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Arrêt
publié le 24 septembre 2013

Extrait de l'arrêt n° 86/2013 du 13 juin 2013 Numéro du rôle : 5600 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 82, alinéa 2, de la loi du 8 août 1997 sur les faillites, tel qu'il a été remplacé par la loi du 2 février 2005, pos La Cour constitutionnelle, composée des présidents R. Henneuse et M. Bossuyt, et des juges L. La(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 86/2013 du 13 juin 2013 Numéro du rôle : 5600 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 82, alinéa 2, de la loi du 8 août 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/08/1997 pub. 28/10/1997 numac 1997009766 source ministere de la justice Loi sur les faillites type loi prom. 08/08/1997 pub. 24/08/2001 numac 2001009578 source ministere de la justice Loi relative au Casier judiciaire central fermer sur les faillites, tel qu'il a été remplacé par la loi du 2 février 2005Documents pertinents retrouvés type loi prom. 02/02/2005 pub. 21/02/2005 numac 2005009112 source service public federal justice Loi modifiant l'article 82, alinéa 2, de la loi du 8 août 1997 sur les faillites fermer, posée par la Cour d'appel de Liège.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents R. Henneuse et M. Bossuyt, et des juges L. Lavrysen, A. Alen, E. Derycke, J. Spreutels et P. Nihoul, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président R. Henneuse, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt du 26 février 2013 en cause de C.P. contre la SA « Axa Banque », dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 1er mars 2013, la Cour d'appel de Liège a posé la question préjudicielle suivante : « Interprété en ce sens que le conjoint du failli est libéré de toute dette qu'il a contractée conjointement ou solidairement avec le failli, même si cette dette a été souscrite au profit du patrimoine propre de ce conjoint, l'article 82, alinéa 2, de la loi du 8 août 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/08/1997 pub. 28/10/1997 numac 1997009766 source ministere de la justice Loi sur les faillites type loi prom. 08/08/1997 pub. 24/08/2001 numac 2001009578 source ministere de la justice Loi relative au Casier judiciaire central fermer sur les faillites viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il traite d'une manière identique le créancier du conjoint qui s'est borné à se porter garant des engagements personnels du failli, sans en retirer un bénéfice pour son patrimoine propre, et le créancier du conjoint qui a contracté cette dette, conjointement ou solidairement avec le failli, au profit de son patrimoine propre, privant dans les deux hypothèses le créancier de ses droits de poursuite contre le conjoint ? ».

Le 27 mars 2013, en application de l'article 72, alinéa 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, les juges-rapporteurs J. Spreutels et L. Lavrysen ont informé la Cour qu'ils pourraient être amenés à proposer de mettre fin à l'examen de l'affaire, en raison de sa nature, par un arrêt de réponse immédiate. (...) III. En droit (...) B.1.1. L'article 82, alinéa 2, de la loi du 8 août 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/08/1997 pub. 28/10/1997 numac 1997009766 source ministere de la justice Loi sur les faillites type loi prom. 08/08/1997 pub. 24/08/2001 numac 2001009578 source ministere de la justice Loi relative au Casier judiciaire central fermer sur les faillites dispose : « Le conjoint du failli qui est personnellement obligé à la dette de son époux ou l'ex-conjoint qui est personnellement obligé à la dette de son époux contractée du temps du mariage est libéré de cette obligation par l'effet de l'excusabilité ».

B.1.2. La question préjudicielle porte sur la compatibilité, avec les articles 10 et 11 de la Constitution, de l'article 82, alinéa 2, précité, interprété comme libérant automatiquement le conjoint du failli excusé des dettes conjointes ou solidaires contractées par l'un et l'autre alors même que les dettes en cause auraient été souscrites au profit du patrimoine propre du premier : la disposition en cause réserverait ainsi un traitement identique aux créanciers du conjoint, sans avoir égard à ce que la dette faisant l'objet de l'engagement conjoint ou solidaire du failli excusé et de son conjoint a été contractée ou non au profit du patrimoine propre de ce dernier.

B.2. Il apparaît toutefois de l'arrêt a quo que le failli excusé et l'appelante devant le juge a quo sont des cohabitants légaux et que le crédit qui leur a été octroyé en qualité de co-emprunteurs solidaires était destiné à la transformation d'un immeuble dont l'appelante est seule propriétaire.

B.3. La disposition en cause fait partie de la législation sur les faillites, qui vise essentiellement à réaliser un juste équilibre entre les intérêts du débiteur et ceux des créanciers.

La déclaration d'excusabilité constitue pour le failli une mesure de faveur qui lui permet de reprendre ses activités sur une base assainie et ceci, non seulement dans son intérêt, mais aussi dans celui de ses créanciers ou de certains d'entre eux qui peuvent avoir intérêt à ce que leur débiteur reprenne ses activités sur une telle base, le maintien d'une activité commerciale ou industrielle pouvant en outre servir l'intérêt général (Doc. parl., Chambre, 1991-1992, n° 631/1, pp. 35 et 36).

Jugeant que « la faculté de se redresser est [...] utopique si [le failli] doit conserver la charge du passif », le législateur a estimé que « rien ne justifie que la défaillance du débiteur, conséquence de circonstances dont il est victime, l'empêche de reprendre d'autres activités » (Doc. parl., Chambre, 1991-1992, n° 631/13, p. 50).

Il ressort des travaux préparatoires que le législateur s'est soucié de tenir « compte, de manière équilibrée, des intérêts combinés de la personne du failli, des créanciers, des travailleurs et de l'économie dans son ensemble » et d'assurer un règlement humain qui respecte les droits de toutes les parties intéressées (Doc. parl., Chambre, 1991-1992, n° 631/13, p. 29).

B.4. Par son arrêt n° 69/2002 du 28 mars 2002, la Cour avait jugé que l'article 82 de la loi sur les faillites, tel qu'il était d'application avant son remplacement par l'article 29 de la loi du 4 septembre 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/09/2002 pub. 21/09/2002 numac 2002009854 source service public federal justice Loi modifiant la loi du 8 août 1997 sur les faillites, le Code judiciaire et le Code des sociétés fermer « modifiant la loi du 8 août 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/08/1997 pub. 28/10/1997 numac 1997009766 source ministere de la justice Loi sur les faillites type loi prom. 08/08/1997 pub. 24/08/2001 numac 2001009578 source ministere de la justice Loi relative au Casier judiciaire central fermer sur les faillites, le Code judiciaire et le Code des sociétés », était incompatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il ne permettait en aucune manière à un juge de libérer de ses obligations le conjoint du failli déclaré excusable.

B.5.1. A la suite de cet arrêt, le législateur, par la loi du 4 septembre 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/09/2002 pub. 21/09/2002 numac 2002009854 source service public federal justice Loi modifiant la loi du 8 août 1997 sur les faillites, le Code judiciaire et le Code des sociétés fermer, a inséré, à l'article 82 de la loi sur les faillites, un alinéa 2 selon lequel le conjoint du failli, « qui s'est personnellement obligé » à la dette du failli, est libéré de cette obligation par l'effet de l'excusabilité.

B.5.2. La Cour a jugé cette disposition incompatible avec le principe d'égalité et de non-discrimination, en ce que le conjoint qui est, en vertu d'une disposition fiscale, obligé à une dette d'impôt du failli, ne peut être libéré, par la déclaration d'excusabilité, de l'obligation de payer cette dette (arrêt n° 78/2004 du 12 mai 2004 et arrêt n° 6/2005 du 12 janvier 2005). Afin de remédier à cette situation, l'article 82, alinéa 2, de la loi sur les faillites, tel qu'il a été remplacé par l'article 2 de la loi du 2 février 2005Documents pertinents retrouvés type loi prom. 02/02/2005 pub. 21/02/2005 numac 2005009112 source service public federal justice Loi modifiant l'article 82, alinéa 2, de la loi du 8 août 1997 sur les faillites fermer modifiant l'article 82, alinéa 2, de la loi du 8 août 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/08/1997 pub. 28/10/1997 numac 1997009766 source ministere de la justice Loi sur les faillites type loi prom. 08/08/1997 pub. 24/08/2001 numac 2001009578 source ministere de la justice Loi relative au Casier judiciaire central fermer sur les faillites, a précisé que le conjoint du failli qui est personnellement obligé à la dette de ce dernier est libéré de cette obligation par l'effet de l'excusabilité.

B.5.3. Interrogée sur la situation du cohabitant légal qui est personnellement obligé à la dette de son cohabitant légal failli déclaré excusable, la Cour a jugé, dans son arrêt n° 129/2010 du 18 novembre 2010, que lorsque le législateur introduit dans la loi sur les faillites une possibilité de déclarer le failli excusable et étend les effets de l'excusabilité au conjoint du failli qui est personnellement obligé à la dette du failli mais que cette mesure de faveur ne profite pas au cohabitant légal également personnellement obligé à la dette du failli, il traite différemment des personnes tenues au règlement des mêmes dettes.

Elle y décide : « B.7. [...] En effet, dans les deux situations, le conjoint et le cohabitant légal ont souscrit une obligation personnelle ou y sont tenus, laquelle ne porte toutefois pas sur le paiement d'une dette propre mais sur la liquidation d'une dette du débiteur principal failli.

En ce qui concerne le conjoint engagé personnellement en faveur de son époux failli, les poursuites ne peuvent plus être exercées sur ses biens par les créanciers du failli, en raison de l'extension des effets de l'excusabilité. Par contre, le cohabitant légal engagé personnellement en faveur de son cohabitant failli ne bénéficie en rien des effets de l'excusabilité et reste tenu d'apurer, sur ses biens actuels et futurs, une dette pour laquelle son cohabitant légal ne peut plus être poursuivi.

En n'étendant pas aux cohabitants légaux personnellement obligés à la dette de leur cohabitant failli la règle de l'excusabilité, le législateur a créé une différence de traitement qui, au regard de l'objectif décrit en B.3, n'est pas raisonnablement justifiée ».

B.6.1. Par l'effet du constat de la lacune opéré par l'arrêt n° 129/2010 précité, les cohabitants légaux personnellement obligés à la dette de leur cohabitant failli bénéficient de la règle de l'excusabilité.

B.6.2. La Cour doit examiner si la disposition en cause a des effets discriminatoires à l'égard des créanciers du cohabitant légal qui sont traités de manière identique sans avoir égard à la circonstance que le cohabitant légal a garanti une dette personnelle du failli ou a contracté, conjointement ou solidairement avec le failli, une dette au profit de biens dont il est seul propriétaire.

Pour ce faire, il convient de tenir compte, d'une part, des objectifs économiques et sociaux de la mesure litigieuse et, d'autre part, des principes, applicables en la matière, du droit patrimonial civil, en vertu desquels « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites » (article 1134, alinéa 1er, du Code civil) et « quiconque est obligé personnellement est tenu de remplir ses engagements sur tous ses biens mobiliers ou immobiliers, présents et à venir » (article 7 de la loi hypothécaire du 16 décembre 1851).

B.7. L'extension des effets de l'excusabilité au cohabitant légal qui est personnellement obligé à la dette du failli est justifiée par les motifs qui sont évoqués en B.5.3 et qui conservent leur pertinence lorsque la dette conjointe au failli et à son cohabitant légal a été contractée pour la transformation, par le cohabitant légal, d'un bien dont il est le seul propriétaire. Le législateur a, par ailleurs, pu raisonnablement considérer que le juge qui, pour déclarer le failli excusable, est amené à prendre en compte l'ensemble des éléments de la situation de celui-ci, tient compte de l'engagement conjoint ou solidaire pris par le failli pour garantir une dette conjointe ou solidaire contractée en vue de permettre à son cohabitant légal de transformer un bien dont il est seul propriétaire.

B.8. La question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 82, alinéa 2, de la loi du 8 août 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/08/1997 pub. 28/10/1997 numac 1997009766 source ministere de la justice Loi sur les faillites type loi prom. 08/08/1997 pub. 24/08/2001 numac 2001009578 source ministere de la justice Loi relative au Casier judiciaire central fermer sur les faillites ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, à l'audience publique du 13 juin 2013.

Le greffier, F. Meersschaut Le président, R. Henneuse

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