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Arrêt
publié le 14 février 2011

Extrait de l'arrêt n° 142/2010 du 16 décembre 2010 Numéro du rôle : 4852 En cause : les questions préjudicielles relatives à l'article 91 de la loi du 30 décembre 1992 portant des dispositions sociales et diverses, tel qu'il a été modifié La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et R. Henneuse, des juges L. Lavry(...)

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Extrait de l'arrêt n° 142/2010 du 16 décembre 2010 Numéro du rôle : 4852 En cause : les questions préjudicielles relatives à l'article 91 de la loi du 30 décembre 1992Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/12/1992 pub. 18/06/2012 numac 2012000355 source service public federal interieur Loi portant des dispositions sociales et diverses. - Coordination officieuse en langue allemande d'extraits fermer portant des dispositions sociales et diverses, tel qu'il a été modifié par l'article 279 de la loi-programme du 22 décembre 2003Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 22/12/2003 pub. 31/12/2003 numac 2003021248 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi-programme fermer, posées par le Conseil d'Etat.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et R. Henneuse, des juges L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, J. Spreutels et T. Merckx-Van Goey, et, conformément à l'article 60bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, du président émérite M. Melchior, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Bossuyt, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure Par arrêt n° 199.420 du 11 janvier 2010 en cause de l'ASBL « Unie van Zelfstandige Ondernemers » et autres contre l'Etat belge, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 19 janvier 2010, le Conseil d'Etat a posé les questions préjudicielles suivantes : « a. L'article 91 de la loi du 30 décembre 1992Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/12/1992 pub. 18/06/2012 numac 2012000355 source service public federal interieur Loi portant des dispositions sociales et diverses. - Coordination officieuse en langue allemande d'extraits fermer portant des dispositions sociales et diverses, tel qu'il a été modifié par la loi-programme du 22 décembre 2003Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 22/12/2003 pub. 31/12/2003 numac 2003021248 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi-programme fermer, viole-t-il les articles 170 et 172 de la Constitution, combinés ou non avec les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu'il habilite le Roi à fixer le montant de la cotisation due en vertu de cette loi par les sociétés, alors que, conformément aux dispositions constitutionnelles précitées, un impôt ne peut être établi que par la loi et que tous les justiciables, donc également les sociétés qui sont tenues de payer la cotisation, doivent avoir la même garantie qu'un impôt ne puisse être établi que par un organe délibérant élu démocratiquement qui représente tous les justiciables ? b. L'article 91 de la loi du 30 décembre 1992Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/12/1992 pub. 18/06/2012 numac 2012000355 source service public federal interieur Loi portant des dispositions sociales et diverses. - Coordination officieuse en langue allemande d'extraits fermer portant des dispositions sociales et diverses, tel qu'il a été modifié par la loi-programme du 22 décembre 2003Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 22/12/2003 pub. 31/12/2003 numac 2003021248 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi-programme fermer, viole-t-il les articles 10, 11 et 172 de la Constitution en ce qu'il prévoit que la cotisation annuelle due par les sociétés doit avoir un caractère forfaitaire et que le Roi peut établir une distinction sur la base de critères qui tiennent compte de la taille de la société, ce qui implique que les sociétés qui se différencient d'une autre manière que par leur taille sont néanmoins traitées de manière identique ? c.Si la Cour constitutionnelle considère que la cotisation due par les sociétés, visée à l'article 91 de la loi du 30 décembre 1992Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/12/1992 pub. 18/06/2012 numac 2012000355 source service public federal interieur Loi portant des dispositions sociales et diverses. - Coordination officieuse en langue allemande d'extraits fermer portant des dispositions sociales et diverses, doit être qualifiée de cotisation de sécurité sociale, cet article viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il impose aux personnes qui ne sont pas des assurés sociaux et n'ont pas le moindre droit ou ne sauraient créer le moindre droit à des prestations de sécurité sociale, le paiement d'une cotisation de sécurité sociale et en ce qu'il habilite le Roi à fixer le montant de cette cotisation de sécurité sociale ? ». (...) III. En droit (...) Quant aux dispositions en cause et à leur contexte B.1. Les questions préjudicielles portent sur la compatibilité, avec les articles 10, 11, 170 et 172 de la Constitution, de l'article 91 de la loi du 30 décembre 1992Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/12/1992 pub. 18/06/2012 numac 2012000355 source service public federal interieur Loi portant des dispositions sociales et diverses. - Coordination officieuse en langue allemande d'extraits fermer portant des dispositions sociales et diverses, tel qu'il a été modifié par l'article 279 de la loi-programme du 22 décembre 2003Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 22/12/2003 pub. 31/12/2003 numac 2003021248 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi-programme fermer, qui dispose : « Les sociétés sont tenues de verser une cotisation annuelle forfaitaire.

Le Roi fixe, pour ce que ce soit d'application à partir de 2004, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, les cotisations dues par les sociétés, sans que celles-ci ne puissent toutefois dépasser 868 EUR. Pour ce faire, il peut opérer une distinction sur la base de critères qui tiennent notamment compte de la taille de la société ».

B.2.1. La cotisation en cause à charge des sociétés au profit du régime de sécurité sociale des travailleurs indépendants a été instaurée à l'origine comme cotisation forfaitaire unique de 7 000 francs par l'article 78 de la loi du 26 juin 1992Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/06/1992 pub. 31/03/2011 numac 2011000187 source service public federal interieur Loi portant des dispositions sociales et diverses fermer portant des dispositions sociales et diverses.

Un recours en annulation a été introduit contre ces dispositions. Dans son arrêt n° 77/93 du 3 novembre 1993, portant rejet de ce recours, la Cour a jugé : « B.3.2. L'instauration, par les dispositions attaquées, d'une cotisation forfaitaire à charge des sociétés peut se justifier par la considération que, si les personnes exerçaient en qualité de travailleur indépendant l'activité qu'elles exercent en société, elles seraient tenues au payement des cotisations sociales dues en vertu du statut social des travailleurs indépendants; le législateur a d'ailleurs pris en compte la circonstance que la diminution de la base de ces cotisations résultait précisément du fait que de nombreux indépendants s'étaient soustraits aux charges pesant sur les personnes physiques en fondant une société ou en recourant au procédé dit de la ' société unipersonnelle ' (déclaration du ministre des petites et moyennes entreprises et de l'agriculture en commission du Sénat, Doc. parl., Sénat, rapport, S.E. 1991-1992, n° 315/4, p. 11; dans le même sens, pp. 6 et 10; exposé des motifs, n° 315/1, p. 28; Chambre, rapport, S.E. 1991-1992, n° 480/7, pp. 9 et 12).

B.3.3. Il appartient au législateur, en présence d'un important déficit du ' statut social ' des indépendants (Sénat, n° 315/4, précité, p. 4), d'apprécier dans quelle mesure il est opportun, plutôt que d'augmenter les cotisations sociales des indépendants (idem, p. 14) ou de modifier le statut fiscal des sociétés (Chambre, n° 480/7, précité, p.9), d'imposer à celles-ci l'obligation de contribuer au financement du régime de sécurité sociale des indépendants lorsque l'équilibre financier de celle-ci est menacé par la transformation, rendue possible par une législation distincte, d'activités professionnelles indépendantes en activités sociétaires ou réputées telles. Ce faisant, le législateur ne peut cependant méconnaître la portée des articles 6 et 6bis de la Constitution en recourant à un moyen disproportionné au but visé.

B.3.4. La notion de forfait, telle qu'elle apparaît dans la disposition attaquée, se situe à l'opposé de celle de proportion. L'on peut cependant admettre qu'en matière sociale notamment, des considérations d'efficacité et de coût empêchent le législateur de tenir compte de l'extrême diversité de situation des sociétés, d'autant que l'élaboration et la mise en oeuvre de mesures affinées eussent été de nature, sinon à mettre en cause la réalisation de l'objectif, du moins à la retarder (Sénat, n° 315/4, précité, p. 17).

Compte tenu de la petite taille ou de la situation difficile de bon nombre de sociétés, une simplification aussi radicale n'aurait pu être admise pour l'instauration d'une cotisation d'un montant sensiblement plus élevé ».

B.2.2. La loi du 30 décembre 1992Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/12/1992 pub. 18/06/2012 numac 2012000355 source service public federal interieur Loi portant des dispositions sociales et diverses. - Coordination officieuse en langue allemande d'extraits fermer portant des dispositions sociales et diverses (Moniteur belge , 9 janvier 1993) a remplacé la cotisation unique par une cotisation annuelle.

Il est exposé ce qui suit dans les travaux préparatoires : « Pour l'année 1992, une cotisation forfaitaire a été mise à charge des sociétés, destinée au statut social des travailleurs indépendants.

Cette mesure a été prise en raison de l'importance croissante du nombre de sociétés ainsi qu'en raison de la situation financière précaire dans laquelle se trouvait le statut social des travailleurs indépendants.

Vu que les tendances esquissées ci-dessus se confirment et en vue d'obtenir un équilibre financier durable dudit statut, cette cotisation est maintenue » (Doc. parl., Sénat, 1992-1993, n° 526-1, p. 27).

B.2.3. L'article 91 de la loi précitée du 30 décembre 1992 a été remplacé par l'article 279 de la loi-programme du 22 décembre 2003Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 22/12/2003 pub. 31/12/2003 numac 2003021248 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi-programme fermer.

C'est dans cette rédaction, citée en B.1, que l'article 91 précité est soumis au contrôle de la Cour.

La nouvelle rédaction de l'article 91 est la conséquence de l'adoption d'un amendement, justifié comme suit : « Par la loi du 30 décembre 1992Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/12/1992 pub. 18/06/2012 numac 2012000355 source service public federal interieur Loi portant des dispositions sociales et diverses. - Coordination officieuse en langue allemande d'extraits fermer a été introduite, à la suite de la cotisation unique, une cotisation annuelle à charge des sociétés destinée au statut social des travailleurs indépendants.

Cette cotisation annuelle a été fixée au départ à 7.000 BEF pour ensuite, par arrêté royal du 18 novembre 1996, être portée à 12.500 BEF (converti en 310 euros conformément à l'arrêté royal du 20 juillet 2000). Par suite de l'indexation, la cotisation s'élève pour l'année 2003 à 335 euros.

Par le présent amendement, la compétence pour fixer la cotisation annuelle à charge des sociétés, destinée au statut social des travailleurs indépendants, est confiée au Roi. Dorénavant, différentes cotisations annuelles pourront être fixées, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, en fonction notamment de la taille de société.

Le Roi peut ainsi fixer des critères qui opèrent une distinction entre divers types de sociétés, en fonction de leur taille. Suivant le type de société auquel on appartient, ce sera l'une ou l'autre cotisation qui sera due » (Doc. parl., Chambre, 2003-2004, DOC 51-0473/018, p. 11).

Il ressort des travaux préparatoires que le ministre compétent a marqué son accord sur l'amendement. Le ministre a répondu comme suit à une question d'un parlementaire : « [...] le forfait sera fixé en fonction de la taille de l'entreprise.

Les critères concrets ne sont pas encore fixés. Au début de la Table ronde, des problèmes se sont posés. Aussi une concertation a-t-elle été organisée préalablement. Lors de la première réunion, il s'est avéré qu'un des problèmes du secteur des classes moyennes concernait les cotisations. C'est pourquoi il a été proposé de moduler ces cotisations. Les décisions du conclave gouvernemental seront exécutées. Les petites sociétés acquitteront des cotisations moins élevées » (Doc. parl., Chambre, 2003-2004, DOC 51-0473/031, pp. 15-16).

B.2.4. Le juge a quo pose les questions préjudicielles précitées dans le cadre d'un recours en annulation des articles 1er, 2 et 7 de l'arrêté royal du 31 juillet 2004 « modifiant l'arrêté royal du 15 mars 1993 pris en exécution du chapitre II du titre III de la loi du 30 décembre 1992Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/12/1992 pub. 18/06/2012 numac 2012000355 source service public federal interieur Loi portant des dispositions sociales et diverses. - Coordination officieuse en langue allemande d'extraits fermer portant des dispositions sociales et diverses, relatif à l'instauration d'une cotisation annuelle à charge des sociétés, destinée au statut social des travailleurs indépendants » (Moniteur belge , 13 août 2004).

Ces articles disposent : «

Article 1er.Dans l'arrêté royal du 15 mars 1993 pris en exécution du chapitre II du titre III de la loi du 30 décembre 1992Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/12/1992 pub. 18/06/2012 numac 2012000355 source service public federal interieur Loi portant des dispositions sociales et diverses. - Coordination officieuse en langue allemande d'extraits fermer portant des dispositions sociales et diverses, relatif à l'instauration d'une cotisation annuelle forfaitaire à charge des sociétés, destinée au statut social des travailleurs indépendants, un article 2bis est inséré, rédigé comme suit : '

Art. 2bis.La cotisation annuelle forfaitaire visée à l'article 91 de la loi est fixée à 347,50 EUR pour l'année 2004 '.

Art. 2.Dans le même arrêté, un article 2ter est inséré, rédigé comme suit : '

Art. 2ter.Par dérogation à l'article 2bis, la cotisation annuelle forfaitaire visée à l'article 91 de la loi est fixée à 840 EUR pour les sociétés pour lesquelles il s'avère, sur la base de données fournies par la Centrale des bilans de la Banque Nationale de Belgique, que le total du bilan de l'avant-dernier exercice comptable clôturé excède 520.000 EUR. Le total du bilan visé à l'alinéa 1er est la valeur comptable totale de l'actif tel qu'il apparaît au schéma du bilan qui est déterminé par arrêté royal en vertu de l'article 92, § 1er, du Code des sociétés '. » «

Art. 7.Les articles 1er et 2 produisent leurs effets le 1er janvier 2004 ».

Quant à la nature de la cotisation en cause B.3.1. Le juge a quo pose trois questions préjudicielles au sujet de l'article 91 de la loi du 30 décembre 1992Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/12/1992 pub. 18/06/2012 numac 2012000355 source service public federal interieur Loi portant des dispositions sociales et diverses. - Coordination officieuse en langue allemande d'extraits fermer. Les deux premières questions partent du point de vue - partagé par les parties requérantes dans le litige a quo - que la cotisation en cause serait un impôt. La troisième question part du point de vue - partagé par le Conseil des ministres - qu'elle serait une cotisation de sécurité sociale.

La Cour doit donc d'abord examiner si la cotisation en cause doit être considérée comme un impôt ou comme une cotisation de sécurité sociale.

Ce n'est que dans le premier cas que peut être invoquée l'éventuelle violation des articles 170 et 172 de la Constitution évoquée dans les deux premières questions préjudicielles.

B.3.2. Les articles 170, 172 et 173 de la Constitution contiennent le principe de légalité en matière d'impôts et de rétributions. Ils ne sont pas applicables aux cotisations à la sécurité sociale. Bien que les impôts et les cotisations de sécurité sociale puissent avoir des caractéristiques communes, du fait de leur caractère obligatoire, ils diffèrent toutefois fondamentalement : les impôts servent à couvrir les dépenses générales d'intérêt public, tandis que les cotisations de sécurité sociale sont exclusivement affectées au financement de régimes d'allocations de remplacement ou de complément des revenus du travail.

La cotisation en cause est un impôt au sens des articles 170 et 172 de la Constitution : cette cotisation est un prélèvement imposé d'autorité par l'Etat et ne constitue pas la contrepartie d'un service accompli par l'autorité au bénéfice du redevable considéré isolément.

Contrairement à ce qu'affirme le Conseil des ministres, ce constat n'est pas remis en cause par le fait que le produit de cette cotisation est destiné au financement du régime de la sécurité sociale des travailleurs indépendants, ni par le fait que le principe de l'annualité n'est pas applicable à cette cotisation. Le principe de l'annualité des impôts implique seulement que le pouvoir exécutif ne peut procéder à la perception des impositions réglées par ou en vertu d'une loi qu'après y avoir été habilité par le pouvoir législatif, dans une loi budgétaire ou une loi de finance. En raison de l'annualité du budget des voies et moyens, cette habilitation ne vaut que pour un an et doit être renouvelée chaque année. L'article 171 de la Constitution n'empêche toutefois nullement que les lois fiscales soient instaurées pour une durée supérieure à un an, voire même pour une durée illimitée.

B.3.3. Le paiement de la cotisation en cause ne fait pas naître de droits complémentaires sur le plan de la sécurité sociale, de sorte qu'un lien direct avec la sécurité sociale des personnes redevables fait défaut. Il s'ensuit que la cotisation en cause ne peut être considérée comme une cotisation à la sécurité sociale.

B.3.4. Dès lors que la cotisation en cause est un impôt, la troisième question préjudicielle n'appelle pas de réponse.

Quant à la première question préjudicielle B.4.1. La première question préjudicielle concerne la compatibilité des dispositions en cause avec les articles 170 et 172 de la Constitution, combinés ou non avec les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu'elles habilitent le Roi à fixer le montant de la cotisation due par les sociétés.

B.4.2. Il se déduit des articles 170, § 1er, et 172, alinéa 2, de la Constitution qu'aucun impôt ne peut être levé et qu'aucune exemption d'impôt ne peut être accordée sans qu'ait été recueilli le consentement des contribuables, exprimé par leurs représentants. Il s'ensuit que la matière fiscale est une compétence que la Constitution réserve à la loi et que toute délégation qui porte sur la détermination de l'un des éléments essentiels de l'impôt est, en principe, inconstitutionnelle.

B.4.3. Les dispositions constitutionnelles précitées ne vont toutefois pas jusqu'à obliger le législateur à régler lui-même chacun des aspects d'un impôt ou d'une exemption. Une délégation conférée à une autre autorité n'est pas contraire au principe de légalité, pour autant qu'elle soit définie de manière suffisamment précise et qu'elle porte sur l'exécution de mesures dont les éléments essentiels ont été fixés préalablement par le législateur.

B.4.4. Le montant à payer par le contribuable constitue un élément essentiel d'un impôt. Le principe de la légalité en matière fiscale garanti par les articles 170, § 1er, et 172, alinéa 2, de la Constitution exige par conséquent que la loi fiscale contienne des critères précis, non équivoques et clairs au moyen desquels il peut être déterminé quel montant est dû par le contribuable.

B.4.5. En vertu des dispositions en cause, les sociétés sont redevables d'une cotisation forfaitaire annuelle qui doit être considérée comme un impôt et le Roi est habilité à fixer cette cotisation, étant entendu qu'elle ne peut être supérieure à 868 euros.

Les dispositions en cause reviennent à habiliter le Roi à fixer in concreto un élément essentiel de l'impôt, à savoir le taux d'imposition. Toutefois, le législateur a inscrit dans la loi non seulement le principe de l'imposition forfaitaire, mais également le montant maximum de cet impôt. Le législateur a uniquement entendu laisser au Roi le soin de fixer le tarif, sur la base de critères qui tiennent compte de la taille de la société.

Toutefois, il se déduit du mot « notamment » figurant à l'article 91, alinéa 2, deuxième phrase, en cause, que le Roi pourrait prendre en considération d'autres critères que la taille de la société.

B.4.6. En conséquence, la disposition en cause n'est pas compatible avec le principe de légalité inscrit à l'article 170, § 1er, de la Constitution, mais uniquement en ce qu'elle contient le mot « notamment ».

Dans cette mesure, la première question préjudicielle appelle une réponse positive.

Quant à la deuxième question préjudicielle B.5.1. La deuxième question préjudicielle concerne la compatibilité des dispositions en cause avec les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, en ce qu'elles prévoient une cotisation qui doit avoir un caractère forfaitaire et en ce qu'elles permettent au Roi d'établir une distinction sur la base de critères qui tiennent compte de la taille de la société, ce qui implique que les sociétés qui se différencient d'une autre manière que par leur taille sont néanmoins traitées de manière identique.

B.5.2. En vertu des dispositions en cause, les sociétés sont redevables « d'une cotisation annuelle forfaitaire » et le Roi est habilité à fixer l'imposition due, avec un maximum de 868 euros, le Roi pouvant opérer une distinction sur la base des critères qui tiennent compte de la taille de la société.

B.5.3. Dans son arrêt n° 77/93 du 3 novembre 1993, la Cour a jugé, en ce qui concerne la compatibilité de l'article 78 de la loi du 26 juin 1992Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/06/1992 pub. 31/03/2011 numac 2011000187 source service public federal interieur Loi portant des dispositions sociales et diverses fermer avec le principe d'égalité et de non-discrimination, qu'il appartient au législateur, en présence d'un important déficit du « statut social » des indépendants, d'apprécier dans quelle mesure il est opportun, plutôt que d'augmenter les cotisations sociales des indépendants ou de modifier le statut fiscal des sociétés, d'imposer à celles-ci l'obligation de contribuer au financement du régime de sécurité sociale des indépendants lorsque l'équilibre financier de celui-ci est menacé par la transformation d'activités professionnelles indépendantes en activités sociétaires ou réputées telles.

Il ressort des travaux préparatoires de la loi du 30 décembre 1992Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/12/1992 pub. 18/06/2012 numac 2012000355 source service public federal interieur Loi portant des dispositions sociales et diverses. - Coordination officieuse en langue allemande d'extraits fermer que ces tendances se confirment, de sorte que pour assurer l'équilibre financier durable du régime de sécurité sociale des travailleurs indépendants, la cotisation forfaitaire s'est vu conférer un caractère permanent et est désormais due annuellement.

Il ressort des travaux préparatoires de l'article 279 de la loi-programme du 22 décembre 2003Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 22/12/2003 pub. 31/12/2003 numac 2003021248 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi-programme fermer que, par suite des dispositions en cause, le Roi peut désormais fixer des cotisations différentes, destinées au régime de sécurité sociale des travailleurs indépendants, en fonction de la taille de la société. Il peut ainsi fixer des critères qui opèrent une distinction entre divers types de sociétés, la taille des sociétés étant prise en compte. Ces cotisations étant modulées, les sociétés plus petites paieront des cotisations moindres.

B.5.4. Dans l'arrêt n° 77/93 précité, la Cour a souligné que la notion de forfait se situe à l'opposé de celle de proportion, mais qu'il peut être admis que des considérations d'efficacité et de coût empêchent le législateur de tenir compte de l'extrême diversité de situation des sociétés.

Comme les dispositions au sujet desquelles la Cour a statué dans l'arrêt n° 77/93 précité, les dispositions actuellement en cause prévoient une cotisation forfaitaire, étant entendu, toutefois, que le législateur a maintenant lui-même indiqué un critère de distinction - la taille de la société - sur la base duquel le Roi peut moduler la cotisation due, sans qu'elle puisse excéder 868 euros.

Compte tenu de ce qu'un forfait vise, par hypothèse, des situations qui se prêtent mal à un règlement par la voie de dispositions générales constituant l'objet d'une loi et que les dispositions en cause prévoient un critère de distinction et un montant maximum qui ne peuvent être réputés déraisonnables, le législateur pouvait, dans une matière où domine la diversité des situations, attribuer au Roi, sans violer le principe d'égalité et de non-discrimination, le pouvoir de fixer, dans les limites précitées, les cotisations dues in concreto par les sociétés.

N'y change rien, le fait que les sociétés qui se différencient entre elles d'une autre manière que par leur taille, soient traitées de manière identique. En effet, dès lors que le critère de la taille de la société n'est pas déraisonnable pour faire fixer sur cette base par le Roi le montant de la cotisation, il ne saurait être reproché au législateur de ne pas avoir prévu aussi d'autres critères.

B.5.5. Pour le surplus, il appartient au juge compétent de vérifier si le Roi a mis en oeuvre l'habilitation susdite dans le respect du principe d'égalité et de non-discrimination.

B.5.6. La deuxième question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : - L'article 91 de la loi du 30 décembre 1992Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/12/1992 pub. 18/06/2012 numac 2012000355 source service public federal interieur Loi portant des dispositions sociales et diverses. - Coordination officieuse en langue allemande d'extraits fermer portant des dispositions sociales et diverses, tel qu'il a été modifié par l'article 279 de la loi-programme du 22 décembre 2003Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 22/12/2003 pub. 31/12/2003 numac 2003021248 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi-programme fermer, viole l'article 170 de la Constitution, mais uniquement dans la mesure où il contient le mot « notamment ». - La même disposition ne viole pas les articles 10, 11 et 172 de la Constitution.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, à l'audience publique du 16 décembre 2010.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, M. Melchior.

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