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Arrêt
publié le 02 avril 2019

Extrait de l'arrêt n° 141/2018 du 18 octobre 2018 Numéro du rôle : 6690 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 39/82, § 1 er et § 4, alinéa 2, de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et F. Daoût, et des juges L. Lavrysen(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 141/2018 du 18 octobre 2018 Numéro du rôle : 6690 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 39/82, § 1er et § 4, alinéa 2, de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, posée par le Conseil du contentieux des étrangers.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et F. Daoût, et des juges L. Lavrysen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet et R. Leysen, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président A. Alen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt n° 188 829 du 23 juin 2017 en cause de Melisa Rens contre l'Etat belge, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 27 juin 2017, le Conseil du contentieux des étrangers a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 39/82, § 1er et § 4, alinéa 2, de la loi du 15 décembre [1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer] sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers viole-t-il les articles 10, 11 et 13 de la Constitution, lus ou non conjointement avec l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, dans la mesure où une demande de suspension en extrême urgence ne pourrait être introduite que par les étrangers qui font l'objet d'une mesure d'éloignement ou d'un refoulement dont l'exécution est imminente, et non par les étrangers qui font l'objet d'un autre acte d'une autorité administrative susceptible d'annulation en vertu de l'article 39/2, § 2, de la loi sur les étrangers ? ». (...) III. En droit (...) Quant aux dispositions en cause B.1.1. La Cour est interrogée au sujet de l'article 39/82, § 1er, et § 4, alinéa 2, de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers (ci-après : la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer).

B.1.2. L'article 39/82, § 1er, de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer, dispose : « Lorsqu'un acte d'une autorité administrative est susceptible d'annulation en vertu de l'article 39/2, le Conseil est seul compétent pour ordonner la suspension de son exécution.

La suspension est ordonnée, les parties entendues ou dûment convoquées, par décision motivée du président de la chambre saisie ou du juge au contentieux des étrangers qu'il désigne à cette fin.

Dans les cas d'extrême urgence, la suspension peut être ordonnée à titre provisoire sans que les parties ou certaines d'entre elles aient été entendues.

Lorsque le requérant demande la suspension de l'exécution, il doit opter soit pour une suspension en extrême urgence, soit pour une suspension ordinaire. Sous peine d'irrecevabilité, il ne peut ni simultanément, ni consécutivement, soit faire une nouvelle fois application de l'alinéa 3, soit demander une nouvelle fois la suspension dans la requête visée au § 3.

Par dérogation à l'alinéa 4 et sans préjudice du § 3, le rejet de la demande de suspension selon la procédure d'extrême urgence n'empêche pas le requérant d'introduire ultérieurement une demande de suspension selon la procédure ordinaire, lorsque cette demande de suspension en extrême urgence a été rejetée au motif que l'extrême urgence n'est pas suffisamment établie ».

L'article 39/82, § 4, alinéa 2, de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer, dispose : « Lorsque l'étranger fait l'objet d'une mesure d'éloignement ou de refoulement dont l'exécution est imminente, en particulier lorsqu'il est maintenu dans un lieu déterminé visé aux articles 74/8 et 74/9 ou est mis à la disposition du gouvernement, il peut, s'il n'en a pas encore demandé la suspension par la voie ordinaire, demander la suspension de l'exécution en extrême urgence de cette mesure dans le délai visé à l'article 39/57, § 1er, alinéa 3 ».

B.2.1. Aux termes de l'article 39/1 de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer, le Conseil du contentieux des étrangers est seul compétent pour connaître des recours introduits à l'encontre de décisions individuelles prises en application des lois sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers.

B.2.2. Le Conseil statue, par voie d'arrêts, sur les recours introduits à l'encontre des décisions du Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides (article 39/2, § 1er). Le Conseil statue en annulation, par voie d'arrêts, sur les autres recours pour violation des formes soit substantielles, soit prescrites à peine de nullité, excès ou détournement de pouvoir (article 39/2, § 2).

B.2.3. Lorsqu'un acte d'une autorité administrative est susceptible d'annulation, une demande de suspension peut également être introduite contre cet acte (article 39/82, § 1er). La suspension peut être décidée si des moyens sérieux sont invoqués et à la condition que l'exécution immédiate de la décision contestée risque de causer un préjudice grave difficilement réparable (article 39/82, § 2). Le Conseil doit statuer sur une demande de suspension dans les trente jours de l'introduction de cette demande (article 39/82, § 4, alinéa 1er).

Outre la possibilité d'introduire une demande de suspension ordinaire, l'article 39/82, § 1er, mentionne également la possibilité d'introduire une demande de suspension en extrême urgence.

B.2.4. L'article 39/82, en cause, de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer a été inséré par l'article 185 de la loi du 15 septembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000704 source service public federal interieur Loi réformant le Conseil d'Etat et créant un Conseil du Contentieux des Etrangers fermer réformant le Conseil d'Etat et créant un Conseil du contentieux des étrangers et a, depuis lors, été modifié à plusieurs reprises.

Les travaux préparatoires de la loi du 15 septembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000704 source service public federal interieur Loi réformant le Conseil d'Etat et créant un Conseil du Contentieux des Etrangers fermer indiquent ce qui suit à propos du recours en annulation introduit auprès du Conseil du contentieux des étrangers : « Ce n'est en principe pas suspensif de plein droit mais on peut demander la suspension ordinaire et en cas d'exécution forcée imminente, la suspension en extrême urgence » (Doc. parl., Chambre, 2005-2006, DOC 51-2479/001, p. 18).

B.2.5. La disposition en cause a été modifiée en dernier lieu par l'article 5 de la loi du 10 avril 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/04/2014 pub. 21/05/2014 numac 2014000394 source service public federal interieur Loi portant des dispositions diverses concernant la procédure devant le Conseil du Contentieux des étrangers et devant le Conseil d'Etat fermer « portant des dispositions diverses concernant la procédure devant le Conseil du Contentieux des étrangers et devant le Conseil d'Etat ». Les travaux préparatoires indiquent ce qui suit à propos de la demande de suspension en extrême urgence : « La présente modification de loi vise à encadrer la procédure d'extrême urgence devant le Conseil du contentieux des étrangers.

Les moyens de remédier à cette grande charge de travail sans toucher ni à l'efficacité de la jurisprudence concernée, ni aux exigences de la protection juridictionnelle effective, telle que prévue notamment à l'article 13 de la CEDH et dans la jurisprudence relative à cette disposition créée par la Cour Européenne des Droits de l'Homme, ne sont pas illimités.

La prémisse de départ est que l'afflux ne peut en principe pas être [diminué]. Une politique de retour optimale implique que l'étranger se voit appliquer la procédure de retour forcé lorsque la procédure de retour volontaire ne donne aucun résultat. Cela entraîne souvent un recours de la dernière chance, le recours en extrême urgence. A cet égard, il est utile et nécessaire que la charge de travail qu' [apportent] ces procédures d'extrême urgence, soit réduite à un niveau acceptable sans que les droits fondamentaux de l'étranger concerné soient mis en péril. L'objectif est de clarifier le processus judiciaire pour toutes les parties » (Doc. parl., Chambre, 2013-2014, DOC 53-3445/001, p. 4). « L'article 39/82, § 4, de la loi règle les délais de traitement d'une demande d'extrême urgence devant le Conseil.

Cette disposition définit également clairement si l'introduction d'une demande de suspension d'extrême urgence est nécessaire. Dans la pratique, nous constatons parfois un détournement dans la procédure, à savoir qu'un recours en annulation assorti d'une demande de suspension ordinaire sont suivis immédiatement d'une procédure par laquelle est demandé, par voie de mesures provisoires, le traitement de la demande de suspension récemment soumise dans les [meilleurs] délais.

Ainsi, il est stipulé clairement qu'une procédure d'extrême urgence n'est possible que lorsque l'étranger fait l'objet [d'une] mesure d'éloignement ou de refoulement dont l'exécution est imminente, en particulier parce qu'il est détenu dans un centre fermé, réside dans une maison de retour ou est mis à disposition du gouvernement, en vue de l'exécution de cette mesure d'éloignement ou de refoulement.

Afin de clarifier, le délai pour introduire une procédure d'extrême urgence, prévu à l'article 39/57 de la loi, est rappelé.

Par la présente, les conditions de l'introduction de cette demande de suspension sont clairement définies et, le cas échéant, traduites en conditions de recevabilité.

Si la demande est manifestement tardive, le Conseil décide dans un délai bref s'il peut être procédé à l'exécution forcée de la mesure d'éloignement ou de refoulement dont l'étranger fait l'objet.

Enfin, la procédure d'extrême urgence doit demeurer exceptionnelle et elle ne produit qu'un effet utile, mieux que la suspension ordinaire, si elle peut faire l'obstacle à l'exécution de la décision attaquée.

En effet, dans le cadre d'une politique d'immigration, qui comporte des enjeux complexes et qui doit tenir compte des exigences découlant du droit de l'Union européenne, le législateur dispose d'un pouvoir d'appréciation » (ibid., pp. 10-11).

Quant au fond B.3. La juridiction a quo demande à la Cour si la disposition en cause est compatible avec les articles 10, 11 et 13 de la Constitution, lus ou non en combinaison avec l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, dans l'interprétation selon laquelle une demande de suspension en extrême urgence ne pourrait être introduite que contre une mesure d'éloignement ou de refoulement dont l'exécution est imminente, et non contre un autre acte d'une autorité administrative susceptible d'annulation en vertu de l'article 39/2, § 2, de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer.

B.4.1. Le principe d'égalité et de non-discrimination n'exclut pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier compte tenu du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité et de non-discrimination est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

B.4.2. L'article 13 de la Constitution dispose : « Nul ne peut être distrait, contre son gré, du juge que la loi lui assigne ».

Cette disposition contient un droit d'accès au juge compétent.

B.4.3. L'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dispose : « Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l'Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article.

Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi. Toute personne a la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter.

Une aide juridictionnelle est accordée à ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes, dans la mesure où cette aide serait nécessaire pour assurer l'effectivité de l'accès à la justice ».

B.4.4. La compatibilité de dispositions législatives avec l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, combiné avec les articles 10, 11 et 13 de la Constitution, ne peut être examinée par la Cour qu'en ce que les dispositions en cause mettent en oeuvre le droit de l'Union. Dans la mesure où les différentes directives européennes relatives aux étrangers obligent les Etats membres à garantir le droit à un recours effectif, les dispositions en cause, qui règlent l'accès au Conseil du contentieux des étrangers, doivent être réputées relever du champ d'application du droit de l'Union.

B.4.5. Le droit à un recours effectif tel qu'il est garanti par l'article 47, alinéa 1er, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doit, en application de l'article 52, paragraphe 3, de celle-ci, être défini par référence au sens et à la portée que lui confère la Convention européenne des droits de l'homme.

Il ressort du commentaire relatif à l'article 47 de la Charte que le premier alinéa de cet article est fondé sur l'article 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, qui dispose : « Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles ».

B.5.1. La juridiction a quo soumet à la Cour une comparaison entre, d'une part, des étrangers qui veulent exercer une voie de recours contre une mesure d'éloignement ou de refoulement dont l'exécution est imminente et, d'autre part, des étrangers qui veulent exercer une voie de recours contre un autre acte administratif susceptible d'annulation en vertu de l'article 39/2, § 2, de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer.

B.5.2. En ce qui concerne cette dernière catégorie d'actes administratifs, force est de constater qu'elle est particulièrement large et que ces décisions peuvent être très différentes de par leur nature.

B.5.3. Dans l'affaire soumise à la juridiction a quo, l'étranger concerné a reçu un ordre de quitter le territoire assorti d'une interdiction d'entrée.

Des demandes distinctes de suspension en extrême urgence ont été introduites contre ces deux décisions auprès du Conseil du contentieux des étrangers. La demande introduite contre la mesure d'éloignement a été examinée et rejetée par l'arrêt n° 188 691 du 21 juin 2017. La question préjudicielle a été posée dans le cadre de la demande introduite contre la deuxième décision.

B.5.4. La réponse à une question préjudicielle doit être utile à la solution du litige soumis au juge a quo. La Cour limite dès lors son examen à la différence de traitement entre des étrangers selon qu'ils veulent introduire une demande de suspension en extrême urgence contre une mesure d'éloignement ou de refoulement, ou contre une interdiction d'entrée.

B.6.1. Dans l'interprétation des dispositions en cause qui est soumise à la Cour, une demande de suspension en extrême urgence ne peut être introduite que contre une mesure de refoulement et d'éloignement dont l'exécution est imminente, et non contre une interdiction d'entrée.

B.6.2. En ce qui concerne la possibilité d'exercer des voies de recours devant le Conseil du contentieux des étrangers, les catégories de personnes précitées sont suffisamment comparables. La Cour doit dès lors examiner si la différence de traitement est raisonnablement justifiée.

B.7.1. Par la loi du 10 avril 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/04/2014 pub. 21/05/2014 numac 2014000394 source service public federal interieur Loi portant des dispositions diverses concernant la procédure devant le Conseil du Contentieux des étrangers et devant le Conseil d'Etat fermer « portant des dispositions diverses concernant la procédure devant le Conseil du Contentieux des étrangers et devant le Conseil d'Etat », le législateur voulait remédier aux lacunes de la procédure de suspension en extrême urgence que la Cour avait constatées dans son arrêt n° 1/2014 du 16 janvier 2014, et que la Cour européenne des droits de l'homme avait également constatées auparavant (CEDH, grande chambre, 1er janvier 2011, M.S.S. c. Belgique et Grèce).

B.7.2. Il ressort de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme que des exigences particulièrement strictes s'appliquent aux voies de droit ouvertes contre des mesures d'éloignement et de refoulement qui sont imminentes, étant donné le risque de dommages irréversibles qu'une telle mesure peut entraîner pour l'étranger concerné, lorsque celui-ci peut être exposé, à la suite de son éloignement, à des traitements contraires aux articles 2 et 3 de la Convention européenne des droits de l'homme.

En pareil cas, l'exigence d'une voie de recours effective imposée par l'article 13 de cette Convention ne peut être remplie que si l'intéressé a la possibilité d'introduire contre l'exécution d'une telle mesure d'éloignement ou de refoulement un recours ayant un effet suspensif de plein droit auprès d'une instance nationale qui examine les griefs invoqués en toute indépendance et de manière approfondie, et qui se prononce avec une célérité particulière (CEDH, grande chambre, 21 janvier 2011, M.S.S. c. Belgique et Grèce, § 293; 13 décembre 2012, De Souza Ribeiro c. France, § 82; grande chambre, 15 décembre 2016, Khlaifia c. Italie, § 275).

B.7.3. Il ressort également de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, à propos du droit à un recours effectif, tel qu'il est garanti par l'article 47, alinéa 1er, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, que, lorsqu'un Etat décide de renvoyer un demandeur de protection internationale vers un pays où des motifs sérieux portent à croire qu'il serait exposé à un risque réel de traitements contraires à l'article 18 de ladite Charte, lu en combinaison avec l'article 33 de la Convention de Genève, ou contraires à l'article 19, paragraphe 2, de ladite Charte, le droit à une protection juridictionnelle effective, prévu à l'article 47 de celle-ci, requiert que ce demandeur dispose d'un recours suspensif de plein droit contre l'exécution de la mesure permettant son renvoi (voir, en ce sens, CJUE, 18 décembre 2014, Abdida, C-562/13, point 52; 17 décembre 2015, Tall, C-239/14, point 54 et 19 juin 2018, Sadikou Gnandi, C-181/16, point 54).

B.8.1. Il ressort de la genèse de la loi du 10 avril 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/04/2014 pub. 21/05/2014 numac 2014000394 source service public federal interieur Loi portant des dispositions diverses concernant la procédure devant le Conseil du Contentieux des étrangers et devant le Conseil d'Etat fermer que le législateur a modifié la procédure d'extrême urgence afin de garantir aux intéressés un recours effectif.

B.8.2. Le législateur a en outre souligné que la demande de suspension en extrême urgence doit rester exceptionnelle. En effet, cette procédure déroge à la procédure de suspension par voie ordinaire devant le Conseil du contentieux des étrangers. Elle peut non seulement être introduite à toute heure du jour et de la nuit, ainsi que les dimanches et jours fériés, mais en plus, la demande doit en principe être examinée dans les quarante-huit heures (article 39/82, § 4, alinéa 5). De plus, la suspension peut être ordonnée sans que les parties ou certaines d'entre elles aient été entendues.

L'article 39/83 de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer dispose : « Sauf accord de l'intéressé, il ne sera procédé à l'exécution forcée de la mesure d'éloignement ou de refoulement dont l'étranger fait l'objet, qu'après l'expiration du délai de recours visé à l'article 39/57, § 1er, alinéa 3, ou, lorsque la demande de suspension en extrême urgence de l'exécution de cette mesure a été introduite dans ce délai, qu'après que le Conseil a rejeté la demande ».

B.9.1. Dans l'interprétation des dispositions en cause qui est soumise à la Cour, une demande de suspension en extrême urgence peut être introduite contre une mesure de refoulement ou d'éloignement dont l'exécution est imminente, mais pas contre une interdiction d'entrée.

B.9.2. Selon l'article 1er, 8°, de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer, une interdiction d'entrée est « la décision qui peut accompagner une décision d'éloignement et qui interdit, pendant une durée déterminée, l'entrée et le séjour, soit sur le territoire du Royaume, soit sur le territoire de tous les Etats membres, en ce compris celui du Royaume ». L'article 74/11 de cette loi règle les modalités de l'interdiction d'entrée.

Une interdiction d'entrée n'est pas possible sans décision d'éloignement. Une interdiction d'entrée n'a de sens que si elle est assortie d'une décision d'éloignement.

B.9.3. En vertu des dispositions en cause, l'étranger qui fait l'objet d'une interdiction d'entrée peut introduire une demande de suspension en extrême urgence contre la mesure d'éloignement ou de refoulement.

Si cette demande est accordée, l'étranger ne peut provisoirement plus être éloigné du territoire et l'interdiction d'entrée ne peut provisoirement plus s'appliquer non plus (Conseil du contentieux des étrangers, n° 189 847, du 18 juillet 2017). Dans ces circonstances, il n'est dès lors pas démontré qu'il s'impose d'examiner en extrême urgence la demande introduite contre cette interdiction d'entrée. Si le recours introduit par l'étranger aboutit et si la mesure d'éloignement est annulée, l'interdiction d'entrée sera définitivement dépourvue de fondement juridique (Conseil du contentieux des étrangers, n° 200 476, du 28 février 2018).

B.9.4. En revanche, si la demande introduite contre la mesure d'éloignement est rejetée, l'interdiction d'entrée continue également à sortir ses effets. Dans ce cas, le Conseil du contentieux des étrangers a pu constater qu'il n'y a aucune raison de croire que l'exécution de la mesure d'éloignement exposerait le requérant au risque d'être victime de la violation des droits fondamentaux de l'homme à l'égard desquels aucune dérogation n'est possible, conformément à l'article 15, alinéa 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (article 39/82, § 4, alinéa 4).

B.9.5. Les justiciables qui souhaitent agir contre l'interdiction d'entrée peuvent introduire un recours en annulation contre cet acte administratif auprès du Conseil du contentieux des étrangers et en demander également la suspension, en déposant une demande ordinaire de suspension, sur laquelle le Conseil devra statuer dans les trente jours.

En outre, les étrangers concernés peuvent aussi demander au Conseil de prendre des mesures provisoires conformément à l'article 39/84 de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer. Par ailleurs, le Conseil peut ordonner toutes les mesures nécessaires à la sauvegarde des intérêts des parties ou des personnes qui ont intérêt à la solution de l'affaire, à l'exception des mesures qui ont trait à des droits civils.

B.10. Compte tenu de ce qui précède, il n'est pas sans justification raisonnable qu'une demande de suspension en extrême urgence ne puisse être introduite contre l'interdiction d'entrée en tant que telle, dès lors qu'une telle interdiction, lorsqu'elle est imposée, est toujours assortie d'une décision d'éloignement ou de refoulement contre laquelle une telle demande peut être introduite lorsque son exécution est imminente.

B.11. La question préjudicielle appelle dès lors une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 39/82, § 1er et § 4, alinéa 2, de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers ne viole pas les articles 10, 11 et 13 de la Constitution, lus ou non en combinaison avec l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, dans l'interprétation selon laquelle une demande de suspension en extrême urgence ne peut être introduite contre une interdiction d'entrée.

Ainsi rendu en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 18 octobre 2018.

Le greffier, F. Meersschaut Le président, A. Alen

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