comptabilité de l'Etat en vue d'interrompre la prescription de l'action en dommages et intérêts à la suite d'un recours en annulation devant le Conseil d'Etat fermer, sont encore admissibles.

Cette disposition confère ainsi un effet rétroactif au nouveau régime et est susceptible, en trompant les attentes suscitées par l'ancienne loi, de compromettre la sécurité juridique.

B.7. La non-rétroactivité des lois est une garantie qui a pour but de prévenir l'insécurité juridique. Cette garantie exige que le contenu du droit soit prévisible et accessible, de sorte que le justiciable puisse prévoir, à un degré raisonnable, les conséquences d'un acte déterminé au moment où cet acte est accompli. La rétroactivité peut uniquement être justifiée lorsqu'elle est indispensable pour réaliser un objectif d'intérêt général.

S'il s'avère en outre que la rétroactivité a pour but d'influencer dans un sens déterminé l'issue de l'une ou l'autre procédure judiciaire ou d'empêcher les juridictions de se prononcer sur une question de droit, la nature du principe en cause exige que des circonstances exceptionnelles ou des motifs impérieux d'intérêt général justifient l'intervention du législateur, laquelle porte atteinte, au préjudice d'une catégorie de citoyens, aux garanties juridictionnelles offertes à tous.

B.8.1. Il ressort des travaux préparatoires que la loi du 25 juillet 2008Documents pertinents retrouvés type loi prom. 25/07/2008 pub. 22/08/2008 numac 2008009714 source service public federal justice Loi modifiant le Code civil et les lois coordonnées du 17 juillet 1991 sur la comptabilité de l'Etat en vue d'interrompre la prescription de l'action en dommages et intérêts à la suite d'un recours en annulation devant le Conseil d'Etat fermer ne peut être dissociée de deux arrêts de la Cour de cassation du 16 février 2006, par lesquels il a été jugé que « le recours en annulation formé contre un acte administratif devant le Conseil d'Etat n'interrompt ni ne suspend la prescription du droit de réclamer une indemnisation devant un tribunal civil en se fondant sur un acte illicite des autorités » (Cass., 16 février 2006, Pas., 2006, n° 98, et C.05.0050.N).

En adoptant la disposition litigieuse, le législateur voulait avoir égard au justiciable « qui, jusqu'à l'arrêt de la Cour de cassation du 16 février 2006, pouvait supposer qu'il avait encore la possibilité de saisir le tribunal civil [après un arrêt d'annulation du Conseil d'Etat] » (Doc. parl., Sénat, 2007-2008, nr. 4-10/3, pp. 15-16).

B.8.2. Avant les arrêts précités de la Cour de cassation du 16 février 2006, la question de savoir si un recours en annulation devant le Conseil d'Etat interrompait la prescription du droit à demander devant un tribunal civil des dommages et intérêts fondé sur un acte illicite des autorités était controversée en doctrine et en jurisprudence.

B.8.3. Cette insécurité juridique constitue une circonstance particulière qui peut justifier en l'espèce la rétroactivité du nouveau régime, limitée aux « affaires pendantes » et aux « affaires dans lesquelles le Conseil d'Etat a rendu un arrêt d'annulation moins de 5 ans avant l'entrée en vigueur du nouveau régime », y compris les actions en justice dirigées contre les autorités publiques qui relèvent du champ d'application des lois coordonnées sur la comptabilité de l'Etat, essentiellement parce qu'elles sont souvent les parties défenderesses dans les procédures devant le Conseil d'Etat. Le législateur a pu estimer à bon droit que la situation des justiciables qui avaient cru, avant les arrêts de la Cour de cassation du 16 février 2006, qu'ils pouvaient attendre l'issue de la procédure devant le Conseil d'Etat avant d'introduire une action en responsabilité devant les tribunaux civils, devait être régularisée.

B.9.1. La différence de traitement entre, d'une part, les personnes dont la demande en dommages et intérêts a été déclarée prescrite avant l'entrée en vigueur de la loi par une décision passée en force de chose jugée contre laquelle aucun recours en cassation n'a été introduit et, d'autre part, les personnes dont la demande en dommages et intérêts n'a pas été déclarée prescrite avant l'entrée en vigueur de la loi par une décision passée en force de chose jugée contre laquelle aucun recours en cassation n'a été introduit, est raisonnablement justifiée, eu égard au principe fondamental de notre ordre juridique selon lequel les décisions judiciaires ne peuvent être modifiées que par la mise en oeuvre de voies de recours. Par conséquent, la loi ne peut s'appliquer lorsqu'une décision judiciaire devenue définitive a déclaré prescrite une action en dommages et intérêts.

B.9.2. Le fait qu'il résulte de la disposition litigieuse que la loi peut effectivement s'appliquer à des actions en dommages et intérêts déclarées prescrites avant l'entrée en vigueur de la loi par une décision passée en force de chose jugée contre laquelle un recours en cassation a été introduit ne porte pas atteinte à ce qui précède. En effet, compte tenu de ce recours en cassation, il n'y a pas encore de décision judiciaire devenue définitive.

B.10. Il ressort de ce qui précède que la question préjudicielle par laquelle il est demandé à la Cour de se prononcer sur la compatibilité de la disposition en cause avec les articles 10 et 11 de la Constitution appelle une réponse négative.

B.11. Le contrôle de la disposition en cause au regard des articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme et avec le principe de la sécurité juridique, ne conduit pas à une autre conclusion, puisque le législateur pouvait estimer que la mesure litigieuse était conforme à l'intérêt général et était nécessaire pour restaurer la sécurité juridique.

La question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 4 de la loi du 25 juillet 2008Documents pertinents retrouvés type loi prom. 25/07/2008 pub. 22/08/2008 numac 2008009714 source service public federal justice Loi modifiant le Code civil et les lois coordonnées du 17 juillet 1991 sur la comptabilité de l'Etat en vue d'interrompre la prescription de l'action en dommages et intérêts à la suite d'un recours en annulation devant le Conseil d'Etat fermer modifiant le Code civil et les lois coordonnées du 17 juillet 1991 sur la comptabilité de l'Etat en vue d'interrompre la prescription de l'action en dommages et intérêts à la suite d'un recours en annulation devant le Conseil d'Etat ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution, combinés ou non avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme et avec le principe de la sécurité juridique.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, à l'audience publique du 29 avril 2010.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, M. Bossuyt.

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