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Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 06 mars 1998

Arrêt n° 10/98 du 11 février 1998 Numéros du rôle : 1037, 1038 et 1040 En cause : les recours en annulation de l'article 13 du décret de la Communauté flamande du 20 décembre 1996 contenant diverses mesures d'accompagnement du budget 1997, qu La Cour d'arbitrage, composée des présidents L. De Grève et M. Melchior, et des juges P. Martens(...)

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COUR D'ARBITRAGE


Arrêt n° 10/98 du 11 février 1998 Numéros du rôle : 1037, 1038 et 1040 En cause : les recours en annulation de l'article 13 du décret de la Communauté flamande du 20 décembre 1996 contenant diverses mesures d'accompagnement du budget 1997, qui abroge l'article 81, 2°, du Code des taxes assimilées aux impôts sur les revenus en ce qui concerne la Région flamande, introduits par la s.a. Belgian Amusement Company Ltd et autres.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents L. De Grève et M. Melchior, et des juges P. Martens, G. De Baets, E. Cerexhe, H. Coremans et A. Arts, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président L. De Grève, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des recours a. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 22 janvier 1997 et parvenue au greffe le 23 janvier 1997, la s.a.

Belgian Amusement Company Ltd, dont le siège social est établi à 2018 Anvers, Lange Leemstraat 187, a introduit un recours en annulation de l'article 13 du décret de la Communauté flamande du 20 décembre 1996 contenant diverses mesures d'accompagnement du budget 1997, qui abroge l'article 81, 2°, du Code des taxes assimilées aux impôts sur les revenus en ce qui concerne la Région flamande (publié au Moniteur belge du 31 décembre 1996, troisième édition).

Cette affaire est inscrite sous le numéro 1037 du rôle de la Cour. b. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 24 janvier 1997 et parvenue au greffe le 27 janvier 1997, la s.a. ETC Europa Technics et Cie, dont le siège social est établi à 8500 Courtrai, Rekolettenstraat 27 D, a introduit un recours en annulation de la même norme.

Cette affaire est inscrite sous le numéro 1038 du rôle de la Cour. c. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 27 janvier 1997 et parvenue au greffe le 28 janvier 1997, l'a.s.b.l.

Automatische Machines Associatie, dont le siège social est établi à 2018 Anvers, Lange Leemstraat 187, la s.a. GBC Association, dont le siège social est établi à 9000 Gand, Oudenaardsesteenweg 35, la s.a.

Belgian Amusement Cy, dont le siège social est établi à 2018 Anvers, Lange Leemstraat 187, L. Laget, demeurant à 8300 Knokke-Heist, Zandstraat 5A1, R. De Backer, demeurant à 8400 Ostende, Van Iseghemlaan 40, la s.a. Deba Square, dont le siège social est établi à 9300 Alost, Geraardsbergsestraat 177, Jonckheere, demeurant à 8430 Middelkerke, Leopoldlaan 75, et W. Baetens, demeurant à 9160 Lokeren, Waasmunsterbaan 19, ont également introduit un recours en annulation de la même norme.

Cette affaire est inscrite sous le numéro 1040 du rôle de la Cour.

La suspension des mêmes dispositions décrétales avait également été demandée. Par son arrêt n° 18/97 du 25 mars 1997 (publié au Moniteur belge du 4 juin 1997), la Cour a décrété le désistement du recours en annulation et de la demande de suspension de la s.a. GBC Association, de L. Laget, de R. De Backer, de la s.a. Deba Square, de Jonckheere et de W. Baetens, parties requérantes dans l'affaire portant le numéro 1040 du rôle, et a rejeté les demandes de suspension.

II. La procédure Par ordonnances des 23, 27 et 28 janvier 1997, le président en exercice a désigné pour chacune des affaires les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

Par ordonnance du 29 janvier 1997, la Cour a joint les affaires.

Les recours ont été notifiés conformément à l'article 76 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 14 février 1997; l'ordonnance de jonction a été notifiée par les mêmes lettres.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 20 février 1997.

Le Gouvernement flamand, place des Martyrs 19, 1000 Bruxelles, a introduit un mémoire par lettre recommandée à la poste le 3 avril 1997.

Ce mémoire a été notifié conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 14 avril 1997.

Des mémoires en réponse ont été introduits par : - la s.a. Belgian Amusement Company Ltd et la s.a. ETC Europa Technics et Cie, par lettre recommandée à la poste le 5 mai 1997; - l'a.s.b.l. Automatische Machines Associatie et la s.a. Belgian Amusement Company Ltd, par lettre recommandée à la poste le 5 mai 1997.

Par ordonnances des 25 juin 1997 et 18 décembre 1997, la Cour a prorogé respectivement jusqu'aux 22 janvier 1998 et 22 juillet 1998 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.

Par ordonnance du 30 octobre 1997, la Cour a déclaré les affaires en état et fixé l'audience au 18 novembre 1997.

Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats, par lettres recommandées à la poste le 31 octobre 1997.

A l'audience publique du 18 novembre 1997 : - ont comparu : . Me J. Speecke, avocat au barreau de Courtrai, pour les parties requérantes dans les affaires portant les numéros 1037 et 1038 du rôle; . Me B. Lefever loco Me J. Weyts, avocats au barreau de Bruges, pour les parties requérantes dans l'affaire portant le numéro 1040 du rôle; . Me P. Van Orshoven, avocat au barreau de Bruxelles, pour le Gouvernement flamand; - les juges-rapporteurs G. De Baets et P. Martens ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - les affaires ont été mises en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

III. En droit - A - Requêtes Moyens des parties requérantes dans les affaires portant les numéros 1037 et 1038 du rôle A.1. Les parties requérantes invoquent deux moyens, pris respectivement de la violation des règles répartitrices de compétences et des articles 10, 11 et 172 de la Constitution.

A.2.1. Le premier moyen est pris de la violation de la répartition constitutionnelle des compétences entre l'Etat et les régions, en ce que la disposition contestée ne poursuit pas vraiment un objectif budgétaire mais vise seulement à contrer l'extension du secteur des appareils automatiques de divertissement et l'asservissement au jeu qui en résulte en supprimant la réduction fiscale et en instaurant ainsi une taxe qui s'approche du montant de la sanction pénale applicable en cas de placement de jeux de hasard non autorisés. Or, le législateur décrétal n'est pas compétent pour réprimer des comportements dans le domaine du jeu.

A.2.2. Les parties requérantes reconnaissent que l'augmentation d'une taxe régionale est susceptible de modifier le comportement des sujets de droit. En l'espèce, le législateur décrétal n'est cependant pas compétent pour poursuivre principalement, si pas exclusivement, cet effet de répression pénale d'un comportement déterminé, car il règle ainsi une matière non attribuée plutôt qu'une matière purement fiscale.

A.3.1. Le second moyen dans sa première branche est pris de la violation des articles 10, 11 et 172 de la Constitution, en ce que par suite de la suppression de la réduction fiscale, une inégalité de traitement est instaurée entre, d'une part, les exploitants qui placent des appareils automatiques de divertissement pendant toute l'année et, d'autre part, les exploitations saisonnières. La violation des dispositions précitées consiste en ce que des situations objectivement différentes sont traitées de manière égale sans qu'existe pour ce faire une justification raisonnable et objective.

A.3.2. Bien que les exploitations saisonnières n'existent plus juridiquement dans la loi, elles survivent en fait principalement au littoral belge, où elles ne peuvent fonctionner de manière rentable que durant quelques mois par an. Même si le but de la mesure attaquée, à savoir combattre les conséquences sociales de l'asservissement au jeu, est légitime, seule une partie des exploitants de tels appareils est affectée, à savoir les exploitations saisonnières. Il n'existe aucune justification objective et raisonnable pour ce traitement différent.

A.3.3. L'affirmation selon laquelle ce seraient les exploitations saisonnières qui favoriseraient l'asservissement au jeu, en ce que par suite de la réduction fiscale, elles pourraient plus facilement s'étendre, ne saurait fournir une telle justification. En effet, il n'est pas démontré que de telles exploitations peuvent s'étendre plus facilement que les exploitations annuelles. En outre, le prétendu avantage fiscal ne saurait aucunement être considéré comme une véritable réduction de taxe puisque les entreprises saisonnières ne peuvent être exploitées de manière rentable que pendant quelques mois par an et que leurs frais fixes sur une base annuelle ne sont pas proportionnés aux recettes de leur exploitation durant la saison. Bien que la saison soit désormais étalée sur l'ensemble de l'année, la règle de la période de rentabilité limitée subsiste intégralement. La raison d'être de l'article 81, 2°, abrogé par la mesure attaquée du Code des taxes assimilées aux impôts sur les revenus était la situation concrète particulière de ces exploitations : l'ouverture limitée dans le temps, les loyers élevés pour les locaux, les besoins spécifiques, entre autres la nécessité de placer davantage d'appareils (eux aussi taxables) pour être rentable. La plupart de ces éléments justifient encore le traitement fiscal distinct des appareils automatiques de divertissement de ces exploitations. Il ne saurait en aucun cas être démontré que de telles exploitations encourageraient l'asservissement au jeu davantage que les exploitations annuelles : en effet, elles ne peuvent en aucune façon acquérir une clientèle fixe, en sorte qu'elles ne sont pas responsables de l'asservissement. De surcroît, les appareils les plus utilisés et actuellement les plus lourdement taxés, les « pushers », ne représentent aucun danger social et n'encouragent certainement pas l'asservissement aux jeux de hasard.

Par conséquent, l'affirmation selon laquelle les exploitations saisonnières encourageraient l'asservissement au jeu davantage que les exploitations annuelles en raison du régime existant de réduction fiscale est inexacte et ne saurait constituer la justification objective et raisonnable de la mesure décrétale.

A.3.4. En revanche, l'asservissement aux jeux de hasard est davantage favorisé par les forains, qui bénéficient de surcroît d'une réduction fiscale inchangée, laquelle a pour effet qu'ils ne doivent payer qu'un dixième de la taxe annuelle. Le législateur décrétal peut dès lors difficilement soutenir que l'inégalité de traitement fiscal entre les exploitations annuelles et les exploitations saisonnières ne se justifie plus, tout en laissant subsister le traitement inégal au bénéfice des forains.

A.3.5. Enfin, les parties requérantes rappellent que dans son arrêt n° 31/92 du 23 avril 1992, la Cour a défendu la thèse selon laquelle le traitement fiscal inégal d'appareils pourtant identiques selon qu'ils sont classés dans la catégorie A, c (exploitation annuelle) ou dans la catégorie B (exploitation saisonnière) se fonde sur une distinction objective et raisonnable, en ce que le législateur décrétal a pu estimer que la taxe ne devait pas être majorée dans la même mesure pour les appareils qui ne sont pas placés de façon permanente que pour les appareils qui sont accessibles durant toute l'année, d'autant que le degré de dangerosité des premiers a pu lui apparaître comme moins important (considérant 6.B.7). Il serait dès lors contraire à cette jurisprudence de décider à présent que le traitement fiscal différent des exploitations saisonnières par rapport aux exploitations annuelles ne se fonde pas sur une distinction objective et raisonnable.

A.3.6. Les effets de la mesure ne sont pas davantage proportionnés au but poursuivi en ce qu'il est vraisemblable qu'aucune banque ou aucune autre institution financière ne voudra encore préfinancer l'augmentation « démentielle » des charges par un crédit de caisse ou un financement bancaire. L'inévitable fermeture des exploitations saisonnières aura également des conséquences sociales et économiques importantes, notamment sur le plan de l'emploi (principalement du personnel peu qualifié et des étudiants « jobistes »).

A.4.1. Le deuxième moyen dans sa deuxième branche est pris de la violation des articles 10, 11 et 172 de la Constitution, en ce que par suite de la suppression de la réduction fiscale pour les exploitations saisonnières, une inégalité de traitement est instaurée entre les exploitants qui placent des appareils automatiques de divertissement durant toute l'année ou pendant une période saisonnière limitée et qui paient le même tarif, d'une part, et les forains, qui continuent de bénéficier d'une réduction fiscale inchangée, d'autre part.

A.4.2. Les parties requérantes ne voient pas pourquoi le statut fiscalement plus attrayant est maintenu pour les forains, puisqu'ils obtiennent pour des appareils identiques une réduction de taxe de 9/10èmes, alors que les exploitations saisonnières qui bénéficiaient précédemment d'une réduction fiscale de 50 p.c. doivent désormais payer le taux plein. Cette contradiction est illustrée par le phénomène des « pushers », qui sont fréquemment présents tant sur les champs de foires que dans les exploitations saisonnières et qui font apparaître que ces appareils ne seront plus rentables à la suite du nouveau taux d'imposition appliqué aux exploitations saisonnières.

De deux choses l'une : soit le traitement inégal ne se justifie plus et dans ce cas il est discriminatoire puisqu'il continue d'exister au bénéfice des forains, soit le législateur décrétal estime que le traitement inégal au bénéfice des forains doit subsister, mais dans ce cas il n'existe à cet égard aucune justification raisonnable et objective en fonction du but et des effets de la mesure attaquée, à savoir combattre l'asservissement aux jeux de hasard.

Moyen des parties requérantes dans l'affaire portant le numéro 1040 du rôle A.5.1. Le moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution.

A.5.2. Dans la première branche du moyen, la violation de ces dispositions constitutionnelles est déduite de ce que la disposition entreprise crée une inégalité de traitement inconstitutionnelle entre les forains, qui continuent de bénéficier de la réduction fiscale, et les exploitations saisonnières, pour lesquelles la réduction fiscale a été supprimée. Les deux catégories sont confrontées aux mêmes problèmes (entre autres, droits d'emplacement élevés pour les uns et loyers plus élevés dans des endroits touristiques pour les autres; offre identique, principalement des « pushers »).

La mesure, qui a été prise principalement en vue de contrer une extension du secteur des appareils automatiques de divertissement, n'est pas adéquate puisque dans ce secteur le nombre d'exploitations saisonnières s'est à peine accru au cours des dernières années alors que des exploitations annuelles, qui ne sont toutefois pas soumises à une augmentation de la taxe, ont été créées à l'intérieur du pays. En aucun cas les entreprises saisonnières ne sauraient être considérées comme un moyen d'évasion fiscale puisque leur statut particulier répondait à une réalité économique.

La mesure n'est pas davantage adéquate pour atteindre son deuxième objectif, contrer l'asservissement au jeu, puisque les appareils principalement visés, les « pushers », ne représentent aucun danger social. Il s'agit en effet d'un jeu familial, qui n'incite pas à passer à d'autres jeux de hasard. Il est vraisemblable que ces appareils ne pourront être exploités de façon rentable que par des luna-parks forains qui acquièrent ainsi un monopole et qui s'efforceront sans doute d'accroître le nombre d'appareils de ce type.

Si l'intention recherchée était de bannir ces appareils des luna-parks, la mesure manquerait aussi totalement son objectif en l'occurrence.

La mesure est également disproportionnée, car l'extension de la période d'ouverture à l'ensemble de l'année n'est pas de nature, pour les luna-parks saisonniers, à compenser le coût supplémentaire en taxes par des recettes supplémentaires restreintes. C'est d'autant plus évident que pour les exploitations saisonnières, la réduction fiscale de 50 p.c. est supprimée et que la réduction fiscale de 90 p.c. est maintenue pour les champs de foires. Calculée par « pusher », cette différence atteint 2.769,23 p.c., puisque pour un tel appareil, un industriel forain paie 31.200 francs de taxes contre 864.000 francs pour un luna-park saisonnier.

A.5.3. Dans la seconde branche, la violation des dispositions mentionnées au moyen est déduite de ce que la disposition attaquée crée une inégalité de traitement inconstitutionnelle entre les exploitations annuelles et les exploitations saisonnières. Les arguments avancés à cet égard sont dans une large mesure, les mêmes que ceux qui sont développés par les parties requérantes dans les affaires portant les numéros 1037 et 1038 du rôle. Les deux types d'exploitations ne pouvant être comparés ni en ce qui concerne l'offre des jeux ni en ce qui concerne de la clientèle, ils méritent un traitement différent.

Mémoire du Gouvernement flamand A.6.1. Le moyen est pris de l'incompétence du législateur décrétal.

A.6.2. Etant donné qu'il s'agit d'une mesure fiscale qui relève de la compétence du législateur décrétal en vertu de la loi spéciale de financement - en effet, la disposition ne fait qu'abroger une réduction fiscale -, le moyen manque en fait en tant qu'il suppose que la disposition décrétale entreprise a instauré une mesure pénale.

A.6.3. Le fondement de compétence de la disposition décrétale entreprise ne doit pas être recherché dans quelque attribution de compétence matérielle non fiscale, étant donné que la compétence fiscale du législateur décrétal suffit à cet effet. Le législateur décrétal est compétent, en vertu de l'article 177 de la Constitution, de l'article 1er, § 2, 2°, de l'article 3, alinéa 1er, 2°, et de l'article 4, § 1er, de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions, pour abroger une disposition législative concernant les exonérations d'impôt, notamment sur les appareils automatiques de divertissement, en l'espèce l'article 81, 2°, du Code des taxes assimilées aux impôts sur les revenus, et donc en vertu du texte littéral de cette disposition, pour réduire la taxe sur les appareils automatiques de divertissement.

A.6.4. Le moyen manque également en fait en tant qu'il soutient que l'objectif principal de la disposition entreprise consiste à lutter contre l'asservissement au jeu. En effet, l'objectif principal de la mesure est la suppression de l'exonération jugée disproportionnée par rapport au manque à gagner subi par les exploitants : leurs entreprises sont ouvertes sept mois par an et bénéficient d'une réduction fiscale de 81,9 p.c. La limitation temporelle de l'exploitation ne peut d'ailleurs être assimilée à une limitation du bénéfice.

A.6.5. Quand bien même l'objectif de la disposition décrétale litigieuse consisterait à lutter contre l'asservissement au jeu, quod non, il serait faux d'affirmer que le législateur décrétal n'est pas compétent à cet effet, que ce soit dans le cadre de ses compétences matérielles non fiscales ou par une mesure fiscale, qu'il peut évidemment employer aussi pour soutenir sa politique non fiscale, ainsi qu'il ressort de la jurisprudence de la Cour.

En tant que les parties requérantes font valoir à cet égard une compétence réservée du législateur fédéral dans le domaine de la répression du jeu, le Gouvernement flamand conteste l'existence d'une telle compétence réservée.

En tant que la mesure fiscale entreprise devrait nécessairement être fondée sur une compétence non fiscale du législateur décrétal, quod non, il peut être observé que le législateur décrétal peut puiser ses attributions concernant les appareils automatiques de divertissement, notamment pour en limiter l'usage, dans sa compétence portant sur la politique de la jeunesse, la formation permanente et l'animation culturelle, le sport, les loisirs, la formation morale et sociale, la politique familiale, l'aide sociale et, spécialement, la protection de la jeunesse.

Le Gouvernement flamand souligne que la Cour a déjà considéré dans sa jurisprudence antérieure (arrêt n° 31/92) que le législateur décrétal est compétent pour instaurer une augmentation d'impôt qui avait un effet purement dissuasif en vue d'éviter les conséquences sociales des jeux sur des appareils qui excitent la passion du jeu de certains.

A.6.6. Enfin, le législateur décrétal, lorsque les règles répartitrices de compétences restent identiques, ne pourrait être incompétent pour prendre une mesure qui consiste uniquement à corriger une mesure qu'il a déjà prise et pour laquelle la Cour a explicitement reconnu sa compétence.

A.7.1. Le moyen pris de la violation des principes constitutionnels d'égalité et de non-discrimination, lus isolément ou en combinaison avec l'article 172 de la Constitution, doit également être rejeté. En effet, le principe d'égalité impose de ne traiter également que des situations égales et de traiter inégalement que des situations inégales, ce qui signifie en premier lieu que le critère de distinction doit être pertinent à la lumière du but de la mesure.

A.7.2. Pour ce qui est du traitement égal des exploitations annuelles et des exploitations saisonnières, il convient de rappeler l'objectif de la mesure entreprise, qui consiste à lutter contre l'évasion fiscale, causée par une différence de taux d'imposition devenue manifestement disproportionnée en 1990. Cette évasion fiscale ressort par ailleurs des chiffres produits par les parties requérantes elles-mêmes. La meilleure solution pour lutter contre l'évasion fiscale depuis la modification du taux d'imposition en 1990 était donc d'éliminer la seule catégorie qui bénéficiait de la réduction fiscale, pour que toutes les situations devenues égales soient à nouveau traitées de manière égale. Le fait que la réduction fiscale n'ait pas été sanctionnée à l'époque par la Cour ne signifie pas pour autant que sa suppression violerait aujourd'hui le principe d'égalité, puisque les effets secondaires de la réduction fiscale visée ne sont apparus que par la suite et n'ont pu être combattus qu'ultérieurement.

Aujourd'hui aussi, il est répondu à un souci dont la Cour avait déjà reconnu la légitimité à l'époque.

A.7.3. Ces mêmes constatations justifient le traitement inégal des entreprises saisonnières, à l'égard desquelles la réduction fiscale est supprimée, et des forains, pour lesquels la réduction fiscale est - pour l'heure - maintenue, étant donné qu'on n'aperçoit pas encore d'évasion fiscale dans les exploitations foraines. La justification, admise par la Cour, du traitement inégal instauré en 1990 entre, d'une part, les exploitations permanentes et, d'autre part, les exploitations saisonnières et foraines vaut toujours, aujourd'hui, pour les entreprises foraines, sous réserve d'un changement de comportement des exploitants et des joueurs. Ces entreprises sont toujours traitées comme auparavant, et à juste titre, notamment en raison du caractère ambulant et du contexte social typique de l'exploitation foraine.

Mémoire en réponse des parties requérantes dans les affaires portant les numéros 1037 et 1038 du rôle A.8.1. Les parties requérantes avancent une série d'éléments factuels pour démontrer que les objectifs poursuivis en 1990 ont effectivement été atteints, notamment par la disparition totale des « bingos » dans les entreprises saisonnières.

Pour les autres appareils de catégorie A, en particulier les « pushers », il ne saurait être question d'une évasion fiscale, puisque dès avant la modification décrétale de 1990, de tels appareils n'étaient plus installés dans des exploitations permanentes, la clientèle n'y étant pas intéressée par les prix proposés aux gagnants en ce qui concerne les « pushers ». De plus, ces appareils ne créent pas d'accoutumance. Etant donné que l'augmentation de 1990 était dictée par le danger social des bingos, la motivation de la modification décrétale de 1996, à savoir lutter contre l'asservissement au jeu engendré par les appareils de catégorie A, c), réinstallés dans l'intervalle dans les entreprises saisonnières, en raison de la possibilité d'évasion fiscale dont elles bénéficient, est dénuée de fondement.

De même, la réduction au profit des entreprises saisonnières, malgré les modifications de comportement des vacanciers, se justifie toujours, quand bien même la réduction proportionnelle de la taxe serait mise en rapport avec les revenus, étant donné qu'il faut, sur une courte période, réaliser un chiffre d'affaires avec beaucoup plus d'appareils (imposables).

A.8.2. Les règles de compétence sont violées en ce que la disposition décrétale litigieuse, à la différence du décret sur lequel portait l'arrêt n° 31/92, vise uniquement à produire un effet équivalent à une sanction, du fait que le législateur décrétal entend combattre un comportement déterminé du citoyen ou le corriger, et que la taxe est portée à 144.000 francs, montant qui se rapproche de la sanction pénale pour le placement de jeux prohibés. Le législateur décrétal prend dès lors une mesure essentiellement pénale et empiète sur une compétence réservée au législateur fédéral.

A.8.3. Pour ce qui est du traitement égal des exploitations permanentes et des entreprises saisonnières, le principe d'égalité et de non-discrimination est violé en ce que des situations objectivement différentes sont traitées de manière égale sans qu'existe une justification - en l'espèce, elle est fondée sur des données inexactes - raisonnable et objective. La réduction fiscale reste justifiée, ainsi qu'il a déjà été exposé ci-avant, eu égard à la situation particulière des exploitations saisonnières.

A.8.4. Le fait de privilégier les entreprises foraines, qui bénéficient encore de la réduction fiscale, n'est pas davantage justifié de manière objective et raisonnable. Un traitement différencié des deux catégories ne se justifie ni pour ce qui est de la prétendue évasion fiscale ni pour ce qui est des effets asservissants.

A l'appui de ce qui précède, l'une des parties requérantes produit un procès-verbal d'un huissier de justice, faisant apparaître que les « pushers » qu'elle exploite actuellement seraient frappés d'une taxe de 864.000 francs, alors que l'exploitation foraine établie en face de son établissement peut placer les mêmes appareils pour 31.200 francs.

Etant donné que, sur une base annuelle, les foires sont ouvertes plus longtemps que les entreprises saisonnières, certes en différents endroits, mais souvent pour de plus longues périodes, qu'il s'agit du même public occasionnel et qu'il n'est question d'asservissement au jeu ni dans un cas ni dans l'autre, le traitement différencié n'est ni objectivement ni raisonnablement justifiable.

Mémoire en réponse des parties requérantes dans l'affaire portant le numéro 1040 du rôle A.9.1. Ces parties requérantes contestent elles aussi qu'il ait été réellement question d'évasion fiscale. S'il est vrai qu'il y a eu une légère augmentation du nombre d'appareils de la catégorie B, celle-ci n'est en tout cas pas importante, et l'on n'a pas davantage constaté un glissement d'appareils de la catégorie A placés dans des exploitations permanentes vers des appareils de la catégorie B dans les entreprises saisonnières. La seule circonstance que les parties requérantes font usage de la réduction fiscale qui leur a été octroyée en vertu de leur situation spécifique et de leur nature particulière peut difficilement être considérée comme une forme d'évasion fiscale.

Pour l'une des parties requérantes, il est même question d'une nette diminution du nombre d'appareils de la catégorie B, en sorte que l'argument de l'évasion fiscale ne peut être admis.

Ces parties requérantes aussi insistent sur le fait que les « pushers » ne sont pas asservissants et ne peuvent nullement être comparés aux bingos, les services compétents n'ayant pas encore été confrontés à un éventuel asservissement à ces jeux-là. En effet, il ne s'agit pas d'un jeu de hasard, mais d'un jeu d'amusement, qui permet uniquement de faire un bénéfice réduit, sous la forme de jetons, à échanger contre un prix. Toutefois, la viabilité économique des exploitations saisonnières est sérieusement compromise par la disposition décrétale litigieuse, du fait que ce sont précisément ces entreprises qui utilisent de tels appareils en exploitation saisonnière.

A.9.2. Puisque les données révèlent qu'il n'est nullement question d'une évasion fiscale depuis 1990 dans les exploitations saisonnières, un traitement différencié par rapport aux entreprises foraines ne se justifie donc pas. Au contraire, il apparaît même des chiffres produits que le nombre d'appareils de la catégorie B installés dans les exploitations saisonnières est resté quasiment le même entre 1989 et 1995 alors que le nombre d'appareils de la même catégorie, exploités dans les entreprises foraines, a augmenté de 541 unités au cours de la même période.

Le « pusher » étant un appareil de divertissement non asservissant, le législateur décrétal a pris une mesure inadéquate en abrogeant la réduction fiscale pour les entreprises saisonnières : les appareils frappés ne sont pas asservissants et, de plus, la mesure frappe uniquement les entreprises saisonnières et non les entreprises foraines.

A.9.3. Le traitement égal des exploitations permanentes et des entreprises saisonnières viole également le principe d'égalité, en ce que des situations inégales sont traitées de manière égale. Les entreprises saisonnières ne peuvent être accusées d'éluder la taxe ou d'asservir au jeu; l'importance des « pushers » pour le rendement économique des entreprises saisonnières a été démontré. Le taux réduit dont pouvaient bénéficier les luna-parks saisonniers jusqu'à la modification décrétale de 1996 était pleinement justifié par la spécificité de leur situation, comme la Cour l'a par ailleurs considéré dans son arrêt n° 31/92. L'on ne voit dès lors pas en quoi la suppression de cette réduction fiscale, pour laquelle il existe une justification objective et raisonnable, pourrait être admise sans que le principe d'égalité soit violé. - B - Les dispositions en cause B.1.1. Les parties requérantes demandent l'annulation de l'article 13 du décret de la Communauté flamande du 20 décembre 1996 contenant diverses mesures d'accompagnement du budget 1997.

La disposition entreprise énonce : « L'article 81, 2°, du Code des taxes assimilées aux impôts sur les revenus est abrogé, en ce qui concerne la Région flamande. » La disposition abrogée par l'article 13, attaqué, du décret du 20 décembre 1996 fait partie du titre IV du Code précité, lequel prévoit que les appareils automatiques de divertissement sont frappés d'une taxe forfaitaire annuelle qui varie en fonction de la catégorie à laquelle appartient l'appareil.

En application de l'article 4, § 1er, de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions, le taux de cette taxe a été fixé pour la Région flamande par l'article 62 du décret du 21 décembre 1990 contenant des dispositions budgétaires techniques ainsi que des dispositions accompagnant le budget 1991. Les montants suivants sont d'application : 144.000 francs pour un appareil de la catégorie A, 52.000 francs pour un appareil de la catégorie B, 14.000 francs pour un appareil de la catégorie C, 10.000 francs pour un appareil de la catégorie D et 6.000 francs pour un appareil de la catégorie E. Une réduction de cette taxe était accordée par l'article 81 du Code des taxes assimilées aux impôts sur les revenus pour les exploitations foraines et les exploitations saisonnières.

Cet article porte : « La taxe est réduite à : 1° 1/10 de son montant relatif à l'année entière pour les appareils appartenant à un industriel forain et installés sur le champ de foire et les endroits similaires.La taxe ainsi réduite ne peut être inférieure à 500 francs; 2° 1/2 de son montant relatif à l'année entière pour les appareils placés exclusivement dans une exploitation saisonnière.Est considérée comme telle, toute exploitation, à l'exception des débits de boisson, qui n'est accessible au public que six mois par an au maximum.

Cette période peut être prolongée de trente jours à condition que la déclaration en soit faite préalablement au contrôleur en chef des contributions directes dans le ressort duquel sont placés les appareils. » Sur la base de l'article 79, § 2, du Code des taxes assimilées aux impôts sur les revenus, le Roi est compétent pour fixer celle des cinq catégories, désignées respectivement par les lettres A, B, C, D et E, dans laquelle un type d'appareil doit être classé.

L'article 56, 1°, littera c, de l'arrêté royal du 8 juillet 1970 portant règlement général des taxes assimilées aux impôts sur les revenus Moniteur belge du 15 septembre 1970), modifié par l'article 6 de l'arrêté royal du 10 novembre 1980 Moniteur belge du 3 décembre 1980) compte parmi la catégorie A : « les appareils automatiques de divertissement, y compris ceux visés sub 3° à 5° ci-après, lorsqu'ils permettent, même occasionnellement, au joueur ou à l'utilisateur de regagner, en espèces, ou sous la forme de jetons, au moins le montant de sa mise et/ou de gagner des prix, en nature ou sous la forme de bons-primes, d'une valeur commerciale d'au moins deux cent cinquante francs ». L'article 56, 2°, du même arrêté royal classe ces appareils automatiques de divertissement dans la catégorie B « lorsqu'ils sont soumis à la taxe réduite prévue par l'article 81 du même Code ».

B.1.2. Lors des travaux préparatoires de la disposition dont l'annulation est demandée, il a été souligné que, depuis l'entrée en vigueur du décret précité du 21 décembre 1990, la grande majorité des appareils automatiques de divertissement appartenant à la catégorie A ont été exploités dans des entreprises saisonnières, si bien que ce n'était plus la taxe de base de 144.000 francs qui était applicable à de tels appareils, mais bien la taxe réduite de 26.000 francs, « ce qui constitue un abaissement de 118.000 francs, soit 81,9 %.

Cette réduction est donc accordée à des exploitations qui se limitent à 8/12èmes (14 jours de congé inclus) du temps d'ouverture normal maximum. En outre, il convient de souligner que toute activité connaît une haute et une basse saison. La réduction proportionnelle de cette taxe forfaitaire est à tort mise en relation avec la durée d'ouverture et non avec les revenus. Les secteurs dépendant du tourisme font par définition les meilleures affaires au cours des périodes de vacances, [...] qui doivent leur permettre de réaliser un revenu annuel normal.

D'un point de vue économique, c'est d'ailleurs la logique même. En effet, les frais fixes sont égaux pour chaque mois de l'année. C'est du reste cette réglementation illogique qui est source de maints abus et de nombreuses discussions » Doc., Parlement flamand, 1996-1997, n° 428/1, pp. 4-5) Lors de l'examen en commission, il a été souligné que la disposition attaquée visait à « contrecarrer l'évasion fiscale dans le secteur des appareils automatiques de divertissement et d'éviter ainsi que ce secteur puisse continuer à s'étendre d'une manière fiscalement intéressante en ne faisant que peu de cas de l'asservissement au jeu que ces appareils entraînent ».

Pour cette raison le ministre proposa de rendre impossible toute évasion fiscale via les exploitations saisonnières, ce qui conduirait en outre à une légère hausse des recettes Doc., Parlement flamand, 1996-1997, n° 428/17, p. 7).

Quant au premier moyen B.2.1. Selon les parties requérantes, les règles répartitrices de compétences sont violées en ce que la disposition attaquée ne poursuit pas vraiment un but fiscal ou budgétaire, mais vise uniquement à freiner le développement du secteur des appareils automatiques de divertissement et à lutter contre l'asservissement croissant au jeu en supprimant une réduction fiscale existante. Par le biais d'une mesure fiscale qui apparaît comme une sanction pénale frappant le placement d'appareils de jeux de hasard non autorisés, le législateur décrétal exercerait en réalité la compétence réservée au législateur fédéral de réprimer pénalement des comportements dans le domaine du jeu.

B.2.2. Aux termes de l'article 3, alinéa 1er, 2°, de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions, la taxe sur les appareils automatiques de divertissement est un impôt régional.

L'article 4, § 1er, de la loi spéciale précitée dispose que « les Régions peuvent modifier le taux d'imposition, la base d'imposition et les exonérations des impôts visés à l'article 3, alinéa 1er, 1° à 3° inclus ».

Le législateur décrétal exerce la compétence fiscale qui lui est attribuée par les dispositions précitées lorsqu'il adopte une mesure visant à contrecarrer des pratiques consistant à opérer un glissement qui entraîne une perte d'impôt, lesquelles pratiques sont apparues dans le secteur des appareils automatiques de divertissement après l'entrée en vigueur d'une mesure décrétale précédente - que la Cour n'a pas jugée contraire aux règles de compétence - consistant à relever la taxe pour une catégorie d'appareils automatiques de divertissement. Etant donné que les appareils soumis à une taxe plus élevée ont été placés dans des entreprises saisonnières, ce qui a permis aux exploitants de bénéficier d'une réduction de la taxe pour ces appareils, le législateur décrétal a entendu lutter contre cette pratique en supprimant la réduction fiscale qui existait pour cette catégorie d'appareils.

B.2.3. Toutefois, il y a lieu d'examiner si, en exerçant sa compétence fiscale, le législateur décrétal n'a pas empiété sur la compétence de l'autorité fédérale.

Le fait que la suppression de la réduction de taxes régionales puisse avoir pour conséquence qu'une modification se produise dans le type de comportement d'un contribuable est un effet secondaire possible de toute taxe, de toute augmentation de taxe ou de toute suppression d'une réduction fiscale.

En l'espèce, ni la suppression critiquée de la réduction fiscale, ni les travaux préparatoires ne permettent d'affirmer qu'en adoptant la disposition attaquée, le législateur décrétal ait visé principalement un effet non fiscal que les compétences qui lui ont été attribuées ne lui permettent pas de poursuivre.

B.2.4. Le premier moyen ne peut être accueilli.

Quant au second moyen B.3. Le deuxième moyen dans les affaires portant les numéros 1037 et 1038 du rôle et le moyen unique dans l'affaire portant le numéro 1040 du rôle sont pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, lus séparément ou en combinaison avec l'article 172 de la Constitution.

Dans la première branche, les parties requérantes dénoncent la violation de ces dispositions en ce que, par suite de la suppression, par la disposition décrétale entreprise, de la réduction fiscale accordée aux exploitations saisonnières, il est instauré, entre les exploitants qui placent des appareils automatiques de divertissement durant toute l'année et les entreprises saisonnières qui n'exploitent ces mêmes appareils que pendant une période limitée de l'année, un traitement inégal consistant dans le fait que des situations objectivement différentes sont traitées de manière égale sur le plan fiscal sans qu'existe pour ce faire une justification objective et raisonnable.

Dans la seconde branche, les parties requérantes dénoncent la violation des mêmes dispositions en ce que, par suite de la suppression, par la disposition décrétale litigieuse, de la réduction fiscale pour les exploitations saisonnières, il est instauré, entre les exploitants d'entreprises saisonnières et les forains, un traitement inégal consistant dans le fait que seule cette dernière catégorie de personnes continue de bénéficier pleinement de la réduction fiscale antérieure, sans qu'existe pour ce faire une justification objective et raisonnable.

B.4. Les règles constitutionnelles de l'égalité et de la non-discrimination n'excluent pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée. Les mêmes règles s'opposent, par ailleurs, à ce que soient traitées de manière identique, sans qu'apparaisse une justification raisonnable, des catégories de personnes se trouvant dans des situations qui, au regard de la mesure considérée, sont essentiellement différentes.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

B.5.1. Dans son arrêt n° 31/92, la Cour a considéré que le traitement fiscal différent des exploitations permanentes et des exploitations saisonnières était justifié en ce que le législateur décrétal « a pu estimer que la taxe ne devait pas être majorée dans la même mesure pour les appareils qui ne sont pas placés de façon permanente - c'est le cas dans les foires et dans les exploitations saisonnières - que pour les appareils qui sont accessibles durant toute l'année ».

Toutefois, il convient à présent de partir du principe que les appareils automatiques de divertissement qui, avant la modification décrétale de 1990, étaient exploités tout au long de l'année, se retrouvent actuellement surtout dans des exploitations saisonnières, ainsi qu'il a été dit dans les travaux préparatoires mentionnés en B.1.2.

B.5.2. Par le décret attaqué, le législateur décrétal a mis fin à un traitement fiscal distinct de catégories de personnes différentes par la suppression d'une réduction fiscale existante, parce qu'il estimait que l'évasion fiscale qui résultait de ce traitement inégal portait atteinte à l'objectif de la mesure fiscale antérieure.

Les parties requérantes contestent cette constatation matérielle du législateur décrétal en soulignant qu'il n'est nullement question d'évasion fiscale.

Il ressort des statistiques officielles relatives à la taxe sur les appareils automatiques de divertissement en Région flamande produites par la partie requérante s.a. Belgium Amusement Company Ltd elle-même que pour la première année qui a suivi l'augmentation de la taxe en décembre 1990, le nombre d'appareils taxables de la catégorie B s'élevait, en exploitation saisonnière, à 1.249 unités (une diminution de 283 unités), contre 2.503 appareils taxés en exploitation foraine.

Au cours de l'exercice fiscal 1995, le nombre d'appareils imposables de chacune des deux catégories s'élevait respectivement à 1.701 et 2.897 unités, ce qui représente une augmentation de 36,2 p.c. et de 15,8 p.c. par rapport à l'exercice de référence 1991.

L'argument du législateur décrétal, relatif à l'évasion fiscale résultant du placement des appareils de la catégorie B dans des exploitations saisonnières et que l'on observe depuis la dernière modification décrétale de la taxe sur les appareils automatiques de divertissement, n'est pas réfuté par les chiffres produits.

B.5.3. Les considérations fiscales et économiques qui constituent le fondement de la mesure présentement attaquée conduisent à la conclusion qu'il n'est pas manifestement injustifié de soumettre à un traitement fiscal égal les entreprises saisonnières et les entreprises permanentes.

B.6. Il ressort des travaux préparatoires précités que le traitement inégal, demeuré inchangé à ce jour, des exploitations permanentes et des exploitations foraines n'a pas entraîné d'évasion fiscale analogue et qu'il n'y avait donc pas lieu de modifier le décret.

Etant donné que les forains n'ont pas organisé une évasion fiscale analogue et que les conditions matérielles d'exploitation différentes constituent les critères objectifs et pertinents susceptibles de justifier un traitement différencié dans le secteur de l'exploitation des appareils automatiques de divertissement, le législateur décrétal a pu considérer que le régime de réduction fiscale pouvait être maintenu pour les forains.

B.7. Le second moyen ne peut être accueilli.

Par ces motifs, la Cour rejette les recours.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 11 février 1998.

Le greffier, L. Potoms.

Le président, L. De Grève.

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