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Arrêt
publié le 15 mars 2019

Extrait de l'arrêt n° 36/2019 du 28 février 2019 Numéro du rôle : 6721 En cause : le recours en annulation de la loi du 19 mars 2017 modifiant la législation en vue de l'instauration d'un statut pour les accueillants familiaux, ou, à titre su La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et A. Alen, et des juges L. Lavrysen(...)

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Extrait de l'arrêt n° 36/2019 du 28 février 2019 Numéro du rôle : 6721 En cause : le recours en annulation de la loi du 19 mars 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/03/2017 pub. 05/04/2017 numac 2017030192 source service public federal justice Loi modifiant la législation en vue de l'instauration d'un statut pour les accueillants familiaux fermer modifiant la législation en vue de l'instauration d'un statut pour les accueillants familiaux, ou, à titre subsidiaire, de ses articles 8, 9 (partiellement) et 10 (totalement), introduit par R.M. et autres.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et A. Alen, et des juges L. Lavrysen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet, R. Leysen, J. Moerman et M. Pâques, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président F. Daoût, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 28 août 2017 et parvenue au greffe le 29 août 2017, un recours en annulation de la loi du 19 mars 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/03/2017 pub. 05/04/2017 numac 2017030192 source service public federal justice Loi modifiant la législation en vue de l'instauration d'un statut pour les accueillants familiaux fermer modifiant la législation en vue de l'instauration d'un statut pour les accueillants familiaux (publiée au Moniteur belge du 5 avril 2017), ou, à titre subsidiaire, de ses articles 8, 9 (partiellement) et 10 (totalement) a été introduit par R.M., I.H., A.M. et l'ASBL « Défense des Enfants - International - Belgique - Branche francophone (D.E.I. Belgique) », assistés et représentés par Me J. Fierens et Me M. Genot, avocats au Barreau de Bruxelles.

La demande de suspension des mêmes dispositions législatives, introduite par les mêmes parties requérantes, a été rejetée par l'arrêt n° 126/2017 du 19 octobre 2017, publié au Moniteur belge du 9 janvier 2018. (...) II. En droit (...) Quant aux dispositions attaquées B.1.1. Les parties requérantes demandent l'annulation de la loi du 19 mars 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/03/2017 pub. 05/04/2017 numac 2017030192 source service public federal justice Loi modifiant la législation en vue de l'instauration d'un statut pour les accueillants familiaux fermer modifiant la législation en vue de l'instauration d'un statut pour les accueillants familiaux (ci-après : la loi du 19 mars 2017) ou, subsidiairement, l'annulation : - des mots « L'homologation peut uniquement être refusée si elle est contraire à l'intérêt de l'enfant », figurant dans l'article 387sexies, alinéa 2, du Code civil, inséré par l'article 8 de la loi du 19 mars 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/03/2017 pub. 05/04/2017 numac 2017030192 source service public federal justice Loi modifiant la législation en vue de l'instauration d'un statut pour les accueillants familiaux fermer; - des mots « L'homologation ne peut être refusée que si elle est contraire à l'intérêt de l'enfant », figurant dans l'article 387septies, alinéa 2, du Code civil, inséré par l'article 9 de la loi du 19 mars 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/03/2017 pub. 05/04/2017 numac 2017030192 source service public federal justice Loi modifiant la législation en vue de l'instauration d'un statut pour les accueillants familiaux fermer; - de l'article 387octies du Code civil, inséré par l'article 10 de la loi du 19 mars 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/03/2017 pub. 05/04/2017 numac 2017030192 source service public federal justice Loi modifiant la législation en vue de l'instauration d'un statut pour les accueillants familiaux fermer.

B.1.2. L'article 8 de la loi du 19 mars 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/03/2017 pub. 05/04/2017 numac 2017030192 source service public federal justice Loi modifiant la législation en vue de l'instauration d'un statut pour les accueillants familiaux fermer insère, dans le Code civil, un article 387sexies, qui dispose : « Les parents ou le tuteur et les accueillants familiaux conviennent par écrit, à l'intervention de l'organe compétent en matière d'accueil familial, de la manière dont les parents ou le tuteur peuvent exercer leur droit aux relations personnelles prévu par l'article 387undecies, compte tenu des possibilités et des conditions de vie des parents.

Conformément aux articles 1253ter/4 et 1253ter/6 du Code judiciaire, l'accord peut être soumis à l'homologation du tribunal de la famille.

L'homologation peut uniquement être refusée si elle est contraire à l'intérêt de l'enfant.

Si les parents ou le tuteur et les accueillants familiaux ne peuvent parvenir à un accord, le juge statue sur requête de la partie la plus diligente ».

B.1.3. L'article 9 de la loi du 19 mars 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/03/2017 pub. 05/04/2017 numac 2017030192 source service public federal justice Loi modifiant la législation en vue de l'instauration d'un statut pour les accueillants familiaux fermer insère, dans le Code civil, un article 387septies, qui dispose : « § 1er. Les parents ou le tuteur et les accueillants familiaux peuvent convenir, par écrit, avec l'intervention de l'organe compétent en matière d'accueil familial, d'également déléguer aux accueillants familiaux, complètement ou partiellement, y compris en dehors des cas d'urgence, la compétence de prendre les décisions importantes concernant la santé, l'éducation, la formation, les loisirs et l'orientation religieuse ou philosophique de l'enfant, à l'exception des droits et des devoirs relatifs à l'état de la personne de l'enfant. Les droits et les devoirs concernant l'administration des biens de l'enfant peuvent également être délégués aux accueillants familiaux par voie de convention.

La convention mentionne explicitement les droits et devoirs qui sont délégués aux accueillants familiaux en vue de l'exercice de l'autorité parentale. La convention fixe les modalités de l'exercice des compétences déléguées entre les parents et les accueillants familiaux. § 2. La convention est soumise pour homologation au tribunal de la famille, conformément aux articles 1253ter/4 et 1253ter/6 du Code judiciaire. L'homologation ne peut être refusée que si elle est contraire à l'intérêt de l'enfant.

La convention homologuée ne peut pas porter préjudice à la durée de l'accueil familial fixée par les organes compétents en matière d'accueil familial ».

B.1.4. L'article 10 de la loi du 19 mars 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/03/2017 pub. 05/04/2017 numac 2017030192 source service public federal justice Loi modifiant la législation en vue de l'instauration d'un statut pour les accueillants familiaux fermer insère, dans le Code civil, un article 387octies, qui dispose : « § 1er. A défaut de convention telle que visée à l'article 387septies et à condition que pendant au moins un an avant la demande, l'enfant ait été placé de manière permanente dans la famille des accueillants familiaux, les accueillants familiaux peuvent demander au tribunal de la famille de leur déléguer, également hors le cas d'urgence, en tout ou en partie, la compétence de prendre des décisions importantes concernant la santé, l'éducation, la formation, les loisirs et l'orientation religieuse ou philosophique de l'enfant, à l'exception des droits et devoirs relatifs à l'état de la personne de l'enfant.

Les droits et devoirs relatifs à la gestion des biens de l'enfant peuvent également être délégués aux accueillants familiaux.

La demande est introduite conformément aux articles 1253ter/4 à 1253ter/6 du Code judiciaire.

Le jugement ne peut pas porter atteinte à la durée de l'accueil familial fixée par les organes compétents pour l'accueil familial.

Ils intentent leur action contre, selon le cas, les deux parents, le parent unique ou le tuteur de l'enfant. § 2. Le jugement ou l'arrêt mentionne explicitement les droits et devoirs qui sont délégués aux accueillants familiaux en vue de l'exercice de l'autorité parentale ».

B.1.5. Par ailleurs, l'article 20 de la loi attaquée rétablit l'article 7 de la loi du 8 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/04/1965 pub. 02/08/2010 numac 2010000404 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié et à la réparation du dommage causé par ce fait. - Coordination officieuse en langue allemande fermer « relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié infraction et à la réparation du dommage causé par ce fait », dans la rédaction suivante : «

Art. 7.Le tribunal de la jeunesse peut statuer sur toutes les mesures en matière d'autorité parentale visées au livre Ier, titre IX, du Code civil, pourvu qu'il y ait une connexité entre celles-ci et les mesures de protection de la jeunesse qui ont été ordonnées ».

B.2.1. Par la loi du 19 mars 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/03/2017 pub. 05/04/2017 numac 2017030192 source service public federal justice Loi modifiant la législation en vue de l'instauration d'un statut pour les accueillants familiaux fermer, le législateur entend créer un statut pour les accueillants familiaux, de façon à assurer la sécurité juridique des relations entre l'enfant accueilli, ses parents ou son tuteur et les accueillants, et à mettre un terme à « la confusion quant aux droits et obligations des parents d'accueil et [au] fait qu'ils n'ont pas la possibilité de faire valoir leur opinion » (Doc. parl., Chambre, 2014-2015, DOC 54-0697/001, p. 7).

B.2.2. L'article 7 de la loi du 17 mars 2017, à l'encontre duquel aucun grief n'est formulé, insère, dans le Code civil, un article 387quinquies, qui organise le partage de certains attributs de l'autorité parentale entre les parents ou le tuteur et les accueillants, durant la période du placement de l'enfant. Cette disposition prévoit que les accueillants exercent le droit d'hébergement et le droit de prendre toutes les décisions quotidiennes relatives à l'enfant, et que les parents ou le tuteur gardent, sauf en cas d'extrême urgence, la compétence de prendre les décisions importantes relatives à la santé, à l'éducation, à la formation, aux loisirs et aux choix religieux et philosophiques de l'enfant.

Quant à la recevabilité B.3.1. Le Gouvernement flamand fait valoir que le recours n'est que partiellement recevable, dans la mesure où les griefs exposés dans la requête ne portent que sur les articles 8, 9, 10 et 20 de la loi du 19 mars 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/03/2017 pub. 05/04/2017 numac 2017030192 source service public federal justice Loi modifiant la législation en vue de l'instauration d'un statut pour les accueillants familiaux fermer.

Il estime en outre que la requête en intervention est irrecevable, dès lors que les griefs exposés par les parties intervenantes diffèrent des griefs exposés par les parties requérantes.

B.3.2. La Cour limite son examen aux dispositions de la loi attaquée contre lesquelles des griefs sont effectivement formulés.

B.3.3. Les griefs formulés par les ASBL intervenantes ne peuvent être examinés que dans la mesure où ils correspondent aux moyens formulés dans la requête. En effet, l'article 87, § 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle ne permet pas, contrairement à l'article 85 de la même loi spéciale, que de nouveaux moyens soient formulés dans un mémoire en intervention.

Quant aux moyens pris de la violation des règles répartitrices de compétences En ce qui concerne le premier moyen des parties requérantes B.4. Les parties requérantes, rejointes sur ce point par le Gouvernement de la Communauté française, prennent un premier moyen de la violation de l'article 128, § 1er, de la Constitution et de l'article 5, § 1er, II, 1° et 6°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles. Elles estiment que la loi attaquée et, singulièrement, ses articles 8, 9 et 20, portent atteinte à la compétence communautaire d'organiser le placement provisoire des enfants.

B.5.1. En vertu de l'article 128, § 1er, de la Constitution, les communautés sont compétentes pour les matières personnalisables.

L'article 5, § 1er, II, de la loi spéciale du 8 août 1980 précitée dispose que les matières personnalisables sont, en matière d'aide aux personnes : « 1° la politique familiale en ce compris toutes les formes d'aide et d'assistance aux familles et aux enfants; [...] 6° La protection de la jeunesse, en ce compris la protection sociale et la protection judiciaire, à l'exception : a) des règles du droit civil relatives au statut des mineurs et de la famille, telles qu'elles sont établies par le Code civil et les lois qui le complètent;b) des règles de droit pénal érigeant en infraction les comportements qui contreviennent à la protection de la jeunesse et établissant des peines qui punissent ces manquements, en ce compris les dispositions qui ont trait aux poursuites, sans préjudice de l'article 11 et de l'article 11bis;c) de l'organisation des juridictions de la jeunesse, de leur compétence territoriale et de la procédure devant ces juridictions;d) l'exécution des peines prononcées à l'égard des mineurs ayant commis un fait qualifié d'infraction qui ont fait l'objet d'une mesure de dessaisissement, à l'exclusion de la gestion des centres destinés à accueillir ces jeunes jusqu'à l'âge de vingt-trois ans;e) de la déchéance de l'autorité parentale et de la tutelle sur les prestations familiales ou autres allocations sociales. [...] ».

B.5.2. La compétence des communautés en matière de protection de la jeunesse est donc assortie d'exceptions en ce qui concerne notamment les règles de droit civil relatives au statut des mineurs et de la famille, l'organisation des juridictions et la déchéance de l'autorité parentale.

B.6. L'avis rendu par la section de législation du Conseil d'Etat sur la proposition de loi indique : « L'adoption des règles de droit civil et de procédure que contient la proposition de loi trouve son fondement, quant aux compétences, dans le pouvoir résiduel de l'autorité fédérale en matière de droit civil et judiciaire, ainsi que, dans la mesure où la proposition de loi concerne également les placements en familles d'accueil dans le cadre de la protection de la jeunesse, dans l'article 5, § 1er, II, 6°, a) et c), de la loi spéciale du 8 août 1980, [...].

Le texte adopté en commission et les amendements examinés demeurent dans la compétence de l'autorité fédérale en matière de droit civil sauf l'amendement n° 28, qui s'immisce dans la compétence communautaire d'organiser le placement provisoire de l'enfant; cet amendement outrepasse donc les compétences de l'autorité fédérale » (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-0697/008, p. 4).

B.7.1. Les articles 8 et 9 de la loi du 19 mars 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/03/2017 pub. 05/04/2017 numac 2017030192 source service public federal justice Loi modifiant la législation en vue de l'instauration d'un statut pour les accueillants familiaux fermer ont pour objet de déterminer comment sont fixés les droits et devoirs respectifs, d'une part, des parents ou du tuteur de l'enfant et, d'autre part, des accueillants, en ce qui concerne l'exercice du droit aux relations personnelles et l'exercice de certains attributs de l'autorité parentale. Ils prévoient que, relativement à ces deux objets, les parents ou le tuteur et les accueillants familiaux peuvent conclure une convention écrite. En cela, ils règlent le statut des accueillants et le partage de certains aspects de l'autorité parentale, et relèvent dès lors de la compétence du législateur fédéral en matière de droit civil.

B.7.2. Il est évident qu'en exerçant sa compétence en matière de « règles du droit civil relatives au statut des mineurs et de la famille » en vue de créer un statut pour les accueillants familiaux, le législateur fédéral fixe les droits et devoirs respectifs des parents ou du tuteur de l'enfant et des personnes qui l'accueillent, en ce qui concerne l'exercice de certains attributs de l'autorité parentale, et prend dès lors des dispositions qui ont une incidence sur la figure juridique du placement d'enfant en famille d'accueil, qui relève de la compétence des communautés. Il ne découle toutefois pas de cette seule constatation que le législateur fédéral se serait immiscé dans la compétence communautaire.

B.7.3. Au surplus, même s'il fallait considérer, ainsi que le soutiennent les parties requérantes, que les dispositions de la loi attaquée ont pour effet de créer une forme déguisée de déchéance de l'autorité parentale, il s'imposerait de constater qu'en vertu de l'article 5, § 1er, II, 6°, e), de la loi du 8 août 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/08/1980 pub. 11/12/2007 numac 2007000980 source service public federal interieur Loi spéciale de réformes institutionnelles Coordination officieuse en langue allemande fermer de réformes institutionnelles, la déchéance de l'autorité parentale est une matière qui relève également des compétences de l'autorité fédérale.

B.8.1. Toutefois, à la différence des textes qui avaient été soumis au Conseil d'Etat pour avis, les articles 8 et 9 de la loi du 19 mars 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/03/2017 pub. 05/04/2017 numac 2017030192 source service public federal justice Loi modifiant la législation en vue de l'instauration d'un statut pour les accueillants familiaux fermer prévoient chacun l'intervention de l'organe compétent en matière d'accueil familial pour la conclusion de la convention portant sur l'exercice, par les parents ou par le tuteur, de leur droit d'entretenir des relations personnelles, et de la convention portant sur la délégation aux accueillants de certains attributs de l'autorité parentale. Le législateur fédéral met donc de nouvelles missions à charge des organes compétents en matière d'accueil familial, qui relèvent de la compétence des communautés. Il ne ressort pas du texte des dispositions attaquées que ces missions seraient facultatives, ainsi que le soutient le Conseil des ministres. Il apparaît au contraire que les organes communautaires compétents sont tenus d'intervenir dans la négociation menant à la conclusion des conventions conclues par les parents ou par le tuteur de l'enfant et par les accueillants familiaux.

B.8.2. L'autonomie dont disposent l'autorité fédérale et les communautés ou les régions dans le cadre de leurs propres sphères de compétences fait en principe obstacle à ce qu'une autorité contraigne un service relevant d'une autre autorité publique, sans l'accord de cette dernière, à prêter son concours à l'exécution de la politique de la première autorité publique.

B.8.3. Il en découle qu'il n'appartient en principe pas au législateur fédéral de confier des missions à des organes qui relèvent des compétences communautaires ou de mettre des obligations à leur charge.

Toutefois, en l'espèce, le législateur fédéral a pu raisonnablement estimer qu'il était nécessaire à l'exercice de sa compétence en matière de statut des accueillants familiaux, dès lors qu'il instaurait la possibilité de la conclusion de conventions entre les parents de l'enfant placé et les accueillants, de prévoir l'intervention des organes communautaires compétents en matière d'accueil familial. Cette intervention représente en effet une garantie pour la sauvegarde des droits des parents et de l'intérêt supérieur de l'enfant. Par ailleurs, les parties requérantes et le Gouvernement de la Communauté française ne démontrent pas suffisamment que l'incidence de ces missions serait plus que marginale. Il n'apparaît pas que l'exercice, par les communautés, de leurs compétences en matière de protection de la jeunesse et de politique familiale soit de ce fait affecté de manière disproportionnée, d'autant plus qu'il revient aux communautés de déterminer les modalités d'intervention de leurs services.

B.9.1. Pour le surplus, les articles 8 et 9 attaqués ne rendent pas impossible ou exagérément difficile l'exercice, par les communautés, de leurs compétences en matière d'aide à la jeunesse et de placement familial.

L'article 387sexies nouveau du Code civil n'impose pas que la convention portant sur les modalités d'exercice, par les parents ou par le tuteur, de leur droit d'entretenir des relations personnelles avec l'enfant soit soumise à l'homologation du tribunal de la famille; elle peut l'être sur une base volontaire. Il semble en outre pouvoir être déduit de la justification de l'amendement à l'origine de cette disposition que, si un accord quant à l'exercice du droit d'entretenir des relations personnelles doit être conclu, les parents ou le tuteur et les accueillants « peuvent également convenir par écrit » des modalités de ces relations personnelles et que « si aucun accord ne peut être trouvé, les parties concernées ont la possibilité de saisir le tribunal de la famille et de fixer ainsi les règles concrètes du droit aux relations personnelles » (Doc. parl., Chambre, 2016-2017, DOC 54-0697/009, pp. 36-37), ce qui n'empêche pas les communautés d'organiser le placement de l'enfant et l'accompagnement des parents ou du tuteur, et des accueillants.

L'article 387septies nouveau du Code civil n'impose pas la conclusion d'une convention portant délégation de certains attributs de l'autorité parentale. Cette disposition laisse dès lors suffisamment de possibilités aux communautés pour mener en la matière la politique de leur choix, dans le cadre du statut des accueillants fixé par le législateur fédéral, qui prévoit des droits et des devoirs à l'égard de l'enfant placé.

B.9.2. En outre, l'article 20 de la loi du 19 mars 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/03/2017 pub. 05/04/2017 numac 2017030192 source service public federal justice Loi modifiant la législation en vue de l'instauration d'un statut pour les accueillants familiaux fermer, qui rétablit l'article 7 de la loi du 8 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/04/1965 pub. 02/08/2010 numac 2010000404 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié et à la réparation du dommage causé par ce fait. - Coordination officieuse en langue allemande fermer, a pour objet de permettre au tribunal de la jeunesse de statuer sur toutes les mesures en matière d'autorité parentale lorsqu'il prend des mesures de protection de la jeunesse à l'égard d'un mineur, de manière à garantir la cohérence du dispositif protectionnel mis en place en ce qui concerne ce mineur.

B.9.3. En vertu de l'article 146 de la Constitution, la compétence des cours et tribunaux est une matière qui relève en principe des compétences du législateur fédéral. La disposition attaquée n'excède donc pas les limites de ses compétences. Au surplus, la circonstance que le législateur fédéral a eu conscience de ce que le statut qu'il conférait aux accueillants familiaux pouvait avoir une incidence sur les mesures décidées par le tribunal de la jeunesse, en application des dispositions prises par les communautés en matière d'aide à et de protection de la jeunesse, ce qu'indique l'article 20 de la loi du 19 mars 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/03/2017 pub. 05/04/2017 numac 2017030192 source service public federal justice Loi modifiant la législation en vue de l'instauration d'un statut pour les accueillants familiaux fermer, ne démontre pas que, ce faisant, il aurait empiété sur les compétences communautaires.

B.10. Le moyen n'est pas fondé.

En ce qui concerne le moyen nouveau pris par le Gouvernement de la Communauté française B.11.1. Le Gouvernement de la Communauté française prend un moyen nouveau de la violation de l'article 143, § 1er, de la Constitution et du principe de la loyauté fédérale. Il fait valoir que, nonobstant les demandes en ce sens répétées par la Communauté française et par les associations qui en émanent et qui sont directement concernées par la loi attaquée, les communautés n'ont pas été utilement impliquées dans le processus législatif.

B.11.2. Pour sa part, le Gouvernement flamand fait valoir que bien qu'il n'y ait en l'espèce aucune obligation formelle de concertation, une telle concertation a bien eu lieu entre le cabinet du ministre fédéral de la Justice et les cabinets des ministres communautaires compétents.

B.12. L'article 143, § 1er, de la Constitution dispose : « Dans l'exercice de leurs compétences respectives, l'Etat fédéral, les communautés, les régions et la Commission communautaire commune agissent dans le respect de la loyauté fédérale, en vue d'éviter des conflits d'intérêts ».

Le respect de la loyauté fédérale suppose que, lorsqu'elles exercent leurs compétences, l'autorité fédérale et les entités fédérées ne perturbent pas l'équilibre de la construction fédérale dans son ensemble. La loyauté fédérale concerne plus que le simple exercice des compétences : elle indique dans quel esprit il doit avoir lieu.

Le principe de la loyauté fédérale oblige chaque législateur à veiller à ce que l'exercice de sa propre compétence ne rende pas impossible ou exagérément difficile l'exercice de leurs compétences par les autres législateurs.

B.13. Même dans les matières dans lesquelles le législateur spécial n'a pas imposé la mise en oeuvre d'une forme de concertation ou de coopération entre les différentes autorités, le respect de la loyauté fédérale peut exiger qu'une concertation ait lieu lorsque les compétences respectives de ces autorités sont imbriquées l'une dans l'autre et que les mesures adoptées par elles, chacune dans ses propres compétences, peuvent avoir un effet sur les politiques menées par les autres.

B.14.1. Ainsi qu'il a été constaté lors de l'examen du premier moyen pris par les parties requérantes, le législateur fédéral, en créant un statut pour les accueillants familiaux, en réglant le partage de l'exercice de certains attributs de l'autorité parentale entre les accueillants et les parents ou le tuteur de l'enfant et en édictant à cette fin certaines règles de procédure, n'a pas rendu impossible ou exagérément difficile l'exercice, par les communautés, de leurs compétences en matière d'aide ou de protection de la jeunesse.

B.14.2. Pour le surplus, il ressort des explications données par le Conseil des ministres, le Gouvernement de la Communauté française et le Gouvernement flamand qu'une concertation a eu lieu, au cours du processus législatif, entre les cabinets ministériels concernés. Le rapport de la première lecture en commission de la Justice de la Chambre indique également que « l'avis des Communautés a déjà été obtenu le 9 juin 2015, concernant notamment la question des compétences relevant des Communautés » (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-0697/005, p. 14).

La seule circonstance que cette concertation n'a pas permis de dégager un consensus entre les différents acteurs ne saurait conduire à la conclusion que le législateur fédéral a violé le principe de la loyauté fédérale.

B.15. Le moyen nouveau pris par le Gouvernement de la Communauté française n'est pas fondé.

Quant au moyen pris de la violation de droits fondamentaux B.16.1. Les parties requérantes prennent un second moyen de la violation des articles 10, 11, 22 et 22bis de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec les articles 3 et 7 de la Convention relative aux droits de l'enfant.

B.16.2. L'article 22 de la Constitution dispose : « Chacun a droit au respect de sa vie privée et familiale, sauf dans les cas et conditions fixés par la loi.

La loi, le décret ou la règle visée à l'article 134 garantissent la protection de ce droit ».

L'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme dispose : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ». La portée de la disposition conventionnelle précitée est analogue à celle de la disposition constitutionnelle précitée, de sorte que les garanties que fournissent ces deux dispositions forment un ensemble indissociable.

B.16.3. L'article 22bis de la Constitution dispose : « Chaque enfant a droit au respect de son intégrité morale, physique, psychique et sexuelle.

Chaque enfant a le droit de s'exprimer sur toute question qui le concerne; son opinion est prise en considération, eu égard à son âge et à son discernement.

Chaque enfant a le droit de bénéficier des mesures et services qui concourent à son développement.

Dans toute décision qui le concerne, l'intérêt de l'enfant est pris en considération de manière primordiale.

La loi, le décret ou la règle visée à l'article 134 garantissent ces droits de l'enfant ».

B.16.4. L'article 3 de la Convention relative aux droits de l'enfant dispose : « 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. 2. Les Etats parties s'engagent à assurer à l'enfant la protection et les soins nécessaires à son bien-être, compte tenu des droits et des devoirs de ses parents, de ses tuteurs ou des autres personnes légalement responsables de lui, et ils prennent à cette fin toutes les mesures législatives et administratives appropriées.3. Les Etats parties veillent à ce que le fonctionnement des institutions, services et établissements qui ont la charge des enfants et assurent leur protection soit conforme aux normes fixées par les autorités compétentes, particulièrement dans le domaine de la sécurité et de la santé et en ce qui concerne le nombre et la compétence de leur personnel ainsi que l'existence d'un contrôle approprié ». B.16.5. L'article 7 de la même Convention dispose : « 1. L'enfant est enregistré aussitôt sa naissance et a dès celle-ci le droit à un nom, le droit d'acquérir une nationalité et, dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d'être élevé par eux. 2. Les Etats parties veillent à mettre ces droits en oeuvre conformément à leur législation nationale et aux obligations que leur imposent les instruments internationaux applicables en la matière, en particulier dans les cas où faute de cela l'enfant se trouverait apatride ». En ce qui concerne les articles 387sexies et 387septies du Code civil (première branche du moyen) B.17.1. Les parties requérantes font grief aux dispositions attaquées, citées en B.1.2 et B.1.3, de ne permettre au tribunal de la famille de refuser d'homologuer les accords qu'elles prévoient que si ces accords sont contraires à l'intérêt de l'enfant. Elles interprètent ces dispositions comme interdisant au tribunal d'opérer une balance des intérêts qui prendrait en compte, à côté de l'intérêt de l'enfant qui doit être primordial, celui des parents ou du tuteur. Elles demandent l'annulation des mots « L'homologation peut uniquement être refusée si elle est contraire à l'intérêt de l'enfant », figurant dans l'article 387sexies, alinéa 2, et des mots « L'homologation ne peut être refusée que si elle est contraire à l'intérêt de l'enfant », figurant dans l'article 387septies, § 2, du Code civil.

B.17.2. En ce que les parties intervenantes critiquent en outre la circonstance que l'homologation par le tribunal prévue par l'article 387sexies, alinéa 2, n'est que facultative, alors que celle qui est prévue par l'article 387septies, § 2, doit toujours intervenir, elles formulent un grief qui n'est pas invoqué dans la requête. Comme il est dit en B.3.3, les griefs formulés par les ASBL intervenantes ne peuvent être examinés que dans la mesure où ils correspondent aux moyens invoqués dans la requête.

B.18.1. Tant l'article 22bis, alinéa 4, de la Constitution que l'article 3, paragraphe 1, de la Convention relative aux droits de l'enfant imposent aux juridictions de prendre en compte, de manière primordiale, l'intérêt de l'enfant dans les procédures le concernant.

L'article 22bis, alinéa 5, de la Constitution donne par ailleurs au législateur compétent la mission de garantir que l'intérêt de l'enfant soit pris en considération de manière primordiale.

B.18.2. Si l'intérêt de l'enfant revêt un caractère primordial, il n'a pas pour autant un caractère absolu. Dans la mise en balance des différents intérêts en jeu, l'intérêt de l'enfant occupe une place particulière du fait qu'il représente la partie faible dans la relation familiale. Cette place particulière ne permet pas pour autant de ne pas prendre également en compte les intérêts des autres parties en présence.

B.18.3. Le législateur, lorsqu'il élabore un statut légal pour les accueillants familiaux, doit permettre aux autorités compétentes de procéder in concreto à la mise en balance des intérêts des différentes personnes concernées, sous peine de prendre une mesure qui ne serait pas proportionnée aux objectifs légitimes poursuivis. Il y a toutefois lieu d'avoir égard à la circonstance que le placement familial est une mesure dont l'objet est précisément la protection de l'enfant, de sorte que, dans la balance de tous les intérêts en présence, l'intérêt de l'enfant revêt nécessairement et dans tous les cas une place prépondérante.

B.19.1. Les conventions visées par les dispositions attaquées portent, l'une, sur la manière dont les parents ou le tuteur peuvent exercer leur droit d'entretenir des relations personnelles avec l'enfant et, l'autre, sur la délégation éventuelle aux accueillants familiaux de la compétence de prendre des décisions autres que celles qui concernent le quotidien de l'enfant ou que celles qui doivent être prises en extrême urgence.

B.19.2. Le droit aux relations personnelles est prévu par l'article 387undecies, inséré dans le Code civil par l'article 13 de la loi du 19 mars 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/03/2017 pub. 05/04/2017 numac 2017030192 source service public federal justice Loi modifiant la législation en vue de l'instauration d'un statut pour les accueillants familiaux fermer. Cet article dispose que « les parents ou le tuteur conservent également le droit aux relations personnelles avec l'enfant » et que « ces relations personnelles ne peuvent être refusées que pour des motifs très graves ». La convention portant sur l'exercice du droit aux relations personnelles peut être soumise au tribunal de la famille pour homologation.

B.19.3. La compétence de prendre les décisions qui concernent l'hébergement, les décisions quotidiennes et les décisions à prendre en extrême urgence relatives à l'enfant sont, de droit, déléguées aux accueillants familiaux par l'article 387quinquies du Code civil. La convention portant sur la délégation d'autres attributs de l'autorité parentale, qui peut être conclue entre les accueillants et les parents ou le tuteur, doit être soumise au tribunal de la famille pour homologation.

B.20.1. Le placement d'un enfant hors de sa famille ne peut être conçu que comme une mesure exceptionnelle, subsidiaire à d'autres formes d'aide et qui doit être d'une durée la plus courte possible.

Il a été rappelé, au cours des travaux préparatoires relatifs à la loi attaquée, qu'« en principe, l'accueil familial est en effet une situation temporaire » (Doc. parl., Chambre, 2016-2017, DOC 54-0697/009, p. 36).

A la lumière de cet élément, il est important de maintenir les relations entre l'enfant et ses parents pendant la durée de son séjour en accueil familial.

B.20.2. En ce qui concerne le caractère temporaire du placement d'un enfant et le maintien du lien entre l'enfant et ses parents, la Cour européenne des droits de l'homme a jugé : « Si l'article 8 [de la Convention] tend pour l'essentiel à prémunir l'individu contre des ingérences arbitraires des pouvoirs publics, il met de surcroît à la charge de l'Etat des obligations positives inhérentes au ' respect ' effectif de la vie familiale. Ainsi, là où l'existence d'un lien familial se trouve établie, l'Etat doit en principe agir de manière à permettre à ce lien de se développer et prendre les mesures propres à réunir le parent et l'enfant concernés » (CEDH, 26 février 2002, Kutzner c. Allemagne, § 61; 16 février 2016, Soares de Melo c. Portugal, § 89). « La prise en charge d'un enfant doit en principe être considérée comme une mesure temporaire, à suspendre dès que les circonstances s'y prêtent, et [...] tout acte d'exécution doit concorder avec un but ultime : unir à nouveau le parent par le sang et l'enfant (voir, en particulier, Olsson c. Suède (n°1), [24 mars 1988, série A n° 130,] pp. 36-37, § 81). L'obligation positive de prendre des mesures afin de faciliter la réunion de la famille dès que cela sera vraiment possible s'impose aux autorités compétentes dès le début de la période de prise en charge et avec de plus en plus de force, mais doit toujours être mise en balance avec le devoir de considérer l'intérêt supérieur de l'enfant (K. et T. c. Finlande [GC], [n° 25702/94,] § 178) » (CEDH, 26 février 2002, Kutzner c. Allemagne, § 76). « D'un côté, il est certain que garantir aux enfants une évolution dans un environnement sain relève de l'intérêt de l'enfant et que l'article 8 de la Convention ne saurait autoriser un parent à faire prendre des mesures préjudiciables à la santé et au développement de ses enfants [...]. D'un autre côté, il est clair qu'il est tout autant dans l'intérêt de l'enfant que les liens entre lui et sa famille soient maintenus, sauf dans les cas où celle-ci s'est montrée particulièrement indigne : briser ce lien revient à couper l'enfant de ses racines. Il en résulte que l'intérêt de l'enfant commande que seules des circonstances tout à fait exceptionnelles puissent conduire à une rupture du lien familial et que tout soit mis en oeuvre pour maintenir les relations personnelles et, le cas échéant, le moment venu, ' reconstituer ' la famille » (CEDH, 16 février 2016, Soares de Melo c. Portugal, § 93). « A cet égard et s'agissant de l'obligation pour l'Etat de prendre des mesures positives, la Cour n'a cessé de dire que l'article 8 implique le droit pour un parent à des mesures destinées à le réunir avec son enfant et l'obligation pour les autorités nationales de prendre de telles mesures » (CEDH, 22 juin 2017, Barnea et Caldararu c. Italie, § 66).

B.20.3. La Cour européenne des droits de l'homme admet toutefois également que l'obligation qui consiste à tenter de réunir les parents et l'enfant le plus rapidement possible n'est pas absolue, qu'il faut trouver un équilibre lorsque les intérêts des parents et de l'enfant divergent et que l'intérêt de l'enfant peut l'emporter sur celui des parents : « La Cour a déclaré à de nombreuses reprises que l'article 8 implique le droit d'un parent à des mesures propres à le réunir à son enfant et l'obligation pour les autorités nationales de les prendre (voir, par exemple, Ignaccolo-Zenide c. Roumanie, précité, § 94, et Nuutinen c.

Finlande, n° 32842/96, § 127, CEDH 2000-VIII). Cette obligation n'est toutefois pas absolue. Sa nature et son étendue dépendent des circonstances de chaque espèce, mais la compréhension et la coopération de l'ensemble des personnes concernées en constituent toujours un facteur important. Dans l'hypothèse où des contacts avec les parents risquent de menacer les intérêts supérieurs de l'enfant ou de porter atteinte à ses droits, il revient aux autorités nationales de veiller à un juste équilibre entre eux (Ignaccolo-Zenide, précité, § 94) » (CEDH, 21 octobre 2008, Clemeno et autres c. Italie, § 48; 24 février 2009, Errico c. Italie, § 46). « En particulier, [...] il faut avoir égard au juste équilibre à ménager entre les intérêts concurrents - ceux de l'enfant, ceux des deux parents et ceux de l'ordre public (Maumousseau et Washington c.

France, n° 39388/05, § 62, CEDH 2007-XIII) -, attachant toutefois une importance déterminante à l'intérêt supérieur de l'enfant (voir, dans ce sens, Gnahoré, précité, § 59) qui, selon sa nature et sa gravité, peut l'emporter sur celui des parents (Sahin c. Allemagne [GC], n° 30943/96, § 66, CEDH 2003-VIII) » (CEDH, 22 juin 2017, Barnea et Caldararu c. Italie, § 64).

B.21. La convention portant sur l'exercice du droit aux relations personnelles prévue à l'article 387sexies du Code civil a précisément pour objet de garantir le maintien du lien entre l'enfant et ses parents ou son tuteur pendant la durée de l'accueil familial.

A cet égard, il est important que la convention soit conclue avec l'intervention des organes compétents en matière d'accueil familial, qui doivent veiller en particulier à l'équilibre entre les différents intérêts en cause et donc aussi, notamment, à l'intérêt des parents ou du tuteur.

L'intérêt de l'enfant, que le tribunal doit prendre en compte lors de l'homologation de cette convention, est de maintenir, dans toute la mesure du possible, l'effectivité du lien entre l'enfant et ses parents ou son tuteur, dans l'exercice de son droit aux relations personnelles, en tenant compte de ce que l'intérêt supérieur de l'enfant peut, selon sa nature et sa gravité, l'emporter sur celui des parents.

B.22. La convention prévue à l'article 387septies du Code civil, portant sur la délégation éventuelle aux accueillants familiaux de la compétence de prendre, en dehors des cas d'urgence, certaines décisions importantes concernant la santé, l'éducation, la formation, les loisirs et l'orientation religieuse ou philosophique de l'enfant, vise à permettre aux accueillants de prendre, avec l'accord des parents ou du tuteur de l'enfant, les décisions dont l'importance dépasse celle des décisions quotidiennes, dans un souci de facilitation de l'accueil et de la vie quotidienne de l'enfant.

A cet égard, il est également important, dans ce cas, que la convention soit conclue avec l'intervention des organes compétents en matière d'accueil familial, qui doivent aussi veiller, notamment, à l'intérêt des parents ou du tuteur.

L'intérêt de l'enfant, que le tribunal doit prendre en compte lors de l'homologation de cette convention, est de maintenir, dans toute la mesure du possible, l'effectivité du lien de l'enfant avec ses parents ou son tuteur, dans l'exercice des décisions importantes le concernant, en tenant compte de ce que l'intérêt supérieur de l'enfant peut, selon sa nature et sa gravité, l'emporter sur celui des parents.

B.23.1. Compte tenu de ce qui précède et du fait que l'intérêt de l'enfant est déterminant dans toutes les mesures en matière d'accueil familial, il n'est pas contraire aux dispositions visées au moyen de prévoir que le tribunal, lorsqu'il est saisi d'une demande d'homologation des conventions prévues par les articles 387sexies et 387septies du Code civil, insérés par les articles 8 et 9 de la loi du 19 mars 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/03/2017 pub. 05/04/2017 numac 2017030192 source service public federal justice Loi modifiant la législation en vue de l'instauration d'un statut pour les accueillants familiaux fermer, ne refuse l'homologation que si la convention est contraire à l'intérêt de l'enfant.

B.23.2. Compte tenu de ce qui est dit en B.23.1, le second moyen, en sa première branche, n'est pas fondé.

En ce qui concerne l'article 387octies du Code civil, inséré par l'article 10 de la loi du 19 mars 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/03/2017 pub. 05/04/2017 numac 2017030192 source service public federal justice Loi modifiant la législation en vue de l'instauration d'un statut pour les accueillants familiaux fermer (seconde branche du moyen) B.24.1. L'article 387octies, inséré dans le Code civil par l'article 10 de la loi du 19 mars 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/03/2017 pub. 05/04/2017 numac 2017030192 source service public federal justice Loi modifiant la législation en vue de l'instauration d'un statut pour les accueillants familiaux fermer, permet aux accueillants, à défaut de convention visée à l'article 387septies avec les parents ou le tuteur de l'enfant, d'obtenir du tribunal de la famille la délégation, y compris hors les cas d'urgence, de la compétence de prendre des décisions importantes concernant la santé, l'éducation, la formation, les loisirs et l'orientation religieuse ou philosophique de l'enfant.

B.24.2. Les amendements à la base de la disposition attaquée ont été justifiés comme suit : « Cet article traite du transfert forcé de compétences. Il s'agit de la possibilité qu'ont les accueillants familiaux d'introduire une demande afin d'exercer davantage de compétences. Cela peut être le cas lorsqu'aucune convention ne peut être conclue entre les parents et les accueillants familiaux. La demande doit être communiquée à l'organe compétent en matière d'accueil familial car elle mentionne des informations sur les parties concernées, ainsi que l'extension des droits et des devoirs demandée » (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-0697/002, p. 11); « [Contrairement] à l'article précédent, il n'est pas question ici de l'homologation d'un accord, mais bien de l'absence d'accord. Il s'agit donc d'un désaccord entre les parents et les accueillants familiaux » (Doc. parl., Chambre, 2016-2017, DOC 54-0697/009, p. 17).

B.25.1. La disposition attaquée porte sur une délégation de compétences identique à celle qui peut être convenue, en vertu de l'article 387septies du Code civil, de commun accord entre les accueillants et les parents ou le tuteur de l'enfant. Elle peut en effet concerner, en tout ou en partie, les décisions « importantes concernant la santé, l'éducation, la formation, les loisirs et l'orientation religieuse ou philosophique de l'enfant, à l'exception des droits et devoirs relatifs à l'état de la personne de l'enfant ».

B.25.2. La disposition attaquée, insérée à l'article 387octies du Code civil, est toutefois fondamentalement différente de celle qui est insérée à l'article 387septies du même Code, dès lors qu'elle est appliquée en l'absence d'un accord entre les parents ou le tuteur et les accueillants, et qu'elle permet au juge d'ôter aux parents, contre leur gré et sans qu'il y ait urgence, la compétence de prendre certaines, voire toutes les décisions importantes pour la vie de leur enfant (à l'exception des droits et des devoirs relatifs à l'état de la personne), compétence qui relève de leur autorité parentale.

B.26. La mesure attaquée constitue dès lors une ingérence très importante dans le droit au respect de la vie familiale des parents et de l'enfant concernés. Pour être jugée compatible avec les dispositions invoquées au moyen, cette ingérence doit être nécessaire dans une société démocratique et proportionnée au but poursuivi. La notion de nécessité, au sens de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, implique l'existence d'un besoin social impérieux et, en particulier, la proportionnalité de l'ingérence au but légitime poursuivi (voir parmi d'autres, Campbell, précité, § 44) (CEDH, 24 mai 2018, Laurent c. France, § 45).

B.27.1. En ce qui concerne l'intention générale de la loi, il ressort des travaux préparatoires que : « L'objectif est de créer un statut qui fasse la clarté sur les droits et les devoirs des accueillants familiaux, en les habilitant dès le début à prendre les décisions quotidiennes, mais aussi les décisions urgentes et nécessaires. En outre, les accueillants familiaux ont d'emblée la possibilité, moyennant l'accord des parents naturels, d'obtenir davantage de compétences. En l'absence d'accord au terme d'un an, ils peuvent saisir le juge, qui peut trancher dans l'intérêt de l'enfant. Un droit d'entretenir des relations personnelles est également accordé après un an de séjour de l'enfant placé chez les accueillants familiaux, de manière à ce que le lien qui les unit ne soit pas brusquement rompu » (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-0697/011, p. 3). et aussi que : « Nous souhaitons donner voix au chapitre aux parents d'accueil et leur fournir des instruments lorsque l'intérêt de l'enfant est menacé.

Le droit au respect de la vie privée et familiale des parents doit être respecté dans ce contexte.

La proposition de loi vise à clarifier la situation des parents naturels, des parents d'accueil et des enfants placés dans le cas où il y a des discussions et des problèmes » (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-0697/001, p. 6).

B.27.2. L'article 387quinquies du Code civil, inséré par l'article 7 de la loi du 19 mars 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/03/2017 pub. 05/04/2017 numac 2017030192 source service public federal justice Loi modifiant la législation en vue de l'instauration d'un statut pour les accueillants familiaux fermer, prévoit que, durant la période de placement, les accueillants ont le droit de prendre toutes les décisions quotidiennes relatives à l'enfant ainsi que les décisions importantes en cas d'extrême urgence. L'article 387septies du même Code, inséré par l'article 9 de la loi du 19 mars 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/03/2017 pub. 05/04/2017 numac 2017030192 source service public federal justice Loi modifiant la législation en vue de l'instauration d'un statut pour les accueillants familiaux fermer, prévoit que les parents ou le tuteur et les accueillants peuvent convenir en outre de déléguer la compétence de prendre certaines décisions importantes relatives à l'enfant. Ces deux dispositions permettent donc, d'une part, d'assurer la clarté sur les droits et les devoirs des accueillants et, d'autre part, de faciliter l'organisation de la vie quotidienne de l'enfant au sein de la famille d'accueil.

B.27.3. En outre, comme il est dit en B.20.1, le placement d'un enfant hors de sa famille ne peut être conçu que comme une mesure exceptionnelle, subsidiaire à d'autres formes d'aide et qui doit être d'une durée la plus courte possible. Il est important de maintenir les relations entre l'enfant et ses parents pendant la durée de son séjour en accueil familial, en tenant compte de ce que l'intérêt supérieur de l'enfant peut, selon les circonstances propres à chaque cas d'espèce en fonction de leur nature ou de leur gravité, l'emporter sur celui des parents. Il s'ensuit qu'il est de l'intérêt de l'enfant placé que ses parents d'origine restent aussi impliqués que possible dans les décisions importantes relatives à son éducation, afin que l'enfant et sa famille soient réunis dès que possible. A cet égard, la disposition attaquée n'est pas limitée à des circonstances particulières tenant à leur nature ou à leur gravité.

B.27.4. La disposition attaquée ne concerne ni des décisions quotidiennes (qui peuvent être prises par les accueillants sur la base de l'article 387quinquies du Code civil), ni des décisions urgentes (idem), mais des décisions importantes relatives à son éducation ou à ses biens qui ne sont pas urgentes. La disposition attaquée prévoit la délégation de « la compétence de prendre des décisions importantes » dans une série de domaines et non la délégation portant sur une décision spécifique ou ponctuelle.

B.27.5. Il s'ensuit que la disposition attaquée, qui porte sur la délégation de la compétence d'exercer un ou plusieurs attributs de l'autorité parentale, n'est pas entourée de garanties suffisantes et porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie familiale des parents et de l'enfant placé.

B.28. Le moyen, en sa seconde branche, est fondé. Il y a lieu d'annuler l'article 10 de la loi du 19 mars 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/03/2017 pub. 05/04/2017 numac 2017030192 source service public federal justice Loi modifiant la législation en vue de l'instauration d'un statut pour les accueillants familiaux fermer.

Afin d'éviter que la validité des décisions judiciaires prononcées sur la base de la disposition annulée soit contestée, il s'impose de maintenir les effets produits par l'article 10 de la loi du 19 mars 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/03/2017 pub. 05/04/2017 numac 2017030192 source service public federal justice Loi modifiant la législation en vue de l'instauration d'un statut pour les accueillants familiaux fermer jusqu'à la publication du présent arrêt au Moniteur belge.

Par ces motifs, la Cour - annule l'article 387octies du Code civil, inséré par l'article 10 de la loi du 19 mars 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/03/2017 pub. 05/04/2017 numac 2017030192 source service public federal justice Loi modifiant la législation en vue de l'instauration d'un statut pour les accueillants familiaux fermer modifiant la législation en vue de l'instauration d'un statut pour les accueillants familiaux; - maintient les effets de la disposition annulée quant aux décisions judiciaires prises jusqu'à la publication du présent arrêt au Moniteur belge; - pour le surplus, rejette le recours, compte tenu de ce qui est dit en B.23.1.

Ainsi rendu en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 28 février 2019.

Le greffier, F. Meersschaut Le président, F. Daoût

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