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Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 25 novembre 1997

Arrêt n° 58/97 du 14 octobre 1997 Numéro du rôle : 972 En cause : le recours en annulation de l'article 119 de la loi du 20 décembre 1995 portant des dispositions sociales, introduit par la Centrale générale du personnel militaire et autres.

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25/11/1997
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COUR D'ARBITRAGE


Arrêt n° 58/97 du 14 octobre 1997 Numéro du rôle : 972 En cause : le recours en annulation de l'article 119 de la loi du 20 décembre 1995 portant des dispositions sociales, introduit par la Centrale générale du personnel militaire et autres.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents L. De Grève et M. Melchior, et des juges L. François, P. Martens, J. Delruelle, H. Coremans et M. Bossuyt, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président L. De Grève, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 21 juin 1996 et parvenue au greffe le 24 juin 1996, la Centrale générale du personnel militaire, dont le siège est établi à 1030 Bruxelles, place de Houffalize 18, E. Jacob, militaire de carrière, demeurant à 3500 Hasselt, Breestraat 158, boîte 1, l'a.s.b.l. Syndicat national du personnel de la gendarmerie, dont le siège social est établi à 1030 Bruxelles, avenue Charbo 25, et P. Van Keer, gendarme, demeurant à 2018 Anvers, Lamorinièrestraat 82, ont introduit un recours en annulation de l'article 119 de la loi du 20 décembre 1995 portant des dispositions sociales (publiée au Moniteur belge du 23 décembre 1995).

II. La procédure Par ordonnance du 24 juin 1996, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

Le recours a été notifié conformément à l'article 76 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 12 août 1996.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 13 août 1996.

Le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles, a introduit un mémoire par lettre recommandée à la poste le 27 septembre 1996.

Ce mémoire a été notifié conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettre recommandée à la poste le 11 octobre 1996.

Les parties requérantes ont introduit un mémoire en réponse par lettre recommandée à la poste le 8 novembre 1996.

Par ordonnances des 26 novembre 1996 et 29 mai 1997, la Cour a prorogé respectivement jusqu'aux 21 juin 1997 et 21 décembre 1997 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.

Par ordonnance du 30 avril 1997, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 21 mai 1997.

Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats, par lettres recommandées à la poste le 2 mai 1997.

A l'audience publique du 21 mai 1997 : - ont comparu : . Me C. Flamend, avocat au barreau de Bruxelles, pour les parties requérantes; . N. Scheerlinck et H. Verlinden, conseillers adjoints au ministère des Affaires sociales, pour le Conseil des ministres; - les juges-rapporteurs H. Coremans et L. François ont fait rapport; - les parties précitées ont été entendues; - l'affaire a été mise en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

III. En droit - A - Requête A.1.1. Avant l'entrée en vigueur de la disposition attaquée - c'est-à-dire jusqu'au 31 décembre 1995 -, les bénéficiaires d'une pension de réparation visée par les lois coordonnées sur les pensions de réparation avaient droit, sans aucune restriction, à toutes les indemnités auxquelles ils pouvaient prétendre en vertu de la législation sur la sécurité sociale des travailleurs salariés.

La disposition entreprise a pour conséquence que la restriction contenue dans l'article 136, § 2, de la loi instituant et organisant un régime d'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994, sera appliquée intégralement, de telle sorte que les bénéficiaires d'une pension de réparation ne pourront plus la cumuler avec les indemnités d'incapacité de travail octroyées dans le cadre de la législation sur la sécurité sociale des travailleurs salariés. Dès lors que les lois coordonnées sur les pensions de réparation sont applicables aux militaires et aux gendarmes, ceux-ci sont affectés défavorablement par la disposition contestée.

A.1.2. La première partie requérante, la Centrale générale du personnel militaire, est une union professionnelle dont peuvent devenir membres tous les militaires des cadres actifs ainsi que tous les militaires mis à la pension. Elle a pour objectif « de défendre les intérêts de toutes natures de ses membres [et] de mener toutes les actions nécessaires pour défendre la place du militaire dans la Nation ». La requérante a été agréée en tant qu'organisation syndicale du personnel militaire et a été reconnue comme étant représentative en application de la loi du 11 juillet 1978 organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats du personnel militaire.

En tant qu'union professionnelle agréée, elle a la qualité requise pour attaquer des dispositions qui affectent directement et défavorablement son objet social et ses membres, comme c'est le cas de la disposition entreprise.

A.1.3. Le deuxième requérant est secrétaire général de la Centrale générale du personnel militaire et fait partie de la délégation du personnel au sein de la commission consultative du personnel militaire des forces terrestre, aérienne et navale. Il est militaire de carrière. La disposition attaquée est de nature à nuire à ses intérêts personnels s'il devait se retrouver en incapacité de travail. Il a donc intérêt à attaquer cette disposition.

A.1.4. La troisième partie requérante, le Syndicat national du personnel de la gendarmerie, association sans but lucratif, est une union professionnelle du personnel de la gendarmerie à laquelle peuvent également s'affilier les pensionnés de la gendarmerie ainsi que les veuves et orphelins de gendarmes. Elle a notamment pour objet social la défense des intérêts de ses membres. Elle a été agréée en tant qu'organisation syndicale et elle a également été qualifiée de représentative au sens des articles 5 et 11 de la loi du 11 juillet 1978 organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats du personnel du cadre actif de la gendarmerie. Elle a donc intérêt à attaquer une disposition qui est susceptible de léser gravement son objet social et les intérêts des gendarmes.

A.1.5. Le quatrième requérant est président du Syndicat national du personnel de la gendarmerie et fait partie du comité de négociation du personnel de la gendarmerie. Il est gendarme. La disposition entreprise est de nature à léser ses intérêts s'il devait se retrouver en incapacité de travail. Il a donc intérêt à attaquer cette disposition.

A.2.1. En vertu de l'article 7 de l'arrêté royal du 20 octobre 1964 instituant une commission consultative du personnel militaire, toutes les questions présentant un intérêt général relatif à la situation statutaire du personnel militaire sont soumises par le ministre à l'avis de la commission, même si elles ne concernent qu'une seule catégorie de personnel et même s'il s'agit de droits ou obligations futurs. Il va sans dire que la disposition entreprise ressortit à la définition de la notion de « questions présentant un intérêt général relatif à la situation statutaire du personnel militaire », puisqu'elle constitue un élément de la situation juridique des militaires. La disposition contestée aurait donc dû être soumise à la commission consultative du personnel militaire. La non-consultation de cette commission est d'autant plus incompréhensible que celle-ci a bel et bien été consultée pour d'autres projets de lois ou d'arrêtés portant sur la situation statutaire des militaires. La disposition attaquée viole donc les articles 10 et 11 de la Constitution puisque le droit des militaires de faire connaître leur point de vue sur la disposition dont il s'agit n'a pas été respecté, alors qu'il en a été ainsi dans d'autres cas.

A.2.2. L'article 2, § 1er, de la loi du 11 juillet 1978 organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats du personnel du cadre actif de la gendarmerie énonce que, sauf dans les cas d'urgence et dans d'autres cas exceptionnels déterminés par le Roi, les autorités compétentes ne peuvent, sans une négociation préalable avec les organisations syndicales représentatives au sein d'un comité créé à cet effet, établir, entre autres, le statut administratif, le statut pécuniaire et le régime des pensions. La disposition entreprise n'a cependant jamais été soumise au comité de négociation, en sorte que les gendarmes n'ont pas eu la possibilité de faire connaître leur point de vue y relatif par le biais de leurs organisations syndicales représentatives, au nombre desquelles la troisième partie requérante.

C'est d'autant moins compréhensible que d'autres projets de lois ont bel et bien été soumis au comité de négociation. La disposition contestée viole donc les articles 10 et 11 de la Constitution puisque le droit des gendarmes de faire connaître, par le biais de leur délégation syndicale, leur point de vue au sujet de la disposition dont il s'agit n'a pas été respecté, alors qu'il en a été ainsi dans d'autres cas.

A.2.3. Les pensions de réparation versées aux militaires ou aux gendarmes en service actif qui ont été victimes d'un accident dû au service constituent une réparation forfaitaire pour l'atteinte causée à l'intégrité physique de la personne lorsque le dommage corporel excède un certain taux. Ce dommage doit être distingué du dommage économique qui est réparé par l'assurance maladie-invalidité dans le cadre de l'indemnité d'incapacité de travail. Les pensions de réparation couvrent un dommage extrapatrimonial, alors que les indemnités allouées dans le cadre de l'assurance maladie-invalidité couvrent le dommage patrimonial. La justification de l'article attaqué, à savoir éviter une double indemnisation pour un seul et même dommage, repose donc sur un postulat erroné.

Les articles 10 et 11 de la Constitution sont également violés en ce que, dans d'autres cas, les pensions de réparation peuvent effectivement être cumulées avec des indemnités qui couvrent un dommage patrimonial, comme les allocations de chômage. Par conséquent, il existe une discrimination au détriment de ceux qui pouvaient antérieurement cumuler leur pension de réparation avec une indemnité accordée dans le cadre de la loi relative à l'assurance obligatoire contre la maladie et l'invalidité, lorsqu'on les compare aux personnes qui cumulent une pension de réparation avec une allocation de chômage.

Il n'existe aucune justification pour cette différence de traitement.

Mémoire du Conseil des ministres A.3.1. Les première et troisième parties requérantes justifient, en leur qualité d'union professionnelle et d'organisation syndicale représentative, d'un intérêt pour introduire le recours dans la mesure où elles défendent directement les intérêts professionnels du personnel de l'armée et de la gendarmerie.

La Cour doit vérifier si le délai dans lequel devait être introduit le recours a été respecté.

A.3.2. L'obligation de consulter les comités de négociation n'est pas prescrite par la Constitution. Le législateur est toujours libre d'apprécier s'il y a lieu de recueillir l'avis de l'une ou l'autre instance. Il n'est pas lié, à cet égard, par le prescrit de lois antérieures et il peut donc toujours déroger aux lois des 14 janvier 1975 et 11 juillet 1978.

A.3.3. La branche du troisième moyen qui affirme que le législateur, en adoptant la disposition attaquée, est parti d'un postulat erroné n'est pas recevable, étant donné qu'il n'y est pas invoqué de violation des articles 10 et 11 de la Constitution.

L'article 1er, alinéa 5, des lois coordonnées sur les pensions de réparation dispose que toutes les pensions et indemnités accordées en exécution de ces lois constituent une réparation forfaitaire couvrant l'intégralité du préjudice corporel, qu'il soit matériel ou moral.

Les indemnités d'incapacité de travail qui sont octroyées dans le cadre de la loi instituant et organisant un régime d'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994, couvrent le dommage qui réside dans la perte ou dans la réduction de la capacité de gain d'un assuré à un taux égal ou inférieur à un tiers, conformément aux critères fixés à l'article 100, § 1er, de cette loi.

La pension de réparation, qui couvre tout dommage corporel, tant matériel que moral, comprend également la perte ou la réduction de la capacité de gain de l'intéressé, eu égard au caractère général forfaitaire de la pension de réparation. Celle-ci doit donc être considérée comme couvrant le même dommage que les indemnités d'incapacité de travail qui sont octroyées. Le caractère forfaitaire des pensions de réparation ressort également du fait que l'octroi d'une telle pension exclut tout octroi ultérieur d'une indemnité, à charge du Trésor, qui serait fondée sur les articles 1382 et suivants du Code civil, ainsi que du fait que la pension est réduite, entre autres, de toutes les indemnités accordées pour un fait identique par l'Office de sécurité sociale d'outre-mer, au nombre desquelles les indemnités en matière d'assurance maladie-invalidité.

L'argumentation concernant la différence de traitement entre les bénéficiaires d'une pension de réparation, selon qu'ils cumulent cette pension avec une indemnité d'incapacité de travail ou avec des allocations de chômage, manque en fait puisque la situation des personnes dont on compare le traitement est différente.

Le fait qu'un bénéficiaire d'une pension de réparation ne puisse la cumuler avec une autre indemnité d'incapacité de travail repose sur le principe fondamental selon lequel un seul et même dommage ne peut pas être réparé deux fois. La pension de réparation et l'allocation de chômage ont l'une et l'autre leur finalité propre. L'allocation de chômage constitue un revenu de remplacement pour un bénéficiaire qui, du fait de son chômage, n'a plus de revenus professionnels. La pension de réparation couvre le dommage corporel matériel et moral qui résulte du fait ou de l'événement dont l'intéressé a été la victime.

Il ne pourrait être question de discrimination que si un bénéficiaire d'une pension de réparation et d'indemnités d'incapacité de travail était traité différemment des bénéficiaires d'autres indemnités d'incapacité de travail ou d'indemnités couvrant le même dommage que la pension de réparation. L'article 119 de la loi du 20 décembre 1995 avait précisément pour but de supprimer une différence de traitement qui existait entre les bénéficiaires susvisés. L'article 136, § 2, de la loi instituant et organisant un régime d'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994, a en effet pour but d'éviter qu'une indemnisation soit accordée deux fois pour un seul et même dommage. La non-application de cet article créerait une discrimination à l'égard d'autres bénéficiaires qui perçoivent des indemnités d'incapacité de travail en même temps que d'autres avantages sociaux analogues à la pension de réparation, lesquels doivent effectivement être déduits du montant des indemnités d'incapacité de travail.

Mémoire en réponse des parties requérantes A.4.1. Le législateur peut certes supprimer de manière générale certaines obligations de consultation, mais aussi longtemps que seront en vigueur des dispositions légales prévoyant qu'un avis doit obligatoirement être recueilli, il appartiendra au législateur de respecter cette obligation légale. En juger autrement équivaudrait à permettre au législateur de décider de manière arbitraire s'il recueillera ou non l'avis de l'instance consultative concernée, quelles que soient les dispositions légales applicables. Un tel raisonnement serait totalement contraire à tous les principes d'un Etat de droit démocratique.

Il échet de constater que la partie défenderesse est d'accord pour dire que les règles relatives aux pensions de réparation forment une partie du statut des militaires ou gendarmes concernés. Cela ressort du reste explicitement de l'article 2, § 1er, de la loi du 11 juillet 1978 organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats du personnel du cadre actif de la gendarmerie. Au demeurant, un projet de loi relatif aux pensions et rentes de guerre, dans lequel la moitié des dispositions se rapportent aux pensions de survie, a été récemment soumis aux comités de négociation concernés. Les requérants maintiennent donc leur point de vue au sujet de la discrimination qui découle de la non-consultation des comités de négociation.

A.4.2. Il est inexact que la pension de réparation inclut aussi la perte ou la diminution de la capacité de gain de l'intéressé. En effet, il ne s'agit pas d'un dommage patrimonial.

La thèse des requérants est confirmée par d'autres éléments. La pension de réparation n'est pas imposable, ce qui serait le cas si elle devait constituer un revenu de remplacement; elle peut également être accordée aux ayants droit des personnes affectées, ce qui n'aurait pas été le cas si elle avait compensé une perte de capacité de gain et si elle avait donc constitué un revenu de remplacement. Par ailleurs, les bénéficiaires d'une pension de réparation qui sont encore en service actif peuvent, sans problème, cumuler la pension de réparation avec leur revenu normal, ce qui aurait également été impossible si la pension de réparation avait été un revenu de remplacement. De surcroît, les pensions de réparation ne sont saisissables et ne peuvent faire l'objet de retenues que dans une mesure fort limitée.

Un autre élément qui démontre l'inexactitude du raisonnement de la partie défenderesse est le fait que la perte ou la diminution de la capacité de gain n'est pas compensée par l'octroi d'une pension de réparation mais bien par l'attribution d'une pension de retraite pour cause d'inaptitude physique. En outre, l'article 134 de la loi du 26 juin 1992Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/06/1992 pub. 31/03/2011 numac 2011000187 source service public federal interieur Loi portant des dispositions sociales et diverses fermer portant des dispositions sociales et diverses prévoit l'octroi d'un supplément forfaitaire, s'ajoutant à la pension au bénéfice de certains pensionnés, sur la base d'une inaptitude physique. Ce supplément n'a de sens que si la pension de réparation ne compense pas la perte d'une capacité de gain.

Enfin, il faut souligner que certains militaires qui bénéficient d'une pension de retraite ou d'une pension de réparation ont droit, lorsqu'ils sont demandeurs d'emploi, à des allocations de chômage et peuvent donc cumuler des allocations de chômage avec une pension de réparation alors que l'article attaqué de la loi exclut tout cumul entre une pension de réparation et une autre pension d'invalidité, ce qui constitue une discrimination. - B - Quant à la disposition attaquée B.1. Aux termes de l'article 52, § 4, des lois sur les pensions de réparation coordonnées le 5 octobre 1948, les pensions d'invalidité et d'ayants droit prévues dans ces lois sont immunisées pour l'application de l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs et pour l'établissement de l'état de besoin en vue de l'attribution du complément gratuit de pension de vieillesse.

L'article 119 de la loi du 20 décembre 1995 portant des dispositions sociales - article qui fait l'objet du recours - a complété la disposition susdite par un nouvel alinéa, libellé comme suit : « Les dispositions de l'alinéa précédent ne font toutefois pas obstacle à l'application des dispositions de l'article 136, § 2, de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités coordonnée le 14 juillet 1994. » L'article 136, § 2, de la loi instituant et organisant un régime d'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994, consacre le principe selon lequel les prestations prévues par cette loi sont refusées lorsque le dommage découlant d'une maladie, de lésions, de troubles fonctionnels ou du décès est effectivement réparé en vertu d'une autre législation belge, d'une législation étrangère ou du droit commun. Toutefois, lorsque les sommes accordées en vertu de cette législation ou du droit commun sont inférieures aux prestations de l'assurance, le bénéficiaire a droit à la différence à charge de l'assurance.

Quant aux premier et deuxième moyens B.2. Les parties requérantes font valoir que la disposition attaquée viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce que cette disposition, en méconnaissance des règles législatives et réglementaires qui y sont afférentes, n'a pas été soumise à l'avis de la commission consultative du personnel militaire des forces terrestre, aérienne et navale et du service médical (premier moyen), ni à l'avis du comité de négociation du personnel de la gendarmerie (second moyen).

B.3. Le contrôle exercé par la Cour au regard des articles 10 et 11 de la Constitution porte sur la compatibilité avec ces articles du contenu d'une disposition législative et non sur le respect de formalités qui sont imposées en ce qui concerne l'adoption d'une telle disposition.

B.4. La Cour n'est pas compétente pour connaître des premier et deuxième moyens.

Quant au troisième moyen B.5. Les parties requérantes soutiennent que les articles 10 et 11 de la Constitution sont violés en ce que par suite de la disposition attaquée, les bénéficiaires d'une pension de réparation visée par les lois coordonnées sur les pensions de réparation ne pourront plus cumuler sans limitation cette pension avec une indemnité d'incapacité de travail octroyée dans le cadre de l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, alors qu'un cumul intégral de cette pension de réparation avec d'autres prestations sociales, comme les allocations de chômage, serait effectivement autorisé.

B.6. Il appartient au législateur soucieux de maîtriser les dépenses d'apprécier, compte tenu de la finalité des différentes allocations et, en l'espèce, de l'équilibre financier à assurer dans les divers secteurs de la sécurité sociale, si et, le cas échéant, dans quelle mesure les différentes allocations qui sont directement ou indirectement à charge du Trésor peuvent être cumulées. Ce faisant, le législateur ne peut toutefois méconnaître le principe d'égalité et de non-discrimination.

B.7. Selon l'exposé des motifs du projet qui est devenu la loi du 20 décembre 1995, la disposition attaquée vise à éviter que les personnes qui bénéficient d'une pension de réparation se voient accorder une double indemnisation pour un même dommage et, partant, à supprimer une discrimination entre les bénéficiaires d'une pension de réparation et les bénéficiaires d'autres prestations accordées à charge de la sécurité sociale auxquelles était déjà applicable la disposition limitant les cumuls de l'article 136, § 2, de la loi instituant et organisant un régime d'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994 (Doc. parl., Chambre, 1995-1996, n° 207/1, p. 46).

B.8. Le législateur peut décider que le dommage qui donne normalement droit à une indemnité d'invalidité à charge de l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités ne soit pas indemnisé selon ce régime dans la mesure où ce même dommage est pris en charge par un autre régime d'indemnisation.

Selon les parties requérantes, les pensions de réparation octroyées aux militaires ou aux gendarmes du fait d'un accident dû au service constituent exclusivement une indemnité couvrant un dommage extrapatrimonial, alors que l'indemnité d'incapacité de travail à charge de l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités couvrirait un dommage patrimonial. Il en résulterait que la disposition entreprise créerait une discrimination entre les bénéficiaires d'une pension de réparation, qui tantôt pourraient cumuler leur pension de réparation avec une indemnité pour dommage patrimonial, tantôt ne le pourraient pas.

B.9. Aux termes de l'article 1er, alinéa 5, des lois coordonnées sur les pensions de réparation, les pensions de réparation accordées en exécution de ces lois constituent une réparation forfaitaire couvrant l'intégralité du préjudice corporel, qu'il soit matériel ou moral, résultant des faits et circonstances définis dans ces lois.

Ces pensions constituent donc la réparation du dommage entrant en ligne de compte pour l'application de ces lois, qu'il soit de nature patrimoniale ou extrapatrimoniale, ainsi que le confirme la disposition du même article aux termes de laquelle l'octroi d'une pension de réparation exclut l'attribution ultérieure pour le même fait dommageable d'une indemnisation à charge du Trésor public qui résulterait de l'application de l'article 1382 du Code civil.

Dès lors que la pension de réparation indemnise également le dommage patrimonial, elle couvre le dommage découlant de l'incapacité de travail de l'intéressé. Le fait que dans le secteur de l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, l'incapacité de travail soit évaluée ou indemnisée d'une autre manière que dans le secteur des pensions de réparation ne change rien au constat que les deux réglementations indemnisent un même dommage. La prémisse du moyen manque en droit.

B.10. Le moyen ne peut être accueilli.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 14 octobre 1997.

Le greffier, L. Potoms Le président, L. De Grève

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