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Arrêt
publié le 11 juin 2008

Extrait de l'arrêt n° 84/2008 du 27 mai 2008 Numéro du rôle : 4250 En cause : le recours en annulation des articles 62 à 66 de la loi-programme du 27 décembre 2006, introduit par l'ASBL « Syndicat National des Propriétaires et Coproprié(...) La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et M. Melchior, et des juges P. Ma(...)

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11/06/2008
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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 84/2008 du 27 mai 2008 Numéro du rôle : 4250 En cause : le recours en annulation des articles 62 à 66 de la loi-programme (I) du 27 décembre 2006, introduit par l'ASBL « Syndicat National des Propriétaires et Copropriétaires » et autres.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et M. Melchior, et des juges P. Martens, L. Lavrysen, J.-P. Snappe, E. Derycke et T. Merckx-Van Goey, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Bossuyt, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 27 juin 2007 et parvenue au greffe le 29 juin 2007, un recours en annulation des articles 62 à 66 de la loi-programme (I) du 27 décembre 2006 (publiée au Moniteur belge du 28 décembre 2006, troisième édition) a été introduit par l'ASBL « Syndicat National des Propriétaires et Copropriétaires », dont le siège social est établi à 1000 Bruxelles, rue de la Violette 43, l'ASBL « Eigenaarsbelang », dont le siège social est établi à 2000 Anvers, Mechelseplein 25, l'ASBL « Koninklijk Algemeen Eigenaarsverbond », dont le siège social est établi à 9000 Gand, Vrijheidslaan 4, et l'ASBL « De Eigenaarsbond », dont le siège social est établi à 2000 Anvers, Otto Veniusstraat 28. (...) III. En droit (...) B.1.1. Les dispositions attaquées font partie du chapitre IV « Modifications du Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe, du Code des droits de timbre, du Code des droits de succession et du Code des taxes assimilées au timbre », section première « Droits d'enregistrement », sous-section première « Modifications au Code », de la loi-programme (I) du 27 décembre 2006.

Les dispositions attaquées opèrent une distinction entre deux types de baux, à savoir les baux relatifs aux immeubles qui sont exclusivement affectés au logement d'une famille ou d'une personne seule et les autres baux, auxquels s'appliquent des régimes différents en matière d'obligation, de délai et de frais d'enregistrement.

B.1.2. Pour le premier type de bail, le délai d'enregistrement est de deux mois (article 63 de la loi-programme (I)), l'obligation d'enregistrement incombe au bailleur (article 64, 2°, de la loi-programme (I)) et l'enregistrement est gratuit (article 66 de la loi-programme (I)). Pour le second type de bail, le délai d'enregistrement est de quatre mois (article 63 de la loi-programme (I)), l'obligation d'enregistrement incombe aux parties au contrat (article 64, 1°, de la loi-programme (I)) et l'enregistrement est soumis à un droit proportionnel (article 65 de la loi-programme (I)).

B.2. Les parties requérantes prennent un moyen unique de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, parce que les dispositions attaquées instaurent des régimes différents en matière de délai, d'obligation et de frais d'enregistrement, d'une part, pour les baux relatifs aux immeubles qui sont affectés exclusivement au logement d'une famille ou d'une personne seule et, d'autre part, pour les autres baux ou pour les baux relatifs aux immeubles qui sont principalement destinés au logement mais accessoirement à la fonction ou à l'activité exercée par le preneur. Selon les parties requérantes, il n'existe pas de justification raisonnable, objective et pertinente à cette double différence de traitement.

B.3.1. Le Conseil des Ministres fait valoir que les catégories comparées dans le moyen ne sont pas celles des preneurs et des bailleurs mais les différentes législations relatives aux baux, en particulier la loi sur les baux d'habitation du 20 février 1991, d'une part, et le reste de la législation en matière de locations (droit commun, loi sur les baux commerciaux, loi sur le bail à ferme), d'autre part.

Compte tenu des différences particulièrement nombreuses entre les différentes législations sur les baux, le Conseil des Ministres considère que les catégories évoquées ne sont pas comparables.

B.3.2. Bien que la législation sur les baux d'habitation, d'une part, et la législation de droit commun sur le bail, la législation sur le bail commercial et la législation sur le bail à ferme, d'autre part, soient soumises à des règles différentes en ce qui concerne, notamment, les formalités, les droits et les devoirs des parties, les possibilités et les délais de congé, les différentes catégories de personnes concernées par ces baux peuvent être comparées en matière d'obligation, de délai et de frais d'enregistrement.

B.3.3. L'exception est rejetée.

B.4. Il ressort des travaux préparatoires que le législateur a voulu accroître le nombre de baux présentés à l'enregistrement et offrir ainsi une meilleure protection aux preneurs. En effet, l'accomplissement de l'obligation d'enregistrement donne au bail date certaine. A partir de cette date, le preneur est protégé contre l'expulsion, lorsque le bailleur vend à un tiers le bien loué. « Le Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe impose déjà actuellement, tant au propriétaire, qu'au locataire, l'obligation de présenter le contrat de bail à l'enregistrement. Dans la pratique, il semble que les locataires ne sont pas toujours au courant de cette obligation fiscale pas plus que de l'avantage qui en découle pour eux sur le plan de la protection contre l'expulsion par le nouveau propriétaire lors de la vente de l'habitation.

C'est pourquoi le gouvernement a décidé désormais d'imposer, du moins en ce qui concerne les biens immeubles affectés exclusivement à l'habitation, l'obligation de présentation à la formalité de l'enregistrement aux bailleurs qui, normalement, sont bien au courant de cette obligation fiscale. [...] Pour les autres contrats de bail (bail commercial, fermage, location d'espaces industriels, location mixte,...) rien ne change » (Doc. parl., Chambre, 2006-2007, DOC 51-2773/001, p. 54).

B.5.1. La différence de traitement en cause repose sur un critère objectif, à savoir la circonstance que le bien immeuble loué est exclusivement affecté au logement d'une famille ou d'une personne seule.

B.5.2. Le critère utilisé est pertinent pour atteindre l'objectif poursuivi par le législateur.

En ce qui concerne l'obligation d'enregistrement, le fait que la date certaine offre une meilleure protection au preneur est à première vue contradictoire avec l'obligation d'enregistrement imposée au bailleur.

Il convient toutefois d'observer que les statuts des diverses ASBL requérantes montrent que celles-ci ont précisément pour mission d'informer les bailleurs au sujet des obligations qui leur incombent et que les bailleurs vont s'organiser professionnellement bien plus vite que les preneurs. A la différence des preneurs de baux commerciaux ou de baux à ferme, les preneurs visés par la loi sur les baux d'habitation ne sont pas des preneurs « professionnels » et ne seront dès lors souvent pas au fait des obligations qui leur incombent, parmi lesquelles les obligations d'enregistrement. La circonstance que l'obligation d'enregistrement incombe désormais au seul bailleur n'est pas de nature à priver la mesure de son caractère proportionné, parce que rien ne change en fait pour le bailleur, dès lors qu'il était déjà tenu précédemment, fût-ce ensemble avec le preneur, de procéder à l'enregistrement. Qui plus est, la modification législative a rendu l'enregistrement du bail gratuit.

En ce qui concerne le délai d'enregistrement, il convient d'observer qu'un délai de deux mois, au lieu de quatre, n'est pas non plus de nature à ôter à la disposition attaquée son caractère proportionné.

L'abrégement de ce délai ne joue pas seulement en faveur du preneur, qui est dès ce moment mieux protégé en cas de vente du bien loué, mais aussi en faveur du bailleur, qui bénéficie à partir de ce moment de la protection prévue par la loi sur les baux à loyer en matière de possibilités de congé (article 3, § 5, de la loi sur les baux d'habitation).

B.6. Le moyen unique n'est pas fondé.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, à l'audience publique du 27 mai 2008.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, M. Bossuyt.

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