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Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 09 juin 1998

Arrêt n° 62/98 du 4 juin 1998 Numéro du rôle : 1305 En cause : la demande de suspension de l'article 27 du décret-programme de la Communauté française du 24 juillet 1997 portant diverses mesures urgentes concernant l'enseignement en ce qu'il La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et L. De Grève, et des juges P. Martens(...)

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09/06/1998
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Arrêt n° 62/98 du 4 juin 1998 Numéro du rôle : 1305 En cause : la demande de suspension de l'article 27 du décret-programme de la Communauté française du 24 juillet 1997 portant diverses mesures urgentes concernant l'enseignement en ce qu'il insère les articles 7 et 10 dans le décret du 5 août 1995 portant diverses mesures en matière d'enseignement supérieur, introduite par Maria Navarro Diego et autres.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et L. De Grève, et des juges P. Martens, J. Delruelle, E. Cerexhe, H. Coremans et A. Arts, assistée du référendaire faisant fonction de greffier R. Moerenhout, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la demande Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 4 mars 1998 et parvenue au greffe le 11 mars 1998, une demande de suspension de l'article 27 du décret-programme de la Communauté française du 24 juillet 1997 portant diverses mesures urgentes concernant l'enseignement (publié au Moniteur belge du 5 novembre 1997), en ce qu'il insère les articles 7 et 10 dans le décret du 5 août 1995 portant diverses mesures en matière d'enseignement supérieur, a été introduite par M. Navarro Diego, T. Mourinho, M. Ribeiro Dos Anjos, S. Saurer, E. Mavodones, A. Rajszys, I. Gleditsch, D. Hilfiker, A. Mpange Enkobo, R. Kot, M. Taira, F. Ferdjioui, C. du Bois de Dunilac, Y. Xu, R. Cappaciioli, J. Wintjes, C. Da Silva Correia, J. Snow, E. Gronbach, S. Walsh, M. Courdavault, C. Dubois, C. Gautron, C. Montagnon, H. Champagnac, O. Joessel, A. Madesclaire, A. Puvis de Chavannes, C. de Chillaz, V. Gameiro Lopes, M. Ruppe, J. Baudoin, E. Ferry, S. Witte, K. Deparnay, H. Gauthier, Y. Henry, D. Marle, B. Terdjan, C. Bitsch, J. Claessens, S. Dosda, D. Stampfli, C. Bordan, C. Dubnick Maren, M. Gallis Pereira Baraona, C. Marchand, A. Petit, B. Eugene, S. Panknin, G. Guegan, Y. Jolly, S. Santana Feid, M. Ganon, P. Guilbert Brice, S. Stento, M. Salazar Cerruto, S. Zahir, D. Silva Dominguez, E. Ona Selfa Jose et C. Guerreiro Felix, qui ont fait élection de domicile à 1060 Bruxelles, avenue de la Toison d'Or 68/9.

Par requête séparée du même jour, les parties requérantes demandent également l'annulation des mêmes dispositions décrétales.

II. La procédure Par ordonnance du 11 mars 1998, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

Par ordonnance du 25 mars 1998, la Cour a fixé l'audience au 22 avril 1998 après avoir invité les autorités qui interviendront dans la présente procédure à formuler leurs observations dans un mémoire à introduire le 20 avril 1998 au plus tard dont elles feront parvenir une copie au conseil des requérants dans le même délai.

Cette ordonnance a été notifiée aux autorités mentionnées à l'article 76 de la loi organique ainsi qu'aux requérants et à leur avocat, par lettres recommandées à la poste le 26 mars 1998.

Des mémoires ont été introduits par : - C. Molers, P. Pairon, A. Prevot, E. Van Vyve, N. Goetghebeur, M. Joly, V. Furnelle, J. Guisset, T. Aughuet, V. Gevers, Y. Vernard, M. Reding, J.-E. Duvivier, P. Szonyi, R. Dyszko-Wokski, P. Lucas, G. Pirotte, T. Gilles, A. Radermecker, J.-C. Palisse, A. Jacobs, B. Villers, R. Ballau, M. Serck-Dewaide, G. Terfue, D. Staelens, F. A. D'Haeseleer, M. Van Bellinghen, B. Lorge, G. De Volder, B. Verschueren, F. Colpé, D. De Rudder, C. Warmoes, J. Cotton, L. Gerard, D. Driesmans, M. Romazzotti, E. Levy, P. Ledocte, E. Dekyndt, A. Wauters, J.-P. Bauduin, M. Beernaerts, C. Oluff, B. Junius, L. Bru, F. Collet, D. Van Den Bergh, N. Malevez, M. Pasternak, G. Bauclair, C. Katz, A. Born-Godfroid, E. Creyf, A. D'Hooghe, V. Cartuyvels, J. Van Brabant, J.-P. Van Tieghem, S. Bertot, I. Vranckx, C. Stassart, J.-C. Geluck, J. Paternotte, R. Henry, J.-C. De Behels, B. Thelen, J.-P. Point, F. Bausart, A. Thimmesch, S. Thiry, M. Jacques, J.-A. Glatigny, V. Baccarini, M. Decroly, E. Duliere, F. Derleyn, C. Carez et G. Vercheval, qui ont fait élection de domicile à 1000 Bruxelles, avenue Emile De Mot 19, par lettre recommandée à la poste le 2 avril 1998; - le Gouvernement de la Communauté française, place Surlet de Chokier 15-17, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 20 avril 1998.

A l'audience publique du 22 avril 1998 : - ont comparu : . Me V. De Wolf et Me P. Simonart, avocats au barreau de Bruxelles, pour les parties requérantes; . Me J. Sohier, avocat au barreau de Bruxelles, pour les parties intervenantes; . Me M. Kaiser loco Me M. Nihoul, avocats au barreau de Bruxelles, pour le Gouvernement de la Communauté française; - les juges-rapporteurs J. Delruelle et A. Arts ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - l'affaire a été mise en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

III. Les dispositions entreprises «

Art. 27.[Dans le décret du 5 août 1995 portant diverses mesures en matière d'enseignement supérieur], est inséré un chapitre II intitulé ' Dispositions relatives aux notions " d'étudiant régulièrement inscrit " et " d'étudiant entrant en ligne de compte pour le financement " dans l'enseignement supérieur artistique et dans l'enseignement artistique supérieur ' et comprenant les articles 6 à 15, rédigés comme suit : ' Chapitre II. Dispositions relatives aux notions " d'étudiant régulièrement inscrit " et " d'étudiant entrant en ligne de compte pour le financement " dans l'enseignement supérieur artistique et dans l'enseignement artistique supérieur.

Article 7.Parmi les étudiants régulièrement inscrits, entrent en ligne de compte pour le financement : 1° les étudiants de nationalité belge;2° les étudiants étrangers suivants : a) de nationalité luxembourgeoise;b) dont le père ou la mère ou le tuteur légal a la nationalité belge;c) dont le père ou la mère ou le tuteur réside régulièrement en Belgique;d) dont le conjoint réside en Belgique et y exerce une activité professionnelle ou y bénéficie d'un revenu de remplacement;e) qui résident en Belgique et y ont obtenu les avantages liés au statut de réfugié ou de candidat réfugié, accordé par la délégation en Belgique du Haut Commissariat des Nations unies pour les Réfugiés, ainsi que ceux dont le père ou la mère ou le tuteur légal se trouve dans la même situation;f) qui sont pris en charge ou entretenus par les Centres publics d'aide sociale, dans un home qui appartient à ceux-ci ou dans un home auquel ils ont été confiés;g) qui résident en Belgique, y exercent une activité professionnelle réelle et effective ou y bénéficient de revenus de remplacement;h) qui sont ressortissants d'un pays ayant conclu avec la Belgique ou la Communauté française un accord spécifique, dans le cadre et les limites de cet accord;i) qui ont obtenu une bourse d'études à charge des crédits nationaux de la coopération au développement;j) qui ont obtenu une bourse d'études de la Communauté française dans le cadre et dans les limites d'un accord culturel conclu par la Belgique ou la Communauté française;k) autres que ceux mentionnés aux points a) à j).Toutefois, ces étudiants ne peuvent intervenir qu'à concurrence de 2 p.c. maximum du nombre d'étudiants belges régulièrement inscrits au 1er février de l'année scolaire ou académique précédente dans l'établissement concerné, et à condition que le droit d'inscription complémentaire requis ait été perçu par l'établissement et versé par lui au ministère de la Communauté française.

Article 10.§ 1er. L'étudiant choisit librement l'établissement auquel il souhaite s'inscrire. Tout étudiant peut s'inscrire dans l'établissement de son choix jusqu'au 15 novembre de l'année scolaire ou académique en cours. § 2. Toutefois, par décision formellement motivée, la direction de l'établissement mentionné au § 1er peut refuser l'inscription d'un étudiant : 1° lorsque cet étudiant a fait l'objet dans le même établissement, au cours de l'année scolaire ou académique précédente, d'une sanction disciplinaire ayant entraîné son éloignement de l'établissement pour le reste de l'année scolaire ou académique;2° lorsque cet étudiant est visé par l'article 7, 2°, k), sauf s'il est ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, ou par l'article 9 du présent décret;3° lorsque cet étudiant demande son inscription à un programme de cours qui ne donne pas lieu à financement par la Communauté française. § 3. L'information par laquelle la décision du refus d'inscription d'un étudiant lui est communiquée, doit intervenir endéans un délai de 15 jours prenant cours au jour de la réception de la demande de l'étudiant. § 4. L'étudiant dont on a refusé l'inscription doit en être informé par pli recommandé. Cette information contient également les modalités d'exercice des droits de recours.

Lorsque ce refus émane d'un établissement organisé par la Communauté française, l'étudiant peut, dans les 10 jours, par pli recommandé, faire appel de la décision devant le Gouvernement qui peut, dans les 30 jours, invalider le refus.

Lorsque ce refus émane d'un établissement subventionné par la Communauté française, l'étudiant peut, dans les 10 jours, par pli recommandé, faire appel de la décision devant la commission visée au dernier alinéa, qui peut, dans les 30 jours, invalider le refus.

Les établissements subventionnés par la Communauté française prévoient, dans leurs dispositions réglementaires, la création et l'organisation d'une commission chargée de recevoir les plaintes des étudiants relatives à un refus d'inscription. Cette commission, qui présente des garanties d'indépendance, peut, dans le respect des modalités fixées par les dispositions réglementaires, invalider le refus. § 5. La preuve que l'étudiant ne se trouve pas dans les cas visés au § 2, 2°, est apportée par tout document probant ou à défaut par une déclaration sur l'honneur signée par l'étudiant.

En cas de fraude, l'étudiant perd immédiatement la qualité d'étudiant régulièrement inscrit, de même que les effets de droits attachés à la réussite d'épreuves. § 6. A partir de l'année académique 1998-1999 et sauf dérogation accordée par le Gouvernement, dans les conditions qu'il détermine, nul ne peut être inscrit aux études s'il n'a pas fait la preuve d'une maîtrise suffisante de la langue française.

Cette preuve peut être apportée : 1° soit par la réussite d'un examen organisé à cette fin par un ou plusieurs établissements suivant des dispositions arrêtées par le Gouvernement;2° soit par la possession d'un diplôme, belge ou étranger, sanctionnant le cycle final d'études secondaires ou un cycle d'études supérieures suivis dans un établissement dont la langue d'enseignement est la langue française;3° soit par la possession d'un diplôme, belge ou étranger, sanctionnant le cycle final d'études secondaires ou un cycle d'études supérieures suivis dans un établissement dont la langue d'enseignement est partiellement la langue française, si, après examen du programme d'études suivi dans le cadre de ces études, le Gouvernement assimile, en vue de l'application de la présente disposition, la possession de ce diplôme à celle du diplôme repris sous 2°;le Gouvernement fixe la liste des diplômes ainsi assimilés.

Le diplôme sanctionnant le cycle final d'études secondaires ou un cycle d'études supérieures suivis dans un établissement relevant de la Communauté germanophone et dont la langue de l'enseignement est partiellement la langue française est assimilé à un des diplômes visés au 2°.

IV. En droit - A - Requête Quant à l'intérêt des parties requérantes A.1. Les dispositions attaquées ont pour effet d'exclure la majorité des étudiants étrangers du financement par la Communauté française et en tout cas si leur nombre est supérieur à 2 p.c. du nombre d'étudiants belges régulièrement inscrits et de préjudicier manifestement tant l'établissement et son organisation que les étudiants, en ce que l'article 10 du décret de la Communauté française du 5 août 1995, inséré par l'article 27 du décret attaqué, a pour effet d'exclure toute possibilité d'organiser un examen d'entrée préalable à l'inscription en première année.

Les dispositions entreprises risquent en outre d'avoir des répercussions dommageables sur le programme des cours et la pédagogie de l'Ecole nationale supérieure des arts visuels de « La Cambre », institut ayant mis l'accent de manière spécifique sur cet aspect qui fait partie de sa notoriété.

L'impossibilité d'organiser un examen d'entrée est aussi contraire à l'intérêt des étudiants parce que cet examen permet au candidat d'évaluer ses compétences et aptitudes à suivre cet enseignement de type long. L'intérêt des étudiants à introduire une requête en annulation est dès lors incontestable.

Quant au caractère sérieux des moyens A.2.1. Le premier moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution combinés avec les articles 5 et 7 du Traité de Rome instituant la Communauté économique européenne, les articles 14 de la Convention européenne des droits de l'homme et 2 du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne, l'article 13 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 19 décembre 1966, et l'article 12 du règlement (CEE) n° 1612/68 du 15 octobre 1968 relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté.

A.2.2. Dans une première branche, il est invoqué que l'article 27 du décret entrepris, en ce qu'il insère dans le décret du 5 août 1995 un article 7, opère une différence de traitement pour le financement des étudiants régulièrement inscrits entre, d'une part, les étudiants de nationalité belge et, d'autre part, les étudiants étrangers qui, sous réserve des exceptions prévues à l'article 7, 2°, a) à j), ne peuvent intervenir qu'à concurrence de 2 p.c. maximum du nombre d'étudiants belges régulièrement inscrits au 1er février de l'année académique précédente dans l'établissement concerné, et à condition que le droit d'inscription complémentaire requis ait été perçu par l'établissement et versé par lui au ministère de la Communauté française.

Or, l'essence même des dispositions de droit européen reprises au moyen interdit toute discrimination fondée sur la nationalité; l'imposition d'un droit d'inscription comme condition d'accès aux études pour les étudiants ressortissants d'un autre Etat membre de l'Union européenne, lorsqu'une même charge n'est pas imposée aux étudiants nationaux, constitue une discrimination prohibée au sens de l'article 7 du Traité de Rome interdisant toute discrimination fondée sur la nationalité; en outre, parmi les étudiants étrangers, il est opéré une discrimination prohibée par les dispositions énumérées au moyen entre la catégorie d'étudiants prévue par l'article 7, 2°, a) à j), et celle prévue à l'article 7, 2°, k).

A.2.3. En sa deuxième branche, le moyen critique la différence de traitement opérée par l'article 27 du décret attaqué, en tant qu'il insère dans le décret du 5 août 1995 un article 10, quant au principe de liberté reconnu à l'étudiant de s'inscrire dans l'établissement de son choix et à la possibilité pour l'établissement de refuser son inscription, entre, d'une part, les étudiants de nationalité belge et, d'autre part, les étudiants étrangers visés par l'article 7, 2°, k), ou ceux dont l'inscription ne donne pas lieu à un financement par la Communauté française. Or, le libre accès à l'enseignement professionnel est consacré par les dispositions invoquées au moyen, le droit à l'instruction doit être respecté sans distinction fondée sur la nationalité, et la discrimination instaurée ne peut faire l'objet d'aucune justification raisonnable. La jurisprudence de la Cour d'arbitrage concernant l'article 191 de la Constitution est également rappelée. Le législateur méconnaît dès lors la liberté de choix de l'enseignement, composante essentielle du droit à l'instruction, liberté qui peut se déterminer en raison d'un projet pédagogique déterminé.

A.2.4. Le second moyen est pris de la violation des articles 10, 11 et 24 de la Constitution, en ce que l'article 27 du décret attaqué qui insère un article 10 dans le décret du 5 août 1995 dispose que l'étudiant choisit librement l'établissement auquel il souhaite s'inscrire et que la direction ne peut refuser son inscription par décision formellement motivée que dans certains cas délimités, parmi lesquels ne figure point l'obligation de réussite d'une épreuve artistique organisée. La disposition attaquée ne fait à cet égard aucune distinction entre les établissements d'enseignement. Or, les règles d'égalité et de non-discrimination interdisent de traiter de manière identique des personnes se trouvant dans des situations différentes, sauf justification objective et raisonnable. Le décret attaqué méconnaît ainsi les spécificités d'un enseignement supérieur artistique de qualité, tel que celui dispensé par l'école de La Cambre qui développe largement la création artistique notamment par une pédagogie adaptée et active, développant la formation de la personnalité et l'esprit de recherche. Or, l'article 10 susmentionné empêche toute possibilité de poursuivre les buts envisagés par le créateur de l'établissement, et rend notamment impossible le respect d'une pédagogie contribuant à sa notoriété et sa réputation, vu l'accroissement inévitable de la population estudiantine.

Dès lors que la relation maître-étudiant doit pouvoir rester une priorité, il est impératif d'adapter le niveau d'encadrement et donc le financement nécessaire à cette fin. La spécificité de l'enseignement artistique et surtout les méthodes pédagogiques particulières à l'école de La Cambre constituent des différences objectives justifiant un traitement approprié.

A.2.5. L'existence de moyens sérieux à l'appui du recours en annulation est patent en l'espèce puisque le moyen sérieux est celui qui fait peser des doutes importants sur la validité de la norme attaquée. L'avis de la section de législation du Conseil d'Etat est invoqué à l'appui de cette thèse.

Quant au risque de préjudice grave difficilement réparable A.3. L'application immédiate des dispositions attaquées, lors de la prochaine rentrée académique, entraînera dans le chef des requérants un risque de préjudice grave difficilement réparable.

Tout d'abord, en ce qui concerne l'écartement pour le financement des étudiants étrangers au-delà du seuil de 2 p.c. maximum du nombre d'étudiants belges régulièrement inscrits, il convient de souligner la situation toute particulière de l'école de La Cambre composée de près de 30 p.c. d'étudiants étrangers attirés par la renommée internationale de l'école et par sa notoriété, notamment en raison de ses méthodes pédagogiques. L'accès à l'enseignement de ces étudiants étrangers sera entravé par l'obligation de payer un droit d'inscription complémentaire. En outre, les étudiants étrangers déjà inscrits dans les différentes années des deux cycles d'études verront leur situation radicalement changer vu qu'ils ne seront plus susceptibles d'être subventionnés et, par voie de conséquence, risquent d'être écartés alors même qu'ils auraient déjà suivi une ou plusieurs années d'études. Cette situation viole manifestement leur droit à l'instruction et à la continuité d'un enseignement spécifique tel qu'ils l'ont suivi jusque maintenant.

Ensuite, en ce qui concerne la suppression de toute épreuve artistique pour l'admission à l'établissement, l'application immédiate de cette disposition va bouleverser l'organisation et le bon fonctionnement de la prochaine première candidature. Elle va donc nuire à la qualité de l'enseignement tel qu'il était dispensé actuellement. « Cette situation a pour effet de priver les élèves du suivi pédagogique (la transmission de l'expérience professionnelle de l'enseignant ne pouvant se faire de manière rationnelle qu'à un nombre limité d'étudiants, comme c'est le cas actuellement où les cours sont donnés en ateliers composés d'une vingtaine d'étudiants) en raison de l'augmentation considérable d'étudiants sans que le nombre d'enseignants n'augmente. Le nombre d'élèves doublera de manière telle que l'enseignement spécifique de La Cambre disparaîtra purement et simplement. » Enfin, en ce qui concerne le matériel, l'école ne dispose que de moyens adaptés à une population déterminée, par exemple en termes de locaux ou de personnel. La spécificité de l'école sera de la sorte méconnue. Le désordre ainsi occasionné lors de la prochaine rentrée académique se reportera par la suite sur les années ultérieures, de sorte que l'ensemble des étudiants des deux cycles d'études se verront affectés par les mesures attaquées et privés de la qualité pédagogique spécifique de l'école.

Mémoire en intervention A.4. C. Molers et consorts, tous membres du corps enseignant de l'Ecole nationale supérieure des arts visuels « La Cambre », ont introduit un mémoire en intervention demandant d'être admis à la cause en qualité de partie intervenante et de suspendre l'exécution des dispositions attaquées ainsi que de les annuler.

Ils justifient leur intérêt à agir par les répercussions certaines sur le programme des cours, sur le contenu de ceux-ci et sur la pédagogie de l'établissement qu'auront les dispositions entreprises.

A.5. Leur argumentation quant aux moyens et quant au sérieux de ceux-ci est très largement identique à celle des requérants. Tout au plus insistent-ils, à propos du deuxième moyen, sur la liberté de l'enseignement, que les requérants tirent des dispositions constitutionnelles, conçue comme la liberté de mettre en oeuvre une méthode pédagogique particulière conditionnée par le fait que le nombre total d'étudiants ne dépasse pas un seuil maximum. Ils s'interrogent dès lors sur l'objectif poursuivi par la disposition attaquée, sur son caractère légitime, ainsi que sur la proportionnalité des moyens utilisés à cette fin, tout particulièrement au regard de l'importance des buts et des méthodes pédagogiques poursuivis par les parties requérantes.

A.6. Concernant le risque de préjudice grave difficilement réparable, ils font valoir, à propos de la non-prise en compte, pour le financement, des étudiants étrangers au-delà du seuil prescrit par la loi, que la continuité de l'enseignement et le bon fonctionnement de l'école en seront immanquablement affectés puisque chacune des années d'études risque de se voir du jour au lendemain délestée d'un nombre important et indéterminable d'étudiants qui jusqu'à présent étaient en ordre d'inscription.

A propos de la suppression de la possibilité d'organiser un examen d'entrée, ils invoquent le fait que la disposition entreprise entraînera la suppression de tout l'enseignement « personnalisé », qui fonctionne sur la base des discussions individuelles avec les enseignants et transformera les ateliers pratiques en cours ex cathedra, contraires à toute la philosophie et la pédagogie de l'école.

Pour le surplus, le préjudice qu'ils invoquent est très largement semblable à celui invoqué par les parties requérantes.

Position du Gouvernement de la Communauté française Quant à l'article 7 du décret du 5 août 1995 en ce qu'il opérerait une différence de traitement discriminatoire dans le financement des établissements d'enseignement artistique supérieur entre les étudiants belges et les étudiants étrangers principalement ressortissants des autres Etats membres de l'Union européenne A.7.1. Les requérants n'ont pas intérêt à agir parce que la norme concerne le financement des établissements d'enseignement artistique supérieur. Des étudiants ne sont donc pas directement concernés par une telle disposition.

Subsidiairement, pour justifier de leur intérêt à agir, les requérants doivent encore démontrer qu'ils possèdent la nationalité d'un Etat membre de l'Union européenne autre que la Belgique et qu'ils n'appartiennent pas à l'une des catégories d'étudiants visées à l'article 7, 2°, a) à j).

A.7.2. Le préjudice invoqué n'est pas de nature à permettre la suspension de la norme. Il s'agit d'un préjudice de nature financière.

Il ne s'agit pas d'un préjudice qui résulte de faits concrets puisque la disposition attaquée ne produira aucun effet concret avant la prochaine rentrée académique qui n'interviendra que dans six mois. Il s'agit par ailleurs d'un préjudice qui n'est pas encore déterminable puisque les modalités d'application des « droits complémentaires » à payer n'ont pas encore été déterminées. Plusieurs éléments permettent de penser que les étudiants ressortissants des Etats membres de l'Union européenne seront exemptés du paiement de ce droit d'inscription spécifique. En outre, puisque l'article 10, § 2, 2°, du décret du 5 août 1995 ne permet pas à un directeur d'établissement de refuser l'inscription à un étudiant ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, il sera en toute hypothèse impossible d'exiger de la part de ces étudiants le paiement d'un droit d'inscription complémentaire.

La Cour doit enfin effectuer une balance des préjudices. Or, en cas de suspension de la norme, le préjudice grave difficilement réparable causé aux établissements d'enseignement artistique supérieur qui pourraient recevoir un montant de financement qu'ils devraient ultérieurement rembourser si la norme n'était pas annulée, est supérieur au préjudice invoqué par les requérants.

A.7.3. Le premier moyen dans sa première branche n'est pas sérieux.

Les articles 10 et 11 de la Constitution combinés avec les articles 5 et 6 du Traité C.E. ne sont pas violés parce que la disposition entreprise est étrangère au domaine d'application du Traité instituant la Communauté européenne. En matière d'enseignement, seul l'accès à la formation professionnelle constitue un domaine d'application du Traité. La jurisprudence de la Cour européenne de justice est invoquée à l'appui de cette thèse. Cette Cour a toujours considéré le principe communautaire de non-discrimination comme étant limité dans son application en matière d'enseignement à l'accès des étudiants européens à la formation professionnelle. Elle a en revanche toujours rejeté sur cette base l'accès des établissements d'enseignement à un quelconque financement. Il en résulte que la discrimination invoquée est inexistante. Les étudiants ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne autre que la Belgique ont accès à l'enseignement supérieur exactement dans les mêmes conditions que les nationaux. Le financement est pour sa part global dans le chef des établissements d'enseignement supérieur. Les étudiants belges constituent seulement un critère formel de financement retenu par le législateur.

L'enseignement lui aussi est global. Il bénéficiera, compte tenu du budget et des priorités définies au sein de chaque établissement d'enseignement, à tous les étudiants.

En ne permettant pas au chef d'établissement de refuser l'accès à l'enseignement supérieur artistique aux étudiants ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne autre que la Belgique et en ne subordonnant pas cet accès au paiement d'un minerval complémentaire, la disposition attaquée ne constitue pas une discrimination au sens du droit communautaire.

Il n'y a pas non plus violation des articles 10 et 11 de la Constitution combinés avec l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article 2 du Premier Protocole additionnel à cette Convention. Cet article 2 vise en effet le droit à l'instruction alors que la norme entreprise a uniquement trait au financement.

Il n'y a pas non plus violation des articles 10 et 11 de la Constitution combinés avec le règlement C.E.E. n° 1612/68 dont l'article 12 ouvre le droit d'accès à l'instruction en Belgique aux enfants d'un ressortissant européen établi sur le territoire belge.

Outre le fait qu'un tel droit est garanti par l'article 7, 2°, c, de la disposition entreprise, il faut encore relever que cette disposition ne vise que le financement des établissements d'enseignement et non le droit d'accès à l'instruction.

Il n'y a pas non plus lieu de suivre les requérants dans leur critique des critères de financement différenciés au profit de certaines catégories d'étrangers. Les critères sont manifestement objectivement et raisonnablement justifiés par la prise en compte de liens particuliers permanents et organiques ou ponctuels et spécifiques, par la prise en compte de la contribution effective au système éducatif organisé par la Communauté française par le biais du paiement effectif d'impôts en Belgique et par la prise en compte de critères humanitaires.

Quant au nouvel article 10, § 2, 2° et 3°, du décret du 5 août 1995 en ce qu'il opérerait une différence de traitement discriminatoire pour l'accès à l'enseignement artistique supérieur entre les étudiants belges et les étudiants étrangers A.8.1. Pour justifier de leur intérêt à agir, les requérants doivent encore démontrer qu'ils ne possèdent pas la nationalité d'un Etat membre de l'Union européenne autre que la Belgique et qu'ils n'appartiennent pas à l'une des catégories d'étudiants visées à l'article 7, 2°, a) à j).

A.8.2. Le préjudice grave exigé pour la suspension de la norme n'est pas prouvé. La disposition attaquée ne produira aucun effet concret avant la prochaine rentrée académique. Par ailleurs, l'ensemble des requérants sont déjà « dans le circuit » et il est peu vraisemblable que leur chef d'établissement fasse usage, lors de la prochaine rentrée, de la faculté de refus de leur inscription.

A.8.3. Puisque cette deuxième branche du premier moyen ne s'applique qu'aux étudiants ressortissants d'un Etat qui n'est pas membre de l'Union européenne, les seules dispositions sur lesquelles elle peut se fonder sont l'article 24 de la Constitution combiné avec l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article 2 du Premier Protocole additionnel à cette Convention. Cet article 2 ne garantit pas un droit d'accès à l'enseignement à tous les étudiants relevant de la juridiction des Etats signataires de la Convention et de son Protocole. Seule une distinction purement arbitraire serait susceptible de violer cette disposition qui ne fait pas obstacle à une réglementation du droit à l'enseignement en fonction des besoins et des possibilités de la Communauté et de l'individu. En permettant, dans certaines circonstances, au chef d'établissement de refuser, « par décision formellement motivée », l'inscription d'un étudiant qui n'est pas ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne et qui n'entre pas dans une des catégories spécifiques visées à l'article 7, 2°, b) à j), la disposition entreprise réglemente le droit à l'instruction en fonction d'impératifs pédagogiques et financiers qui permettent de tenir compte des besoins et des possibilités de la Communauté.

Quant au nouvel article 10 du décret du 5 août 1995 en ce qu'il n'autoriserait plus les établissements d'enseignement artistique supérieur à refuser l'inscription d'un étudiant n'ayant pas réussi « une épreuve artistique organisée » A.9.1. Les requérants ne justifient en rien d'un intérêt direct à la suspension de cette disposition, puisqu'ils ont tous entamé leurs études à l'école de La Cambre et que l'effet allégué de l'application de la norme entreprise ne concernerait que l'organisation de la seule première année d'études.

A.9.2. Le préjudice allégué concerne d'abord et avant tout la première candidature et ne concerne donc pas les requérants qui l'auront déjà achevée.

La disposition attaquée ne produira aucun effet concret avant la prochaine rentrée académique.

Le préjudice invoqué par les requérants semble bien excessif et n'est pas encore déterminable. Les effets de l'application immédiate de la norme sont exagérés de manière grossière.

Les requérants ne tiennent pas non plus compte d'une série d'éléments susceptibles de réduire la portée des effets de l'absence éventuelle d'un examen d'entrée, comme par exemple la possibilité laissée au directeur d'établissement de refuser l'inscription de certains étudiants.

Il faut encore ajouter qu'en l'absence de connaissance des mesures spécifiques concernant les dépenses en matériel et en ressources humaines pour la prochaine rentrée et sans que n'aient déjà pu être déterminés les montants précis de financement des différents établissements artistiques supérieurs pour la prochaine rentrée académique, toute projection du type de celle effectuée par les requérants paraît vaine et hasardeuse.

A.9.3. Le moyen n'est par ailleurs pas sérieux.

Le Gouvernement de la Communauté française soutient que tout établissement pourrait « invoquer sa spécificité et ses impératifs pédagogiques pour demander la possibilité d'organiser une épreuve préalable de sélection ». Or, en plaçant explicitement les établissements d'enseignement artistique supérieur dans une situation différente, le décret attaqué aurait créé une autre forme de discrimination. Par ailleurs, rien n'interdit aux établissements de renforcer les exigences requises pour la réussite de la première candidature.

A titre subsidiaire, ni les termes du décret ni le contenu des travaux préparatoires ne semblent éliminer explicitement toute possibilité d'organiser une épreuve de sélection préalable à l'inscription. Une lecture conciliatrice des dispositions impliquées semble permettre d'affirmer que les dispositions de l'article 11 de l'arrêté royal du 4 avril 1980 et de l'article 5 de l'arrêté royal du 31 août 1978 ne sont pas implicitement abrogées par l'article 10 nouveau du décret du 5 août 1995.

En toute hypothèse, la discrimination invoquée ne trouve pas son origine dans le contenu de l'article 10 mais dans l'absence de réglementation spécifique concernant la possibilité d'organiser une épreuve de sélection. Une annulation de la disposition ne changerait rien au problème et créerait d'autres discriminations, en supprimant les autres motifs du refus d'inscription. - B - Quant à la recevabilité du recours en annulation B.1.1. Le Gouvernement de la Communauté française soutient que les parties requérantes ne justifient pas de l'intérêt requis à l'annulation et à la suspension des dispositions entreprises.

B.1.2. La demande de suspension étant subordonnée au recours en annulation, la recevabilité de celui-ci, et en particulier l'existence de l'intérêt requis, doit être abordée dès l'examen de la demande de suspension.

B.1.3. Les parties requérantes sont des étudiants belges et étrangers de l'Ecole nationale supérieure des arts visuels « La Cambre ».

L'article 7 nouveau du décret du 5 août 1995 n'admet, parmi les étudiants régulièrement inscrits comme entrant en ligne de compte pour le financement, les étudiants étrangers autres que ceux mentionnés aux points a) à j) qu'à concurrence de 2 p.c. maximum du nombre d'étudiants belges et à la condition qu'ils paient un droit d'inscription complémentaire.

L'article 10, § 2, nouveau du décret du 5 août 1995 ne permet pas de refuser l'inscription d'un étudiant parce qu'il n'a pas réussi l'examen d'entrée préalable à l'inscription en première année.

Ces dispositions peuvent affecter directement et défavorablement certains des étudiants requérants, en ce qu'ils ne peuvent être admis que moyennant un droit d'inscription complémentaire. Tous les étudiants peuvent être affectés directement et défavorablement par ces dispositions, en ce qu'elles sont de nature à porter atteinte à la qualité spécifique de l'enseignement artistique dans l'établissement « La Cambre », à la réputation de l'établissement et par conséquent à la valeur du diplôme que les parties requérantes souhaitent y obtenir.

Quant à la recevabilité de l'intervention B.2. L'examen limité de la recevabilité auquel la Cour a pu procéder en ce qui concerne la demande d'intervention permet de considérer que celle-ci est recevable dans le cadre de la demande de suspension.

En ce qui concerne la demande de suspension B.3. Aux termes de l'article 20, 1°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, deux conditions de fond doivent être remplies pour que la suspension puisse être décidée : - des moyens sérieux doivent être invoqués; - l'exécution immédiate de la règle attaquée doit risquer de causer un préjudice grave difficilement réparable.

Quant au préjudice invoqué par les intervenants B.4. Les parties intervenantes s'efforcent de démontrer qu'elles subissent, elles aussi, un préjudice grave difficilement réparable du fait de l'application immédiate des dispositions attaquées. Le risque d'un préjudice personnel de parties intervenantes est étranger aux conditions de la suspension. Leurs allégations ne doivent donc être examinées qu'en ce qu'elles soutiennent la démonstration du préjudice subi par les parties requérantes.

En ce qui concerne le caractère sérieux des moyens invoqués Quant au droit d'inscription complémentaire (article 7 nouveau du décret du 5 août 1995) B.5. L'article 7 nouveau du décret du 5 août 1995 prévoit dans son point 2°, k), la perception d'un droit d'inscription complémentaire pour les étudiants étrangers qui ne sont pas mentionnés au point 2°, a) à j). B.6. Dans sa première branche, le premier moyen invoque la violation des articles 10 et 11 de la Constitution combinés avec les articles 5 et 7 du Traité de Rome instituant la Communauté économique européenne.

B.7.1. La disposition attaquée établit, pour ce qui concerne la condition d'un droit d'inscription complémentaire, une distinction qui se fonde sur la nationalité des étudiants concernés.

Le recours à un critère basé sur la nationalité dans un domaine qui est lié aux droits et libertés mérite une attention particulière du juge constitutionnel.

Les travaux préparatoires des dispositions entreprises ne donnent aucune justification de cette distinction.

B.7.2. Cette distinction ne paraît à tout le moins pouvoir se justifier en tant qu'il s'agit d'étudiants qui sont ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne : l'article 7 du Traité instituant la Communauté économique européenne, devenu l'article 6 du Traité instituant la Communauté européenne, interdit, dans le domaine d'application du Traité, toute distinction fondée sur la nationalité.

Sans préjudice des articles 126 et 127 de ce Traité, tels qu'ils ont été modifiés par le Traité de Maastricht du 7 février 1992, il convient de relever que selon la Cour de justice des Communautés européennes, les conditions d'accès à la formation professionnelle relèvent du domaine d'application du Traité et que « l'imposition d'une redevance, d'un droit d'inscription ou d'un minerval, comme condition pour l'accès aux cours d'enseignement professionnel, aux étudiants ressortissant des autres Etats membres, alors qu'une même charge n'est pas imposée aux étudiants nationaux, constitue une discrimination en raison de la nationalité prohibée par l'article 7 du traité » (arrêt Gravier du 13 février 1985, Rec. C.J.C.E., p. 615).

L'exigence d'un droit d'inscription complémentaire dans un établissement d'enseignement comme La Cambre constitue une condition d'admission pour suivre une formation à une profession artistique et relève dans tous les cas du champ d'application du susdit Traité.

Les articles 10 et 11 de la Constitution ont une portée générale. Ils interdisent toute discrimination, quelle qu'en soit l'origine : les règles constitutionnelles de l'égalité et de la non-discrimination sont applicables à l'égard de tous les droits et de toutes les libertés, en ce compris ceux résultant des conventions internationales liant la Belgique, rendues applicables dans l'ordre juridique interne par un acte d'assentiment et ayant effet direct.

La distinction entre les étudiants belges et les étudiants qui sont ressortissants d'un autre Etat membre de l'Union européenne ne paraît dès lors pas compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

B.7.3. Il résulte de ce qui précède que le moyen est sérieux au sens de l'article 20, 1°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Quant au refus d'inscription (article 10 nouveau du décret du 5 août 1995) B.8. Dans leur premier moyen, deuxième branche, les requérants estiment que l'article 10, § 2, 2°, nouveau du décret précité viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il permet de refuser les étudiants étrangers visés par l'article 7, 2°, k), du décret.

L'article 10 précité permet à la direction de l'école de refuser un étudiant étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne soit parce que le nombre d'étudiants étrangers dépasse le seuil des 2 p.c. fixé à l'article 7, 2°, k), précité, soit parce qu'il n'a pas acquitté le droit d'inscription complémentaire.

Concernant cette seconde condition, la Cour a déjà précisé que le moyen présente un caractère sérieux (B.7).

Concernant le seuil des 2 p.c., la Cour constate que le décret opère ainsi une différence de traitement entre les étudiants belges et les étudiants étrangers qui doit, pour être conforme aux règles d'égalité et de non-discrimination combinées avec le droit à l'enseignement, pouvoir se justifier objectivement et raisonnablement. Il résulte du texte même du décret que les étudiants ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne entrent aussi dans le calcul de ces 2 p.c. Par ailleurs, on ne trouve pas dans les travaux préparatoires de la disposition entreprise une justification de la différence de traitement critiquée. A ce stade de la procédure, le moyen peut être considéré comme sérieux.

Quant à l'examen d'entrée B.9. Le second moyen est pris de la violation des articles 10, 11 et 24 de la Constitution, en ce que l'article 27 du décret attaqué qui insère un article 10 dans le décret du 5 août 1995 dispose que l'étudiant choisit librement l'établissement auquel il souhaite s'inscrire et que la direction ne peut refuser son inscription par décision formellement motivée que dans certains cas délimités, parmi lesquels ne figure point l'obligation de réussite d'une épreuve artistique organisée.

B.10. Les règles constitutionnelles de l'égalité et de la non-discrimination n'excluent pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée. Les mêmes règles s'opposent, par ailleurs, à ce que soient traitées de manière identique, sans qu'apparaisse une justification raisonnable, des catégories de personnes se trouvant dans des situations qui, au regard de la mesure considérée, sont essentiellement différentes.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

B.11. La disposition critiquée ne permet de refuser l'inscription d'un étudiant que dans les trois hypothèses qu'elle mentionne. Il s'en déduit que la direction ne pourrait refuser l'inscription d'un étudiant au motif qu'il aurait échoué à un examen d'entrée.

Cette disposition devrait donc s'interpréter comme abrogeant implicitement les arrêtés royaux qui subordonnaient l'admission dans un établissement tel que l'école de « La Cambre » à la réussite d'une « épreuve artistique » (article 1er de l'arrêté royal du 31 août 1978 relatif aux conditions de classement de l'enseignement des arts plastiques de plein exercice dans les trois degrés de l'enseignement artistique supérieur; article 11 de l'arrêté royal du 4 avril 1980 fixant les nouvelles structures et l'organisation des études de l'Ecole nationale supérieure des arts visuels de la Cambre).

C'est l'interprétation que défend, à titre principal, le Gouvernement de la Communauté française : il soutient qu'un établissement pourrait « invoquer sa spécificité et ses impératifs pédagogiques pour demander la possibilité d'organiser une épreuve préalable de sélection » (A.9.3). Il ajoute que, s'il en était ainsi, le décret aurait créé une autre forme de discrimination parce qu'il aurait placé les établissements d'enseignement artistique supérieur dans une situation différente de celle des autres établissements d'enseignement supérieur.

B.12. Il apparaît des pièces du dossier que l'école de La Cambre est un établissement d'enseignement qui a une spécificité, en ce qu'elle développe la création artistique en pratiquant une pédagogie favorisant par priorité au sein de petits groupes la relation maître-étudiant, ce qui lui donne un rayonnement international.

Un accroissement brutal du nombre d'étudiants à la suite de l'abandon de toute sélection qualitative préalable à l'admission ne paraît pas compatible avec la spécificité de l'école et risque de mettre sa méthode pédagogique en péril. Il n'apparaît pas que le législateur décrétal ait nié cette spécificité ou ait entendu y mettre fin.

La catégorie d'établissements à laquelle l'école de La Cambre appartient ne paraît pas avoir été prise en compte, contrairement à ce que faisaient les dispositions organiques préexistantes.

Dans les limites restreintes de l'examen auquel la Cour peut procéder dans le traitement d'une demande de suspension, le moyen peut être considéré comme sérieux.

En ce qui concerne le préjudice difficilement réparable B.13. L'exécution immédiate, dès l'année académique 1998-1999, des dispositions critiquées risque d'avoir pour effet, d'une part, de dissuader nombre d'étudiants étrangers de s'inscrire à l'école de La Cambre, d'autre part, d'y amener un afflux d'étudiants qui n'ont pas fait la preuve de leur aptitude à en suivre les cours par la réussite d'une épreuve artistique. L'école perdrait ainsi ce qui fait la valeur spécifique de son enseignement et l'essentiel de sa notoriété. Un tel préjudice, qui affecterait tous les étudiants de l'école, peut être considéré comme grave et insusceptible d'être réparé par une éventuelle annulation.

B.14. Les deux conditions nécessaires pour conclure à la suspension sont remplies.

Par ces motifs, la Cour suspend dans le décret de la Communauté française du 5 août 1995 portant diverses mesures en matière d'enseignement supérieur tel qu'il est modifié par l'article 27 du décret-programme de la Communauté française du 24 juillet 1997 portant diverses mesures urgentes concernant l'enseignement : - à l'article 7, 2°, k), les termes « et à condition que le droit d'inscription complémentaire requis ait été perçu par l'établissement et versé par lui au ministère de la Communauté française »; - à l'article 10, § 2, 2°, les termes « par l'article 7, 2°, k), sauf s'il est ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, ou »; - l'article 10 en ce qu'il ne permet plus de subordonner l'admission dans un établissement de l'enseignement supérieur des arts plastiques à la réussite d'une épreuve artistique.

Ainsi prononcé en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 4 juin 1998.

Le greffier f.f., R. Moerenhout.

Le président, M. Melchior.

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