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Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 26 juin 1998

Arrêt n° 70/98 du 17 juin 1998 Numéro du rôle : 1114 En cause : le recours en annulation de l'article 26 du décret de la Communauté flamande du 20 décembre 1996 contenant diverses mesures d'accompagnement du budget 1997, introduit par la prov La Cour d'arbitrage, composée des présidents L. De Grève et M. Melchior, et des juges P. Martens(...)

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COUR D'ARBITRAGE


Arrêt n° 70/98 du 17 juin 1998 Numéro du rôle : 1114 En cause : le recours en annulation de l'article 26 du décret de la Communauté flamande du 20 décembre 1996 contenant diverses mesures d'accompagnement du budget 1997, introduit par la province de Flandre occidentale.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents L. De Grève et M. Melchior, et des juges P. Martens, J. Delruelle, H. Coremans, A. Arts et M. Bossuyt, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président L. De Grève, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 27 juin 1997 et parvenue au greffe le 30 juin 1997, la province de la Flandre occidentale, dont les bureaux sont établis à 8000 Bruges, Burg 3, a introduit un recours en annulation de l'article 26 du décret de la Communauté flamande du 20 décembre 1996 contenant diverses mesures d'accompagnement du budget 1997 (publié au Moniteur belge du 31 décembre 1996, troisième édition).

II. La procédure Par ordonnance du 30 juin 1997, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

Le recours a été notifié conformément à l'article 76 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 14 août 1997.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 19 août 1997.

Des mémoires ont été introduits par : - le Gouvernement flamand, place des Martyrs 19, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 23 septembre 1997; - le Gouvernement wallon, rue Mazy 25-27, 5100 Namur, par lettre recommandée à la poste le 2 octobre 1997.

Ces mémoires ont été notifiés conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 27 novembre 1997.

Des mémoires en réponse ont été introduits par : - la province de Flandre occidentale, par lettre recommandée à la poste le 11 décembre 1997; - le Gouvernement flamand, par lettre recommandée à la poste le 22 décembre 1997.

Par ordonnances des 25 novembre 1997 et 27 mai 1998, la Cour a prorogé respectivement jusqu'aux 27 juin 1998 et 27 décembre 1998 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.

Par ordonnance du 25 mars 1998, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 22 avril 1998.

Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats, par lettres recommandées à la poste le 26 mars 1998.

A l'audience publique du 22 avril 1998 : - ont comparu : . Me M. Denys et Me B. De Vuyst, avocats au barreau de Bruxelles, pour la province de Flandre occidentale; . Me B. Staelens, avocat au barreau de Bruges, pour le Gouvernement flamand; . Me T. Braibant et Me D. Pire, avocats au barreau de Liège, pour le Gouvernement wallon; - les juges-rapporteurs A. Arts et J. Delruelle ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - l'affaire a été mise en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

III. Objet de la disposition attaquée Un décret du Conseil flamand du 29 avril 1991 a institué le Fonds flamand des provinces. En vertu de l'article 2 de ce décret, une dotation annuelle est inscrite au budget de la Région flamande et est répartie entre les provinces flamandes, conformément aux règles fixées par ce décret.

La répartition s'opère plus précisément selon les critères fixés à l'article 4 : « 1° 10 pour cent en parts égales; 2° 45 pour cent en fonction du nombre d'habitants;3° 5 pour cent en fonction de la superficie;4° 5 pour cent en fonction de la densité de la population;5° 5 pour cent en fonction de la population active occupée sur le territoire de la province, par rapport à la population totale de la province;6° 30 pour cent en fonction du rendement inversement proportionnel, par habitant, de cent centimes additionnels au précompte immobilier, multiplié par le nombre d'habitants de la province.» L'article 7 du décret du 29 avril 1991 dispose : « § 1er. L'application du présent décret ne peut donner lieu à l'octroi à une province d'un montant qui serait inférieur à sa quote-part dans la répartition de l'année précédente, diminuée, le cas échéant, du pourcentage, arrondi au centième de l'unité, dont la dotation du Fonds flamand des Provinces diminue par rapport à l'année précédente. § 2. En cas de croissance de la dotation du Fonds flamand des Provinces, aucune province ne peut recevoir un montant inférieur à sa quote-part dans la répartition de l'année précédente, majorée de la moitié du taux de croissance, arrondi au centième, de la dotation du Fonds flamand des Provinces par rapport à l'année précédente. § 3. Les quotes-parts des provinces inférieures aux recettes garanties en application des §§ 1 et 2, sont majorées par prélèvement des sommes requises à cette fin sur les quotes-parts des provinces supérieures aux recettes garanties. Le prélèvement se fait au prorata des montants dont les quotes-parts de ces provinces dépassent les recettes garanties. » En vertu de l'article 3 du décret, la dotation du Fonds flamand des provinces est adaptée chaque année par l'application d'un « taux d'évolution », compte tenu de l'évolution annuelle de l'indice des prix à la consommation.

L'article 26, attaqué, du décret de la Communauté flamande du 20 décembre 1996 contenant diverses mesures d'accompagnement du budget 1997 fixe, par dérogation à l'article 3 précité, la dotation du Fonds flamand des provinces pour l'année 1997 à 3.686.400.000 francs.

IV. En droit - A - Requête A.1.1. Dans le cadre de la réforme de l'Etat, la clé de répartition des dotations attribuées aux provinces a été revue par le décret du 29 avril 1991 relatif au Fonds flamand des provinces.

Il a été souligné que la cohérence du système et la sécurité constituaient les fondements de la nouvelle réglementation.

Si la nouvelle clé de répartition avait été appliquée conformément à l'article 4 du décret du 29 avril 1991, la Flandre occidentale, et cette province seulement, aurait bénéficié d'un substantiel et immédiat rattrapage au détriment des autres provinces flamandes.

Un mécanisme de ralentissement a toutefois été inscrit dans l'article 7 du décret du 29 avril 1991, par lequel les crédits de rattrapage étaient attribués à la province de Flandre occidentale à concurrence de la moitié seulement des moyens supplémentaires, étant donné que la moitié du produit de l'indexation annuelle était attribuée à toutes les provinces.

La non-indexation résultant de la disposition attaquée a pour effet que la province de Flandre occidentale doit subir non seulement une non-indexation du Fonds des provinces, manifestement inéquitable par comparaison avec le Fonds des communes, mais qu'elle est en outre la seule province à être freinée dans le mouvement de rattrapage auquel elle a droit en vertu des articles 4 et 7 du décret du 29 avril 1991.

A.1.2. Un premier moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution par l'article 26 du décret du 20 décembre 1996, en ce que la non-indexation, dérogatoire à l'article 3 du décret du 29 avril 1991, établit une distinction déraisonnable entre le Fonds des provinces et le Fonds des communes, étant donné que ce dernier est indexé, et en ce que la disposition litigieuse implique une deuxième non-indexation en deux ans, créant une distinction déraisonnable entre le Fonds des communes et le Fonds des provinces, d'une part, et entre les communes et les provinces, d'autre part.

Le « taux d'évolution » du Fonds des communes ne tient pas seulement compte de l'indice des prix à la consommation, mais également d'une fraction du taux d'intérêt.

Les arguments avancés par le ministre pour déroger à l'article 3 du décret du 29 avril 1991 ne sont ni fondés ni logiques et pourraient en tout cas s'appliquer aussi bien aux communes.

Le Gouvernement flamand mène une politique d'économies, sans concertation avec les intéressés. Contrairement aux visées du décret du 29 avril 1991, le Fonds des provinces est redevenu, tout comme dans l'ancien système unitaire, un sujet de polémique dans les discussions budgétaires annuelles.

Tout ceci témoigne d'un traitement manifestement arbitraire des provinces, ou au moins d'un rapport manifestement déraisonnable entre l'objectif et les moyens, et d'une absence de justification objective et raisonnable pour le préjudice causé à l'intérêt des provinces.

La disposition litigieuse viole en tout cas le principe d'égalité en ce qu'elle déroge sans justification à un système cohérent et empêche la mise en oeuvre de celui-ci au point qu'une réglementation convenable fait défaut.

A.1.3. Le second moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution en ce que l'article 26 du décret du 20 décembre 1996 viole le principe d'égalité entre les provinces flamandes.

Le refus de l'indexation pour une deuxième année consécutive brise la cohérence du système de dotation et place la province de Flandre occidentale dans une situation empêchant le mouvement de rattrapage.

Le souci, temporaire, d'éviter aux comptes provinciaux des chocs brusques est transformé en un préjudice à long terme au détriment de la province de Flandre occidentale.

La violation d'un système cohérent, sans justification suffisante, constitue déjà une violation du principe d'égalité.

Il est porté atteinte de manière excessive aux attentes légitimes de la province de Flandre occidentale. En outre, il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens et l'objectif.

Ceci est également attesté par le rapport manifestement disproportionné entre l'objectif du décret du 29 avril 1991, tel que celui-ci a été formulé au cours des travaux préparatoires et à l'issue de ceux-ci, et les effets de la non-indexation, qui rend les plans financiers à long terme incertains et crée une inégalité presque permanente.

Mémoire du Gouvernement flamand A.2.1. Une autorité administrative ne saurait invoquer le bénéfice des articles 10 et 11 de la Constitution.

Le principe d'égalité garanti ne concerne en tout cas pas le Fonds des communes et le Fonds des provinces.

A.2.2. En l'espèce, il ne s'agit pas de situations comparables, étant donné que les communes et les provinces ont des compétences et un rôle différents. Les critères de répartition des Fonds diffèrent également, de même que le montant des dotations, le taux d'évolution, la part des dotations dans le total des recettes ainsi que le régime de garantie du Fonds des communes et du Fonds des provinces.

A.2.3. En ordre subsidiaire, il convient de souligner que la prétendue inégalité ne saurait constituer une violation du principe d'égalité.

Compte tenu du principe d'économie, il se justifiait raisonnablement de décider, lors de la discussion du budget, de ne pas appliquer l'indexation au Fonds des provinces, étant donné que les provinces disposaient de réserves importantes, alors que les communes étaient souvent confrontées à des déficits considérables et que les faibles moyens leur revenaient en priorité.

En outre, les conséquences financières de la non-indexation ne représentent qu'une partie infime de l'ensemble des recettes des provinces.

L'indexation du Fonds des communes et la non-indexation du Fonds des provinces sont donc raisonnablement justifiées.

La remarque formulée par la partie requérante, selon laquelle le Fonds des communes et le Fonds des provinces se voient appliquer des taux d'évolution différents, confirme qu'il ne s'agit pas de situations comparables.

Pour le reste, c'est à tort que la partie requérante considère qu'il y aurait retour au système unitaire. La disposition attaquée a seulement pour effet que la dotation de 1997, qui est répartie suivant le nouveau mécanisme, n'est pas indexée. Ceci n'a qu'une incidence financière limitée pour les provinces, qui ne sont pas financièrement dans le besoin.

En outre, la partie requérante perd de vue que le législateur décrétal jouit d'une grande liberté de gestion dans l'attribution des moyens et que la réalisation d'économies sur les dotations touche à l'essence même de cette liberté de gestion.

A.2.4. Selon le deuxième moyen, le principe d'égalité entre les provinces flamandes serait violé.

Le nouveau mécanisme de répartition était très avantageux pour la province de Flandre occidentale. Le système de garantie assure une redistribution progressive des moyens. Un grand mouvement de rattrapage a déjà été réalisé pour la province de Flandre occidentale.

La diminution de la part de cette province pour 1997 est limitée à 15,2 millions de francs sur une quote-part totale de 705,3 millions de francs (2,1 p.c.) et, à l'avenir, en cas d'accroissement du montant de la dotation, le système de garantie continuera de s'éteindre.

Le montant de la dotation est fixé globalement pour l'ensemble des provinces flamandes. Celles-ci recevront évidemment toutes leur part, conformément aux règles fixées par le décret et aux garanties qui s'y appliquent.

L'inégalité prétendue ne résulte du reste pas de la disposition attaquée, mais du système de garantie. Ce système ne saurait toutefois constituer une inégalité, puisque la même garantie est offerte à chaque province.

La part de la province de Flandre occidentale s'est accrue ces dernières années plus rapidement que celle des autres provinces, tant en chiffres absolus qu'en pourcentages. Le système de garantie fait partie d'un nouveau mécanisme dont la province de Flandre occidentale est l'unique gagnante. La prétendue inégalité n'a donc ni rime ni raison.

La partie requérante prétend à tort que l'« inégalité » temporaire créée par l'article 7 du décret du 29 avril 1991 est transformée en une règle définitive. La disposition litigieuse fixe seulement la dotation pour 1997 et dès que la dotation s'accroîtra à nouveau, la part de la province de Flandre occidentale continuera d'augmenter.

Par ailleurs, la partie requérante parle, à tort, de la violation d'un système cohérent et d'une atteinte aux attentes légitimes de la province de Flandre occidentale.

La province de Flandre occidentale est la seule bénéficiaire du nouveau mécanisme de répartition, avec la garantie qui a également été appliquée pour 1997. Il a déjà été démontré plus haut que la non-indexation pour 1997 est justifiée.

Mémoire du Gouvernement wallon A.3.1. La disposition attaquée est identique à celle de l'article 50 du décret du 22 décembre 1995.

En réalité, le préjudice allégué existait donc déjà suite à l'entrée en vigueur du budget précédent. Le recours est irrecevable ratione temporis.

A.3.2. La Cour ne peut s'immiscer dans les choix d'opportunité politique du législateur.

La prudence est d'autant plus de mise lorsqu'il s'agit d'examiner des dispositions dont les conséquences financières sont importantes pour le fonctionnement des institutions fédérales, régionales ou communautaires.

Il est généralement admis par la Cour, en matière fiscale, que le législateur peut utiliser des catégories « simplificatrices et approximatives ».

La disposition critiquée a fait l'objet d'un débat explicite et une proposition d'amendement suggérant son abrogation a été rejetée. C'est donc en pleine connaissance de cause que le législateur décrétal a posé un choix politique contraire à la thèse soutenue par la requérante.

A.3.3. Les institutions provinciales et communales ne sont pas comparables. Rien n'interdit au législateur décrétal de prendre des mesures différentes à l'égard d'institutions fondamentalement différentes.

Si le législateur décrétal traitait pareillement ces institutions, il pourrait au contraire lui être reproché de traiter de la même manière des catégories de personnes se trouvant dans des situations essentiellement différentes.

La partie requérante déclare elle-même que le décret du 31 juillet 1990 instituant le Fonds flamand des communes contient un mécanisme d'indexation qui est déjà plus favorable aux communes que celui appliqué aux provinces. Si l'on devait suivre la thèse de la partie requérante, il faudrait conclure que la discrimination existe en réalité depuis 1991 déjà.

Les différences objectives entre les institutions provinciales et communales sont telles qu'il n'appartient pas à la Cour de censurer le choix budgétaire du Gouvernement flamand.

A.3.4. A propos du second moyen, il échet de constater que la disposition attaquée n'affecte pas la situation de la province de Flandre occidentale puisqu'elle se borne à limiter temporairement les effets d'une position qui pourrait être qualifiée de « discrimination positive ».

Selon la jurisprudence de la Cour, les principes d'égalité et de non-discrimination ne s'opposent pas à ce que le législateur revienne sur ses objectifs initiaux pour en poursuivre d'autres et les pouvoirs publics doivent pouvoir adapter leur politique aux circonstances changeantes de l'intérêt général. Il en va particulièrement ainsi lorsqu'il s'agit de réaliser des économies.

La mesure n'est en tout cas pas manifestement déraisonnable par rapport à l'objectif visé. La dotation de la province de Flandre occidentale s'élève encore toujours à 3.686 millions de francs.

D'après les calculs opérés par la partie requérante elle-même, le défaut d'indexation prive l'ensemble des provinces flamandes de 56.003.000 francs, soit une proportion de 1,52 p.c.

Mémoire en réponse de la partie requérante A.4.1. Dans son arrêt n° 31/91 du 7 novembre 1991, la Cour a déjà dit que la province peut invoquer une violation du principe d'égalité.

A.4.2. Le fait que l'article 26 du décret du 20 décembre 1996 soit identique à une disposition antérieure est sans pertinence pour la recevabilité du recours : c'est uniquement contre la dernière disposition qu'un recours est intenté.

Le caractère manifestement déraisonnable de la situation est bien démontré par la poursuite de la non-indexation par l'article 26, mais il s'agit là d'un argument au fond.

A.4.3. L'examen de l'inégalité doit porter sur l'indexation ou sur l'absence d'indexation.

S'agissant de l'indexation ou de la non-indexation, les situations sont bel et bien comparables. Les quatre arguments avancés par la partie défenderesse pour démontrer la non-comparabilité manquent en fait : - la circonstance que les compétences des provinces et des communes sont différentes ne constitue pas un motif de distinction en matière d'indexation des dotations. Les provinces et les communes sont comparables en tant que pouvoirs territorialement décentralisés ayant un mode de financement similaire; - le fait que les communes et les provinces jouent un rôle différent n'est pas de nature à justifier la non-indexation du Fonds des provinces comparée à l'indexation du Fonds des communes; - les autres critères invoqués par la partie défenderesse sont dénués de pertinence. Ce qui est par contre pertinent, c'est le « taux d'évolution », qui, au cours de la période comprise entre 1981 et 1991, s'est accru de 17,22 p.c. dans le cas du Fonds des communes et de 0,2 p.c. seulement dans le cas du Fonds des provinces; - la circonstance que le régime de garantie est différent pour les deux Fonds ne concerne en rien l'indexation.

A.4.4. L'argument selon lequel les communes auraient de plus grands besoins financiers que les provinces est dénué de pertinence en ce qui concerne le caractère manifestement déraisonnable de la non-indexation, puisque ces besoins sont pris en charge par les Fonds respectifs.

Le traitement différent est une manifestation de l'arbitraire qui rompt avec une gestion minutieusement calculée et formulée. Ce qui est en cause en l'espèce, ce n'est pas un besoin urgent d'économies mais le fait de ne pas répondre aux attentes légitimes, de ne pas maintenir la proportionnalité et d'opérer une discrimination, en dérogeant, sans raison clairement fondée, à une ligne politique cohérente.

Dès le début, il y avait un arriéré de 200 millions de francs par rapport au Fonds des communes.

Sur le plan des faits, la capacité de rattrapage des comptes provinciaux est également fort exagérée par la partie défenderesse, tandis que les dépenses futures sont perdues de vue.

A.4.5. La partie défenderesse concède que la province de Flandre occidentale a été gravement défavorisée sous le régime antérieur. Il n'est pas exact que « la province de Flandre occidentale serait la seule bénéficiaire » : le nouveau système signifiait que la province de Flandre occidentale pouvait enfin rattraper les pertes subies antérieurement et être correctement traitée en cas d'indexation.

Le caractère correct et cohérent du système et les attentes légitimes des provinces ont été soulignés tant lors de l'introduction du système qu'après celle-ci.

L'argument selon lequel le préjudice subi par la province de Flandre occidentale ne s'élèverait qu'à 2,1 p.c. se retourne contre la partie défenderesse : si le montant était relativement aussi peu élevé, pourquoi n'a-t-on pas indexé ? Ce qui représente, pour les autres provinces, un « système de garantie » constitue pour la province de Flandre occidentale un mécanisme de ralentissement. La non-indexation signifie le maintien d'une inégalité de fait.

La non-indexation trompe la confiance légitime de la province de Flandre occidentale dans l'aboutissement aussi rapide que possible du mouvement de rattrapage fondé sur l'article 3 du décret du 29 avril 1991. Le maintien de la non-indexation pour une deuxième année consécutive porte à l'évidence déraisonnablement atteinte à la ligne politique cohérente et au système correct. Une simulation montre que la province de Flandre occidentale n'est pas gagnante. Pour 1997, il y a une moins-value de 29 millions de francs.

Par l'effet cumulatif pour les années suivantes, cela représente un sacrifice d'au moins 50 millions de francs.

En outre, il s'agit pour la province de Flandre occidentale d'une question de principe.

Mémoire en réponse du Gouvernement flamand A.5.1. Seules les instances ou les personnes visées à l'article 85, alinéa 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage peuvent introduire un mémoire et la Cour pourrait déclarer irrecevable d'office le mémoire de la Région wallonne.

Le Gouvernement flamand souscrit toutefois pleinement au contenu de ce mémoire.

A.5.2. Comparées aux provinces, les communes ont d'autres compétences, recettes et besoins. Ces différences impliquent un financement différent.

Il est exact que le Fonds flamand des provinces suit les mêmes principes que le Fonds flamand des communes mais les critères, la méthode de calcul, la correction pour la pauvreté fiscale, le système de garantie et les dotations sont différents.

La comparaison établie entre les taux de croissance des dotations (17,22 p.c. contre 0,2 p.c.) n'est pas pertinente et souligne simplement la différence entre les communes et les provinces.

Il est exact que les besoins sont pris en charge par les Fonds respectifs, mais ceci n'est vrai que pour les différences internes entre communes, d'une part, et entre provinces d'autre part.

Les chiffres concernant le budget de la province de Flandre occidentale ne sont pas exagérés. Le fait qu'il n'ait pas été tenu compte de dépenses futures n'empêche pas que le résultat pour l'année 1995 s'élève à plus de 1,7 milliard de francs. Au demeurant, une réserve de 1 milliard reste encore considérable.

A.5.3. La partie requérante donne une présentation erronée des faits lorsqu'elle prétend qu'elle a été lésée par rapport aux autres provinces flamandes et que le nouveau système constitue une compensation pour un préjudice antérieur. Les critères de répartition de la loi du 17 mars 1965 étaient défavorables pour toutes les provinces flamandes et non pas pour la province de Flandre occidentale par rapport aux autres provinces flamandes.

Le fait que la province de Flandre occidentale reçoit une part plus grande d'une dotation plus élevée est la conséquence du nouveau système de garantie, qui était nécessaire pour l'équilibre financier entre les provinces. Le désavantage ne résulte pas de la disposition attaquée mais du système de garantie. A l'avenir, ce système pourrait également jouer à l'avantage de la partie requérante.

En cas d'indexation, toutes les provinces flamandes auraient reçu une part supérieure. Du fait de la disposition attaquée, la part de toutes les provinces reste égale pour 1997. Il ne saurait donc être question d'une quelconque discrimination entre les provinces. - B - Quant à la recevabilité du recours B.1.1. Selon le Gouvernement wallon, le recours n'est pas recevable, étant donné qu'il est dirigé contre une disposition identique à celle de l'article 50 du décret de la Communauté flamande du 22 décembre 1995 contenant diverses mesures d'accompagnement du budget 1996.

B.1.2. Le fait que la partie requérante n'a pas introduit de recours en annulation contre une disposition décrétale antérieure ne la prive pas de son intérêt à l'annulation d'une nouvelle disposition identique, a fortiori lorsqu'il s'agit, comme en l'espèce, d'une disposition d'accompagnement du budget annuel.

B.1.3. L'exception soulevée par le Gouvernement wallon est rejetée.

Concernant le champ d'application des articles 10 et 11 de la Constitution B.2.1. A l'appui de son recours en annulation, la province de Flandre occidentale invoque le principe constitutionnel d'égalité et de non-discrimination.

Le Gouvernement flamand considère toutefois qu'il n'appartient pas à une province, en tant qu'autorité administrative, d'invoquer la violation des articles 10 et 11 de la Constitution.

B.2.2. En sa qualité d'entité politique dotée de la personnalité juridique et disposant d'un budget propre, une province peut se prévaloir du principe d'égalité, notamment lorsqu'elle estime qu'elle est traitée différemment sans justification objective et raisonnable dans la répartition des moyens publics.

Quant au fond Premier moyen B.3.1. La province de Flandre occidentale dénonce la violation des articles 10 et 11 de la Constitution par l'article 26 du décret du 20 décembre 1996, en ce que cette disposition, pour la seconde année consécutive, fixe au même montant la dotation du Fonds flamand des provinces, cependant que l'article 3 du décret du 29 avril 1991 prévoyait un régime d'indexation annuelle de cette dotation. Il en résulte, selon la partie requérante, une distinction déraisonnable entre le Fonds des provinces et le Fonds des communes, qui bénéficie quant à lui d'une indexation, et entre les provinces et les communes.

B.3.2. Les Gouvernements flamand et wallon considèrent que les provinces et les communes ne peuvent être comparées de façon pertinente.

B.3.3. Les catégories à comparer en l'espèce ne sont pas le Fonds des provinces et le Fonds des communes mais, d'une part, les provinces en tant que bénéficiaires du Fonds des provinces et, d'autre part, les communes en tant que bénéficiaires du Fonds des communes.

Certes, les provinces et les communes sont des administrations territorialement décentralisées mais elles ont les unes et les autres une mission distincte. Il n'existe pas de parallélisme suffisant entre ces missions qui les rendrait comparables au regard des moyens qui sont mis à leur disposition par l'autorité centrale au travers de fonds budgétaires distincts.

B.3.4. Le moyen ne peut donc être accueilli.

Deuxième moyen B.4.1. L'article 26 du décret du 20 décembre 1996 violerait l'égalité entre les provinces flamandes que garantit la Constitution.

B.4.2. La disposition attaquée ne fait pas de distinction entre les provinces flamandes. La partie requérante déclare toutefois que la province de Flandre occidentale est spécialement discriminée par rapport aux autres provinces flamandes en ce que la disposition litigieuse empêche que le mouvement de rattrapage auquel cette province prétend, dans la répartition de la dotation du Fonds flamand des provinces, puisse être mené à son terme, étant donné que ce mouvement de rattrapage dépend de l'adaptation du « taux d'évolution ».

B.4.3. Il ressort des travaux préparatoires du décret du 29 avril 1991 que le législateur décrétal a tenu compte des glissements résultant de l'application d'autres critères de partage que ceux utilisés sous le régime antérieur du Fonds national des provinces : « Les glissements entre les provinces restent très limités : environ 1 %. Seule la Flandre occidentale reçoit davantage. Ceci s'explique par le fait que l'ancien facteur ' enseignement provincial ' disparaît en tant que critère. » (Doc., Conseil flamand, 1990-1991, n° 462-2, p. 3) « Par rapport au système de répartition antérieur, la Flandre occidentale est la seule gagnante. Ceci est toutefois inévitable lors de l'utilisation de critères de répartition généraux objectifs. [...] La croissance relative de la part de la province de Flandre occidentale est en outre freinée dans une très large mesure par le système de garantie proposé ci-après » (ibid., n° 462-1, p. 10).

Ce « système de garantie » a été organisé à l'article 7 du décret du 29 avril 1991.

B.4.4. L'article 7 du décret du 29 avril 1991 dispose : « § 1er. L'application du présent décret ne peut donner lieu à l'octroi à une province d'un montant qui serait inférieur à sa quote-part dans la répartition de l'année précédente, diminuée, le cas échéant, du pourcentage, arrondi au centième de l'unité, dont la dotation du Fonds flamand des Provinces diminue par rapport à l'année précédente. § 2. En cas de croissance de la dotation du Fonds flamand des Provinces, aucune province ne peut recevoir un montant inférieur à sa quote-part dans la répartition de l'année précédente, majorée de la moitié du taux de croissance, arrondi au centième, de la dotation du Fonds flamand des Provinces par rapport à l'année précédente. § 3. Les quotes-parts des provinces inférieures aux recettes garanties en application des §§ 1 et 2, sont majorées par prélèvement des sommes requises à cette fin sur les quotes-parts des provinces supérieures aux recettes garanties. Le prélèvement se fait au prorata des montants dont les quotes-parts de ces provinces dépassent les recettes garanties. » B.4.5. De la combinaison des articles 4 et 7 du décret du 29 avril 1991 et des travaux préparatoires de ces dispositions, il ressort, d'une part, que, le critère « enseignement provincial » n'étant plus pris en compte, la part de la province de Flandre occidentale dans le Fonds flamand des provinces, comparée à celle des autres provinces, serait accrue de façon relative et, d'autre part, que cette opération s'effectue par exercice budgétaire au moyen d'un prélèvement - certes limité - au prorata des montants dont les quotes-parts des autres provinces augmentent, ce qu'on appelle le « mouvement de rattrapage ».

L'article 26 du décret du 20 décembre 1996 a bloqué la dotation 1997 du Fonds flamand des provinces au niveau de la dotation 1996. Cette croissance zéro implique que le prélèvement visé à l'article 7, § 3, ne peut avoir lieu pour l'exercice budgétaire 1997, ce qui a pour effet que, en ce qui concerne les critères de répartition fixés par le décret du 29 avril 1991, le rythme du « mouvement de rattrapage » en faveur de la province de Flandre occidentale est ralenti.

B.4.6. Le fait que la mesure litigieuse fixe, par dérogation à l'article 3 du décret du 29 avril 1991, la dotation du Fonds flamand des provinces, pour toutes les provinces flamandes, à un montant fixe non indexé est objectivement et raisonnablement lié à l'objectif budgétaire du législateur décrétal.

S'il est vrai qu'une distinction demeure entre la province de Flandre occidentale et les autres provinces flamandes, la première citée pouvant en particulier prétendre à un « mouvement de rattrapage », la partie requérante ne démontre pas - et la Cour n'aperçoit pas - en quoi cette distinction, qui découle de la mesure de blocage, serait telle que le législateur décrétal aurait violé le principe d'égalité en s'abstenant de prévoir pour la province de Flandre occidentale une mesure spécifique.

B.4.7. Le deuxième moyen ne peut être accueilli.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 17 juin 1998.

Le greffier, L. Potoms Le président, L. De Grève

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