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Arrêt
publié le 11 mars 2013

Extrait de l'arrêt n° 7/2013 du 14 février 2013 Numéros du rôle : 5316, 5329, 5331 et 5332 En cause : les recours en annulation totale ou partielle de la loi du 13 août 2011 « modifiant le Code d'instruction criminelle et la loi du 20 juillet La Cour constitutionnelle, composée du juge J.-P. Snappe, faisant fonction de président, du prés(...)

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Extrait de l'arrêt n° 7/2013 du 14 février 2013 Numéros du rôle : 5316, 5329, 5331 et 5332 En cause : les recours en annulation totale ou partielle de la loi du 13 août 2011Documents pertinents retrouvés type loi prom. 13/08/2011 pub. 05/09/2011 numac 2011009606 source service public federal justice Loi modifiant le Code d'instruction criminelle et la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive afin de conférer des droits, dont celui de consulter un avocat et d'être assistée par lui, à toute personne auditionnée et à toute personne privée de liberté fermer « modifiant le Code d'instruction criminelle et la loi du 20 juillet 1990Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/07/1990 pub. 02/12/2010 numac 2010000669 source service public federal interieur Loi relative à la détention préventive Coordination officieuse en langue allemande fermer relative à la détention préventive afin de conférer des droits, dont celui de consulter un avocat et d'être assistée par lui, à toute personne auditionnée et à toute personne privée de liberté », introduits par l'Ordre des barreaux francophones et germanophone et l'Ordre français des avocats du barreau de Bruxelles, par l'ASBL « Ligue des Droits de l'Homme », par l'ASBL « Liga voor Mensenrechten » et par l'« Orde van Vlaamse balies » et Edgar Boydens.

La Cour constitutionnelle, composée du juge J.-P. Snappe, faisant fonction de président, du président M. Bossuyt, et des juges E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Moerman, E. Derycke, J. Spreutels, P. Nihoul et F. Daoût, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le juge J.-P. Snappe, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des recours et procédure 1. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 20 février 2012 et parvenue au greffe le 21 février 2012, l'Ordre des barreaux francophones et germanophone, dont le siège est établi à 1060 Bruxelles, avenue de la Toison d'Or 65, et l'Ordre français des avocats du barreau de Bruxelles, dont le siège est établi à 1000 Bruxelles, Palais de Justice, place Poelaert, ont introduit un recours en annulation de la loi du 13 août 2011Documents pertinents retrouvés type loi prom. 13/08/2011 pub. 05/09/2011 numac 2011009606 source service public federal justice Loi modifiant le Code d'instruction criminelle et la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive afin de conférer des droits, dont celui de consulter un avocat et d'être assistée par lui, à toute personne auditionnée et à toute personne privée de liberté fermer « modifiant le Code d'instruction criminelle et la loi du 20 juillet 1990Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/07/1990 pub. 02/12/2010 numac 2010000669 source service public federal interieur Loi relative à la détention préventive Coordination officieuse en langue allemande fermer relative à la détention préventive afin de conférer des droits, dont celui de consulter un avocat et d'être assistée par lui, à toute personne auditionnée et à toute personne privée de liberté » (publiée au Moniteur belge du 5 septembre 2011).2. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 1er mars 2012 et parvenue au greffe le 5 mars 2012, l'ASBL « Ligue des Droits de l'Homme », dont le siège social est établi à 1000 Bruxelles, rue du Boulet 22, a introduit un recours en annulation des articles 2 et 4 de la loi du 13 août 2011Documents pertinents retrouvés type loi prom. 13/08/2011 pub. 05/09/2011 numac 2011009606 source service public federal justice Loi modifiant le Code d'instruction criminelle et la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive afin de conférer des droits, dont celui de consulter un avocat et d'être assistée par lui, à toute personne auditionnée et à toute personne privée de liberté fermer précitée.3. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 5 mars 2012 et parvenue au greffe le 6 mars 2012, l'ASBL « Liga voor Mensenrechten », dont le siège social est établi à 9000 Gand, Gebroeders Desmetstraat 75, a introduit un recours en annulation de la même loi.4. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 5 mars 2012 et parvenue au greffe le 6 mars 2012, l'« Orde van Vlaamse balies », dont le siège est établi à 1000 Bruxelles, rue Royale 148, et Edgar Boydens, demeurant à 1560 Hoeilaart, Karel Coppensstraat 13, ont introduit un recours en annulation de la même loi. Ces affaires, inscrites sous les numéros 5316, 5329, 5331 et 5332 du rôle de la Cour, ont été jointes. (...) II. En droit (...) Quant à la recevabilité de l'intervention du procureur général près la Cour d'appel de Liège B.1. Lorsqu'une même disposition fait l'objet d'un recours en annulation et d'une décision de renvoi préjudiciel antérieure, la Cour, en application de l'article 78 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, statue d'abord sur le recours en annulation. En vertu de la même disposition et de l'article 85 de la même loi, le greffier notifie le recours en annulation aux parties en cause devant la juridiction qui a posé la question préjudicielle et ces parties peuvent déposer un mémoire dans les 45 jours de la réception de la notification.

Par arrêt du 12 janvier 2012, la Cour d'appel de Liège a posé une question préjudicielle portant sur l'article 47bis, § 6, du Code d'instruction criminelle tel qu'il a été modifié par l'article 2, 2°, de la loi attaquée. Cette question est inscrite au rôle de la Cour sous le numéro 5291. Contrairement à ce que soutient la partie requérante dans l'affaire n° 5331, le ministère public est partie à la procédure devant la Cour d'appel de Liège, de sorte que le mémoire en intervention et le mémoire en réponse introduits par le procureur général près la Cour d'appel de Liège sont recevables. La circonstance que les magistrats du ministère public sont des organes de l'Etat et que celui-ci est représenté devant la Cour par le Conseil des ministres n'a pas pour effet que l'intervention du procureur général près la Cour d'appel de Liège serait irrecevable.

Quant à la recevabilité des mémoires en réponse introduits par les parties requérantes dans les affaires nos 5331 et 5332 B.2. Les affaires nos 5331 et 5332 ont été, conformément aux dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à l'emploi des langues, valablement introduites en néerlandais. La jonction de ces affaires aux affaires nos 5316 et 5329, introduites quant à elles en français, a pour conséquence que les quatre affaires sont examinées par le siège saisi de l'affaire n° 5316 et que leur traitement par la Cour est poursuivi en langue française, conformément à l'article 63, § 3, alinéa 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 précitée.

En revanche, aucune disposition de la loi spéciale du 6 janvier 1989 précitée ne prévoit qu'en cas de jonction d'affaires de rôles linguistiques différents, les parties requérantes dans les affaires jointes seraient tenues d'utiliser, dans leurs écrits de procédure postérieurs à l'ordonnance de jonction, la langue de la première affaire.

Quant à la loi attaquée et au contexte de son adoption B.3.1. Les recours concernent les articles 2, 3, 4 et 7 de la loi du 13 août 2011Documents pertinents retrouvés type loi prom. 13/08/2011 pub. 05/09/2011 numac 2011009606 source service public federal justice Loi modifiant le Code d'instruction criminelle et la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive afin de conférer des droits, dont celui de consulter un avocat et d'être assistée par lui, à toute personne auditionnée et à toute personne privée de liberté fermer « modifiant le Code d'instruction criminelle et la loi du 20 juillet 1990Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/07/1990 pub. 02/12/2010 numac 2010000669 source service public federal interieur Loi relative à la détention préventive Coordination officieuse en langue allemande fermer relative à la détention préventive afin de conférer des droits, dont celui de consulter un avocat et d'être assistée par lui, à toute personne auditionnée et à toute personne privée de liberté », qui disposent : « CHAPITRE 2. - Modifications du Code d'instruction criminelle

Art. 2.A l'article 47bis du Code d'instruction criminelle, inséré par la loi du 12 mars 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/03/1998 pub. 02/04/1998 numac 1998009267 source ministere de la justice Loi relative à l'amélioration de la procédure pénale au stade de l'information et de l'instruction type loi prom. 12/03/1998 pub. 02/04/1998 numac 1998009266 source ministere de la justice Loi modifiant le Code judiciaire et le Code d'instruction criminelle en ce qui concerne la procédure en dessaisissement fermer, les modifications suivantes sont apportées : 1° La phrase liminaire et le point 1.sont remplacés par ce qui suit : ' § 1er. Lors de l'audition de personnes, entendues en quelque qualité que ce soit, il y a lieu de respecter au moins les règles suivantes : 1. Au début de toute audition, la personne interrogée est informée succinctement des faits sur lesquels elle sera entendue et il lui est communiqué : a) qu'elle peut demander que toutes les questions qui lui sont posées et les réponses qu'elle donne soient actées dans les termes utilisés;b) qu'elle peut demander qu'il soit procédé à un acte d'information ou une audition déterminés;c) que ses déclarations peuvent être utilisées comme preuve en justice;d) qu'elle ne peut être contrainte de s'accuser elle-même. Tous ces éléments sont consignés avec précision dans le procès-verbal d'audition. '; 2° L'article est complété par les §§ 2 à 7 rédigés comme suit : ' § 2.Sans préjudice du § 1er, avant qu'il ne soit procédé à l'audition d'une personne sur des infractions qui peuvent lui être imputées, la personne à interroger est informée succinctement des faits sur lesquels elle sera entendue et il lui est communiqué : 1° qu'elle ne peut être contrainte de s'accuser elle-même;2° qu'elle a le choix, après avoir décliné son identité, de faire une déclaration, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire;3° qu'elle a le droit, avant la première audition, de se concerter confidentiellement avec un avocat de son choix ou avec un avocat qui lui est désigné, pour autant que les faits qui peuvent lui être imputés concernent une infraction dont la sanction peut donner lieu à la délivrance d'un mandat d'arrêt, à l'exception des délits visés à l'article 138, 6°, 6°bis et 6°ter. Si la personne à interroger dispose de ressources insuffisantes, les articles 508/13 à 508/18 du Code judiciaire relatifs au bénéfice de la gratuité complète ou partielle de l'aide juridique de deuxième ligne sont intégralement applicables.

Seule la personne majeure à interroger peut renoncer volontairement et de manière réfléchie au droit visé à l'alinéa 1er, 3°. Elle doit procéder à la renonciation par écrit, dans un document daté et signé par elle.

Si la première audition a lieu sur convocation écrite, les droits énoncés à l'alinéa 1er, 1°, 2° et 3°, ainsi que la communication succincte des faits sur lesquels la personne à interroger sera entendue, peuvent déjà être notifiés dans cette convocation, laquelle est jointe en copie au procès-verbal d'audition. En pareil cas, la personne concernée est présumée avoir consulté un avocat avant de se présenter à l'audition.

Si l'audition n'a pas lieu sur convocation ou si la convocation ne mentionne pas les éléments repris à l'alinéa 4, l'audition peut être reportée une seule fois à la demande de la personne à interroger, afin de lui donner la possibilité de consulter un avocat. Tous ces éléments sont consignés avec précision dans un procès-verbal. § 3. Sans préjudice des §§ 1er et 2, alinéa 1er, 1° et 2°, toute personne privée de sa liberté conformément aux articles 1er, 2, 3, 15bis et 16 de la loi du 20 juillet 1990Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/07/1990 pub. 02/12/2010 numac 2010000669 source service public federal interieur Loi relative à la détention préventive Coordination officieuse en langue allemande fermer relative à la détention préventive est informée qu'elle jouit des droits énoncés aux articles 2bis, 15bis et 16 de la même loi. § 4. Une déclaration écrite des droits prévus aux §§ 2 et 3 est remise à la personne visée aux §§ 2 et 3 avant la première audition.

La forme et le contenu de cette déclaration des droits sont fixés par le Roi. § 5. Si, au cours de l'audition d'une personne qui n'était pas considérée initialement comme un suspect, il s'avère que certains éléments laissent présumer que des faits peuvent lui être imputés, cette personne est informée des droits dont elle jouit en vertu du § 2 et, le cas échéant du § 3, et la déclaration écrite visée au § 4 lui est remise. § 6. Aucune condamnation ne peut être prononcée contre une personne sur le seul fondement de déclarations qu'elle a faites en violation des §§ 2, 3 et 5 à l'exclusion du § 4, en ce qui concerne la concertation confidentielle préalable ou l'assistance d'un avocat au cours de l'audition. § 7. Sans préjudice des droits de la défense, l'avocat est tenu de garder secrètes les informations dont il acquiert la connaissance en apportant son assistance pendant les auditions conformément aux articles 2bis, § 2, et 16, § 2, de la loi du 20 juillet 1990Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/07/1990 pub. 02/12/2010 numac 2010000669 source service public federal interieur Loi relative à la détention préventive Coordination officieuse en langue allemande fermer relative à la détention préventive. Celui qui viole ce secret est puni des peines prévues à l'article 458 du Code pénal. '

Art. 3.L'article 62 du même Code, est complété par deux alinéas rédigés comme suit : ' Lorsque la descente sur les lieux est organisée en vue de la reconstitution des faits, le juge d'instruction se fait également accompagner par le suspect, la partie civile et leurs avocats.

Sans préjudice des droits de la défense, l'avocat est tenu de garder secrètes les informations dont il acquiert la connaissance en assistant à la descente sur les lieux organisée en vue de la reconstitution des faits. Celui qui viole ce secret est puni des peines prévues à l'article 458 du Code pénal. ' CHAPITRE 3. - Modifications de la loi du 20 juillet 1990Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/07/1990 pub. 02/12/2010 numac 2010000669 source service public federal interieur Loi relative à la détention préventive Coordination officieuse en langue allemande fermer relative à la détention préventive

Art. 4.Le titre Ier, chapitre Ier, de la loi du 20 juillet 1990Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/07/1990 pub. 02/12/2010 numac 2010000669 source service public federal interieur Loi relative à la détention préventive Coordination officieuse en langue allemande fermer relative à la détention préventive, est complété par un article 2bis rédigé comme suit : '

Art. 2bis.§ 1er. Quiconque est privé de sa liberté conformément aux articles 1er ou 2, ou en exécution d'un mandat d'amener visé à l'article 3, a le droit, dès ce moment et préalablement au premier interrogatoire suivant par les services de police ou, à défaut, par le procureur du Roi ou le juge d'instruction, de se concerter confidentiellement avec un avocat de son choix. S'il n'a pas choisi d'avocat ou si celui-ci est empêché, contact est pris avec la permanence organisée par l'Ordre des barreaux francophones et germanophone, et l'"Orde van Vlaamse balies" ou, à défaut, par le bâtonnier de l'Ordre ou son délégué.

Si la personne à interroger ne dispose pas de ressources suffisantes, les articles 508/13 à 508/18 du Code judiciaire relatifs au bénéfice de la gratuité complète ou partielle de l'aide juridique de deuxième ligne sont intégralement applicables.

Dès l'instant où contact est pris avec l'avocat choisi ou la permanence, la concertation confidentielle avec l'avocat doit avoir lieu dans les deux heures. A l'issue de la concertation confidentielle, d'une durée maximale de trente minutes, l'audition peut commencer.

Si la concertation confidentielle prévue n'a pas eu lieu dans les deux heures, une concertation confidentielle par téléphone a néanmoins encore lieu avec la permanence, après quoi l'audition peut débuter.

Ce n'est qu'après avoir eu un contact confidentiel par téléphone avec la permanence que la personne majeure concernée peut, après une privation de liberté, renoncer volontairement et de manière réfléchie au droit à une concertation confidentielle avec un avocat. La personne à interroger procède à la renonciation par écrit dans un document daté et signé par elle. Les mineurs ne peuvent pas renoncer à ce droit.

Tous ces éléments sont consignés avec précision dans un procès-verbal. § 2. La personne concernée a le droit à être assistée de son avocat lors des auditions qui ont lieu dans le délai visé aux articles 1er, 1°, 2, 12 ou 15bis.

L'avocat peut assister à l'audition, laquelle peut cependant déjà avoir débuté conformément au § 1er, alinéas 3 et 4.

L'assistance de l'avocat a exclusivement pour objet de permettre un contrôle : 1° du respect du droit de la personne interrogée de ne pas s'accuser elle-même, ainsi que de sa liberté de choisir de faire une déclaration, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire;2° du traitement réservé à la personne interrogée durant l'audition, en particulier de l'exercice manifeste de pressions ou contraintes illicites;3° de la notification des droits de la défense visés à l'article 47bis du Code d'instruction criminelle et de la régularité de l'audition. L'avocat peut, sans délai, faire mentionner dans le procès-verbal d'audition les violations des droits visés à l'alinéa 3, 1°, 2° et 3°, qu'il estime avoir observées.

L'audition sera interrompue pendant quinze minutes au maximum en vue d'une concertation confidentielle supplémentaire, soit une seule fois à la demande de la personne interrogée elle-même ou à la demande de son avocat, soit en cas de révélation de nouvelles infractions qui ne sont pas en relation avec les faits qui ont été portés à sa connaissance conformément à l'article 47bis, § 2, alinéa 1er, du Code d'instruction criminelle.

Seule la personne majeure interrogée peut volontairement et de manière réfléchie renoncer à l'assistance d'un avocat pendant l'audition. Il en est fait mention dans le document visé au § 1er, alinéa 5, ou dans le procès-verbal d'audition. § 3. Quiconque est privé de sa liberté conformément aux articles 1er, 2 ou 3 a droit à ce qu'une personne de confiance soit informée de son arrestation, par la personne qui interroge ou une personne désignée par elle, par le moyen de communication le plus approprié.

S'il existe, en raison de la communication de cette information, de sérieuses raisons de craindre que l'on tente de faire disparaître des preuves, qu'il y ait une collusion entre l'intéressé et des tiers ou que celui-ci se soustraie à l'action de la justice, le procureur du Roi ou le juge d'instruction en charge du dossier peut, par décision motivée, différer cette communication pour la durée nécessaire à la protection des intérêts de l'enquête. § 4. Quiconque est privé de sa liberté conformément aux articles 1er, 2 ou 3 a droit à une assistance médicale.

Sans préjudice du droit prévu à l'alinéa 1er, cette personne a subsidiairement le droit de demander à être examinée par un médecin de son choix. Le coût de cet examen est à sa charge. § 5. A la lumière des circonstances particulières de l'espèce, et pour autant qu'il existe des raisons impérieuses, le procureur du Roi ou le juge d'instruction en charge peut exceptionnellement, par une décision motivée, déroger aux droits prévus aux §§ 1er et 2. ' [...]

Art. 7.A l'article 16 de la même loi, modifié par les lois des 23 janvier et 10 avril 2003, 31 mai 2005 et 20 juillet 2006, les modifications suivantes sont apportées : 1° Dans le § 2, trois alinéas rédigés comme suit sont insérés entre les alinéas 1er et 2 : ' L'inculpé a le droit à être assisté de son avocat lors de l'interrogatoire.Seul l'inculpé majeur peut renoncer volontairement et de manière réfléchie à ce droit. Le juge d'instruction fait mention de cette renonciation dans le procès-verbal d'audition.

L'avocat peut formuler des observations conformément à l'article 2bis, § 2, alinéa 4.

Le juge d'instruction informe l'avocat à temps des lieu et heure de l'interrogatoire, auquel il peut assister. L'interrogatoire peut commencer à l'heure prévue, même si l'avocat n'est pas encore présent.

A son arrivée, l'avocat se joint à l'audition. '; 2° Dans le § 2, dans l'alinéa 2 devenant l'alinéa 5, la première phrase est remplacée par la phrase suivante : ' Le juge d'instruction doit également informer l'inculpé de la possibilité qu'un mandat d'arrêt soit décerné à son encontre, et l'entendre en ses observations à ce sujet et, le cas échéant, en celles de son avocat.'; 3° Le § 4 est remplacé par ce qui suit : ' § 4.Si l'inculpé n'a pas encore d'avocat, le juge d'instruction lui rappelle qu'il a le droit de choisir un avocat et il en informe le bâtonnier de l'Ordre ou son délégué. Il est fait mention de ces formalités dans le procès-verbal d'audition. ' ».

B.3.2. La loi du 13 août 2011Documents pertinents retrouvés type loi prom. 13/08/2011 pub. 05/09/2011 numac 2011009606 source service public federal justice Loi modifiant le Code d'instruction criminelle et la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive afin de conférer des droits, dont celui de consulter un avocat et d'être assistée par lui, à toute personne auditionnée et à toute personne privée de liberté fermer tend à mettre la législation belge en conformité avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme relative au droit à l'accès à un avocat et à l'assistance de celui-ci durant la phase préliminaire du procès pénal. Par son premier arrêt en cette matière, rendu à propos de la situation d'un suspect arrêté et interrogé par la police, la Cour européenne a jugé : « Une législation nationale peut attacher à l'attitude d'un prévenu à la phase initiale des interrogatoires de police des conséquences déterminantes pour les perspectives de la défense lors de toute procédure pénale ultérieure. En pareil cas, l'article 6 exige normalement que le prévenu puisse bénéficier de l'assistance d'un avocat dès les premiers stades des interrogatoires de police » (CEDH, 27 novembre 2008, Salduz c. Turquie, § 52). « [...] pour que le droit à un procès équitable consacré par l'article 6 § 1 demeure suffisamment ' concret et effectif ' [...], il faut, en règle générale, que l'accès à un avocat soit consenti dès le premier interrogatoire d'un suspect par la police, sauf à démontrer, à la lumière des circonstances particulières de l'espèce, qu'il existe des raisons impérieuses de restreindre ce droit. Même lorsque des raisons impérieuses peuvent exceptionnellement justifier le refus de l'accès à un avocat, pareille restriction - quelle que soit sa justification - ne doit pas indûment préjudicier aux droits découlant pour l'accusé de l'article 6 [...]. Il est en principe porté une atteinte irrémédiable aux droits de la défense lorsque des déclarations incriminantes faites lors d'un interrogatoire de police subi sans assistance possible d'un avocat sont utilisées pour fonder une condamnation » (ibid., § 55).

B.3.3. Il ressort des développements précédant la proposition de loi qui est à l'origine de la loi attaquée que le législateur entendait mettre en place « un mécanisme opérationnel et efficace qui réponde aux principes défendus par la Cour européenne des Droits de l'Homme » et « apporter une réponse aux exigences qui découlent de la ' jurisprudence Salduz ', pas plus mais également pas moins que cela » et « une solution opérationnelle pour tous les acteurs sur le terrain et qui permette un exercice effectif des droits proposés par le texte » (Doc. parl. Sénat, 2010-2011, n° 5-663/1, pp. 6-8).

B.3.4. La loi attaquée garantit un certain nombre de droits aux personnes auditionnées par les services de police, le procureur du Roi et le juge d'instruction. Ces droits sont accordés de manière graduelle et différenciée selon que la personne auditionnée l'est en qualité de suspect ou en une autre qualité (victime, plaignant, témoin), selon que la personne auditionnée en qualité de suspect est interrogée au sujet d'une infraction dont la sanction peut donner lieu à la délivrance d'un mandat d'arrêt ou non, à l'exception de certaines infractions et, enfin, selon que la personne auditionnée est privée de liberté ou non.

Schématiquement, la loi attaquée établit les principes suivants : - au début de l'audition de toute personne, interrogée en quelque qualité que ce soit, les informations énumérées à l'article 47bis, § 1er, du Code d'instruction criminelle doivent lui être communiquées; parmi ces informations figure le droit à ne pas être contraint de s'accuser soi-même; - avant l'audition d'une personne suspectée d'avoir commis une infraction, il doit lui être communiqué en outre qu'elle a le choix, après avoir décliné son identité, de faire une déclaration, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire; - la personne non privée de liberté et suspectée d'avoir commis une infraction dont la sanction peut donner lieu à la délivrance d'un mandat d'arrêt, à l'exception des délits de roulage, a le droit, avant la première audition, de se concerter confidentiellement avec un avocat; - la personne suspectée d'avoir commis une infraction et privée de sa liberté a le droit, dès ce moment et préalablement à la première audition, de se concerter confidentiellement avec un avocat. Elle a en outre le droit d'être assistée d'un avocat lors des interrogatoires menés par les services de police, le procureur du Roi et le juge d'instruction, jusqu'à la délivrance éventuelle d'un mandat d'arrêt par le juge d'instruction; - l'assistance d'un avocat est également garantie lors des descentes sur les lieux organisées en vue de la reconstitution des faits par le juge d'instruction.

B.3.5. L'article 6 de la loi du 13 août 2011Documents pertinents retrouvés type loi prom. 13/08/2011 pub. 05/09/2011 numac 2011009606 source service public federal justice Loi modifiant le Code d'instruction criminelle et la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive afin de conférer des droits, dont celui de consulter un avocat et d'être assistée par lui, à toute personne auditionnée et à toute personne privée de liberté fermer prévoit la possibilité pour le juge d'instruction, agissant sur réquisition du procureur du Roi ou d'office, de prendre une ordonnance visant à prolonger de vingt-quatre heures la privation de liberté visée à l'article 1er, 1°, ou à l'article 2 de la loi du 20 juillet 1990Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/07/1990 pub. 02/12/2010 numac 2010000669 source service public federal interieur Loi relative à la détention préventive Coordination officieuse en langue allemande fermer relative à la détention préventive.

Par son arrêt n° 201/2011 du 22 décembre 2011, la Cour a rejeté un recours en annulation visant cette disposition.

Quant à l'examen des moyens B.4.1. La Cour procède à l'examen des recours en groupant les moyens suivant qu'ils concernent : - le champ d'application de la loi attaquée; - les conditions d'exercice de la mission de l'avocat; - la possibilité d'exclusion du droit à l'assistance de l'avocat; - la possibilité de renonciation à l'assistance de l'avocat; - la sanction en cas de non-respect des droits garantis par la loi attaquée; - le droit à l'aide juridique dans le contexte de l'application de la loi attaquée; - l'application de la loi attaquée aux mineurs.

B.4.2. La partie requérante dans l'affaire n° 5331 invoque la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme. Elle semble considérer que la violation du droit à un procès équitable, garanti par l'article 6 de la même Convention, emporterait la violation des droits garantis par l'article 5.

L'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme ne concerne pas le droit à un procès équitable mais bien le droit à la liberté et à la sûreté. Il résulte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme que le droit à bénéficier de l'assistance d'un avocat au cours d'une garde à vue ou d'une détention provisoire « trouve son fondement spécifique dans le troisième paragraphe de l'article 6 de la Convention » et que « si l'impossibilité légale pour un ' accusé ' privé de liberté d'être assisté par un avocat dès le début de sa détention affecte l'équité de la procédure pénale dont il est l'objet, on ne peut déduire de cette seule circonstance que sa détention est contraire à l'article 5, § 1 de la Convention en ce qu'elle ne répondrait pas à l'exigence de légalité inhérente à cette disposition » (CEDH, décision, 28 août 2012, Simons c. Belgique).

Par conséquent, la Cour n'examine pas les moyens en ce qu'ils sont pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme.

B.4.3. Les parties requérantes font, à plusieurs reprises, allusion à la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2011 relative au droit d'accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales et au droit de communiquer après l'arrestation. Dès lors que cette proposition fait toujours, au moment du prononcé du présent arrêt, l'objet de négociations au niveau des institutions européennes, la Cour ne peut en tenir compte dans le contrôle qu'elle exerce sur la loi attaquée.

Quant au champ d'application de la loi attaquée En ce qui concerne la notion d'« audition » B.5.1. Le premier moyen dans l'affaire n° 5332 fait grief au législateur d'avoir négligé de définir précisément la notion d'« audition », alors que des droits fondamentaux sont désormais garantis aux personnes lorsqu'elles sont auditionnées. Le défaut de définition légale de cette notion entraînerait une violation du principe de légalité garanti par l'article 12 de la Constitution et du principe de sécurité juridique, ainsi qu'une violation des articles 10 et 11 de la Constitution.

B.5.2. Les principes de légalité et de prévisibilité de la procédure pénale énoncés par l'article 12, alinéa 2, de la Constitution sont applicables à l'ensemble de la procédure, en ce compris les stades de l'information et de l'instruction.

L'exigence de prévisibilité de la procédure pénale garantit à tout citoyen qu'il ne peut faire l'objet d'une information, d'une instruction et de poursuites que selon une procédure établie par la loi et dont il peut prendre connaissance avant sa mise en oeuvre.

B.5.3. L'article 47bis du Code d'instruction criminelle, modifié par l'article 2 de la loi attaquée, et l'article 2bis de la loi du 20 juillet 1990Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/07/1990 pub. 02/12/2010 numac 2010000669 source service public federal interieur Loi relative à la détention préventive Coordination officieuse en langue allemande fermer relative à la détention préventive, inséré par l'article 4 de la loi attaquée, situent les droits qu'ils garantissent avant, au début ou pendant « l'audition de personnes » par les services de police, le procureur du Roi ou le juge d'instruction.

B.5.4. La section de législation du Conseil d'Etat a fait remarquer qu'il était nécessaire « de définir ou à tout le moins de préciser la notion d'audition » dans la loi, « eu égard aux effets juridiques désormais attachés à une audition » (Doc. parl., Chambre, 2010-2011, DOC 53-1279/002, p. 14). Un amendement visant à définir cette notion n'a cependant pas été adopté. Le législateur, craignant que les détails indiqués dans le texte législatif ne donnent lieu à des discussions, a en effet estimé qu'il n'était « pas indiqué de reprendre une définition dans la loi » (Doc. parl., Chambre, 2010-2011, DOC 53-1279/005, p. 56).

B.5.5. Il ressort toutefois des discussions en Commission de la Justice de la Chambre qu'il faut entendre par le terme « audition », « un interrogatoire guidé concernant des infractions qui peuvent être mises à charge, par une personne habilitée à cet effet et acté dans un procès-verbal, dans le cadre d'une information ou d'une instruction judiciaires, dans le but d'établir la vérité » (ibid., p. 50).

L'audition implique une situation de questions-réponses, où le verbalisant procède à une enquête ciblée; elle est menée par les fonctionnaires de police, les fonctionnaires de certains services d'inspection habilités à agir en qualité d'officier ou d'agent de la police judiciaire, ou encore les autorités judiciaires. La personne qui procède à l'audition mène, guide et interpelle aux fins d'obtenir des renseignements de la part de la personne interrogée et cet interrogatoire porte de façon ciblée sur la qualification de l'infraction, les preuves et les particularités pertinentes de l'infraction. Enfin, la personne auditionnée est priée d'assumer ses déclarations et de signer sa déposition (ibid., p. 51).

Les travaux préparatoires de la loi attaquée mentionnent encore une série de situations qui ne correspondent pas à la définition de l'audition, comme la collecte de renseignements sur le lieu du délit lors de la première phase de l'enquête, les renseignements issus d'une enquête de voisinage, les déclarations formulées spontanément, les déclarations obtenues par voie téléphonique qui ne donnent lieu qu'à la rédaction d'un procès-verbal de renseignements, les réponses à un questionnaire transmis par écrit pour lequel des informations limitées sont demandées, ou les déclarations faites dans le cadre d'une enquête administrative (ibid., pp. 51-53).

B.5.6. Par ailleurs, le texte de l'article 2bis de la loi du 20 juillet 1990Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/07/1990 pub. 02/12/2010 numac 2010000669 source service public federal interieur Loi relative à la détention préventive Coordination officieuse en langue allemande fermer relative à la détention préventive, inséré par l'article 4 de la loi attaquée, utilise indistinctement les notions d'« audition » et d'« interrogatoire », ce qui confirme qu'il faut entendre la notion d'« audition », ainsi qu'il ressort des documents parlementaires précités, au sens d'un interrogatoire.

B.5.7. Bien que la loi ne contienne pas de définition expresse de la notion d'« audition », il ne peut être soutenu, compte tenu des précisions fournies dans les travaux préparatoires et du contexte législatif dans lequel s'inscrivent les droits garantis à toute personne auditionnée, que cette notion créerait une insécurité juridique telle qu'il ne serait pas possible, pour le justiciable, de déterminer dans quels types de situations les droits énoncés par la loi attaquée doivent s'appliquer.

Pour les mêmes raisons, cette notion ne permet pas des interprétations à ce point divergentes suivant les autorités que les justiciables risqueraient d'être traités de façon différente en violation des articles 10 et 11 de la Constitution.

B.5.8. Le moyen n'est pas fondé.

En ce qui concerne le critère de la privation de liberté B.6.1. Le premier moyen dans l'affaire n° 5316, le premier moyen dans l'affaire n° 5329, le premier moyen, en sa première branche, dans l'affaire n° 5331 et le quatrième moyen dans l'affaire n° 5332 concernent le critère de la privation de liberté retenu par le législateur pour l'octroi du droit à être assisté par un avocat au cours de l'audition par les services de police, le procureur du Roi ou le juge d'instruction.

L'article 2bis, § 1er, de la loi du 20 juillet 1990Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/07/1990 pub. 02/12/2010 numac 2010000669 source service public federal interieur Loi relative à la détention préventive Coordination officieuse en langue allemande fermer relative à la détention préventive, introduit par l'article 4 de la loi attaquée, prévoit en son alinéa 1er que toute personne privée de sa liberté, soit en cas de flagrant délit ou crime conformément à l'article 1er de la même loi, soit sur décision du procureur du Roi ou du juge d'instruction conformément à l'article 2 de la même loi, soit en exécution d'un mandat d'amener conformément à l'article 3 de la même loi, a le droit, dès ce moment et préalablement au premier interrogatoire, de se concerter confidentiellement avec un avocat. Le paragraphe 2 de cette disposition prévoit en outre que cette personne a le droit d'être assistée de son avocat lors des auditions qui ont lieu durant le délai de 24 heures de privation de liberté conformément aux articles 1er et 2 de la loi relative à la détention préventive, éventuellement prolongé conformément à l'article 15bis de la même loi.

Par ailleurs, l'article 16 de la loi relative à la détention préventive, modifié par l'article 7 de la loi attaquée, prévoit que le suspect qui comparaît devant le juge d'instruction préalablement à la délivrance d'un mandat d'arrêt a le droit d'être assisté d'un avocat durant l'interrogatoire.

Les personnes considérées comme suspectes et qui sont auditionnées alors qu'elles ne sont pas privées de leur liberté ont, en vertu de l'article 47bis, § 2, 3°, du Code d'instruction criminelle, introduit par l'article 2, 2°, de la loi attaquée, le droit de se concerter confidentiellement avec un avocat avant l'audition, sous réserve des exceptions qui sont examinées en B.21 à B.26. En revanche, la loi attaquée ne prévoit pas que ces personnes puissent être assistées par un avocat pendant l'audition par les services de police ou par le procureur du Roi.

B.6.2. Selon les parties requérantes, la limitation du droit à l'assistance par un avocat au cours de l'audition aux personnes arrêtées violerait le droit au procès équitable. Elles invoquent la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec les articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Elles estiment que le critère de la privation de liberté retenu par le législateur belge est contraire à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme et qu'il crée une discrimination entre les justiciables dans la jouissance du droit à un procès équitable.

B.7.1. Les développements qui précèdent la proposition de loi qui allait donner lieu à la loi attaquée indiquent que le législateur a constaté que s'il ne faisait « aucun doute qu'à la suite de l'arrêt Salduz et de la jurisprudence subséquente, il [convenait] de garantir l'accès effectif à un avocat à partir du début de la privation de liberté, même en dehors de toute forme d'audition », « en revanche, l'arrêt Salduz et la jurisprudence subséquente sont moins clairs sur ce qu'il convient de garantir à l'égard des personnes qui n'ont pas été arrêtées » (Doc. parl., Sénat, 2010-2011, n° 5-663/1, p. 15). Le législateur a estimé que « le moment de la privation de liberté constitue, dans la jurisprudence européenne, le moment-clé en ce qui concerne l'assistance de l'avocat » parce qu'un « suspect qui ne jouit pas de sa liberté d'aller et venir se retrouve dans une position particulièrement vulnérable, une vulnérabilité à laquelle seule l'assistance d'un avocat peut remédier » (ibid., p. 21).

Il a en conséquence retenu le critère de la privation de liberté pour différencier les droits garantis aux suspects interrogés par les services de police et par le procureur du Roi.

B.7.2. Le législateur a justifié le choix de ce critère de la façon suivante : « La différence essentielle entre un suspect qui a été arrêté et un suspect qui n'a pas été arrêté réside dans le fait que le second jouit de la liberté d'aller et venir.

Cela signifie qu'il peut à tout moment mettre un terme à l'audition et s'en aller, le cas échéant pour consulter une nouvelle fois un avocat.

En outre, vu la possibilité d'une concertation confidentielle préalable avec un avocat, au cours de laquelle l'avocat a l'opportunité de donner des précisions à propos de ce principe de ' liberté d'aller et venir ', les droits de la personne concernée sont suffisamment garantis.

Les deux catégories de personnes se retrouvent dès lors dans une position fondamentalement différente, si bien qu'il est justifié de les traiter différemment » (Doc. parl., Sénat, 2010-20111, n° 5-663/1, p. 16). « Les personnes qui ne sont pas privées de liberté n'ont pas le droit d'être assistées par un avocat pendant l'audition. Ces personnes se trouvent en effet dans une situation fondamentalement différente de celle d'une personne arrêtée. Un simple suspect est effectivement libre d'aller et de venir, si bien qu'il peut interrompre l'audition à tout moment afin de consulter éventuellement à nouveau un avocat » (Doc. parl., Chambre, 2010-2011, DOC 53-1279/005, p. 8).

B.7.3. Si la section de législation du Conseil d'Etat a estimé que le choix du critère de la privation de liberté comme critère décisif du bénéfice du droit à l'assistance d'un avocat au cours de l'audition était « critiquable » (Doc. parl., Chambre, 2010-2011, DOC 53-1279/002, p. 11), elle a cependant admis : « La jurisprudence de la Cour européenne concernant [des accusés détenus], ne permet pas en soi de tirer [des] conclusions claires à propos des droits des accusés qui ne sont pas privés de leur liberté.

Aussi longtemps que la Cour européenne n'aura pas clairement statué autrement, il est sans doute permis d'avancer que, si le droit à être assisté d'un avocat s'applique également aux accusés qui ne sont pas détenus, l'exercice de ce droit pour ces accusés peut être limité à un droit de concertation préalable avec un avocat » (ibid., p. 18).

B.8.1. La Cour européenne des droits de l'homme juge que « le droit de tout accusé à être effectivement défendu par un avocat, au besoin commis d'office » figure parmi les éléments fondamentaux du droit au procès équitable et que lorsqu'une législation nationale attache « à l'attitude d'un prévenu à la phase initiale des interrogatoires de police des conséquences déterminantes pour les perspectives de la défense lors de toute procédure pénale ultérieure », « l'article 6 exige normalement que le prévenu puisse bénéficier de l'assistance d'un avocat dès les premiers stades des interrogatoires de police ».

La Cour souligne qu'« un accusé se trouve souvent dans une situation particulièrement vulnérable [au stade de l'enquête], effet qui se trouve amplifié par le fait que la législation en matière de procédure pénale tend à devenir de plus en plus complexe, notamment en ce qui concerne les règles régissant la collecte et l'utilisation des preuves ». Elle considère que « dans la plupart des cas, cette vulnérabilité particulière ne peut être compensée de manière adéquate que par l'assistance d'un avocat, dont la tâche consiste notamment à faire en sorte que soit respecté le droit de toute accusé de ne pas s'incriminer lui-même » (CEDH, 27 novembre 2008, Salduz c. Turquie, §§ 51-54).

B.8.2. La Cour européenne des droits de l'homme insiste encore sur le fait que « l'équité d'une procédure pénale requiert d'une manière générale, aux fins de l'article 6 de la Convention, que le suspect jouisse de la possibilité de se faire assister par un avocat dès le moment de son placement en garde à vue ou en détention provisoire » et qu'un « accusé doit, dès qu'il est privé de sa liberté, pouvoir bénéficier de l'assistance d'un avocat et cela indépendamment des interrogatoires qu'il subit » (CEDH, 13 octobre 2009, Dayanan c.

Turquie, §§ 31-32). Ultérieurement, la Cour conclut à la non-violation de l'article 6.3.c) de la Convention dans une affaire concernant une personne considérée comme suspecte qui avait été entendue sans assistance d'un avocat, mais qui n'avait pas été formellement arrêtée et interrogée dans les locaux de la police. Dans ce contexte, la Cour relève que les circonstances de l'espèce ne font pas apparaître une limitation de la liberté de mouvement de la personne concernée suffisante pour que l'assistance d'un avocat puisse être requise dès ce moment (CEDH, 18 février 2010, Zaichenko c. Russie, §§ 47-48).

A l'occasion de l'examen d'une autre affaire, la Cour a encore rappelé que « la personne placée en garde à vue a le droit d'être assistée d'un avocat dès le début de cette mesure ainsi que pendant les interrogatoires » (CEDH, 14 octobre 2010, Brusco c. France, § 45).

Elle a souligné, dans une affaire relative à l'interrogatoire d'une personne qui était incarcérée pour d'autres faits que ceux à propos desquels elle était interrogée, qu'un accusé se trouve souvent dans une position particulièrement vulnérable au stade de l'enquête, relevant qu'en l'espèce le requérant, « même s'il ne faisait l'objet d'aucune mesure restrictive ou privative de liberté au titre de la procédure en cause, a été entendu alors qu'il avait été extrait de détention » sans l'assistance d'un avocat, et a conclu à la violation de l'article 6.3.c) de la Convention (CEDH, 27 octobre 2011, Stojkovic c. France et Belgique, § 53).En revanche, le droit à un procès équitable n'est pas violé à l'égard d'un requérant qui a livré des aveux spontanés lors d'une visite de la police à son domicile, à un moment où il n'était pas encore considéré comme suspect (CEDH, 19 janvier 2012, Smolik c. Ukraine).

B.9.1. La présence d'un avocat durant l'audition d'une personne par les services de police, le procureur du Roi ou le juge d'instruction est justifiée par le législateur, à la lumière de la jurisprudence précitée de la Cour européenne des droits de l'homme, par la nécessité de protéger les droits de la défense de la personne auditionnée et, singulièrement, son droit à garder le silence, à ne pas être contrainte de s'auto-incriminer et à ne pas subir de pressions de la part de la personne procédant à l'audition en vue d'obtenir des aveux.

Le risque d'atteinte à ces droits est d'autant plus grand que la personne concernée se trouve dans une position particulièrement vulnérable face à l'autorité. Cette vulnérabilité peut être causée, selon la Cour européenne des droits de l'homme, par la complexité de la procédure pénale et la méconnaissance corrélative de cette procédure par la personne concernée, ainsi que par les circonstances entourant l'audition.

A cet égard, la privation de liberté est un élément de nature à augmenter la vulnérabilité de la personne auditionnée. Le critère de la privation de liberté sur lequel le législateur a fondé la différence de traitement critiquée en ce qui concerne le droit à bénéficier de la présence d'un avocat durant l'audition est en conséquence pertinent par rapport à l'objectif légitime de protéger les personnes les plus vulnérables.

B.9.2. Par ailleurs, l'insécurité dans laquelle se trouve toute personne interrogée, même libre, dès lors qu'en règle, elle ne maîtrise pas la complexité des règles régissant la procédure pénale et l'étendue de ses droits de la défense, est compensée de manière suffisante, d'une part, par l'obligation, faite à l'autorité par l'article 47bis, § 2, du Code d'instruction criminelle, de rappeler, au début de l'entretien, le droit de ne pas être contraint de s'accuser soi-même et le droit de garder le silence et, d'autre part, par le droit de cette personne, sous réserve des exceptions qui sont examinées ci-après, d'avoir préalablement à l'audition un entretien confidentiel avec un avocat, lequel peut mettre cet entretien à profit pour rappeler les droits de la défense et pour exposer les aspects de la procédure pénale pertinents pour la personne concernée.

Il résulte de ce qui précède que le fait que l'article 47bis, § 2, du Code d'instruction criminelle, inséré par l'article 2 de la loi du 13 août 2011Documents pertinents retrouvés type loi prom. 13/08/2011 pub. 05/09/2011 numac 2011009606 source service public federal justice Loi modifiant le Code d'instruction criminelle et la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive afin de conférer des droits, dont celui de consulter un avocat et d'être assistée par lui, à toute personne auditionnée et à toute personne privée de liberté fermer, ne prévoit pas, au profit du suspect auditionné alors qu'il n'est pas privé de sa liberté, le droit d'être assisté d'un avocat au cours de l'audition n'a pas d'effets disproportionnés.

B.10. La loi attaquée ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

B.11.1. Les parties requérantes critiquent encore le fait que les garanties prévues par la loi attaquée sont réservées aux seules hypothèses de privation de liberté visées par la loi du 20 juillet 1990Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/07/1990 pub. 02/12/2010 numac 2010000669 source service public federal interieur Loi relative à la détention préventive Coordination officieuse en langue allemande fermer relative à la détention préventive et qu'elles ne bénéficient pas également aux personnes qui font l'objet d'une privation de liberté dans d'autres hypothèses.

B.11.2. Ainsi que le relève l'avis de la section de législation du Conseil d'Etat, « dans le cas d'une privation de liberté, l'application [du droit à l'assistance d'un avocat] ne découle pas du fait de la privation de liberté proprement dite (le droit à l'assistance d'un avocat n'est pas inscrit à l'article 5 CEDH qui énumère les droits qui s'appliquent aux personnes privées de leur liberté), mais du fait qu'un procès équitable (devant les juges de fond) doit être garanti à l'intéressée » (Doc. parl., Chambre, 2010-2011, DOC 53-1279/002, p. 11).

Le législateur ayant eu pour but, par l'adoption de la loi attaquée, de garantir le droit à un procès équitable, il ne saurait lui être reproché d'avoir adopté dans ce contexte des dispositions qui ne concernent que les personnes faisant l'objet d'une privation de liberté préalable à la tenue éventuelle d'un procès pénal.

B.12. Les moyens ne sont pas fondés.

B.13.1. La Cour doit encore examiner le premier moyen, en sa deuxième branche, dans l'affaire n° 5331, qui est pris subsidiairement dans l'hypothèse où ce moyen serait déclaré non fondé en sa première branche.

B.13.2. La partie requérante estime qu'en ne prévoyant pas expressément que le suspect qui n'est pas arrêté doit être informé du fait qu'il n'est pas privé de sa liberté et qu'il peut quitter l'audition à tout moment, la loi attaquée viole les dispositions citées en B.6.2.

B.14.1. Au cours des discussions parlementaires à la Chambre des représentants, un amendement a été déposé afin de compléter l'article 47bis, § 2, proposé du Code d'instruction criminelle par une disposition obligeant l'autorité à informer la personne interrogée qu'elle a le droit d'aller et venir. Les auteurs de l'amendement estimaient que « la personne qui est entendue par les forces de l'ordre sur des faits qui pourraient lui être imputés n'a pas toujours conscience qu'elle jouit toujours de sa liberté d'aller et venir » (Doc. parl., Chambre, 2010-2011, DOC 53-1279/005, p. 40). Le ministre de la Justice répondit cependant que l'adoption de cet amendement était inopportune, car il risquerait « d'empêcher les services de police de faire leur travail correctement dans la mesure où une personne informée explicitement de ce droit n'hésitera sans doute pas à l'exercer ». Il ajouta qu'il considérait que ce n'était pas « à la police de rappeler à une personne un droit fondamental qui est celui d'aller et venir », et qu'il fallait « laisser à l'avocat la possibilité de jouer son rôle et d'expliquer à son client les droits qui sont les siens » (ibid., p. 41).

B.14.2. Il est vrai que l'avocat, avec qui le suspect interrogé a eu, en principe, une concertation confidentielle préalable, lui a vraisemblablement rappelé que, n'étant pas arrêté, il a le droit de mettre fin à l'audition à tout moment. Il n'en demeure pas moins qu'à partir du moment où le législateur retient le critère de la privation de liberté pour l'octroi du droit d'être assisté par un avocat au cours de l'interrogatoire et qu'il justifie l'exclusion des personnes non privées de liberté de ce droit par le fait qu'elles sont en mesure de quitter l'audition à tout moment, le cas échéant pour consulter à nouveau un avocat, il doit s'assurer que les personnes concernées sont conscientes du fait qu'elles ne sont pas privées de leur liberté et qu'elles peuvent en conséquence quitter librement le local où elles sont interrogées.

B.14.3. Il en va d'autant plus ainsi que dans certaines hypothèses, le suspect interrogé n'a pas eu une concertation confidentielle préalable avec un avocat, soit parce que l'article 47bis, § 2, alinéa 1er, 3°, du Code d'instruction criminelle exclut ce droit pour les faits au sujet desquels il est interrogé, soit parce qu'il y a valablement renoncé.

B.14.4. Le moyen est fondé.

L'article 47bis, § 2, alinéa 1er, du Code d'instruction criminelle, introduit par l'article 2 de la loi du 13 août 2011Documents pertinents retrouvés type loi prom. 13/08/2011 pub. 05/09/2011 numac 2011009606 source service public federal justice Loi modifiant le Code d'instruction criminelle et la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive afin de conférer des droits, dont celui de consulter un avocat et d'être assistée par lui, à toute personne auditionnée et à toute personne privée de liberté fermer, doit être annulé en ce qu'il ne prévoit pas que la personne à interroger sur les infractions qui peuvent lui être imputées doit être informée qu'elle n'est pas arrêtée et qu'elle peut en conséquence aller et venir à tout moment.

En ce qui concerne l'exclusion de l'assistance de l'avocat au cours des auditions postérieures à la délivrance du mandat d'arrêt B.15.1. Par le quatrième moyen dans l'affaire n° 5316, le premier moyen, en sa troisième branche, dans l'affaire n° 5331, et le cinquième moyen dans l'affaire n° 5332, les parties requérantes demandent l'annulation de l'article 2bis, § 2, alinéa 1er, de la loi du 20 juillet 1990Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/07/1990 pub. 02/12/2010 numac 2010000669 source service public federal interieur Loi relative à la détention préventive Coordination officieuse en langue allemande fermer relative à la détention préventive, introduit par l'article 4 de la loi attaquée, en ce qu'il limite le droit à l'assistance d'un avocat pendant l'audition d'un suspect arrêté aux auditions qui ont lieu durant le délai de 24 heures, éventuellement prolongé, de privation de liberté préalable à la délivrance du mandat d'arrêt.

B.15.2. Les parties requérantes invoquent la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec les articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

B.16. Les développements de la proposition de loi qui a donné lieu à la loi attaquée exposent à ce sujet : « Notre législation offre dans le cadre de la détention préventive déjà bon nombre de droits à l'inculpé en vue de préserver son droit de défense et son droit à un procès équitable.

A la fois le Conseil supérieur de la Justice (dans son avis du 25 novembre 2010) et la Cour de cassation (dans divers arrêts) en dressent une liste, notamment : - la brièveté du temps de privation de liberté fixé constitutionnellement; - la remise immédiate à l'inculpé, au moment de la signification du mandat d'arrêt, de toutes les pièces visées aux articles 16, § 7, et 18, § 2, de la loi relative à la détention préventive; - le droit pour l'inculpé de communiquer dès cet instant librement avec son avocat, conformément à l'article 20, §§ 1er et 2, de la loi précitée. Il n'est même pas possible d'exclure ce droit d'accès permanent à un avocat en cas de mise au secret; - la possibilité d'avoir, dans un délai très court (5 jours), un débat contradictoire devant la juridiction d'instruction (la chambre du conseil, avec possibilité d'appel devant la chambre des mises en accusation), conformément à l'article 21 de la loi précitée; - la possibilité, dans le cadre de cette procédure, de consulter la totalité du dossier un jour ouvrable avant l'audience (article 21, § 3, de la loi précitée); - la présence de l'avocat lors de l'interrogatoire récapitulatif devant le juge d'instruction (article 22, alinéa 3, de la loi précitée); - la possibilité de demander l'accomplissement d'actes d'instruction complémentaires conformément aux articles 61quinquies et 127 du Code d'Instruction criminelle; - la possibilité pour le juge, aussi longtemps que l'instruction n'est pas close, de rendre une ordonnance de remise en liberté qui n'est susceptible d'aucun recours; - la consultation du dossier et la libre communication du prévenu avec son avocat pendant la procédure devant le juge du fond » (Doc. parl., Sénat, 2010-2011, n° 5-663/1, pp. 20-21). « Le droit à l'assistance lors de l'audition est inscrit au chapitre Ier de la loi relative à la détention préventive, qui traite des premières vingt-quatre heures de la privation de liberté.

Il s'agit d'un choix délibéré vu la situation particulièrement précaire dans laquelle l'inculpé se trouve à ce moment-là.

Il en va autrement à partir du moment où la personne a été placée sous mandat d'arrêt.

Comme indiqué plus haut, le Code d'instruction criminelle prévoit dans ce cas déjà nombre de droits complémentaires et de procédures relativement lourdes, qui garantissent des droits étendus dans notre système juridique encore et toujours basé sur le principe du secret de l'instruction.

La question peut être posée de savoir si ces droits ne suffisent pas à garantir un procès équitable.

Il convient de prendre également en considération les implications organisationnelles et budgétaires.

Afin que la période de la détention préventive soit la plus courte possible, les dossiers portant sur des personnes qui ont été arrêtées sont aujourd'hui traités prioritairement. Or, l'efficacité de l'instruction risque d'être à ce point entravée que l'inculpé lui-même n'en retire aucun bénéfice » (ibid., pp. 24-25).

La section de législation du Conseil d'Etat a estimé pouvoir comprendre ce point de vue, tout en indiquant que la question se posait néanmoins de savoir si un avocat ne devait pas veiller lors de chaque audition à ce qu'il ne soit pas exercé de pression ou de contrainte inadmissible sur l'inculpé (Doc. parl., Chambre, 2010-2011, DOC 53-1279/002, p. 23).

B.17.1. En raison de certaines garanties prévues par la loi relative à la détention préventive, rappelées par les travaux préparatoires précités, la situation dans laquelle se trouve l'inculpé placé en détention préventive peut être considérée comme moins vulnérable que celle du suspect qui est interrogé pendant la période de privation de liberté de 24 heures préalable à la délivrance éventuelle d'un mandat d'arrêt. S'il n'assiste pas, en principe, aux interrogatoires, l'avocat de l'inculpé détenu a la possibilité de suivre de près le déroulement de la procédure et d'y intervenir activement, puisque, notamment, l'inculpé peut communiquer librement avec son avocat après sa première audition par le juge d'instruction, que l'accès au dossier est prévu dès avant la première comparution en chambre du conseil dans les cinq jours à compter de l'exécution du mandat d'arrêt et que l'avocat peut assister à l'interrogatoire récapitulatif par le juge d'instruction.

Par ailleurs, si la loi ne prévoit pas l'assistance obligatoire de l'avocat aux interrogatoires tenus après la délivrance du mandat d'arrêt, elle n'interdit pas au juge d'instruction d'autoriser l'avocat à y assister, à sa demande ou à celle de l'inculpé, sauf si, à la lumière des circonstances particulières de l'espèce, il existe des raisons impérieuses de ne pas faire droit à cette demande.

B.17.2. La différence de traitement n'est dès lors pas dépourvue de justification raisonnable.

B.17.3. Les moyens ne sont pas fondés.

En ce qui concerne l'exclusion de l'assistance de l'avocat pour certains autres actes d'instruction B.18.1. Le premier moyen, en sa quatrième branche, dans l'affaire n° 5331 reproche à la loi attaquée de ne pas prévoir le droit à l'aide d'un avocat lors d'autres actes d'instruction que les interrogatoires, actes qui exigent ou supposent la collaboration active du suspect.

L'article 2bis, § 2, alinéa 1er, de la loi relative à la détention préventive, inséré par l'article 4 de la loi attaquée, limite le droit à l'assistance d'un avocat aux interrogatoires subis par le suspect avant la délivrance éventuelle du mandat d'arrêt. L'article 62 du Code d'instruction criminelle, tel qu'il a été complété par l'article 3 de la loi attaquée, prévoit que l'avocat du suspect est présent lors de la descente sur les lieux organisée en vue de la reconstitution des faits. Hormis ces deux hypothèses, il n'est pas prévu par la loi attaquée que le suspect puisse être assisté d'un avocat lors des actes d'instruction qui requièrent sa collaboration active comme, par exemple, une confrontation.

B.18.2. La partie requérante invoque la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec les articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

B.19. La section de législation du Conseil d'Etat avait attiré l'attention du législateur sur cette question : « [...] la Cour européenne a décidé que si un inculpé (détenu) ne peut être assisté d'un avocat lors des actes de procédure qui supposent la collaboration active de l'inculpé, comme une descente sur les lieux avec reconstitution des faits, le droit à un procès équitable peut être compromis » (Doc. parl., Chambre, 2010-2011, DOC 53-1279/002, p. 24).

En réponse à cette observation, le législateur a adopté l'article 3 de la loi attaquée, qui modifie l'article 62 du Code d'instruction criminelle, en vue de permettre l'assistance par un avocat lors des reconstitutions.

B.20.1. Pendant la période de privation de liberté de 24 heures préalable à la délivrance possible d'un mandat d'arrêt, les seuls actes d'instruction envisageables qui requièrent la collaboration active du suspect sont, outre une éventuelle reconstitution des faits, les auditions du suspect, le cas échéant sous la forme d'une confrontation avec des témoins, des victimes ou d'autres suspects ou inculpés. Au regard des objectifs poursuivis par la loi attaquée, il n'est pas sans justification raisonnable de n'avoir exigé la présence de l'avocat que lors des auditions et des descentes sur les lieux en vue de la reconstitution des faits.

B.20.2. Le moyen n'est pas fondé.

En ce qui concerne le droit de concertation confidentielle avec un avocat avant l'audition B.21.1. Le troisième moyen dans l'affaire n° 5316, le premier moyen, en sa cinquième branche, dans l'affaire n° 5331 et le troisième moyen dans l'affaire n° 5332 concernent le champ d'application du droit de concertation confidentielle avec un avocat avant l'audition d'une personne suspectée d'avoir commis une infraction.

L'article 47bis, § 2, 3°, du Code d'instruction criminelle, tel qu'il a été introduit par l'article 2, 2°, de la loi attaquée, prévoit que toute personne qui n'a pas été privée de sa liberté et qui va être auditionnée à propos d'infractions qui peuvent lui être imputées a le droit, avant la première audition, de se concerter confidentiellement avec un avocat. La même disposition exclut cependant de ce droit les personnes qui sont entendues à propos d'une infraction dont la sanction ne peut pas donner lieu à la délivrance d'un mandat d'arrêt et les personnes qui sont entendues à propos d'un des délits visés à l'article 138, 6°, 6°bis et 6°ter, du Code d'instruction criminelle.

B.21.2. D'après les parties requérantes, cette double limitation du droit de concertation confidentielle avec un avocat préalablement à l'audition serait contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution, lus isolément ou en combinaison avec les articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et aux articles 12 et 14 de la Constitution.

B.22. La loi ne prévoit pas le droit pour le suspect qui n'est pas privé de sa liberté d'être assisté par un avocat au cours de son audition au sujet de faits qui peuvent lui être imputés. Ceci peut être justifié, ainsi que la Cour l'a constaté en B.9.2, notamment parce que ces suspects bénéficient en principe du droit d'avoir une concertation confidentielle avec un avocat préalablement à la première audition. D'après les développements de la proposition de loi, cette concertation vise « en premier lieu à rendre effectif et à garantir le droit de se taire de l'inculpé de manière à ce que celui-ci puisse prendre, en connaissance de cause et sur la base d'informations objectives, la décision de faire ou non une déclaration » et peut « en outre aborder les éléments suivants : la communication d'informations sur la procédure et les droits de la personne en général, l'examen de l'affaire et la préparation de la défense, la recherche de preuves à décharge, la préparation de l'interrogatoire, et le soutien moral » (Doc. parl., Sénat, 2010-2011, n° 5-663/1, p. 16).

B.23.1. La Cour européenne des droits de l'homme souligne que le droit fondamental d'accès à un avocat dès le début de l'enquête revêt « une importance particulière dans le cas des infractions graves, car c'est face aux peines les plus lourdes que le droit à un procès équitable doit être assuré au plus haut degré possible par les sociétés démocratiques » (CEDH, 27 novembre 2008, Salduz c. Turquie, § 54; voy. également 1er juin 2010, Gäfgen c. Allemagne, § 177; 28 octobre 2010 Lazarenko c. Ukraine, § 50). Par ailleurs, on peut considérer que la vulnérabilité de la personne suspectée d'avoir commis une infraction et son besoin corrélatif d'être assistée par un avocat afin de veiller au respect de ses droits fondamentaux augmentent avec la gravité des faits au sujet desquels elle est interrogée ainsi qu'avec la lourdeur de la peine encourue. Il ne paraît dès lors pas déraisonnable d'établir une certaine gradation dans l'octroi du droit à l'accès à un avocat en fonction de la gravité des infractions qui peuvent être imputées à la personne auditionnée et de l'importance de la peine.

B.23.2. Les développements de la proposition de loi ayant donné lieu à la loi attaquée montrent que le législateur a eu le souci de tenir compte « des critères de faisabilité, de praticabilité et d'efficacité qui doivent constituer le fil rouge » et qu'il a constaté que « l'organisation d'une telle concertation confidentielle préalable pour toutes les infractions (y compris les infractions en matière de roulage, les contrôles routiers, ...) serait totalement impossible à réaliser, à la fois au plan budgétaire et au plan organisationnel » (Doc. parl., Sénat, 2010-2011, n° 5-663/1, pp. 16-17).

B.23.3. Confronté à la nécessité de mettre en place un système qui puisse être organisé en pratique de façon satisfaisante, le législateur a pu considérer qu'il ne s'imposait pas de garantir formellement une concertation confidentielle préalable avec un avocat avant chaque audition pour des infractions de moindre gravité dont la sanction maximale est inférieure à un an d'emprisonnement. La différence de traitement, en ce qu'elle repose sur le critère de la sanction pouvant donner lieu à mandat d'arrêt, est raisonnablement justifiée.

B.23.4. En outre, le fait que la concertation confidentielle préalable avec un avocat ne soit pas garantie par la loi attaquée aux suspects non privés de liberté qui sont entendus au sujet de faits dont la sanction ne peut donner lieu à la délivrance d'un mandat d'arrêt n'entraîne pas pour les personnes concernées des effets disproportionnés. En effet, les droits fondamentaux de la défense doivent leur être rappelés avant le début de l'audition. Il leur est ainsi communiqué, en application de l'article 47bis, § 2, alinéa 1er, du Code d'instruction criminelle, qu'elles ne peuvent être contraintes de s'accuser elles-mêmes et qu'elles ont le choix, après avoir décliné leur identité, de faire une déclaration, de répondre aux questions posées ou de se taire. En vertu de l'article 47bis, § 4, du Code d'instruction criminelle, une déclaration écrite reprenant ces droits doit leur être remise. En conséquence, il leur est loisible d'interrompre l'audition en vue, notamment, de consulter un avocat.

B.23.5. En ce qu'elle n'organise pas de droit de consultation confidentielle préalable avec un avocat au bénéfice de la personne auditionnée au sujet de faits qui peuvent lui être imputés et dont la sanction ne peut donner lieu à la délivrance d'un mandat d'arrêt, la loi attaquée ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution, lus isolément ou en combinaison avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

B.24.1. Les parties requérantes estiment également que le critère retenu par le législateur pour garantir le droit à la concertation confidentielle préalable avec un avocat, tiré de la gravité de la sanction à laquelle peuvent donner lieu les faits concernés, est contraire au principe de la prévisibilité de la procédure pénale, garanti par l'article 12 de la Constitution.

B.24.2. Il est exact que le critère de la gravité des faits suppose, pour sa mise en oeuvre, que l'autorité qui procède à l'audition et qui informe le suspect de l'étendue de ses droits qualifie les faits sur lesquels porte l'interrogatoire. Cette qualification, qui peut n'être que provisoire et peut être affinée au fur et à mesure des développements de l'enquête, détermine le droit pour le suspect auditionné, alors qu'il n'est pas privé de sa liberté, de demander à pouvoir se concerter confidentiellement avec un avocat préalablement à l'audition, le cas échéant en demandant le report de l'audition pour lui permettre d'exercer ce droit.

Les personnes qui procèdent aux auditions visées par la loi attaquée, si elles ne sont pas toutes juristes, sont en tout cas des professionnels qui ont été formés à cette fin. En cas de doutes quant à la qualification des faits au sujet desquels elles doivent interroger un suspect, elles peuvent en référer au magistrat en charge du dossier ou au magistrat de garde. En outre, la circulaire n° 8/2011 du 23 septembre 2011 du Collège des procureurs généraux précise qu'en cas de doute, il est indiqué d'opter pour la procédure la plus sévère avant de procéder au premier interrogatoire dans le cas où l'arrestation de la personne à auditionner semble possible. Enfin, il revient le cas échéant aux juges compétents de tirer les conséquences d'une erreur de qualification initiale au niveau de la gravité des faits concernés sur le caractère équitable de l'ensemble de la procédure pénale.

B.24.3. Il résulte de ce qui précède que suffisamment de garanties entourent la mise en oeuvre du critère de la sanction pouvant donner lieu à mandat d'arrêt, de sorte que l'utilisation de ce critère par le législateur n'est pas contraire au principe de légalité garanti par l'article 12 de la Constitution.

B.24.4. En ce qu'ils visent le critère de la sanction pouvant donner lieu à la délivrance d'un mandat d'arrêt pour réserver le droit à la concertation confidentielle avec un avocat préalablement à l'audition d'un suspect, les moyens ne sont pas fondés.

B.25.1. La Cour doit encore examiner l'exclusion du droit à la concertation confidentielle préalable avec un avocat lorsque les faits qui peuvent être imputés à la personne auditionnée constituent un des délits visés à l'article 138, 6°, 6°bis et 6°ter, du Code d'instruction criminelle. Ces dispositions concernent les infractions aux lois et règlements sur les barrières, les services publics et réguliers du transport en commun par terre ou par eau, la voirie par terre ou par eau et le roulage, les délits prévus aux articles 418 à 420 du Code pénal lorsque l'homicide, les coups ou blessures résultent d'un accident de la circulation et à l'article 422 du Code pénal (avoir causé involontairement un accident de chemin de fer) et les délits définis aux articles 22, 23 et 26 de la loi du 21 novembre 1989Documents pertinents retrouvés type loi prom. 21/11/1989 pub. 23/12/2009 numac 2009000839 source service public federal interieur Loi relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité civile en matière de véhicules automoteurs. - Coordination officieuse en langue allemande fermer relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs.

B.25.2. Les délits visés par ces dispositions peuvent avoir dans certains cas des conséquences considérables pour leurs auteurs, aussi bien pour ce qui est des peines qui peuvent être infligées que pour ce qui est des dommages et intérêts qui peuvent être dus aux victimes.

Les conséquences de ces infractions peuvent donc être très impressionnantes pour ceux qui les ont commises et dès lors susciter chez eux un état d'insécurité et de vulnérabilité important juste après leur commission.

B.26.1. La proposition de loi initiale n'excluait du droit de se concerter confidentiellement avec un avocat que les personnes auditionnées au sujet de faits qui pouvaient leur être imputés et qui ne pouvaient donner lieu à la délivrance d'un mandat d'arrêt (article 47bis, § 2, proposé du Code d'instruction criminelle, Doc. parl., Sénat, 2010-2011, n° 5-663/1, p. 37). Les développements relatifs à cette disposition indiquent : « L'opportunité de mettre la barre au niveau des infractions entrant en ligne de compte pour une détention préventive (punissables d'un emprisonnement d'un an) trouve son explication dans le fait que les infractions les plus graves en matière de roulage (p. ex. accident mortel, délit de fuite avec blessé, conduite sous alcool en état de récidive, ...) en font également partie et que la liste des délits du Code pénal qui sont punissables d'un emprisonnement de moins d'un an est plutôt limitée. Cela est, par ailleurs, aussi conséquent par rapport à l'autre ' seuil ' qui a été intégré dans le texte, en l'occurrence la privation de liberté » (ibid., p. 17).

Les discussions qui suivirent en Commission de la Justice du Sénat montrent que le législateur avait le souci d'éviter « un véritable chaos sur le terrain », ce qui aurait pu selon lui advenir si « toutes les infractions au Code de la route [étaient tombées] sous le coup de la loi » (Doc. parl., Sénat, 2010-2011, n° 5-663/4, p. 44). Ainsi, le régime proposé avait « été dicté par le souci d'exclure les infractions routières qui sont le plus souvent punies d'une amende » (ibid., p. 47). Dans le même sens, un amendement a été déposé en vue d'exclure du champ d'application du paragraphe 2 de l'article 47bis proposé les infractions de roulage prévues par la loi du 16 mars 1968Documents pertinents retrouvés type loi prom. 16/03/1968 pub. 21/10/1998 numac 1998000446 source ministere de l'interieur Loi relative à la police de la circulation routière, coordonnée par l'arrêté royal du 16 mars 1968 portant coordination des lois relatives à la police de la circulation routière . - Traduction allemande Le texte q(...) - la loi du 10 octobre 1967 contenant le Code judiciaire (Moniteur belge du 31 octobre 1967); - (...) fermer relative à la police de la circulation routière, « sauf si ces infractions prévoient une peine d'emprisonnement » (Doc. parl., Sénat, 2010-2011, n° 5-663/2, amendement n° 59).

A la suite des auditions tenues par la Commission de la Justice du Sénat, le législateur a estimé devoir exclure tout le contentieux en matière de roulage du champ d'application du droit de concertation, y compris les infractions les plus graves, considérant qu'il « serait en effet impossible d'organiser un tel droit de consultation préalable pour chaque accident, vu leur nombre » (Doc. parl., Sénat, 2010-2011, n° 5-663/4, p.94). A cette occasion, un membre de la Commission rappela : « [...] la jurisprudence Salduz s'appliquera toujours dès le moment où la personne est privée de liberté. L'exclusion visée est le contentieux de roulage du tout-venant. Dans le cas d'infractions graves, la personne sera souvent privée de liberté et par conséquent disposera de la ' letter of rights ' et du droit d'être assisté par un avocat » (ibid., p. 94).

B.26.2. Ainsi que la Cour l'a jugé en B.23, il est admissible que le législateur cherche, pour des raisons d'efficacité pratique, à limiter les cas de concertation confidentielle préalable à l'audition avec un avocat pour les suspects qui ne sont pas privés de liberté. Pour ce faire, il peut retenir un critère tiré de la gravité de l'infraction et de l'importance de la peine encourue.

En revanche, l'exclusion de tout un contentieux, en ce compris les infractions les plus graves pouvant se produire en cette matière, n'est pas justifiée raisonnablement. En effet, la personne qui est suspectée d'avoir commis un des délits visés par l'article 138, 6°, 6°bis et 6°ter, du Code d'instruction criminelle se trouve dans une situation comparable, en ce qui concerne son état de vulnérabilité face aux autorités procédant à l'audition et son besoin corrélatif de bénéficier de l'accès à un avocat, que celle qui est suspectée d'avoir commis un délit de même gravité dans un autre contexte que celui de la circulation routière. Il n'est dès lors pas justifié de les traiter de manière différente quant à leur droit à avoir une concertation confidentielle avec un avocat préalablement à l'audition.

B.26.3. En ce qu'il exclut du droit à la concertation préalable confidentielle avec un avocat le suspect auditionné au sujet de faits constitutifs d'un des délits visés à l'article 138, 6°, 6°bis et 6°ter, l'article 47bis, § 2, alinéa 1er, du Code d'instruction criminelle, introduit par l'article 2 de la loi attaquée, viole les articles 10 et 11 de la Constitution.

Dans cette mesure, les moyens sont fondés. Il y a lieu d'annuler, dans l'article 47bis, § 2, alinéa 1er, 3°, du Code d'instruction criminelle, inséré par l'article 2, 2°, de la loi du 13 août 2011Documents pertinents retrouvés type loi prom. 13/08/2011 pub. 05/09/2011 numac 2011009606 source service public federal justice Loi modifiant le Code d'instruction criminelle et la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive afin de conférer des droits, dont celui de consulter un avocat et d'être assistée par lui, à toute personne auditionnée et à toute personne privée de liberté fermer, les mots « , à l'exception des délits visés à l'article 138, 6°, 6°bis et 6°ter ».

En ce qui concerne le respect du principe de légalité dans la détermination du champ d'application des droits garantis B.27.1. Le deuxième moyen dans l'affaire n° 5316, le deuxième moyen dans l'affaire n° 5329 et le deuxième moyen dans l'affaire n° 5332 sont pris de la violation du principe de légalité en matière pénale consacré par l'article 12, alinéa 2, de la Constitution, lu isolément ou en combinaison avec les articles 10 et 11 de la Constitution et avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Les parties requérantes critiquent le fait que le législateur a utilisé les notions, d'une part, de « suspect » pour ouvrir le droit à la concertation confidentielle préalable à l'audition avec un avocat et, d'autre part, de « personne privée de sa liberté » pour ouvrir le droit à l'assistance de l'avocat au cours de l'audition. Elles estiment que ces notions ne sont pas conformes aux exigences du principe de légalité dès lors qu'elles dépendent du pouvoir d'appréciation des enquêteurs et que leur usage crée un risque d'erreur non négligeable.

B.27.2. L'article 47bis du Code d'instruction criminelle, tel qu'il a été modifié et complété par l'article 2 de la loi attaquée, distingue l'audition de personnes en quelque qualité que ce soit ( § 1er), l'audition « d'une personne sur des infractions qui peuvent lui être imputées » ( § 2) et enfin « toute personne privée de sa liberté » ( § 3). Le paragraphe 5 de la même disposition assimile la « personne à qui des infractions peuvent être imputées » à un « suspect ». Ces catégories de personnes jouissent, en vertu de la loi attaquée, de droits différents en ce qui concerne les informations qui doivent leur être communiquées et l'assistance d'un avocat dont elles peuvent bénéficier.

B.28.1. La loi attaquée a pour objet de garantir en procédure pénale belge le droit à un procès équitable, consacré par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, tel qu'il est interprété par la Cour européenne des droits de l'homme et, spécifiquement, de garantir le droit à l'assistance d'un avocat dès la phase préliminaire du procès pénal. Il en résulte que, dès lors que les autorités judiciaires et policières disposent d'éléments qui sont de nature à suspecter une personne d'avoir participé à l'infraction au sujet de laquelle elles enquêtent, cette personne doit être considérée comme « accusée » et jouir en conséquence des droits participant du droit à un procès équitable. C'est en conséquence dès le moment où une personne fait l'objet d'une « accusation en matière pénale », qu'elle doit bénéficier notamment du droit à ne pas contribuer à sa propre incrimination et du droit à garder le silence, ainsi que du droit à bénéficier de l'assistance d'un avocat (CEDH, 14 octobre 2010, Brusco c. France, §§ 47-50).En revanche, lorsque les services de police n'ont pas de raison de considérer une personne comme suspecte d'avoir commis l'infraction au sujet de laquelle ils mènent une enquête, les aveux spontanés faits par cette personne alors qu'elle n'avait pas bénéficié de l'assistance d'un avocat ne constituent pas une atteinte aux droits qu'elle tire de l'article 6 de la Convention (CEDH, 19 janvier 2012, Smolik c. Ukraine, §§ 54-55).

B.28.2. En distinguant, en ce qui concerne le droit à la concertation confidentielle avec un avocat préalablement à l'audition, selon que la personne est auditionnée au sujet de faits qui peuvent lui être imputés ou qui ne peuvent pas lui être imputés, autrement dit en distinguant la situation du suspect de celle des personnes qui sont entendues en une autre qualité, comme victime, plaignant ou témoin, la loi attaquée utilise les notions appropriées pour atteindre l'objectif du législateur.

Ces notions sont suffisamment claires et prévisibles pour permettre aux justiciables et aux autorités de déterminer les droits qui doivent être garantis dans chaque situation.

B.28.3. Il est vrai cependant que le statut d'une personne et le rôle qu'elle joue dans un dossier complexe ne sont pas toujours clairs dès le début de l'enquête, et que ce statut peut évoluer au fur et à mesure de la progression de celle-ci. Ainsi, il paraît inévitable que dans certains cas, des personnes qui n'étaient pas suspectes au début de l'enquête le deviennent par la suite.

Tenant compte de cette possibilité, le législateur a adopté les mesures qui s'imposent afin de garantir les droits de la défense des personnes qui acquièrent la qualité de suspect en cours d'enquête ou en cours d'audition. Ainsi, toute personne, entendue en quelque qualité que ce soit, doit être notamment informée au début de l'audition de ce que ses déclarations peuvent être utilisées comme preuve en justice et de ce qu'elle ne peut être contrainte de s'accuser elle-même (article 47bis, § 1er, du Code d'instruction criminelle). Par ailleurs, si, au cours de l'audition d'une personne qui n'était pas considérée comme un suspect, il s'avère que des faits peuvent lui être imputés, cette personne doit être informée des droits dont elle jouit en tant que suspect et, le cas échéant, des droits dont elle jouit en tant que personne privée de liberté, et la déclaration écrite de ces droits doit lui être remise (article 47bis, § 5 du Code d'instruction criminelle).

B.28.4. Enfin, il revient le cas échéant aux juges compétents de tirer les conséquences d'une erreur d'appréciation initiale du rôle du prévenu dans le dossier quant au caractère équitable de l'ensemble de la procédure pénale à son égard.

B.29.1. Quant au critère de la privation de liberté, il n'apparaît pas qu'il soit peu clair ou qu'il manque de prévisibilité.

S'il est vrai que la privation de liberté est décidée par l'autorité policière ou judiciaire, il n'en découle pas pour autant que ce critère serait subjectif ou que l'autorité aurait le loisir de reporter le moment de la privation de liberté dans le seul but de priver la personne auditionnée du droit à l'assistance d'un avocat durant l'audition. En effet, un tel comportement constituerait en lui-même une violation du droit à un procès équitable garanti par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et le juge compétent devrait le constater (CEDH, 28 octobre 2010, Lazarenko c. Ukraine, § 54). Par ailleurs, si la privation de liberté est décidée après la première audition, le droit à l'assistance de l'avocat est dû dès ce moment et préalablement à l'interrogatoire suivant (article 2bis, § 1er, de la loi relative à la détention préventive).

B.29.2. Enfin, la circulaire du Collège des procureurs généraux n° 8/2011 du 23 septembre 2011 recommande « d'opter pour la procédure la plus sévère avant de procéder au premier interrogatoire dans le cas où l'arrestation de la personne à auditionner semble possible » (p. 42) et elle ajoute que « le risque existe que les dispositions concernant l'audition d'une personne privée de sa liberté seront applicables à beaucoup d'interrogatoires qui, en fin de compte, ne résultent pas en une privation de liberté » (p. 44).

B.30. Les moyens ne sont pas fondés.

Quant aux conditions d'exercice de la mission de l'avocat En ce qui concerne le rôle de l'avocat lors de l'audition B.31.1. Le cinquième moyen dans l'affaire n° 5316, le cinquième moyen dans l'affaire n° 5331, en ses première et deuxième branches, et le sixième moyen dans l'affaire n° 5332, en sa première branche, concernent les limites assignées par le législateur aux possibilités d'intervention de l'avocat au cours de l'audition à laquelle il assiste. Les moyens sont pris de la violation des articles 10, 11, 12 et 14 de la Constitution, lus isolément ou en combinaison avec les articles 444 et 456 du Code judiciaire, avec les articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, avec l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et avec les principes généraux des droits de la défense et du droit à un procès équitable.

B.31.2. L'article 2bis, § 2, alinéa 3, de la loi relative à la détention préventive, introduit par l'article 4 de la loi attaquée, précise que l'assistance de l'avocat au cours de l'audition a exclusivement pour objet de permettre un contrôle du respect du droit de la personne interrogée de ne pas s'accuser elle-même et de sa liberté de choisir de faire une déclaration, de répondre aux questions ou de se taire, du traitement réservé à cette personne et en particulier de l'exercice manifeste de pressions ou contraintes illicites, de la notification des droits de la défense et de la régularité de l'audition. L'alinéa 4 de la même disposition permet à l'avocat de faire mentionner sans délai dans le procès-verbal d'audition les violations des droits précités qu'il estime avoir observées. Enfin, l'alinéa 5 de la même disposition prescrit que l'audition doit être interrompue durant quinze minutes maximum en vue de permettre une concertation confidentielle supplémentaire entre l'avocat et son client une seule fois à leur demande. La même disposition indique que l'audition est interrompue dans le même but chaque fois que sont révélées de nouvelles infractions qui ne sont pas en relation avec les faits qui ont été communiqués au début de l'audition à la personne interrogée.

L'article 16 de la loi relative à la détention préventive, modifié par l'article 7 de la loi attaquée, prévoit que l'avocat qui assiste à l'interrogatoire de son client par le juge d'instruction préalablement à la délivrance éventuelle d'un mandat d'arrêt peut également faire mentionner sans délai au procès-verbal les violations des droits précités qu'il estime avoir observées.

B.32.1. Les développements de la proposition de loi qui a donné lieu à la loi attaquée exposent au sujet du rôle de l'avocat au cours de l'audition : « L'assistance de l'avocat du suspect lors de l'interrogatoire par la police doit être axée sur la préservation des droits de l'intéressé.

Pour rappel, il est utile de mentionner que l'assistance doit être ' effective '.

Conformément à la jurisprudence de la CEDH, elle remplit trois fonctions essentielles : 1° le respect du droit de ne pas s'accuser soi-même et du droit de se taire;2° le traitement réservé à la personne interrogée durant l'audition, en particulier la question de savoir s'il n'y a pas eu usage d'abus ou de contrainte;3° la notification des droits de la défense visés à l'article 47bis du Code d'instruction criminelle et la régularité de l'audition. La Cour n'indique cependant pas si l'avocat a le droit d'intervenir ou non pendant l'audition, ni s'il suffit par exemple qu'il formule ses remarques ultérieurement.

Cette question semble donc pouvoir être réglementée conformément aux dispositions et usages du droit interne et compte tenu du triple objectif de l'assistance de l'avocat comme exposé plus haut.

Les auteurs de la proposition de loi considèrent que les situations suivantes ne sont pas autorisées : - l'audition ne peut pas dériver vers une plaidoirie de l'avocat vis-à-vis de la personne qui interroge; - l'avocat ne peut pas soulever de contestations juridiques, ni entrer en discussion avec les verbalisants; - l'avocat ne peut pas faire cesser l'audition, ni l'influencer, mais doit au contraire faire preuve de retenue de manière à ce que l'audition puisse connaître un déroulement normal; - pendant l'audition, l'avocat ne peut pas parler à son client, ni lui glisser quelque chose à l'oreille, ni se concerter ou avoir des contacts avec lui (par des signes par exemple); - l'avocat ne peut pas répondre à la place du client; - l'avocat ne peut pas s'opposer à ce qu'une question soit posée.

Par contre, les situations suivantes peuvent être autorisées : - l'audition peut être interrompue/suspendue en cas de nouvel élément (élément non connu lors de concertation confidentielle préalable - des faits de toxicomanie sont révélés dans un dossier de viol par exemple) ou une seule fois à la demande du suspect pour permettre à l'avocat de se concerter à nouveau en toute confidentialité avec son client pendant 15 minutes maximum; - l'avocat peut demander qu'il soit fait immédiatement mention dans le procès-verbal de ses remarques concernant la violation des trois objectifs précités.

Il semble indiqué d'inscrire uniquement dans le texte de loi ce qui est autorisé. Les dispositions contenues dans les développements doivent être lues et appliquées conjointement avec le texte de loi » (Doc. parl., Sénat, 2010-2011, n° 5-663/1, pp. 23-24).

B.32.2. La section de législation du Conseil d'Etat a estimé à ce sujet : « A propos de l'assistance de l'avocat au cours de l'audition, il ressort de la jurisprudence de la Cour européenne qu'elle vise à 'compenser' la situation vulnérable dans laquelle se trouve l'inculpé.

La Cour considère en outre que la tâche de l'avocat consiste notamment à veiller à ce que le droit de l'accusé de ne pas s'incriminer lui-même soit respecté. Compte tenu de cette finalité de l'assistance lors de l'audition, on peut admettre que la mission de l'avocat définie dans le projet est suffisamment large au regard des exigences de l'article 6, §§ 1er et 3, c, CEDH » (Doc. parl., Chambre, 2010-2011, DOC 53-1279/002, p. 23).

B.32.3. La Cour européenne des droits de l'homme a jugé que l'assistance qui peut être fournie par un avocat, dès le moment de la privation de liberté et indépendamment des interrogatoires que le suspect subit, concerne « toute la vaste gamme d'interventions qui sont propres au conseil » et elle a cité à cet égard « la discussion de l'affaire, l'organisation de la défense, la recherche des preuves favorables à l'accusé, la préparation des interrogatoires, le soutien de l'accusé en détresse et le contrôle des conditions de détention » (CEDH, 13 octobre 2009, Dayanan c. Turquie, § 32; 21 décembre 2010, Hovanesian c. Bulgarie, § 34).

Par ailleurs, elle a insisté à plusieurs reprises sur l'importance du respect du droit à garder le silence et du droit à ne pas être contraint de s'incriminer soi-même pour la garantie du droit à un procès équitable (CEDH, 18 février 2010, Zaichenko c. Russie, § 38; 14 octobre 2010, Brusco c. France, § 44) et a répété que la présence de l'avocat auprès de la personne suspectée d'avoir commis une infraction, placée en garde à vue ou en détention provisoire et interrogée se justifie par la situation « particulièrement vulnérable » de cette personne à ce stade de la procédure, sa tâche consistant à veiller notamment à ce que « soit respecté le droit de tout accusé de ne pas s'incriminer lui-même » (CEDH, 27 novembre 2008, Salduz c.

Turquie, § 54; 15 mars 2011, Begu c. Roumanie, § 139) ou encore à « protéger l'accusé contre toute coercition abusive de la part des autorités » (CEDH, 27 octobre 2011, Stojkovic c. France et Belgique, § 50). Le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination et le droit de garder le silence « ont notamment pour finalité de protéger l'accusé contre une coercition abusive de la part des autorités et, ainsi, d'éviter les erreurs judiciaires et d'atteindre les buts de l'article 6 de la Convention » (CEDH, 14 octobre 2010, Brusco c.

France, § 44; 28 octobre 2010, Lazarenko c. Ukraine, § 51).

B.33.1. La personne privée de liberté et interrogée en présence de son avocat a eu, avant la première audition, la possibilité de rencontrer l'avocat lors d'un entretien confidentiel. Au cours de cet entretien, l'avocat a eu l'occasion de lui expliquer le déroulement de la procédure, de lui rappeler son droit à garder le silence et son droit à ne pas contribuer à sa propre incrimination, d'examiner avec elle les faits au sujet desquels elle sera entendue et, le cas échéant, d'ébaucher une première stratégie de défense. Le suspect a donc pu ainsi bénéficier, dès la privation de liberté et indépendamment des interrogatoires qu'il subit, du soutien et de l'assistance d'un avocat.

B.33.2. Les dispositions attaquées, tout en évitant que lors de l'audition, un débat contradictoire ne s'engage entre la personne qui interroge et l'avocat, définissent le rôle de celui-ci de façon à lui permettre de veiller au respect des droits fondamentaux de son client.

Sa présence vise à compenser la situation vulnérable de celui-ci. La possibilité qu'il a de faire mentionner au procès-verbal, sans délai, les violations des droits fondamentaux de la personne qu'il assiste est pertinente par rapport à l'objectif de veiller à ce que la personne interrogée ne subisse pas de coercition abusive de la part des autorités.

En effet, les mentions que l'avocat peut demander d'indiquer au procès-verbal concernent non seulement les violations du droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination et du droit de se taire, mais également le traitement réservé à la personne interrogée, l'exercice manifeste de pressions ou contraintes illicites ainsi que la régularité de l'audition.

B.33.3. Enfin, l'avocat comme la personne interrogée disposent de la possibilité de demander la suspension de l'audition, une fois et pour une durée de quinze minutes, afin de mener une nouvelle concertation confidentielle (article 2bis, § 2, alinéa 5, de la loi relative à la détention préventive).

B.33.4. Il apparaît de ce qui précède que l'avocat qui assiste à l'audition n'est pas cantonné à un rôle purement passif mais qu'il dispose de possibilités d'interventions, certes limitées, qui lui permettent de veiller au respect des droits fondamentaux de son client au cours de l'interrogatoire.

B.33.5. Par ailleurs, lors de l'interrogatoire préalable à la délivrance éventuelle d'un mandat d'arrêt, en application de l'article 16, § 2, alinéas 1er et 5, de la loi relative à la détention préventive, le juge d'instruction doit interroger l'inculpé sur les faits concernés et il doit entendre ses observations. Lors de cette audition, l'avocat de l'inculpé doit également pouvoir exprimer ses observations concernant la délivrance éventuelle du mandat d'arrêt (article 16, § 2, alinéa 5). Ainsi que l'a précisé le ministre de la Justice lors des discussions en Commission de la Chambre, « la présence de l'avocat lors de l'audition devrait privilégier la transparence et encourager le recours aux mesures alternatives à la détention (maintien en liberté conditionnelle, caution) » (Doc. parl., Chambre, 2010-2011, DOC 53-1279/005, p. 23). Cet objectif ne peut être atteint que si l'avocat a la possibilité d'exprimer ses remarques et suggestions à ce sujet.

B.34. Les moyens ne sont pas fondés.

En ce qui concerne l'accès au dossier répressif B.35.1. Le sixième moyen dans l'affaire n° 5316, le quatrième moyen dans l'affaire n° 5329, le cinquième moyen, en sa troisième branche, dans l'affaire n° 5331 et le sixième moyen, en sa deuxième branche, dans l'affaire n° 5332 sont pris de la violation des articles 10, 11, 12 et 14 de la Constitution, lus isolément ou en combinaison avec les articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, avec l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et avec les principes généraux des droits de la défense et du droit à un procès équitable.

B.35.2. Les parties requérantes reprochent au législateur de n'avoir pas permis et organisé un accès au dossier répressif de la personne à auditionner avant la concertation préalable avec l'avocat.

L'accès au dossier répressif est organisé par la procédure pénale distinctement selon que la personne concernée a été placée sous mandat d'arrêt ou qu'elle n'est pas privée de sa liberté. Dans le premier cas, l'article 21, § 3, de la loi relative à la détention préventive prévoit que le dossier est mis à la disposition de l'inculpé et de son conseil pendant le dernier jour ouvrable avant la comparution en chambre du conseil. Dans le second cas, l'article 61ter du Code d'instruction criminelle autorise l'inculpé non détenu à demander au juge d'instruction de pouvoir consulter le dossier. Aucune disposition ne permet la consultation du dossier répressif par l'avocat appelé à assister un suspect privé de sa liberté dans le cadre de l'application de la loi attaquée.

B.36.1. L'accès au dossier répressif de la personne assistée par l'avocat dès avant le premier interrogatoire de celle-ci ne paraît pas indispensable pour lui permettre d'assumer sa mission de manière satisfaisante au regard des objectifs de celle-ci rappelés en B.32.3.

En effet, la sauvegarde des droits fondamentaux du justiciable suspecté d'avoir commis une infraction ne nécessite pas la prise de connaissance approfondie par l'avocat, dès ce premier stade de l'enquête, de l'ensemble du dossier.

Par ailleurs, l'organisation de l'accès au dossier dès ce moment risque d'entraîner un surcroît de travail pour les enquêteurs ainsi que pour les magistrats en charge du dossier, qui devront notamment vérifier quelles sont les pièces qui peuvent être portées à la connaissance de l'avocat et de son client sans mettre en péril la suite de l'enquête ou les droits et la sécurité de tiers, ainsi qu'un retard dans la tenue de la concertation confidentielle qui risque d'être incompatible avec le délai de 24 heures maximum imposé pour la privation de liberté.

B.36.2. Cependant, il est évident que l'avocat ne peut conseiller utilement la personne qui va être auditionnée s'il n'a aucune compréhension des faits et du contexte dans lequel cette personne est amenée à être interrogée. Il se peut en effet que, malgré le fait qu'elle ait été informée succinctement des faits à propos desquels elle va être entendue en application de l'article 47bis, § 2, alinéa 1er, du Code d'instruction criminelle, la personne concernée soit incapable de répéter correctement ces informations à l'avocat se présentant pour l'assister. Il faut dès lors admettre que, en vue de lui permettre de remplir sa mission et suivant les circonstances et les caractéristiques de la personne concernée, les officiers de police, le procureur du Roi ou le juge d'instruction doivent également informer eux-mêmes l'avocat des faits au sujet desquels a lieu l'audition.

B.36.3. Enfin, la directive 2012/13/UE, qui a été adoptée après la loi attaquée et à laquelle renvoient les parties requérantes, doit, en application de son article 11, être transposée dans les ordres internes des Etats membres pour le 2 juin 2014. Elle ne peut donc être prise en considération par la Cour.

B.37. Sous la réserve exprimée en B.36.2 pour les auditions réalisées postérieurement à la publication du présent arrêt dans le Moniteur belge, les moyens ne sont pas fondés.

En ce qui concerne la concertation confidentielle préalable à l'audition B.38. Le sixième moyen, en sa troisième branche, dans l'affaire n° 5332 est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, lus isolément ou en combinaison avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec les principes généraux des droits de la défense et du droit à un procès équitable.

Les parties requérantes reprochent à l'article 2bis, § 1er, de la loi relative à la détention préventive, inséré par l'article 4 de la loi attaquée, d'une part, de limiter à trente minutes la durée de la concertation confidentielle préalable avec un avocat pour le suspect privé de sa liberté et, d'autre part, de n'autoriser une concertation confidentielle qu'avant la première audition et non avant les auditions ultérieures ayant lieu durant le délai de privation de liberté des premières 24 heures.

B.39.1. L'article 2bis, § 1er, alinéa 3, de la loi relative à la détention préventive prévoit que la concertation confidentielle avec un avocat a « une durée maximale de trente minutes ».

B.39.2. Compte tenu du rôle de l'avocat au cours de la concertation confidentielle, tel qu'il est rappelé en B.33.1, ainsi que de la nécessité de maintenir la durée de privation de liberté antérieure à l'éventuelle délivrance d'un mandat d'arrêt dans la limite de 24 heures, il n'est pas déraisonnable que le législateur ait prévu une limite de temps pour la concertation confidentielle préalable à la première audition du suspect privé de sa liberté. A cet égard, une durée de trente minutes ne paraît pas exagérément courte.

B.39.3. Par ailleurs, en cas de prolongation de la durée initiale de privation de liberté conformément à l'article 15bis de la loi relative à la détention préventive, introduit par l'article 6 de la loi attaquée, la personne concernée a le droit de s'entretenir à nouveau confidentiellement avec un avocat durant une période de trente minutes.

B.40.1. Toutefois, dans certains cas exceptionnels, la durée maximale de trente minutes peut être insuffisante pour permettre à l'avocat de remplir sa mission. Tel pourrait être par exemple le cas lorsque la personne arrêtée et son avocat ne parlent pas la même langue et qu'il doit y avoir recours à un interprète.

B.40.2. Si elle devait être interprétée en ce sens que la concertation confidentielle est toujours limitée à une durée maximale de trente minutes, sans permettre à la personne qui procède à l'audition d'accorder une prolongation limitée de cette concertation pour tenir compte de telles situations exceptionnelles, la disposition attaquée pourrait violer les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.

B.40.3. Toutefois, ainsi que l'indique le Conseil des ministres, la disposition attaquée doit être interprétée comme permettant à la personne arrêtée d'obtenir une concertation avec son avocat de plus de trente minutes mais limitée au regard des exigences de l'enquête si le respect de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme l'exige sur le vu des circonstances concrètes.

B.41.1. L'article 2bis, § 1er, alinéa 1er, ne prévoit la possibilité d'une concertation confidentielle avec un avocat que préalablement au premier interrogatoire suivant l'arrestation. Sauf en cas d'hypothèse de prolongation de la durée de privation de liberté au-delà des premières 24 heures, la personne concernée n'a donc pas le droit de se concerter confidentiellement avec son avocat préalablement aux interrogatoires suivants.

B.41.2. Compte tenu de la nécessité de maintenir la durée de privation de liberté antérieure à l'éventuelle délivrance d'un mandat d'arrêt dans la limite de 24 heures, il n'est pas déraisonnable que le législateur n'ait pas prévu de nouvelle concertation confidentielle avec un avocat avant chacune des auditions qui pourraient avoir lieu durant cette période. En effet, l'entretien confidentiel préalable à la première audition doit permettre à l'avocat de remplir sa mission à cet égard. Par ailleurs, les droits du suspect interrogé doivent lui être rappelés par l'autorité, conformément à l'article 47bis, § 2, du Code d'instruction criminelle, avant chaque audition et cette personne peut être assistée de son avocat durant toutes les auditions (article 2bis, § 2, alinéa 1er, de la loi relative à la détention préventive).

Enfin, une concertation confidentielle supplémentaire est prévue en cours d'audition soit à la demande de la personne interrogée ou de son avocat, soit en cas de révélation de nouvelles infractions (article 2bis, § 2, alinéa 5, de la loi relative à la détention préventive).

Cette dernière disposition permet notamment au suspect arrêté de tenir une nouvelle concertation confidentielle avec un avocat préalablement à l'interrogatoire par le juge d'instruction en application de l'article 16 du Code d'instruction criminelle, cet interrogatoire portant non seulement sur les faits qui sont reprochés à l'intéressé, mais également sur la délivrance du mandat d'arrêt.

B.42. Sous réserve de l'interprétation mentionnée en B.40.3 pour les concertations réalisées postérieurement à la publication du présent arrêt au Moniteur belge, le moyen n'est pas fondé.

Quant à la possibilité d'exclure le droit à l'assistance d'un avocat B.43.1. Le septième moyen dans l'affaire n° 5316, le deuxième moyen dans l'affaire n° 5331 et le huitième moyen dans l'affaire n° 5332 visent l'article 2bis, § 5, de la loi du 20 juillet 1990Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/07/1990 pub. 02/12/2010 numac 2010000669 source service public federal interieur Loi relative à la détention préventive Coordination officieuse en langue allemande fermer relative à la détention préventive, introduit par l'article 4 de la loi attaquée, qui permet au procureur du Roi ou au juge d'instruction, par une décision motivée, à la lumière des circonstances particulières de l'espèce et pour autant qu'il existe des raisons impérieuses, de déroger aux droits garantis par les paragraphes 1er et 2 de la même disposition aux suspects privés de liberté, à savoir le droit à une concertation confidentielle avec un avocat dès le moment de la privation de liberté et le droit à être assisté de son avocat lors des auditions qui ont lieu durant le délai de 24 heures, éventuellement prolongé, de privation de liberté.

B.43.2. Les parties requérantes allèguent la violation des articles 10, 11, 12 et 14 de la Constitution, lus isolément ou en combinaison avec les articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, avec l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et avec les principes généraux des droits de la défense et du droit à un procès équitable.

B.44.1. Les développements de la proposition de loi exposent à ce sujet : « A la fois le CPT [Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (du Conseil de l'Europe)] et la jurisprudence Salduz autorisent cette possibilité d'exception et la proposition de loi reprend littéralement la formulation utilisée par la Cour européenne : L'arrêt Salduz dispose que le droit à l'assistance d'un avocat ne peut être restreint, ' sauf à démontrer, à la lumière des circonstances particulières de l'espèce, qu'il existe des raisons impérieuses de restreindre ce droit. ' Les circonstances particulières et les raisons impérieuses doivent être décrites dans la décision motivée du procureur ou du juge d'instruction.

L'option est donc prise de ne pas définir ces exceptions de manière générale dans la loi (par exemple, exception pour les dossiers terroristes, ...) mais de les motiver concrètement pour chaque dossier.

Cela implique qu'il sera possible d'apprécier a posteriori si des raisons impérieuses particulières pour priver une personne de certains droits étaient bien présentes dans un dossier concret et si le droit à un procès équitable a été violé ou non.

Cette appréciation pourra être faite à la fois par les juridictions d'instruction, par le juge du fond et par la Cour européenne des Droits de l'Homme elle-même » (Doc. parl., Sénat, 2010-2011, n° 5-663/1, p. 26).

Le législateur donne ensuite les exemples suivants : « - une affaire d'enlèvement, où il faut pouvoir réagir rapidement afin de localiser la victime qui est peut-être en danger de mort; - une grave affaire de terrorisme, qui menace potentiellement la sécurité générale » (ibid.).

B.44.2. Le Conseil d'Etat a estimé que « l'ancrage dans la loi de la dérogation possible paraît en soi admissible au regard de la jurisprudence. En outre, il ressort des exemples cités dans les développements que la disposition concernée doit être interprétée de manière restrictive » et en a conclu que la disposition ne soulevait aucune objection (Doc. parl., Chambre, 2010-2011, DOC 53-1279/002, p. 28).

B.44.3. La Cour européenne des droits de l'homme admet que « des raisons impérieuses peuvent exceptionnellement justifier le refus de l'accès à un avocat », tout en précisant que pareille restriction, quelle que soit sa justification, ne doit pas indûment préjudicier aux droits découlant pour l'accusé de l'article 6 de la Convention (CEDH, 27 novembre 2008, Salduz c. Turquie, § 55).

B.45.1. Le législateur a strictement encadré la possibilité pour le procureur du Roi ou pour le juge d'instruction de déroger au droit à la concertation confidentielle avec un avocat et au droit d'être assisté de celui-ci lors des auditions. Cette décision ne peut être prise que par un magistrat et non par les officiers de police procédant aux interrogatoires, elle doit être motivée spécialement au regard des circonstances particulières de l'espèce et elle doit être justifiée par des raisons impérieuses.

B.45.2. S'agissant d'une dérogation à un droit fondamental, la disposition attaquée doit être interprétée restrictivement, ce qui est confirmé par l'utilisation du terme « exceptionnellement ».

Par ailleurs, l'obligation de motivation permet un contrôle ultérieur par les juridictions d'instruction ou les juridictions de fond, qui tireront les conséquences qui s'imposent d'une erreur d'appréciation du magistrat.

B.45.3. Compte tenu de ces garanties, le législateur a pu prévoir une telle possibilité de dérogation au droit à l'assistance d'un avocat sans violer les dispositions invoquées par les parties requérantes.

B.46. Les moyens ne sont pas fondés.

Quant à la possibilité de renoncer au droit à l'assistance d'un avocat B.47.1. Le troisième moyen dans l'affaire n° 5331 est pris de la violation des articles 10, 11, 12 et 14 de la Constitution, lus isolément ou en combinaison avec les articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, avec l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et avec les principes généraux des droits de la défense et du droit à un procès équitable.

B.47.2. La partie requérante critique l'article 47bis, § 2, alinéa 3, du Code d'instruction criminelle et l'article 2bis, § 1er, alinéa 5, et § 2, alinéa 6, de la loi du 20 juillet 1990Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/07/1990 pub. 02/12/2010 numac 2010000669 source service public federal interieur Loi relative à la détention préventive Coordination officieuse en langue allemande fermer relative à la détention préventive, respectivement introduits par les articles 2 et 4 de la loi attaquée, en ce qu'ils permettent à la personne suspecte majeure de renoncer au droit à la concertation préalable avec un avocat ainsi qu'au droit à l'assistance d'un avocat au cours de l'audition.

B.48. D'après la Cour européenne des droits de l'homme, « ni la lettre ni l'esprit de l'article 6 de la Convention n'empêchent une personne de renoncer de son plein gré, que ce soit de manière expresse ou tacite, aux garanties d'un procès équitable ». La Cour européenne ajoute que « pour être effective aux fins de la Convention, la renonciation au droit de prendre part au procès doit se trouver établie de manière non équivoque et être entourée d'un minimum de garanties correspondant à sa gravité » (CEDH, 31 mai 2012, Diriöz c.

Turquie, § 32).

B.49.1. La renonciation au droit à l'assistance d'un avocat ne peut être faite que par une personne majeure, de manière volontaire et réfléchie. Pour renoncer au droit à la consultation préalable, la personne qui n'est pas privée de sa liberté doit le faire par écrit, dans un document daté et signé par elle. Le suspect qui est privé de sa liberté ne peut renoncer au droit à la concertation confidentielle avec un avocat qu'après avoir eu un contact confidentiel par téléphone avec la permanence organisée par le barreau. Elle doit également le faire dans un document daté et signé par elle. Enfin, le suspect « peut toujours revenir sur une renonciation antérieure, notamment lorsque le dossier dans le cadre duquel l'audition a eu lieu prend une nouvelle tournure » (Doc. parl., Chambre, 2010-2011, DOC 53-1279/005, p. 23). B.49.2. Ces éléments garantissent le caractère volontaire et réfléchi de la renonciation au droit à l'assistance d'un avocat. Par ailleurs, la circulaire du Collège des procureurs généraux n° 8/2011 du 23 septembre 2011 précise à ce sujet : « Si la police constate que la personne majeure à auditionner est une personne faible ou vulnérable (par ex. dérangement mental), les règles relatives aux mineurs d'âge seront appliquées » (p. 54).

B.50. Le moyen n'est pas fondé.

Quant aux sanctions en cas de non-respect des droits garantis par la loi attaquée En ce qui concerne la sanction de la méconnaissance du droit à l'assistance d'un avocat préalablement à l'audition ou au cours de celle-ci B.51.1. Le huitième moyen dans l'affaire n° 5316, le quatrième moyen dans l'affaire n° 5331, en ses première et troisième branches, et le septième moyen dans l'affaire n° 5332 concernent l'article 47bis, § 6, du Code d'instruction criminelle, introduit par l'article 2 de la loi attaquée. Les parties requérantes reprochent à cette disposition d'établir une sanction, en cas de méconnaissance du droit à l'assistance d'un avocat, qui n'est pas conforme aux exigences découlant du droit à un procès équitable tel qu'il est interprété par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. Elles estiment que le législateur aurait dû sanctionner la méconnaissance des droits garantis par la loi attaquée d'une nullité ou d'une exclusion totale de la preuve recueillie. Elles considèrent en outre que la disposition attaquée comporte un risque d'interprétations divergentes contraire au principe de légalité.

Par ailleurs, la partie requérante dans l'affaire n° 5331 fait grief à cette disposition de ne prévoir une sanction que pour la méconnaissance du droit à une concertation confidentielle préalable à l'audition avec un avocat et de ne pas prévoir également une sanction pour la méconnaissance du droit à l'assistance de l'avocat au cours de l'audition d'un suspect privé de sa liberté.

B.51.2. Les parties requérantes estiment que la disposition attaquée est contraire aux articles 10, 11, 12 et 14 de la Constitution, lus isolément ou en combinaison avec les articles 5, 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, avec les articles 14 et 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et avec les principes généraux des droits de la défense et du droit à un procès équitable.

B.52.1. Le procureur général près la Cour d'appel de Liège soulève plusieurs exceptions d'irrecevabilité de ces moyens, qui, selon lui, ne présenteraient pas de comparaison véritable, seraient imprécis, compareraient des personnes qui se trouveraient dans des situations non comparables ou n'invoqueraient que l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.

B.52.2. Il ressort à suffisance des requêtes que les parties requérantes demandent à la Cour de contrôler la compatibilité de l'article 47bis, § 6, du Code d'instruction criminelle, tel qu'il a été introduit par l'article 2 de la loi attaquée, avec les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec le droit à un procès équitable garanti par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et par l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ainsi que sa compatibilité avec le principe de légalité en matière pénale garanti par les articles 12 et 14 de la Constitution, par l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme et par l'article 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

B.52.3. Lorsqu'une partie requérante dénonce, dans le cadre d'un recours en annulation, la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec d'autres dispositions constitutionnelles ou internationales ou avec d'autres principes généraux du droit garantissant un droit fondamental, le moyen consiste en ce que cette partie estime qu'une différence de traitement est établie, parce que la disposition qu'elle attaque dans le recours priverait une catégorie de personnes de l'exercice de ce droit fondamental, alors que ce dernier serait garanti sans restriction à tout autre citoyen.

Les exceptions sont rejetées.

B.53.1. Contrairement à ce que soutient la partie requérante dans l'affaire n° 5331 dans la troisième branche du quatrième moyen, l'article 47bis, § 6, du Code d'instruction criminelle, en ce qu'il prévoit la sanction de la méconnaissance du droit à l'assistance d'un avocat, a une portée générale et dès lors s'applique également aux interrogatoires effectués dans le cadre de l'application de la loi relative à la détention préventive. Il est dès lors également d'application à la méconnaissance du droit à l'assistance d'un avocat lors des auditions du suspect privé de sa liberté.

B.53.2. Le quatrième moyen dans l'affaire n° 5331, en sa troisième branche, procède d'une lecture erronée de la disposition attaquée et n'est pas fondé.

B.54. L'article 47bis, § 6, du Code d'instruction criminelle prévoit qu'aucune condamnation ne peut être prononcée contre une personne sur le seul fondement de déclarations qu'elle a faites alors que les droits qui lui sont garantis par les paragraphes 2, 3 et 5 du même article, en ce qui concerne la concertation confidentielle préalable ou l'assistance d'un avocat au cours de l'audition, ont été violés à son égard.

La sanction ainsi établie vise donc : - la violation du droit du suspect non arrêté à une concertation confidentielle avec un avocat avant l'audition; - la violation du droit du suspect privé de liberté à une concertation confidentielle avec un avocat avant la première audition et de son droit d'être assisté par un avocat lors des auditions; - la violation du droit du suspect privé de liberté qui fait l'objet d'une décision de prolongation de la privation de liberté en application de l'article 15bis de la loi « relative à la détention préventive » à une concertation confidentielle préalable avec un avocat durant la nouvelle période de vingt-quatre heures de privation de liberté; - la violation du droit de la personne qui n'était pas considérée initialement comme un suspect et qui acquiert cette qualité en cours d'audition de bénéficier d'une concertation confidentielle avec un avocat et, si elle est privée de liberté, de bénéficier de l'assistance d'un avocat au cours de l'audition.

B.55.1. La proposition de loi originelle disposait, en ce qui concerne la sanction de la violation du droit à l'assistance d'un avocat, que les auditions effectuées en violation de ce droit ne pouvaient être utilisées « de manière exclusive, ni dans une mesure déterminante aux fins d'une condamnation de la personne interrogée » (article 47bis, § 5, proposé par l'article 2 de la proposition de loi, Doc. parl., Sénat, 2010-2011, n° 5-663/1, p. 37). Le texte avait été adopté comme tel par le Sénat.

La section de législation du Conseil d'Etat a considéré que cette sanction ne paraissait pas conforme à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme : « Compte tenu de cette jurisprudence, la loi devrait disposer que des déclarations faites en violation des garanties formelles qui ressortent de l'arrêt Salduz, ne peuvent en aucun cas être utilisées pour condamner l'intéressé. Dans l'article 47bis, § 6, en projet, du Code d'instruction criminelle, les mots ' de manière exclusive, ni dans une mesure déterminante ' devraient donc être omis. Une adaptation du projet en ce sens aurait pour conséquence que la violation de l'article 6 CEDH aux premiers stades de l'enquête peut être complètement réparée en cours de procédure. Une condamnation du prévenu sur la base d'autres éléments serait alors possible, sans qu'il soit encore question de violation de l'article 6 CEDH, à la condition que le fait de recueillir ces autres éléments n'ait pas été la conséquence directe des déclarations faites par le suspect sans l'assistance de son avocat » (Doc. parl., Chambre, 2010-2011, DOC 53-1279/002, p. 25).

B.55.2. Lors des discussions relatives à cette question en Commission de la Justice de la Chambre, le ministre de la Justice a fait remarquer que cette formulation du projet de loi était « conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation » et qu'il convenait de laisser le procès-verbal d'une audition réalisée en violation des droits garantis par la loi dans le dossier, parce que les déclarations qui y sont actées peuvent également être utilisées à décharge (Doc. parl., Chambre, 2010-2011, DOC 53-1279/005, p. 20). Il a exposé qu'« une audition qui n'est pas recueillie correctement ne peut, comme seul élément de preuve, donner lieu à une condamnation ». Il a également expliqué qu'en revanche, si une telle audition fait apparaître l'implication d'autres personnes, l'enquête peut être poursuivie sur la base de cette déclaration (ibid., p. 58).

Le texte adopté en première lecture par la Commission de la Justice de la Chambre disposait quant à lui que les auditions effectuées en violation du droit à l'assistance d'un avocat « ne [pouvaient] servir d'élément de preuve aux fins d'une condamnation de la personne interrogée » (ibid., p. 81). Il fut ensuite observé que si ce texte répondait à la remarque du Conseil d'Etat, il s'écartait par contre de la jurisprudence de la Cour de cassation (ibid., p. 83). Ce texte fut toutefois adopté tel quel et renvoyé au Sénat.

Estimant que la sanction ainsi retenue par la Chambre était « trop radicale » et que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme montrait que celle-ci adoptait une attitude « plus nuancée » et admettait que « des éléments dérivés puissent servir de preuve », le Sénat adopta la version actuelle de la disposition attaquée (Doc. parl., Sénat, 2010-2011, n° 5-663/10, pp. 27-29). A la Chambre, le ministre exposa que cette modification était « conforme à l'essence de l'arrêt Salduz » et que « la nouvelle formulation [exprimait] clairement qu'une condamnation ne peut être prononcée que s'il existe d'autres éléments de preuve » (Doc. parl., Chambre, 2010-2011, DOC 53-1279/012, p. 3).

B.56.1. La Cour européenne des droits de l'homme a jugé, dans l'arrêt Salduz et dans plusieurs arrêts ultérieurs : « Il est en principe porté une atteinte irrémédiable aux droits de la défense lorsque des déclarations incriminantes faites lors d'un interrogatoire de police subi sans assistance possible d'un avocat sont utilisées pour fonder une condamnation » (CEDH, 27 novembre 2008, Salduz c. Turquie, § 55; décision, 2 mars 2010, Bouglame c. Belgique; 28 octobre 2010, Lazarenko c. Ukraine, § 49; 27 octobre 2011, Stojkovic c. France et Belgique, § 50).

Dans l'arrêt Dayanan, elle a en outre jugé que, bien que l'accusé ait gardé le silence au cours de la garde à vue, la restriction systématique à l'accès à un avocat suffisait à conclure à un manquement aux exigences de l'article 6 de la Convention (CEDH, 13 octobre 2009, Dayanan c. Turquie, § 33).

B.56.2. La Cour européenne des droits de l'homme a également jugé que : « Le droit de ne pas s'incriminer soi-même concerne le respect de la détermination d'un accusé à garder le silence et présuppose que, dans une affaire pénale, l'accusation cherche à fonder son argumentation sans recourir à des éléments de preuve obtenus par la contrainte ou des pressions, au mépris de la volonté de l'accusé » (CEDH, 27 novembre 2008, Salduz c. Turquie, § 54; 14 octobre 2010, Brusco c.

France, § 44; 28 octobre 2010, Lazarenko c. Ukraine, § 51; 21 décembre 2010, Hovanesian c. Bulgarie, § 33; 27 octobre 2011, Stojkovic c.

France et Belgique, § 50).

B.56.3. En revanche, lorsqu'il apparaît, sur le vu de l'ensemble de la procédure pénale, que le prévenu n'a pas été personnellement touché par l'absence d'un avocat lors du premier interrogatoire de police puisque les déclarations faites à ce moment n'ont pas servi à fonder sa condamnation, la Cour a jugé que l'article 6 de la Convention n'est pas violé (CEDH, 21 décembre 2010, Hovanesian c. Bulgarie, § 37; 23 juin 2011, Zdravko Petrov c. Bulgarie, § 47; 19 janvier 2012, Smolik c. Ukraine, § 54;24 juillet 2012, Stanca c. Roumanie, § 62).

B.56.4. Par ailleurs, dans l'arrêt Gäfgen c. Allemagne du 1er juin 2010, la Cour européenne des droits de l'homme a rappelé : « Quant à l'utilisation de preuves recueillies au mépris du droit de garder le silence et du droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination, la Cour rappelle que ce sont des normes internationales généralement reconnues, qui sont au coeur de la notion d'un procès équitable tel que garanti par l'article 6. Ces normes sont inspirées notamment par le souci de mettre un accusé à l'abri d'une contrainte abusive de la part des autorités, afin d'éviter des erreurs judiciaires et d'atteindre les buts de l'article 6.

Le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination présuppose en particulier que l'accusation cherche à fonder son argumentation sans recourir à des éléments de preuve obtenus par la contrainte ou les pressions, au mépris de la volonté de l'accusé » ( § 168).

Examinant, dans cette affaire, les conséquences sur l'équité d'un procès pénal de l'utilisation de preuves matérielles obtenues par suite d'un traitement inhumain contraire à l'article 3 de la Convention, la Cour européenne a observé : « [...] aucun consensus ne se dégage clairement parmi les Etats contractants de la Convention, les juridictions d'autres Etats et d'autres organes de contrôle du respect des droits de l'homme quant au champ d'application précis de la règle d'exclusion [...]. En particulier, des facteurs tels que le point de savoir si les éléments de preuve litigieux auraient de toute façon été découverts, ultérieurement, indépendamment de la méthode d'enquête prohibée, peuvent avoir une incidence sur la recevabilité de ces preuves » ( § 174).

En l'espèce, la Cour européenne a constaté que la juridiction nationale avait fondé sa décision sur des preuves corroborantes recueillies indépendamment des premiers aveux extorqués en violation de l'article 3 de la Convention et a conclu que la chaîne de causalité entre les méthodes d'enquête prohibées et le verdict de culpabilité et la peine avait été rompue, de sorte que l'article 6 de la Convention n'était pas violé ( § 180).

B.57. La Cour de cassation a jugé que « l'équité d'un procès pénal s'apprécie par rapport à l'ensemble de la procédure, en recherchant si les droits de la défense ont été respectés, en examinant si la personne poursuivie a eu la possibilité de contester l'authenticité des preuves et de s'opposer à leur utilisation, en vérifiant si les circonstances dans lesquelles les éléments à charge ont été obtenus jettent le doute sur leur crédibilité ou leur exactitude, et en évaluant l'influence de l'élément de preuve obtenu irrégulièrement sur l'issue de l'action publique » (Cass., 15 décembre 2010, Pas., 2010, n° 743) et que « l'absence de l'avocat à une audition de police effectuée pendant le délai de garde à vue ne peut faire obstacle à une éventuelle déclaration de culpabilité que dans la mesure où celle-ci s'appuierait exclusivement ou de manière déterminante sur des déclarations auto-accusatrices obtenues à la faveur d'une telle audition, sans que la personne entendue ait renoncé à l'assistance d'un conseil ou librement choisi de s'en passer » (Cass., 5 janvier 2011, Pas., 2011, n° 10).

Plus récemment, elle a jugé : « Le droit à un procès équitable, consacré par l'article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, implique que la personne arrêtée ou mise à la disposition de la justice bénéficie de l'assistance effective d'un avocat au cours de l'audition de police effectuée dans les vingt-quatre heures de sa privation de liberté, sauf à démontrer, à la lumière des circonstances particulières de l'espèce, qu'il existe des raisons impérieuses de restreindre ce droit.

Il en résulte que le juge pénal ne peut puiser de preuve à charge de la personne entendue dans une audition à cet égard irrégulière » (Cass., 5 septembre 2012, P.12.0418.F).

B.58. En disposant qu'aucune condamnation ne peut être prononcée sur le seul fondement de déclarations faites en violation du droit à la concertation confidentielle préalable avec un avocat ou du droit à l'assistance de l'avocat lors des auditions, tels que ces droits sont définis par la loi attaquée, l'article 47bis, § 6, du Code d'instruction criminelle permet que ces déclarations soient prises en considération par le juge du fond, dès lors qu'elles sont corroborées par d'autres éléments de preuve, le cas échéant recueillis en conséquence des déclarations initiales. Cette disposition permet même que de telles déclarations soient utilisées de manière déterminante.

B.59. Une telle possibilité n'est en principe pas compatible avec le droit à un procès équitable garanti par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, tel qu'il est interprété par la Cour européenne des droits de l'homme. Elle juge en effet que le droit du suspect à ne pas être contraint de participer à sa propre incrimination et son droit à garder le silence, au respect desquels participe le droit à l'assistance de l'avocat, présupposent que l'accusation soit fondée sur d'autres éléments de preuve que ceux qui ont été obtenus en violation de ces droits. Ces derniers doivent dès lors être exclus des éléments sur la base desquels le juge est amené à fonder la condamnation.

La Cour européenne des droits de l'homme ajoute que lorsque les aveux recueillis en violation du droit à l'assistance d'un avocat ont influencé la décision de condamnation, la mesure dans laquelle ces aveux ont affecté la conviction du juge n'a pas à être prise en considération, la Cour n'ayant pas à spéculer sur ce qui serait advenu si un avocat avait été présent lors de la première audition (CEDH, 28 octobre 2010, Lazarenko c. Ukraine, § 57).

B.60.1. En permettant que des déclarations auto-incriminantes recueillies en violation du droit à l'assistance d'un avocat, tel qu'il est organisé par la loi attaquée, soient utilisées pour fonder une condamnation, fût-ce en combinaison avec d'autres éléments de preuve, la disposition attaquée viole les articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.

B.60.2. Les moyens sont fondés.

Il convient d'annuler, dans l'article 47bis, § 6, du Code d'instruction criminelle, inséré par l'article 2 de la loi du 13 août 2011Documents pertinents retrouvés type loi prom. 13/08/2011 pub. 05/09/2011 numac 2011009606 source service public federal justice Loi modifiant le Code d'instruction criminelle et la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive afin de conférer des droits, dont celui de consulter un avocat et d'être assistée par lui, à toute personne auditionnée et à toute personne privée de liberté fermer, le mot « seul ».

B.61. Compte tenu de cette annulation, il n'y a pas lieu d'examiner les moyens en ce qu'ils sont pris de la violation des articles 10, 11, 12 et 14 de la Constitution, combinés avec l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

En ce qui concerne la sanction de la méconnaissance du droit à l'assistance d'un avocat lors d'une descente sur les lieux en vue d'une reconstitution des faits B.62. Le huitième moyen dans l'affaire n° 5316, le quatrième moyen dans l'affaire n° 5331, en sa deuxième branche, et le septième moyen dans l'affaire n° 5332 concernent également l'article 62 du Code d'instruction criminelle, inséré par l'article 3 de la loi attaquée.

Les parties requérantes dénoncent l'absence de toute sanction s'appliquant à la violation du droit garanti par cette disposition, à savoir le droit pour le suspect d'être assisté par son avocat lors d'une descente sur les lieux en vue d'une reconstitution des faits.

Elles estiment que cette lacune viole les articles 10, 11, 12 et 14 de la Constitution, lus isolément ou en combinaison avec les articles 5, 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, avec les articles 14 et 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et avec les principes généraux des droits de la défense et du droit à un procès équitable.

B.63. L'absence de sanction, dans la loi attaquée, de la violation du droit du suspect d'être assisté de son avocat lors d'une reconstitution des faits ne porte pas atteinte au fait qu'il revient au juge du fond d'examiner la régularité des preuves sur lesquelles est fondée l'action publique et de garantir le droit du prévenu au procès équitable. Il lui appartient dans ce cadre, s'il constate que la prise en considération des éléments de preuve recueillis lors d'une reconstitution des faits menée en violation du droit du suspect à être assisté par son avocat porte atteinte au droit du prévenu à un procès équitable, de ne pas les retenir pour fonder une éventuelle condamnation.

B.64. Les moyens ne sont pas fondés.

En ce qui concerne la sanction de la méconnaissance des droits des personnes auditionnées en une autre qualité que celle de suspect B.65.1. Le quatrième moyen dans l'affaire n° 5331, en sa deuxième branche, fait grief au législateur de n'avoir prévu aucune disposition sanctionnant la méconnaissance des droits, garantis par l'article 47bis, § 1er, du Code d'instruction criminelle, des personnes auditionnées en une autre qualité que celle de suspect.

B.65.2. Dès lors que les dispositions attaquées visent à garantir le droit à un procès équitable des personnes faisant l'objet de poursuites pénales, il est cohérent qu'elles ne prévoient pas de sanctions à l'égard de la violation du droit à l'information de personnes qui, auditionnées en quelque qualité que ce soit, ne sont pas suspectes et ne risquent dès lors pas de se trouver prévenues ou accusées lors d'un procès pénal ultérieur ni de subir une violation de leur droit à un procès équitable.

Il importe de souligner à cet égard qu'en vertu de l'article 47bis, § 5, du Code d'instruction criminelle, la sanction prévue par l'article 47bis, § 6, du Code d'instruction criminelle s'applique à la violation des droits à la consultation confidentielle préalable avec un avocat et à l'assistance d'un avocat lors des auditions des personnes qui, entendues initialement sans avoir la qualité de suspect, sont suspectées au cours de l'interrogatoire.

B.65.3. Le moyen, en cette branche, n'est pas fondé.

Quant à l'aide juridique B.66.1. Le neuvième moyen dans l'affaire n° 5316, le troisième moyen dans l'affaire n° 5329 et le neuvième moyen dans l'affaire n° 5332 visent l'article 2bis, § 1er, alinéa 2, de la loi du 20 juillet 1990Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/07/1990 pub. 02/12/2010 numac 2010000669 source service public federal interieur Loi relative à la détention préventive Coordination officieuse en langue allemande fermer relative à la détention préventive, inséré par l'article 4 de la loi attaquée. Les parties requérantes considèrent que cette disposition, en ce qu'elle prévoit que le bénéfice de l'aide juridique est réservé, pour ce qui concerne l'assistance fournie par l'avocat avant la délivrance éventuelle d'un mandat d'arrêt, aux suspects privés de leur liberté qui ne disposent pas de ressources suffisantes, viole l'article 23 de la Constitution, lu isolément ou en combinaison avec les articles 10 et 11 de la Constitution, avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec les principes généraux du respect des droits de la défense et du droit à un procès équitable.

B.66.2. L'article 1er, § 2, de l'arrêté royal du 18 décembre 2003 déterminant les conditions de la gratuité totale ou partielle du bénéfice de l'aide juridique de deuxième ligne et de l'assistance judiciaire établit une présomption, jusqu'à preuve du contraire, suivant laquelle la personne détenue sur la base d'un mandat d'arrêt ne dispose pas de ressources suffisantes, de sorte que cette personne a droit à l'aide juridique de deuxième ligne. Les parties requérantes estiment qu'en ne prévoyant pas la même présomption au bénéfice des suspects privés de liberté durant la période de 24 heures, le cas échéant prolongée, qui précède la délivrance éventuelle d'un mandat d'arrêt par le juge d'instruction, mais en disposant au contraire que les règles ordinaires en matière d'assistance judiciaire gratuite sont d'application, le législateur porte atteinte au droit à l'aide juridique garanti par l'article 23 de la Constitution, en ce compris en ce que cette disposition contient une clause de standstill, et crée une discrimination entre les personnes privées de leur liberté selon qu'elles le sont en vertu d'un mandat d'arrêt délivré par le juge d'instruction ou non.

B.67.1. Lors des discussions en Commission de la Justice du Sénat, le ministre a expliqué : « [...] par principe, seules les personnes qui disposent de ressources insuffisantes ont droit à un avocat pro deo. L'article 508/14 du Code judiciaire prévoit déjà qu'en cas d'urgence, un avocat pro deo peut être désigné et que le barreau fixe le délai dans lequel les preuves doivent être communiquées. La même disposition pourrait être appliquée par analogie. De plus, la personne arrêtée est réputée insolvable à partir de la délivrance du mandat d'arrêt. La présomption d'insolvabilité est réfutable, mais n'est jamais renversée dans la pratique. Cette présomption n'est jamais étendue aux 24 premières heures puisqu'il ressort des chiffres que la majorité des personnes arrêtées sont relâchées dans les 24 heures » (Doc. parl., Sénat, 2010-2011, n° 5-663/4, p. 62).

B.67.2. La règle établie par la disposition attaquée correspond au droit commun de l'aide juridique. Le législateur a cependant souhaité l'indiquer explicitement dans le texte afin d'« insister sur la nécessité d'informer l'intéressé de la manière la plus complète possible (déclaration de droits) » (ibid., p. 63). Il ressort également des travaux préparatoires que le législateur a été attentif au coût pour la collectivité qu'entraînerait une présomption d'insolvabilité étendue aux premières 24 heures de privation de liberté (ibid., p. 67).

B.68.1. La différence de traitement repose sur un critère objectif qui n'est pas dénué de pertinence. En effet, la situation des personnes privées de liberté, selon qu'elles le sont durant 24 heures, éventuellement prolongées jusqu'à 48 heures au maximum, ou qu'elles sont placées en détention préventive pour une durée indéterminée et, dans de nombreux cas, nettement plus longue, diffère essentiellement en ce qui concerne leur possibilité de disposer des revenus suffisants leur permettant de rémunérer les services d'un avocat. Il n'est pas sans justification raisonnable de ne pas présumer qu'une personne privée de sa liberté pour une durée aussi limitée dispose de revenus insuffisants.

Par ailleurs, en ce que la présomption d'indigence profitant aux personnes détenues vise à compenser une situation de détresse provenant de la détention, il n'est pas déraisonnable de considérer que la privation de liberté limitée dans le temps ne cause pas une situation de détresse de même ampleur et n'empêche pas, une fois qu'elle a pris fin, la personne concernée soit de rémunérer les services de l'avocat qui l'a assistée, soit de faire parvenir au bureau d'aide juridique les documents prouvant son droit à l'aide juridique.

B.68.2. La disposition attaquée n'entraîne pas de conséquences disproportionnées pour les personnes privées de leur liberté dès lors qu'elles sont informées de leur droit éventuel à bénéficier de l'aide juridique de deuxième ligne et qu'elles en bénéficient effectivement si elles remplissent les conditions légales. En outre, en application de l'article 508/14 du Code judiciaire, en cas d'urgence, l'aide juridique gratuite est accordée provisoirement par le bureau d'aide juridique sans que le suspect ne doive produire la preuve de ses revenus.

B.68.3. La disposition attaquée n'empêche pas les personnes qui sont dans les conditions légales pour bénéficier de la gratuité totale ou partielle de l'aide juridique de deuxième ligne d'y avoir recours, de sorte que les droits garantis par l'article 23 de la Constitution ne sont pas violés. Il n'est pas non plus porté atteinte au principe de standstill que cette disposition consacre en matière d'aide juridique.

En effet, la loi attaquée crée un droit à l'assistance d'un avocat qui n'existait pas auparavant et ne porte pas atteinte au système de l'aide juridique établi par la législation antérieure, de sorte qu'elle n'entraîne aucun recul des garanties existantes.

B.68.4. Enfin, échappent au contrôle de la Cour les difficultés d'application pratique de la législation exposées par les parties requérantes, notamment en ce qui concerne la rémunération des avocats pour les interventions prestées dans le cadre de la loi attaquée.

B.68.5. Les moyens ne sont pas fondés.

Quant à l'application de la loi aux mineurs d'âge B.69. Le sixième moyen dans l'affaire n° 5331 concerne l'application de la loi attaquée aux mineurs d'âge. La partie requérante invoque, à l'appui de ce moyen, la violation des articles 10, 11, 12 et 14 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, avec l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, avec les articles 3 et 40 de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant et avec les principes généraux du respect des droits de la défense et du droit à un procès équitable.

B.70.1. Ce moyen, en sa première branche, fait grief au législateur de créer des discriminations dans la mesure où la loi attaquée devrait être interprétée comme ne s'appliquant pas aux mineurs suspectés d'avoir commis un fait qualifié infraction, de sorte que ces mineurs bénéficieraient de moins de droits que les majeurs suspectés d'avoir commis un tel fait.

B.70.2. Le législateur a confirmé, au cours des travaux préparatoires relatifs à la loi attaquée, que celle-ci s'applique également aux mineurs : « La présente proposition de loi tend à prévoir aussi l'assistance d'un avocat pour les mineurs durant la première tranche de 24 heures de privation de liberté » (Doc. parl., Sénat, 2010-2011, n° 5-663/4, p.96). En réponse à une observation du Conseil d'Etat, qui recommandait de « vérifier les dispositions de la loi du 8 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/04/1965 pub. 02/08/2010 numac 2010000404 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié et à la réparation du dommage causé par ce fait. - Coordination officieuse en langue allemande fermer [relative à la protection de la jeunesse] et, s'il y a lieu, de les adapter expressément aux dispositions » du projet (Doc. parl., Chambre, 2010-2011, DOC 53-1279/002, p. 17), le ministre a exposé que cette recommandation avait été minutieusement suivie et qu'à la lumière de cette confrontation, « force a été de constater que, lues en corrélation avec les dispositions de la loi relative à la protection de la jeunesse, les dispositions du projet forment un bel ensemble conférant au mineur le droit à l'assistance d'un avocat ». Il a été en outre prévu que, contrairement aux personnes majeures, les mineurs ne peuvent jamais renoncer au droit à l'assistance d'un avocat (Doc. parl., Chambre, 2010-2011, DOC 53-1279/005, p. 26).

B.70.3. Il en résulte que les mineurs soupçonnés d'avoir commis un fait qualifié d'infraction ne bénéficient pas de moins de droits que les majeurs se trouvant dans la même situation.

Le moyen, en sa première branche, procède d'une lecture erronée de la loi attaquée.

B.71.1. Par la seconde branche de ce moyen, la partie requérante fait grief à la loi attaquée, si elle est interprétée comme s'appliquant également aux mineurs d'âge, de créer des différences de traitement injustifiées, d'une part, entre les mineurs entendus alors qu'ils sont privés de liberté et les mineurs entendus alors qu'ils ne sont pas privés de liberté et, d'autre part, entre les mineurs entendus avant la délivrance éventuelle d'un mandat d'arrêt et ceux qui le sont après la délivrance du mandat d'arrêt.

B.71.2. Pour les motifs indiqués en B.6 à B.10, le critère de la privation de liberté n'est pas contraire aux dispositions invoquées au moyen.

B.71.3. Pour les motifs indiqués en B.16 à B.17.2, la différence de traitement entre les mineurs entendus avant ou après la délivrance éventuelle d'un mandat d'arrêt n'est pas dépourvue de justification raisonnable.

B.72. Le moyen, en sa seconde branche, n'est pas fondé.

Quant au maintien des effets B.73. Pour éviter l'insécurité juridique, et afin de permettre au législateur de modifier la législation conformément au présent arrêt, il y a lieu de maintenir les effets de certaines des dispositions annulées comme il est indiqué au dispositif.

Par ces motifs, la Cour 1. annule : - l'article 47bis, § 2, alinéa 1er, du Code d'instruction criminelle, introduit par l'article 2, 2°, de la loi du 13 août 2011Documents pertinents retrouvés type loi prom. 13/08/2011 pub. 05/09/2011 numac 2011009606 source service public federal justice Loi modifiant le Code d'instruction criminelle et la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive afin de conférer des droits, dont celui de consulter un avocat et d'être assistée par lui, à toute personne auditionnée et à toute personne privée de liberté fermer « modifiant le Code d'instruction criminelle et la loi du 20 juillet 1990Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/07/1990 pub. 02/12/2010 numac 2010000669 source service public federal interieur Loi relative à la détention préventive Coordination officieuse en langue allemande fermer relative à la détention préventive afin de conférer des droits, dont celui de consulter un avocat et d'être assistée par lui, à toute personne auditionnée et à toute personne privée de liberté », en ce qu'il ne prévoit pas que la personne à interroger sur les infractions qui peuvent lui être imputées doit être informée qu'elle n'est pas arrêtée et qu'elle peut en conséquence aller et venir à tout moment; - dans l'article 47bis, § 2, alinéa 1er, 3°, du Code d'instruction criminelle, inséré par l'article 2, 2°, de la loi du 13 août 2011Documents pertinents retrouvés type loi prom. 13/08/2011 pub. 05/09/2011 numac 2011009606 source service public federal justice Loi modifiant le Code d'instruction criminelle et la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive afin de conférer des droits, dont celui de consulter un avocat et d'être assistée par lui, à toute personne auditionnée et à toute personne privée de liberté fermer précitée, les mots « , à l'exception des délits visés à l'article 138, 6°, 6°bis et 6°ter »; - dans l'article 47bis, § 6, du Code d'instruction criminelle, inséré par l'article 2, 2°, de la loi du 13 août 2011Documents pertinents retrouvés type loi prom. 13/08/2011 pub. 05/09/2011 numac 2011009606 source service public federal justice Loi modifiant le Code d'instruction criminelle et la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive afin de conférer des droits, dont celui de consulter un avocat et d'être assistée par lui, à toute personne auditionnée et à toute personne privée de liberté fermer précitée, le mot « seul »; 2. rejette les recours pour le surplus, sous réserve des interprétations mentionnées en B.36.2 et en B.40.3 et compte tenu de ce qui est dit en B.37 et en B.42; 3. maintient, jusqu'à l'intervention du législateur et au plus tard jusqu'au 31 août 2013, les effets de l'article 47bis, § 2, alinéa 1er, du Code d'instruction criminelle, introduit par l'article 2, 2°, de la loi du 13 août 2011Documents pertinents retrouvés type loi prom. 13/08/2011 pub. 05/09/2011 numac 2011009606 source service public federal justice Loi modifiant le Code d'instruction criminelle et la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive afin de conférer des droits, dont celui de consulter un avocat et d'être assistée par lui, à toute personne auditionnée et à toute personne privée de liberté fermer précitée, en ce qu'il ne prévoit pas que la personne à interroger sur les infractions qui peuvent lui être imputées doit être informée qu'elle n'est pas arrêtée et qu'elle peut en conséquence aller et venir à tout moment;4. maintient, jusqu'à l'intervention du législateur et au plus tard jusqu'au 31 août 2013, les effets des mots « , à l'exception des délits visés à l'article 138, 6°, 6°bis et 6°ter » annulés dans l'article 47bis, § 2, alinéa 1er, 3°, du Code d'instruction criminelle, inséré par l'article 2, 2°, de la loi du 13 août 2011Documents pertinents retrouvés type loi prom. 13/08/2011 pub. 05/09/2011 numac 2011009606 source service public federal justice Loi modifiant le Code d'instruction criminelle et la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive afin de conférer des droits, dont celui de consulter un avocat et d'être assistée par lui, à toute personne auditionnée et à toute personne privée de liberté fermer précitée. Ainsi prononcé en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, à l'audience publique du 14 février 2013.

Le greffier, F. Meersschaut Le président f.f., J.-P. Snappe

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