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Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 24 juin 1998

Arrêt n° 66/98 du 10 juin 1998 Numéros du rôle : 1140, 1141, 1142 et 1143 En cause : les recours en annulation partielle du décret de la Région wallonne du 5 décembre 1996 relatif aux intercommunales wallonnes, introduits par J. Leclère et au La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et L. De Grève, et des juges H. Boel, G(...)

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COUR D'ARBITRAGE


Arrêt n° 66/98 du 10 juin 1998 Numéros du rôle : 1140, 1141, 1142 et 1143 En cause : les recours en annulation partielle du décret de la Région wallonne du 5 décembre 1996 relatif aux intercommunales wallonnes, introduits par J. Leclère et autres, par la commune d'Amblève et autres, par F. Wirtz et par l'« Interkommunale für das Sozial- und Gesundheitswesen der Gemeinden Amel, Büllingen, Burg-Reuland, Bütgenbach und Sankt Vith ».

La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et L. De Grève, et des juges H. Boel, G. De Baets, E. Cerexhe, A. Arts et R. Henneuse, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des recours Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 5 août 1997 et parvenue au greffe le 6 août 1997, un recours en annulation de l'article 18, § 2, du décret de la Région wallonne du 5 décembre 1996 relatif aux intercommunales wallonnes (publié au Moniteur belge du 7 février 1997) a été introduit par J. Leclère, demeurant à 4557 Fraiture, rue Violette 97, F. Tasiaux, demeurant à 5560 Pailhe, rue Thier 15, C. Bouvy, demeurant à 4990 Lierneux, hameau de Banneux Jevigne, M. Delvoye, demeurant à 4051 Vaux-sous-Chèvremont, rue Fond des Maçons 50, N. Evrard, demeurant à 4052 Beaufays, rue Toussaint Gerkens 32, E. Grégoire, demeurant à 4570 Marchin, place de Belle Maison 3, G. Lismonde-Gatin, demeurant à 4053 Mehagne, rue Basse Mehagne 21, J.-M. Straetmans, demeurant à 4050 Chaudfontaine, route de Beaufays 111, et J. Willemsen-Lhoest, demeurant à 4052 Beaufays, avenue Paquay 27.

Cette affaire a été inscrite sous le numéro 1140 du rôle.

Par requêtes adressées à la Cour par lettres recommandées à la poste le 5 août 1997 et parvenues au greffe le 6 août 1997, des recours en annulation des articles 15, § 1er, alinéa 2, 18, § 2, 20, alinéa 2 (lire : alinéa 3), 28, alinéa 3, et 36, § 2, du décret précité, ont été introduits par : - la commune d'Amblève, dont les bureaux sont établis à 4770 Amblève, maison communale, la commune de Bullange, dont les bureaux sont établis à 4760 Bullange 240, maison communale, la commune de Butgenbach, dont les bureaux sont établis à 4750 Butgenbach, Weywertz, maison communale, la ville de Saint-Vith, dont les bureaux sont établis à 4780 Saint-Vith, hôtel de ville, et la commune de Lontzen, dont les bureaux sont établis à 4710 Lontzen, maison communale, - F. Wirtz, demeurant à 4760 Bullange, Honsfeld 4A, et - l'« Interkommunale für das Sozial- und Gesundheitswesen der Gemeinden Amel, Büllingen, Burg-Reuland, Bütgenbach und Sankt Vith », dont le siège est établi à 4750 Butgenbach, Zum Walkerstal 15.

Ces affaires ont été inscrites sous les numéros 1141, 1142 et 1143 du rôle.

II. La procédure Par ordonnances du 6 août 1998, le président en exercice a désigné les juges des sièges conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

Par ordonnance du 17 septembre 1997, la Cour a joint les affaires.

Les recours ont été notifiés conformément à l'article 76 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 3 octobre 1997; l'ordonnance de jonction a été notifiée par les mêmes lettres.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 7 octobre 1997.

Des mémoires ont été introduits par : - J.-P. Bleus, demeurant à 4970 Stavelot, Amermont 15, M. Wetz, demeurant à 4970 Francorchamps, rue de Pommard 211, G. Dethier, demeurant à 4970 Stavelot, Belle Vue 3, P. Counet, demeurant à 4970 Stavelot, route de Coo 32 B, J. Verdin, demeurant à 4970 Stavelot, rue de l'Amblève 4, F. Lepoivre, demeurant à 1440 Braine-le-Château, P. Devreux, demeurant à 1440 Braine-le-Château, M. Alen, demeurant à 1440 Braine-le-Château, rue de Tubize 14, S. Lacroix, demeurant à 1440 Braine-le-Château, A. Fauconnier, demeurant à 1440 Braine-le-Château, rue L. Vanschepdael, E. Eembeek, demeurant à 1140 Braine-le-Château, rue Champ Binet 4, G. Lemaire, demeurant à 1440 Braine-le-Château, rue aux Racines 19, I. de Dorlodot, demeurant à 1440 Braine-le-Château, rue des Radoux 21, E. Tordeurs, demeurant à 1440 Braine-le-Château, rue Notre Dame au Bois 4, E. Wuyts, demeurant à 1440 Braine-le-Château, rue E. Schampaert 29, P. Courteille, demeurant à 1440 Braine-le-Château, rue A. Latour 43 D, A. Janssens, demeurant à 1440 Braine-le-Château, rue Mont Olivet 23, et E. Beauclaire, demeurant à 6280 Gerpinnes-Hymiée, rue d'Hanzinne 2 A, par lettre recommandée à la poste le 29 octobre 1997; - A. Pépin, demeurant à 7387 Honnelles, le Moulin d'Angre 3, par lettre recommandée à la poste le 5 novembre 1997; - A. Keutgen, demeurant à 4700 Eupen, Am Bahndamm 42, D. Pankert, demeurant à 4700 Eupen, rue Neuve 52, R. Pankert, demeurant à 4700 Eupen, Stendrich 131, et I. Krott-Schmitz, demeurant à 4700 Eupen, Stendrich 212, par lettre recommandée à la poste le 5 novembre 1997; - le Gouvernement wallon, rue Mazy 25-27, 5100 Namur, par lettre recommandée à la poste le 20 novembre 1997.

Ces mémoires ont été notifiés conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 11 décembre 1997.

Des mémoires en réponse ont été introduits par : - J. Leclère et autres, par lettre recommandée à la poste le 30 décembre 1997; - la commune d'Amblève et autres, par lettre recommandée à la poste le 10 janvier 1998; - A. Pépin, par lettre recommandée à la poste le 10 janvier 1998; - le Gouvernement wallon, par lettre recommandée à la poste le 12 janvier 1998; - A. Keutgen et autres, par lettre recommandée à la poste le 13 janvier 1998.

Par ordonnance du 22 janvier 1998, la Cour a prorogé jusqu'au 5 août 1998 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.

Par ordonnance du 25 mars 1998, la Cour a déclaré les affaires en état et fixé l'audience au 29 avril 1998.

Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats par lettres recommandées à la poste le 26 mars 1998.

A l'audience publique du 29 avril 1998 : - ont comparu : . Me Y. Rancelot, avocat au barreau de Liège, pour J. Leclère et autres; . Me G. Zians, également loco Me A. Haas, avocats au barreau d'Eupen, pour la commune d'Amblève; . R. Pankert, en personne; . Me V. Thiry, avocat au barreau de Liège, pour le Gouvernement wallon; - les juges-rapporteurs E. Cerexhe et H. Boel ont fait rapport; - les parties précitées ont été entendues; - les affaires ont été mises en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

III. Objet des dispositions attaquées Les dispositions entreprises du décret de la Région wallonne du 5 décembre 1996 relatif aux intercommunales wallonnes figurent pour l'essentiel dans le chapitre III du décret qui règle la composition, l'organisation, le fonctionnement et les attributions des organes des intercommunales.

L'article 15, § 1er, alinéa 2, du décret entrepris est libellé en ces termes : « Dès lors qu'une délibération a été prise par leur conseil, les délégués de chaque commune et, le cas échéant, de chaque province rapportent la décision telle quelle à l'assemblée générale. » L'article 18, § 2, du décret entrepris dispose comme suit : « Les administrateurs représentant les communes associées et, s'il échet, les provinces associées, sont désignés respectivement à la proportionnelle de l'ensemble des conseils communaux des communes associées et, s'il échet, de l'ensemble des conseils provinciaux des provinces associées, conformément aux articles 167 et 168 du Code électoral. Pour le calcul de cette proportionnelle, il sera tenu compte des critères statutaires de pondération visés à l'article 6, 9°.

Lorsque les conseillers communaux ont été élus sur une liste ne possédant pas un numéro d'ordre commun en vertu de l'article 22bis de la loi électorale communale du 4 août 1932, il est tenu compte, pour le calcul de la proportionnelle au niveau de chaque commune associée, des éventuelles déclarations individuelles d'apparentement vers une liste possédant un numéro d'ordre commun, telles qu'elles sont actées par le conseil communal. L'apparentement vers une liste possédant un numéro d'ordre commun n'est possible que si, dans la commune, cette même liste ne s'est pas présentée en tant que telle aux élections communales. Cet apparentement s'applique uniformément pour toutes les intercommunales dont la commune est membre.

Aux fonctions d'administrateur réservées aux communes et, s'il échet, aux provinces associées ne peuvent être nommés que des membres des conseils communaux et, s'il échet, provinciaux.

Le présent paragraphe est applicable, mutatis mutandis, aux administrateurs représentant les C.P.A.S. associés. » L'article 20, alinéa 3, du même décret dispose, en ce qui concerne la nomination des membres du collège des commissaires, que : « Les commissaires, autres que membres de l'Institut des réviseurs d'entreprises, sont nommés par l'assemblée générale respectivement à la proportionnelle de l'ensemble des conseils communaux des communes associées, et, s'il échet, de l'ensemble des conseils provinciaux des provinces associées, conformément aux articles 167 et 168 du Code électoral et à l'article 18, § 2. » L'article 28, alinéa 3, du même décret dispose que le Comité de surveillance « comprend cinq membres, nommés par l'assemblée générale à la proportionnelle de l'ensemble des conseils communaux des communes associées, conformément aux articles 167 et 168 du Code électoral et à l'article 18, § 2 ».

L'article 36, § 2, du même décret est libellé comme suit : « Le tribunal de première instance du siège de l'intercommunale peut prononcer, à la requête soit d'un associé, soit d'un tiers intéressé, soit de l'autorité administrative ayant le contrôle de l'intercommunale dans ses attributions, la dissolution de toute intercommunale qui n'aurait pas modifié ses statuts dans le délai prévu au paragraphe précédent. » IV. En droit - A - La requête dans l'affaire portant le numéro 1140 du rôle A.1. En qualité d'échevins ou de conseillers communaux de plusieurs communes, les requérants justifient d'un intérêt fonctionnel : défendre les prérogatives attachées à leur fonction de désigner les délégués qui représenteront la commune à l'assemblée générale de l'intercommunale. A défaut d'apparentement, il ne sera pas tenu compte de leur vote dans le calcul de la majorité proportionnelle permettant de désigner les délégués.

A.2. Un moyen unique est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution par l'article 18, § 2, entrepris, du décret de la Région wallonne du 5 décembre 1996 en ce que cette disposition contraint les conseillers communaux qui désirent exercer leur droit de vote pour la désignation des délégués de leur commune à l'assemblée générale d'une intercommunale et qui n'ont pas été élus sur une liste possédant un numéro d'ordre commun, à faire une déclaration d'apparentement à une liste possédant un numéro d'ordre commun.

Les requêtes dans les affaires portant les numéros 1141, 1142 et 1143 du rôle A.3. Les différentes communes de la région de langue allemande requérantes sont toutes membres d'intercommunales de la Région wallonne et sont donc directement affectées par les dispositions attaquées du décret. Il en est de même du requérant dans l'affaire portant le numéro 1142 du rôle, lequel est membre d'un conseil communal de la Région wallonne, et de l'intercommunale requérante dans l'affaire inscrite sous le numéro 1143 du rôle.

A.4.1. Un moyen unique est pris de la violation des articles 10, 11, 22, 27, 41 et 162, 2°, de la Constitution ainsi que de l'article 11 de la Convention européenne des droits de l'homme et de l'article 7 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles.

A.4.2. Les articles 18, § 2, et 20, alinéa 3, et l'article 28, alinéa 3, du décret violent le principe d'égalité et de non-discrimination, en prévoyant que le conseil d'administration, le collège des commissaires et le comité de surveillance doivent être composés de manière contraignante. Il en résulte une différence de traitement injustifiée entre les communes dont les délégués n'ont pas fait de déclaration d'apparentement vers des listes possédant un numéro d'ordre commun, qui n'ont pratiquement aucune possibilité d'entrer en ligne de compte lors de la répartition des mandats en question, et les autres communes. Les communes disposant d'un même nombre de délégués à l'assemblée générale ne sont donc pas traitées de manière identique lors de la répartition des mandats au conseil d'administration, au collège des commissaires ou au comité de surveillance.

L'article 18, § 2, alinéa 2, du décret viole aussi, sur la base de l'article 11 de la Constitution, le principe de l'autonomie communale qui découle des articles 41 et 162, 2°, de la Constitution. Pour les mêmes motifs, l'article 18, § 2, du décret viole aussi l'article 7 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles.

A.4.3. L'article 18, § 2, alinéa 2, du décret, en ce qu'il exige de certains mandataires qu'ils fassent une déclaration d'apparentement, viole aussi le principe de non-discrimination, en instaurant une différence de traitement injustifiée entre les mandataires communaux, selon qu'ils ont été élus ou non sur une liste possédant un numéro d'ordre commun.

Cette disposition viole, sur la base de l'article 11 de la Constitution, le droit à la liberté d'expression (article 19 de la Constitution), le droit à la vie privée (article 22 de la Constitution) et le droit à la liberté d'association (article 27 de la Constitution et article 11 de la Convention européenne des droits de l'homme).

A.4.4. L'article 15, § 1er, alinéa 2, du décret, en instaurant le principe du mandat impératif, viole le droit à la liberté d'expression des délégués des différentes communes à l'assemblée générale.

A.4.5. Compte tenu de l'inconstitutionnalité des articles 15, § 1er, alinéa 2, 18, § 2, 20, alinéa 3, et 28, alinéa 3, la sanction prévue à l'article 36, § 2, du décret est également inconstitutionnelle.

La requête en intervention introduite par A. Pépin A.5. Comme conseiller communal d'une commune wallonne élu sur une liste d'intérêts communaux, l'intervenant a intérêt à introduire une requête en intervention sur la base de l'article 87, § 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989.

A.6. L'article 18, § 2, du décret attaqué de la Région wallonne crée une discrimination injustifiée entre élus communaux selon qu'ils sont ou non apparentés et viole les articles 10 et 11 de la Constitution mis en relation avec l'article 20 qui garantit à chacun le droit de s'associer et par voie de conséquence celui de ne pas s'associer.

La requête en intervention introduite par A. Keutgen et autres A.7. Les intervenants sont conseillers communaux de la commune d'Eupen et certains sont également membres d'intercommunales. Ils ont intérêt à intervenir sur la base de l'article 87, § 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989.

A.8.1. L'ensemble du décret wallon doit être annulé dans la mesure où, en visant les communes germanophones de la Région wallonne, il viole l'article 7, alinéa 2, de la loi spéciale de réformes institutionnelles, qui réserve à l'autorité fédérale la compétence de régler l'organisation et l'exercice de la tutelle administrative sur les communes de la région de langue allemande.

A.8.2. Le décret doit aussi être annulé parce qu'il règle les intercommunales germanophones, une matière qui est de la compétence de la Communauté germanophone.

A.8.3. A titre subsidiaire, l'article 15, § 1er, alinéa 2, du décret attaqué viole l'article 11 de la Constitution car il oblige de voter dans un sens déterminé, ce qui est incompatible avec un régime démocratique.

L'article 18, § 2, du même décret viole les règles qui sont établies par la Constitution ou en vertu de celle-ci pour déterminer les compétences respectives de l'Etat, des communautés et des régions, ainsi que l'article 162, dernier alinéa, de la Constitution. Il viole aussi les articles 10 et 11 de la Constitution en ce que les mandataires des listes « Intérêts communaux » sont exclus et en ce qu'on ne leur permet pas, en outre, de grouper leurs mandats en vue de la composition du conseil d'administration.

Les articles 20, alinéa 3, 28, alinéa 3, et 36 doivent être annulés pour les mêmes motifs.

La requête en intervention introduite par J.P. Bleus et autres A.9. En qualité de mandataires communaux de diverses communes wallonnes, les intervenants se joignent à la requête inscrite sous le numéro 1140 du rôle.

Mémoire du Gouvernement wallon La recevabilité des requêtes A.10.1. Les requérants dans l'affaire portant le numéro 1140 du rôle n'ont pas intérêt à postuler l'annulation du décret puisqu'aucune disposition du décret ne limite leur droit à désigner les délégués qui représenteront la commune à l'assemblée générale de l'intercommunale.

A.10.2. Les villes et les communes wallonnes n'ont pas intérêt à poursuivre l'annulation d'une disposition qui veille à ce qu'au sein de l'assemblée générale, les délégués des communes associées rapportent la position exprimée préalablement par le conseil communal.

Les villes et communes n'ont pas intérêt à soutenir qu'une disposition limite la liberté d'expression des délégués des différentes communes à l'assemblée générale. L'intercommunale est une association de communes et non une association d'élus communaux. Par ailleurs, les villes et communes ne peuvent se substituer aux conseillers communaux dans la défense de leurs intérêts propres, ni dans la défense des intérêts des listes sur lesquelles ces conseillers communaux ont été élus.

A.10.3. Dans l'affaire inscrite sous le numéro 1142 du rôle, le requérant, qui agit en qualité de conseiller communal de la commune de Bullange, élu sur la liste « E.V.G. », et qui ne possède pas un numéro d'ordre commun en vertu de l'article 22bis de la loi électorale communale, ne démontre pas suffisamment son intérêt à agir dans la mesure où, s'il ne peut plus être élu en qualité d'administrateur d'une intercommunale, ce n'est pas le fait du décret. Ceci résulte soit de son propre choix (le requérant n'ayant pas fait de déclaration d'apparentement dans le délai prescrit), soit de ce qu'il n'a pas été désigné pour exercer un mandat d'administrateur par une liste représentée à l'assemblée générale.

A.10.4. L'intercommunale requérante dans l'affaire inscrite sous le numéro 1143 du rôle ne justifie pas à suffisance de son intérêt en invoquant le seul fait que les dispositions attaquées du décret lui sont applicables. Au surplus, la requérante n'est pas recevable à se substituer aux communes ou aux mandataires communaux dans la défense de leurs intérêts propres. L'intérêt populaire n'est pas admissible.

Enfin, des réserves expresses sont formulées quant à la qualité pour agir de cette requérante et quant à sa capacité d'ester en justice.

Sur le fond Quant à la requête dans l'affaire portant le numéro 1140 du rôle A.11. Les requérants confondent la désignation par les communes de leurs délégués à l'assemblée générale (où la déclaration d'apparentement n'est pas nécessaire) et la désignation par l'assemblée générale des administrateurs et commissaires.

L'article 18, § 2, du décret ne s'applique pas à l'assemblée générale d'une intercommunale.

Aucune disposition du décret attaqué ne limite le droit des requérants de désigner les délégués qui représenteront la commune à l'assemblée générale de l'intercommunale.

L'article 14 du décret prévoit même expressément que les délégués des communes associées à l'assemblée générale sont désignés par le conseil communal de chaque commune parmi les conseillers, le bourgmestre et les échevins de la commune, proportionnellement à la composition dudit conseil.

A l'inverse de l'article 18, § 2, du décret, qui se réfère explicitement aux articles 167 et 168 du Code électoral, l'article 14 donne toute liberté au conseil communal d'adopter la méthode de calcul qu'il souhaite pour assurer cette représentation proportionnelle des délégués du conseil à l'assemblée générale. L'article 14 n'interdit donc pas au conseil communal de déroger au mécanisme de la clé d'Hondt et de garantir une représentation de chaque groupe politique.

Par ailleurs, à l'inverse de l'article 18, § 2, du décret, qui concerne le conseil d'administration, l'article 14 ne prévoit pas que les conseillers communaux élus sur des listes ne possédant pas de numéro d'ordre commun en vertu de l'article 22bis de la loi électorale communale doivent faire une déclaration d'apparentement vers une liste possédant un numéro d'ordre commun. L'article 14 ne subordonne pas à une déclaration d'apparentement le vote en conseil communal pour la désignation des délégués à l'assemblée générale de l'intercommunale, ni même la désignation par le conseil communal en tant que délégués à l'assemblée générale.

En tout état de cause, le moyen est non fondé.

Quant aux requêtes dans les affaires portant les numéros 1141, 1142 et 1143 du rôle A.12.1. Les requérants reprochent à l'article 15, § 1er, alinéa 2, d'instaurer le principe d'un mandat impératif, en violation du droit à la liberté d'expression. A titre préliminaire, il convient d'observer qu'un moyen pris de la violation directe d'une règle autre que celles visées à l'article 1er de la loi spéciale du 6 janvier 1989 est irrecevable.

Sur le fond, la disposition attaquée, qui est conforme au droit commun des sociétés commerciales, respecte l'autonomie communale, tout en garantissant une efficacité de gestion au sein des intercommunales.

Elle garantit également le droit d'expression des mandataires communaux dans l'exercice de leurs fonctions.

A.12.2. Quant à l'article 18, § 2, du décret, la différence de traitement qui y est inscrite est largement justifiée. En effet, s'agissant de la désignation des délégués des conseils communaux à l'assemblée générale, le législateur régional a fait confiance au conseil communal, ce qui va dans le sens de l'autonomie communale. A l'inverse, s'agissant de la désignation des administrateurs par l'assemblée générale, le législateur a voulu garantir une représentation proportionnelle. Le ressort de l'intercommunale est différent de celui de la commune. Il s'imposait de pouvoir prendre en considération les élus répartis sur des listes comparables.

En introduisant la proportionnelle dans le conseil d'administration de l'intercommunale, le législateur décrétal répond à l'objectif de démocratisation qu'il poursuit : il fallait assurer une représentation des listes non traditionnelles, tout en veillant à ne pas nuire à l'efficacité du conseil d'administration et ce, dans le respect de l'autonomie communale.

Pour le calcul de la proportionnelle au conseil d'administration, il est donc prévu de tenir compte des éventuelles déclarations individuelles d'apparentement vers une liste possédant un numéro d'ordre commun, telles qu'elles sont actées par le conseil communal.

L'autonomie communale est préservée, dès lors que chaque commune peut élaborer son propre règlement au sujet des éventuelles déclarations d'apparentement.

Pour le surplus, l'argumentation des requérants conduirait à transformer l'intercommunale en une nouvelle collectivité politique.

Si un mandataire choisit de ne pas faire une déclaration d'apparentement, il doit assumer la responsabilité de son choix.

A.12.3. A supposer que la Cour déclare recevable le moyen en tant qu'il est pris de la violation des articles 19, 22 et 27 de la Constitution, l'article 18, § 2, alinéa 2, du décret entrepris ne restreint en rien la liberté d'expression ni la liberté d'association des mandataires communaux au sein des conseils communaux. La déclaration d'apparentement est utile afin de déterminer le quota ou le poids de chaque liste politique, et n'interfère en rien dans le choix des administrateurs en tant que personnes. Du reste, les membres du conseil d'administration peuvent être élus par l'assemblée générale en dehors de celle-ci.

A.12.4. Par identité de motifs, dans la mesure où il n'est pas invoqué de griefs distincts, le moyen, en tant qu'il est dirigé contre les articles 20, alinéa 3, 28, alinéa 3, et 36, § 2, du décret, est soit irrecevable, soit non fondé.

Mémoire en réponse des requérants dans l'affaire portant le numéro 1140 du rôle A.13. Il ne s'agit pas de défendre la prérogative de désigner les délégués qui représenteront une commune à l'assemblée générale des intercommunales, mais bien les prérogatives des délégués communaux à l'assemblée générale pour désigner les administrateurs de l'intercommunale. Le recours portant essentiellement sur l'article 18, § 2, du décret, il est clair que les requérants visaient dans leurs recours la désignation à la proportionnelle des administrateurs et non pas la désignation des délégués communaux à l'assemblée générale. La confusion involontaire du recours provient du fait que c'est au niveau des communes que doivent se faire les déclarations individuelles d'apparentement, puisque ces déclarations sont actées par le conseil communal (article 18, § 2, alinéa 2).

Pour le surplus, le mandataire qui refuse de s'apparenter à un parti n'assume aucune responsabilité. Il se contente de refuser de se ranger dans un parti. Ce qui est évidemment son droit le plus strict. Mais ce faisant, il est écarté abusivement du droit de désigner les administrateurs de l'intercommunale. S'il n'y avait pas discrimination, il disposerait, comme les autres mandataires, du droit de vote pour désigner les administrateurs. Or, ce droit lui est refusé.

Mémoire en réponse des requérants dans les affaires portant les numéro 1141, 1142 et 1143 du rôle A.14. La contestation de la recevabilité du recours de F. Wirtz est non fondée dans la mesure où sa situation est défavorablement influencée par le fait que, n'ayant pas voulu déposer de déclaration d'apparentement, il est exclu qu'il puisse être admis au conseil d'administration d'une intercommunale.

Il est contradictoire de prétendre que les communes requérantes seraient irrecevables : en effet, on ne peut en même temps soutenir qu'un conseiller communal n'aurait pas d'intérêt légitime au recours, et que les communes n'ont pas intérêt parce qu'il appartiendrait aux mandataires communaux de faire valoir l'inconstitutionnalité qu'elles relèvent. Les communes ont le droit, comme les mandataires communaux, d'invoquer des arguments. Bien que les mandataires communaux qui siègent dans les intercommunales respectives doivent être considérés comme faisant partie des organes de ces institutions, il ne faut pas négliger le fait que ces mandataires exercent ces fonctions précisément sur la base de leur appartenance aux conseils communaux.

L'intercommunale requérante a aussi intérêt à attaquer des règles qui, s'agissant de sa constitution, ne reflètent pas fidèlement la composition des listes communales.

Mémoire en réponse de A. Pépin A.15. L'intérêt ne pouvant être valablement contesté dans le chef d'une personne qui intervient dans une procédure relative à l'exercice du droit de vote, il convient de rappeler que, dans un premier avis, la section de législation du Conseil d'Etat a conclu que l'avant-projet de décret qui lui était soumis « devait être fondamentalement revu ».

En tant qu'il attend des mandataires communaux qu'ils fassent une déclaration d'apparentement, c'est-à-dire déclarer leurs opinions politiques, pour que leur soit accordée la plénitude de leurs attributions dans les conseils d'administration des intercommunales, le législateur décrétal outrepasse ses compétences et compromet l'équilibre des principes constitutionnels consacrés aux articles 10 et 11, 19 (liberté d'opinion), 22 (vie privée), 27 (liberté d'association), 41 (autonomie communale) et 162.

Mémoire en réponse de A. Keutgen et autres A.16. Les requérants en intervention n'étant intervenus dans la cause que conformément à l'article 87 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, le Gouvernement wallon n'a pas pu prendre position sur la plupart des moyens invoqués. Conformément à l'article 90 de la même loi, la Cour doit donc décider que l'affaire n'est pas encore en état.

Mémoire en réponse du Gouvernement wallon A.17.1. Dans les affaires jointes inscrites sous les numéros 1140, 1141, 1142 et 1143 du rôle, les recours visent exclusivement l'annulation des articles 15, § 1er, alinéa 2, 18, § 2, 20, alinéa 3, 28, alinéa 3, et 36, § 2, du décret.

Il en résulte que le « mémoire » introduit par A. Keutgen et autres en application de l'article 87, § 2, est irrecevable, en ce qu'il postule l'annulation de l'ensemble du décret du 5 décembre 1996.

Le mémoire introduit par J.P. Bleus et autres est irrecevable parce que les seules observations que formulent ces parties intervenantes sont étrangères aux moyens invoqués dans les affaires inscrites sous les numéros 1141, 1142 et 1143 du rôle. Elles constituent donc un moyen nouveau. Or, au contentieux de l'annulation, seuls les mémoires visés à l'article 85 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 peuvent invoquer des moyens nouveaux.

A.17.2. Le moyen pris par A. Keutgen et autres de la violation de l'article 162 de la Constitution est irrecevable en tant qu'il constitue un moyen nouveau.

Le moyen pris de la violation de l'article 24 de la Constitution est lui aussi irrecevable en tant que cette disposition constitutionnelle n'est pas répartitrice de compétences, de sorte que la Cour ne peut en assurer le respect.

A.17.3. Quant à la référence faite à l'arrêt n° 65/93 rendu par la Cour, la présente affaire s'en distingue nettement. Dans la première affaire, la Cour avait, comme point de départ de son argumentation, constaté l'existence de deux objectifs contradictoires : rappeler le principe de l'égal accès aux emplois publics, d'une part, et assurer une représentation équilibrée des tendances, d'autre part.

Un autre élément distingue fondamentalement la présente affaire de celle qui a fait l'objet de l'arrêt n° 65/93. La Cour était saisie d'une disposition législative (la loi du 16 juillet 1973Documents pertinents retrouvés type loi prom. 16/07/1973 pub. 15/06/2011 numac 2011000326 source service public federal interieur Loi garantissant la protection des tendances idéologiques et philosophiques. - Coordination officieuse en langue allemande fermer) qui limitait les droits au recrutement, la désignation, la nomination et la promotion du personnel statutaire ou contractuel dans les établissements et organismes culturels.

A l'inverse, le présent décret réglemente les intercommunales. Par nature, les associations de communes ne sont pas des associations d'élus communaux.

Il en résulte que les requérants et intervenants ne peuvent invoquer un droit à participer aux organes de l'intercommunale, a fortiori à ses organes de gestion et de contrôle : jamais le législateur n'a garanti une représentation des communes associées au sein du conseil d'administration de l'intercommunale.

Par identité de motifs, leur droit à la liberté d'expression individuelle est limité au sein des organes de l'intercommunale, a fortiori lorsqu'ils sont chargés par l'assemblée générale de participer à des tâches de gestion et de contrôle.

Lorsqu'ils sont désignés à l'assemblée générale, ils doivent en règle répercuter dans cet organe le point de vue exprimé par le conseil communal, comme le prévoit l'article 15 du décret. Cette mesure est parfaitement justifiée.

Lorsqu'ils sont chargés d'une mission de gestion ou de contrôle, ils doivent rendre compte à l'assemblée générale.

Pour le surplus, il n'est pas démontré qu'en lui-même, le système mis en place par l'article 18, § 2, du décret est susceptible de porter atteinte aux droits et libertés des élus communaux. Cette mise en cause serait en tout état de cause minime. En cela aussi, la présente affaire se distingue fondamentalement de la cause jugée dans l'arrêt n° 65/93. - B - Quant à la recevabilité des recours En ce qui concerne les parties requérantes B.1.1. Le Gouvernement wallon conteste l'intérêt de l'ensemble des parties requérantes.

B.1.2. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d'un intérêt. Ne justifient de l'intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme entreprise.

B.1.3. Les parties requérantes, personnes physiques, sont soit échevins soit conseillers communaux de communes situées en Région wallonne. Elles peuvent être directement et défavorablement affectées dans leur situation par les dispositions attaquées du décret de la Région wallonne du 5 décembre 1996 relatif aux intercommunales wallonnes qui organisent le mode de désignation des administrateurs et des commissaires des intercommunales et qui limitent le mode d'expression des mandataires communaux à l'assemblée générale des différentes intercommunales dont fait partie leur commune. Elles justifient donc de l'intérêt requis pour agir.

B.1.4. Les parties requérantes, personnes morales, sont soit des communes membres d'intercommunales de la Région wallonne, soit une intercommunale de la Région wallonne. Elles peuvent être directement et défavorablement affectées dans leur situation par les dispositions attaquées qui organisent le mode de représentation de leur commune au sein de l'assemblée générale des intercommunales auxquelles elles sont associées en tant que communes, ou qui les dirigent en tant qu'intercommunale. Elles justifient donc de l'intérêt requis pour agir.

En ce qui concerne les parties intervenantes B.2.1. Le Gouvernement wallon conteste l'intérêt de l'ensemble des parties intervenantes pour les mêmes motifs que ceux qu'il a développés contre les parties requérantes.

B.2.2. Selon l'article 87, § 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, ceux qui introduisent un mémoire dans le délai prescrit et qui justifient d'un intérêt sont, de ce fait, réputés parties au litige.

Les différentes parties intervenantes sont toutes des conseillers communaux de communes de la Région wallonne. Pour les motifs rappelés en B.1.3, elles justifient de l'intérêt requis pour intervenir.

Quant à l'étendue du mémoire en intervention introduit par A. Keutgen et autres B.3.1. Le Gouvernement wallon conteste l'étendue du mémoire en intervention introduit par A. Keutgen et autres.

B.3.2. Les recours visent exclusivement l'annulation des articles 15, § 1er, alinéa 2, 18, § 2, 20, alinéa 3, 28, alinéa 3, et 36, § 2, du décret du 5 décembre 1996.

Les parties intervenantes postulent l'annulation de l'ensemble du décret précité. Une intervention fondée sur l'article 87, § 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage ne peut modifier ni étendre le recours initial. L'étendue de l'intervention se limite donc à celle des recours.

Quant à la recevabilité des « moyens » invoqués par A. Keutgen et autres B.4.1. Le Gouvernement wallon conteste la recevabilité des moyens tirés de la violation des articles 27 et 162 de la Constitution et invoqués par A. Keutgen et autres.

B.4.2. Les griefs soulevés par les parties intervenantes tirés de la violation par les articles attaqués du décret des articles 27 et 162 de la Constitution en tant que ces dispositions seraient des articles répartiteurs de compétences sont irrecevables : les moyens ne peuvent être invoqués que dans la requête et dans les mémoires introduits sur la base de l'article 85 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, c'est-à-dire des mémoires émanant de parties auxquelles une notification particulière doit être faite en vertu de la loi.

Quant au fond En tant que le moyen vise les articles 18, § 2, 20, alinéa 3, et 28, alinéa 3, du décret B.5. Les parties requérantes dans les affaires inscrites sous les numéros 1141, 1142 et 1143 du rôle dénoncent une différence de traitement injustifiée entre les communes wallonnes selon que les conseillers communaux ont fait ou n'ont pas fait de déclaration d'apparentement vers des listes possédant un numéro d'ordre commun.

Les dispositions attaquées du décret auraient d'abord pour effet que les communes dont les conseillers communaux n'ont pas fait de déclaration d'apparentement n'auraient pratiquement aucune possibilité d'entrer en considération lors de la répartition des mandats dans les organes de l'intercommunale. Chaque liste étant considérée séparément lors de la répartition des mandats, les listes possédant un numéro d'ordre commun auraient un poids plus important puisqu'elles regroupent les mandataires de ces listes auxquels s'ajoutent les mandataires ayant fait une déclaration d'apparentement.

Le même moyen dénonce encore qu'en prévoyant des règles de composition du conseil d'administration et du collège des commissaires différentes de celles de l'assemblée générale des intercommunales, les dispositions attaquées du décret ne conféreraient pas à toutes les communes les mêmes garanties de représentation au sein du conseil d'administration et produiraient ainsi des rapports de majorité différents au sein de l'assemblée générale et du conseil d'administration.

Enfin, il résulterait des dispositions attaquées une perte de l'autonomie des communes ainsi visées par rapport à celles qui ne sont pas affectées par les dispositions entreprises.

B.6.1. Le régime établi par les dispositions attaquées du décret prévoit que les administrateurs et les commissaires représentant les communes associées au sein des intercommunales wallonnes sont désignés à la proportionnelle de l'ensemble des conseils communaux des communes associées. Lorsque les conseillers communaux ont été élus sur une liste ne possédant pas un numéro d'ordre commun, il est tenu compte, pour le calcul de la proportionnelle, des éventuelles déclarations d'apparentement vers une liste possédant un numéro commun, déclarations qui sont faites au sein de chaque conseil communal des communes associées. Toutefois, l'apparentement n'est possible que si la liste avec laquelle s'opère l'apparentement ne s'est pas, dans la commune, présentée aux dernières élections communales. Cet apparentement vaut uniformément pour toutes les intercommunales dont la commune est membre.

B.6.2. Le législateur décrétal a entendu, par ces mesures, poursuivre deux objectifs, à savoir, d'une part, garantir une meilleure représentation et une meilleure prise de responsabilité de l'ensemble des groupes démocratiques au sein des intercommunales et, d'autre part, maintenir l'efficacité et la transparence dans la gestion de ces intercommunales, notamment par la limitation du nombre de mandats exercés (Doc., Conseil de la Région wallonne, 1995-1996, n° 1, p. 2;

Doc., Conseil de la Région wallonne, 1995-1996, n° 27, p. 5; déclarations du Ministre, Doc. C.R.I., 1996-1997, n° 4, pp. 36-37).

B.7.1. La Cour constate qu'afin d'atteindre ces objectifs, le législateur décrétal, usant de son pouvoir d'appréciation, a organisé, pour la composition du conseil d'administration, à l'article 18, § 2, du décret entrepris, un système fondé non sur la technique de la représentation majoritaire au sein de l'assemblée générale mais sur la technique de la représentation proportionnelle calculée sur l'ensemble des conseils communaux des communes associées (alinéa 1er), corrigée, pour garantir une représentation des listes non traditionnelles, par une technique d'apparentement (alinéa 2).

B.7.2. La Cour constate cependant que le régime établi par les dispositions entreprises du décret n'autorise pas l'apparentement entre les élus de listes qui, dans une même commune, ne possèdent pas un numéro d'ordre commun. Ainsi, deux listes d'« intérêts communaux » dans une même commune qui, par hypothèse, ne possèdent pas de numéro d'ordre commun ne peuvent s'apparenter. Il en résulte qu'à défaut pour les mandataires de ces listes de faire une déclaration d'apparentement vers une liste ayant un numéro d'ordre commun, les listes en question pourront être désavantagées dans leur représentation au sein des conseils d'administration et des collèges des commissaires des intercommunales auxquelles ladite commune est associée.

B.7.3. La Cour constate encore que le régime établi par les dispositions entreprises du décret n'autorise pas davantage l'apparentement entre des listes qui se sont présentées dans des communes différentes et qui ne possèdent pas un numéro d'ordre commun, ces communes étant associées aux mêmes intercommunales.

Il résulte de ceci que les listes minoritaires, mais ayant des numéros d'ordre commun, pourront éventuellement être sur-représentées dans les intercommunales des communes concernées.

B.7.4. La Cour constate enfin que l'apparentement n'est autorisé qu'avec une liste qui possède un numéro d'ordre commun mais qui ne s'est pas présentée aux dernières élections dans la commune où doit se faire l'apparentement.

Il résulte de ceci que si toutes les listes qui possèdent un numéro d'ordre commun se sont présentées aux dernières élections dans la commune, aucun apparentement n'est possible pour les listes qui ne possèdent pas de numéro d'ordre commun. Ces dernières listes seraient-elles même majoritaires, elles seront sous-estimées dans le calcul de la répartition proportionnelle des mandats dans les organes de gestion des intercommunales auxquelles est associée leur commune.

B.8. Il résulte de ce qui précède que le régime ainsi mis en place par l'ensemble des dispositions entreprises du décret aboutit à une sur-représentation, contraire au principe d'égalité, des grands partis nationaux au sein de ces conseils et ce, même s'ils ne sont pas représentés dans les communes concernées.

B.9. L'ensemble des parties requérantes dénonce encore la discrimination qui résulterait du régime établi entre les mandataires communaux selon qu'ils ont été élus ou non sur une liste possédant un numéro d'ordre commun ou selon qu'ils aient ou non fait une déclaration d'apparentement.

B.10. La Cour constate que le régime établi par les dispositions entreprises du décret et décrit sous B.7.1 à B.7.4 traite différemment les mandataires communaux. Les mandataires non élus sur une liste possédant un numéro d'ordre commun peuvent en effet être contraints, s'ils veulent participer efficacement à la désignation des membres du conseil d'administration et du collège des commissaires des intercommunales, de s'associer à une liste possédant un numéro d'ordre commun, dont le choix leur est indirectement imposé par les dispositions attaquées du décret.

Il résulte de ceci une différence de traitement injustifiée dans le décret et à propos de laquelle la Cour n'aperçoit aucun fondement.

B.11. Le moyen est fondé. Les alinéas 1er et 2 de l'article 18, § 2, étant indissolublement liés, il y a lieu de les annuler.

En tant que le moyen vise l'article 15, § 1er, alinéa 2, du décret B.12.1. Les parties requérantes soutiennent que la règle du mandat impératif instaurée par l'article 15, § 1er, alinéa 2, entrepris du décret porterait atteinte à la liberté d'expression garantie par l'article 19 de la Constitution en obligeant tous les délégués de la commune à voter à l'assemblée générale conformément à la décision de leur conseil communal même s'ils avaient défendu une autre conception au conseil communal.

B.12.2. La Cour n'est pas compétente pour connaître de la violation de l'article 19 de la Constitution considéré isolément.

B.13. Le moyen est irrecevable.

Quant à l'étendue de l'annulation B.14. Les parties requérantes demandent l'annulation par voie de conséquence des articles 20, alinéa 3, et 28, alinéa 3, du décret de la Région wallonne relatif aux intercommunales en ce que ces articles renvoient à l'article 18, § 2, entrepris du décret. Elles demandent aussi l'annulation de l'article 36, § 2, du même décret, qui confère au pouvoir judiciaire la faculté de prononcer la dissolution de l'intercommunale qui n'aurait pas modifié ses statuts pour se conformer au décret.

B.15. Les articles 20, alinéa 3, et 28, alinéa 3, du décret entrepris doivent être annulés étant donné qu'ils sont indissolublement liés aux alinéas 1er et 2 de l'article 18, § 2, du décret qu'il y a lieu d'annuler.

B.16. Dans la mesure où l'article 36, § 2, entrepris du décret a une portée plus générale que celle d'assurer la conformité des statuts des intercommunales au seul article 18, § 2, alinéas 1er et 2, annulé du même décret, l'article 36, § 2, ne peut être annulé qu'en tant qu'il se réfère et est indissolublement lié aux articles 18, § 2, alinéas 1er et 2, 20, alinéa 3, et 28, alinéa 3.

Quant au maintien des effets des dispositions annulées B.17. Afin de permettre au législateur régional wallon de reconsidérer dans leur ensemble les articles 18, § 2, alinéas 1er et 2, 20, alinéa 3, et 28, alinéa 3, les effets des dispositions annulées sont maintenus jusqu'au 31 décembre 1998.

Par ces motifs, la Cour - annule . les alinéas 1er et 2 du paragraphe 2 de l'article 18 du décret de la Région wallonne du 5 décembre 1996 relatif aux intercommunales wallonnes; . les articles 20, alinéa 3, et 28, alinéa 3, du décret susdit; . l'article 36, § 2, du décret susdit uniquement en tant qu'il se réfère aux articles 18, § 2, alinéas 1er et 2, 20, alinéa 3, et 28, alinéa 3, du décret; - maintient les effets qui découlent des articles 18, § 2, alinéas 1er et 2, 20, alinéa 3, et 28, alinéa 3, annulés du décret jusqu'au 31 décembre 1998; - rejette les recours pour le surplus.

Ainsi prononcé en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 10 juin 1998.

Le greffier, L. Potoms.

Le président, M. Melchior.

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