Etaamb.openjustice.be
Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 27 janvier 1999

Arrêt n° 116/98 du 18 novembre 1998 Numéro du rôle : 1269 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 425 du Code d'instruction criminelle, posée par la Cour de cassation. La Cour d'arbitrage, composée des présidents L. De après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle Par ar(...)

source
cour d'arbitrage
numac
1998021533
pub.
27/01/1999
prom.
--
moniteur
https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi/article_body(...)
Document Qrcode

COUR D'ARBITRAGE


Arrêt n° 116/98 du 18 novembre 1998 Numéro du rôle : 1269 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 425 du Code d'instruction criminelle, posée par la Cour de cassation.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents L. De Grève et M. Melchior, et des juges H. Boel, L. François, G. De Baets, E. Cerexhe et R. Henneuse, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président L. De Grève, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle Par arrêt du 16 décembre 1997 en cause de R. Vande Casteele et A. Henricy contre J. Clauwers et autres, dont l'expédition est parvenue au greffe le 5 janvier 1998, la Cour de cassation a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 425 du Code d'instruction criminelle ne viole-t-il pas les articles 10 et 11 de la Constitution coordonnée ? » II. Les faits et la procédure antérieure 2.1. Par jugement du 10 octobre 1995 en cause du ministère public et de P. Vande Casteele, de R. Vande Casteele et d'A. Henricy contre J. Clauwers, N. Peeters et L. Jacobs, ces derniers, entre-temps fonctionnaires pensionnés du ministère des Finances, sont acquittés des faits mis à leur charge (faux, usage de faux et concussion) par le Tribunal correctionnel d'Anvers. Le Tribunal se déclare incompétent pour connaître de l'action civile, eu égard à l'acquittement. 2.2. Le 20 octobre 1995, les parties civiles R. Vande Casteele et A. Henricy interjettent appel de toutes les dispositions du susdit jugement les concernant.

Dans son arrêt du 7 mars 1997, la Cour d'appel d'Anvers déclare l'appel des parties civiles non fondé et confirme le jugement attaqué. 2.3. Le 21 mars 1997, les parties civiles se pourvoient toutes deux en cassation contre le susdit arrêt. 2.4. Dans son arrêt du 16 décembre 1997, la Cour de cassation constate que les demandeurs ont eux-mêmes introduit une requête et que Me M. Forges a déposé un mémoire en leur nom. La Cour considère que suivant les termes anciens de l'article 425, deuxième phrase, du Code d'instruction criminelle, qui était applicable au cours des délais prévus par l'article 420bis dans lesquels les demandeurs pouvaient introduire un mémoire, la partie civile ne pouvait déposer celui-ci que par le ministère d'un avocat à la Cour de cassation. Cette disposition a certes été abrogée par l'article 26 de la loi du 6 mai 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 06/05/1997 pub. 25/06/1997 numac 1997009448 source ministere de la justice Loi visant à accélérer la procédure devant la Cour de cassation fermer visant à accélérer la procédure devant la Cour de cassation, mais cette abrogation n'a pas d'effet rétroactif à l'égard de situations régies par l'ancienne loi. La Cour de cassation est donc tenue de poser à la Cour d'arbitrage la question préjudicielle soulevée par les parties.

III. La procédure devant la Cour Par ordonnance du 5 janvier 1998, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

La décision de renvoi a été notifiée conformément à l'article 77 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 10 mars 1998.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 21 mars 1998.

Des mémoires ont été introduits par : - R. Vande Casteele et A. Henricy, demeurant tous deux à 2900 Schoten, Klamperdreef 7, par lettre recommandée à la poste le 23 mars 1998; - le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 24 avril 1998.

Ces mémoires ont été notifiés conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 8 mai 1998.

R. Vande Casteele et A. Henricy ont introduit un mémoire en réponse par lettre recommandée à la poste le 20 mai 1998.

Par ordonnance du 30 juin 1998, la Cour a prorogé jusqu'au 5 janvier 1999 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.

Par ordonnance du 23 septembre 1998, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 21 octobre 1998.

Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats, par lettres recommandées à la poste le 24 septembre 1998.

A l'audience publique du 21 octobre 1998 : - ont comparu : . Me S. Huart loco Me M. Forges, avocats au barreau de Bruxelles, pour R. Vande Casteele et A. Henricy; . Me J. Laenens, avocat au barreau d'Anvers, pour le Conseil des ministres; - les juges-rapporteurs H. Boel et E. Cerexhe ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - l'affaire a été mise en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

IV. En droit - A - Quant au fond Mémoire de R. Vande Casteele et d'A. Henricy A.1.1. En l'espèce, le mémoire déposé au greffe de la Cour de cassation est signé par un avocat inscrit au tableau des avocats (Bruxelles) depuis 1985. Ce mémoire ne satisfait pas à l'exigence de l'article 425 du Code d'instruction criminelle. Il en résulte qu'il faut en principe en soulever d'office l'irrecevabilité.

A l'estime des requérants, l'article 425 du Code d'instruction criminelle est toutefois contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution. Les requérants sont en effet limités de manière déraisonnable et injustifiée dans le choix de leur conseil.

A.1.2. Les parties civiles qui font appel à un avocat à la Cour de cassation peuvent introduire valablement un mémoire. Les personnes qui font appel à un autre avocat ne le peuvent pas, même si cet avocat n'est plus stagiaire et même s'il est inscrit au tableau depuis plus de 10 ans. Les parties civiles sont ainsi contraintes de renoncer au choix de leur conseil, qui les avait, le cas échéant, assistées en cours de procédure et qu'elles avaient néanmoins pu valablement charger de signer également une requête contenant des moyens de cassation et de déposer celle-ci au greffe de la cour d'appel.

La discrimination est d'autant plus manifeste que les autres parties - le prévenu et le ministère public - ne doivent pas faire appel à un avocat à la Cour de cassation.

On constate enfin, d'une part, que, dans une première phase, la requête est déposée au greffe de la cour d'appel et, d'autre part, que, dans une deuxième phase, le mémoire est déposé au greffe de la Cour de cassation. Le fait que le document contenant les moyens doive être déposé, en fonction du délai, auprès d'un greffe ou de l'autre peut s'expliquer. Le dossier est en effet envoyé au greffe de la Cour de cassation. Par contre, on ne voit pas pourquoi les différents lieux de dépôt pourraient impliquer une limitation du choix du conseil. Ce critère de justification de la distinction est en effet dépourvu de pertinence.

A.1.3. Le caractère déraisonnable de ce traitement en matière pénale est d'autant plus manifeste qu'au cours de la première phase de la procédure de cassation (article 422 du Code d'instruction criminelle) chaque partie peut introduire elle-même un pourvoi. Le législateur ne s'étant pas opposé à ce que toutes les parties ou leur conseil, c'est-à-dire un simple avocat, puissent, au cours de la première phrase, formuler leurs moyens dans une requête, on ne voit pas raisonnablement comment on pourrait justifier des exigences plus rigoureuses à l'égard de toutes les parties pour l'établissement du mémoire. En juger autrement a pour conséquence que se trouvent compromises l'égalité à rechercher entre les parties et l'égalité des armes entre elles.

Compte tenu de la possibilité de signer soi-même la requête, on ne voit dès lors pas pourquoi le législateur pourrait légitimement obliger les requérants à faire appel à un avocat dans une deuxième phase, à l'occasion de l'établissement du mémoire.

A.1.4. A fortiori, il est déraisonnable, en matière pénale, d'obliger les parties civiles à faire appel à un avocat à la Cour de cassation, ce qui constitue une limitation excessive du choix des conseils.

A.1.5. L'exception d'irrecevabilité semble pouvoir être soulevée d'office, ce qui indique qu'elle concerne l'ordre public. Si on le considère sous l'angle d'un éventuel souci d'obtenir, par des dispositions législatives adéquates, des requêtes et des mémoires de qualité, l'article 425 du Code d'instruction criminelle semble même contradictoire. En effet, il paraît plus logique d'obliger les requérants à faire appel à un conseil s'ils veulent développer leurs griefs à bref délai, alors qu'ils peuvent eux-mêmes développer leurs griefs dans un délai plus long.

On ne peut dès lors se défaire de l'impression que la possibilité qui est offerte aux parties civiles de se représenter elles-mêmes au cours d'une première phase a été considérée comme plutôt illusoire. Cette constatation plausible a pour effet que les conséquences de la discrimination sont encore plus déraisonnables. De facto, seul le recours à un avocat à la Cour de cassation est possible.

A.1.6. L'abrogation de l'article 425 du Code d'instruction criminelle par l'article 26 de la loi du 6 mai 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 06/05/1997 pub. 25/06/1997 numac 1997009448 source ministere de la justice Loi visant à accélérer la procédure devant la Cour de cassation fermer confirme le caractère discriminatoire de la disposition susdite.

Mémoire du Conseil des ministres A.2.1. La Cour peut, pour répondre à une question préjudicielle, inclure dans son examen des dispositions à propos desquelles le juge a quo ne l'a pas interrogée, sans qu'elle se prononce pour autant sur la compatibilité de ces dispositions avec les articles 10 et 11 de la Constitution. Il est donc souhaitable d'inclure dans l'examen l'article 478 du Code judiciaire.

A.2.2. La différence de traitement en cause est manifestement la distinction qui est faite entre la partie civile qui introduit un mémoire conformément aux articles 420bis et 425 du Code d'instruction criminelle, d'une part, et la partie civile qui dépose une requête contenant les moyens de cassation conformément à l'article 422 du Code d'instruction criminelle, d'autre part. La différence de traitement réside dans le fait que la partie civile qui introduit un mémoire doit faire appel à un avocat à la Cour de cassation, contrairement à la partie civile qui introduit une requête contenant les moyens de cassation.

A.2.3. Cette différence de traitement peut raisonnablement se justifier. Elle repose également sur un critère objectif.

Une première manière de présenter des moyens de cassation consiste à déposer une requête au greffe de la juridiction qui a rendu la décision attaquée (article 422 du Code d'instruction criminelle). Dans ce cas, l'intervention d'un avocat à la Cour de cassation n'est exigée pour aucune des parties, même pas pour la partie civile.

Celui qui a laissé passer l'occasion de déposer une telle requête au greffe du tribunal ou de la cour qui a rendu la décision entreprise obtient une seconde chance de faire connaître ses moyens. Il peut en effet introduire un mémoire au greffe de la Cour de cassation. Ce n'est que lorsque la partie civile entend faire usage de cette deuxième opportunité qu'elle doit faire appel à un avocat à la Cour de cassation dont l'intervention est légalement imposée pour introduire un mémoire (article 425, deuxième phrase, du Code d'instruction criminelle).

Il n'est dès lors question d'une différence de traitement éventuelle que lorsque la partie civile ne fait pas usage de la possibilité de faire connaître ses moyens dans une requête dans les quinze jours suivant sa déclaration de pourvoi en cassation. L'action de la partie civile étant une matière civile au sens de l'ancien article 478 du Code judiciaire, seul un avocat portant le titre d'avocat à la Cour de cassation peut agir devant celle-ci.

Il n'existe pas de différence de traitement déraisonnable. La requête contenant les moyens de cassation est en effet déposée au greffe de la cour ou du tribunal qui a rendu l'arrêt ou le jugement attaqué, cependant que le mémoire est introduit directement au greffe de la Cour de cassation. Si le mémoire pouvait être introduit sans l'intervention d'un avocat à la Cour de cassation, il serait précisément créé une inégalité entre les parties au procès devant la Cour de cassation en matière civile. On verrait apparaître ainsi une distinction dépourvue de justification raisonnable dans le chef des parties lésées dans l'exercice de leur droit d'option sur la base de l'article 4 du titre préliminaire du Code de procédure pénale. La partie lésée qui saisit le juge civil d'une action civile distincte de l'action pénale doit, en cassation, faire appel à un avocat à la Cour de cassation, alors que ce ne serait pas le cas si elle s'était constituée partie civile devant le juge pénal.

A.2.4. La modification de l'article 425 du Code d'instruction criminelle par l'article 26 de la loi du 6 mai 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 06/05/1997 pub. 25/06/1997 numac 1997009448 source ministere de la justice Loi visant à accélérer la procédure devant la Cour de cassation fermer ne visait aucunement à éliminer une inégalité éventuelle entre les parties au procès. L'obligation pour la partie civile de faire appel en matière pénale à un avocat à la Cour de cassation n'a été supprimée que parce que l'intervention de ce dernier aurait constitué une entrave à l'accès à la Cour de cassation. La retentissante affaire Dutroux-Nihoul et consorts se trouve d'ailleurs à la base de cette modification de la loi. Cette adaptation s'inscrivait parfaitement dans l'esprit du temps, à savoir permettre à la victime d'avoir plus facilement accès à la justice.

Mémoire en réponse de R. Vande Casteele et d'A. Henricy A.3.1. Les mémoires des parties font apparaître que des précisions s'imposent en ce qui concerne la portée de l'entrave mise à l'accès à la Cour de cassation, tel que le prévoit l'ancien article 425 du Code d'instruction criminelle. Il se justifie de reformuler comme suit la question : « L'ancien article 425 du Code d'instruction criminelle viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution coordonnée, en tant que la partie civile demanderesse - après la sanction, le 6 mai 1997, de la loi visant à accélérer la procédure devant la Cour de cassation - ne peut valablement introduire un mémoire que par le ministère d'un avocat à la Cour de cassation et non par le ministère d'un autre avocat, y compris l'avocat qui est inscrit au barreau depuis au moins dix ans et l'avocat qui a introduit le pourvoi en cassation, ni à l'intervention des demandeurs eux-mêmes ? » A.3.2. L'existence d'une justification de la différence de traitement entre plusieurs catégories de personnes doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure contestée ainsi que de la nature des principes en cause.

Le Conseil des ministres n'avance aucun objectif éventuel pour justifier l'intervention obligatoire, en matière pénale, d'un avocat à la Cour de cassation en ce qui concerne la seule partie civile demanderesse et uniquement au cours de la seconde phase de la procédure. Il n'est dès lors a fortiori pas question d'un quelconque objectif admissible. La discrimination invoquée est donc réelle.

Le Conseil des ministres reconnaît par ailleurs que les effets de la limitation sont importants puisqu'il écrit que l'obligation pour la partie civile de faire appel, en matière pénale, à un avocat à la Cour de cassation n'a été supprimée que parce que l'intervention de celui-ci aurait constitué une entrave à l'accès à la Cour de cassation. L'entrave mise à l'accès à la justice au cours de la deuxième phase a un effet tel qu'elle n'est pas admissible en droit.

Par conséquent, la discrimination dénoncée est réelle.

Le droit d'être assisté ou d'être représenté par un avocat constitue un droit fondamental. Le législateur fédéral ne peut y apporter des restrictions qu'en tant que soit avancé un objectif clair, indispensable dans une société démocratique pour préserver l'Etat de droit. L'intervention éventuelle de l'avocat librement choisi ne peut, de toute manière, être restreinte en cours de procédure, même pas de manière provisoire, en l'espèce durant la deuxième phase.

A.3.3. Il ne découle donc pas automatiquement du fait que l'exception prévue à l'article 478 du Code judiciaire en faveur des avocats à la Cour de cassation serait justifiée en matière civile que l'article 425 du Code d'instruction criminelle serait justifié. L'argument de la « partie civile » au sens de l'article 478 du Code judiciaire est d'autant moins pertinent que la partie civile peut intervenir elle-même comme défendeur pour introduire un mémoire en réponse. Cela confirme, pour autant que de besoin, que l'on a effectivement affaire à une matière pénale. Si l'interprétation extensive du Conseil des ministres devait être désormais admise par la Cour de cassation, celle-ci aurait dû nécessairement impliquer l'article 478 du Code judiciaire dans la question préjudicielle. Or, ce n'est pas le cas. En l'espèce, les demandeurs se situent dans le cadre d'une matière pénale : il ne saurait y avoir aucun doute à ce sujet. Contrairement à ce que soutient le Conseil des ministres, il ne semble donc pas souhaitable d'inclure dans l'examen l'ancien article 478 du Code judiciaire.

A.3.4. Un critère non pertinent ne saurait justifier une différence de traitement. Le critère « géographique » est également excessif. Il est d'autant plus déraisonnable qu'un dépôt personnel au greffe de la Cour de cassation par un avocat à la Cour de cassation n'est manifestement pas requis. C'est le facteur qui remet le mémoire au greffe, après qu'un avocat ou le demandeur lui-même a expédié cet envoi par pli recommandé dans un bureau de poste du Royaume. On se rappellera aussi que toute partie défenderesse peut introduire elle-même son mémoire en réponse - ou par le ministère de tout avocat - auprès de tout greffe.

L'argument pris de l'absolue nécessité de ne déposer le mémoire au greffe de la Cour de cassation que par le ministère obligé d'un avocat à la Cour de cassation est totalement défectueux. Le respect du principe d'égalité exige en l'espèce qu'au cours de la deuxième phase, les demandeurs soient traités de la même manière que les demandeurs qui se trouvent dans la première ou la troisième phase (à l'audience publique).

Les requérants ont affirmé dans leur mémoire qu'ils se trouvaient dans une situation comparable à celle des prévenus et du ministère public.

Il faut y ajouter la situation de la partie civile défenderesse. Le principe d'égalité, qui inclut le principe d'égalité des armes, exige que toutes les parties disposent des mêmes possibilités et qu'elles puissent toutes conserver leur avocat librement choisi - voire elles-mêmes - depuis le pourvoi jusqu'à l'audience publique. Il y a discrimination dans la mesure où au cours de la seconde phase, la partie civile demanderesse doit renoncer à ce droit.

A.3.5. Sous l'ancienne réglementation, aucune partie en matière pénale, y compris la victime, n'était obligée de faire appel, au cours de la première phase, à l'intervention d'un avocat à la Cour de cassation aux fins de présenter ses moyens de cassation. Ces droits fondamentaux sont également garantis à l'égard de chaque partie durant la troisième phase. La nouvelle modification législative concerne donc exclusivement la seconde phase, toute entrave dans le choix du conseil étant désormais supprimée à l'égard de la victime.

Il est généralement admis que même si un texte législatif n'était pas discriminatoire ab initio, il pourrait le devenir au fil du temps. La question est alors de savoir à partir de quel moment cette discrimination peut être retenue en droit. La nouvelle loi n'a été adoptée que le 6 mai 1997. Or, le projet de loi avait déjà été déposé en 1996. A partir de 1996, l'entrave grave et déraisonnable en matière de libre choix d'un conseil est incontestablement établie. Le pourvoi en cassation formé par les demandeurs a été introduit après la sanction de la modification législative, mais avant la publication de la loi modificative. En effet, le pouvoir exécutif a tardé à publier la loi. Dans ces conditions, il peut certainement être conclu que le 11 juin 1997 au moins, date d'introduction du pourvoi, l'ancien article 425 du Code d'instruction criminelle était déjà inconstitutionnel.

Depuis l'arrêt Vermeulen de la Cour européenne des droits de l'homme du 20 février 1996, toutes les parties ont un droit de réplique aux conclusions du ministère public. Ce droit essentiel peut être exercé par toutes les parties elles-mêmes et par tout avocat. Le législateur n'a pas décidé de modifier cette règle de droit. Il est a fortiori d'autant plus déraisonnable, en 1997, que la partie civile demanderesse soit la seule à ne pouvoir intervenir durant la deuxième phase par le ministère d'un avocat librement choisi, alors qu'elle a conservé ce droit dans la troisième phase. - B - B.1. Il appert de la décision de renvoi que la question préjudicielle porte sur la deuxième phrase de l'article 425 du Code d'instruction criminelle, supprimée dans l'intervalle par l'article 26 de la loi du 6 mai 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 06/05/1997 pub. 25/06/1997 numac 1997009448 source ministere de la justice Loi visant à accélérer la procédure devant la Cour de cassation fermer visant à accélérer la procédure devant la Cour de cassation (Moniteur belge du 25 juin 1997). Cette disposition est, selon la décision de renvoi, applicable à l'affaire pendante devant la Cour de cassation.

L'article 425 disposait, avant la loi du 6 mai 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 06/05/1997 pub. 25/06/1997 numac 1997009448 source ministere de la justice Loi visant à accélérer la procédure devant la Cour de cassation fermer : « Les demandeurs pourront aussi transmettre directement leurs mémoires et pièces au greffe de la Cour de cassation. Néanmoins, la partie civile ne pourra y déposer de mémoire sans le ministère d'un avocat à la Cour de cassation. » B.2. Selon l'article 417 du Code d'instruction criminelle, le recours en cassation en matière répressive est formé par une déclaration, dont il est dressé acte, faite au greffier de la juridiction qui a pris la décision attaquée. Cette déclaration, qui doit être faite dans les quinze jours francs après le prononcé (article 373 du Code d'instruction criminelle), doit indiquer avec précision contre quelle décision le pourvoi est formé et peut être faite par la partie même ou par avocat.

Les moyens de cassation peuvent en premier lieu être présentés dans une requête déposée, dans les quinze jours suivant la déclaration précitée, au greffe de la juridiction qui a pris la décision attaquée (article 422 du Code d'instruction criminelle). Dans ce cas, le ministère d'un avocat à la Cour de cassation n'est requis pour aucune des parties, pas même pour la partie civile (Cass., 21 janvier 1981, Pas., 1981, 535).

Celui qui a laissé passer l'occasion de déposer une requête au greffe du tribunal ou de la cour qui aura rendu l'arrêt ou le jugement attaqué reçoit une deuxième chance de faire connaître ses moyens, en remettant un mémoire au greffe de la Cour de cassation dans les deux mois à dater du jour où la cause a été inscrite au rôle général de la Cour (article 420bis, alinéa 2, du Code d'instruction criminelle) et, pour autant que ce délai ne soit pas encore expiré, au moins huit jours avant l'audience (article 420bis, alinéa 1er, du Code d'instruction criminelle). Toutefois, en application de la disposition litigieuse, la partie civile ne pouvait déposer un mémoire, en tant que demanderesse en cassation, sans le ministère d'un avocat à la Cour de cassation.

B.3. C'est donc exclusivement dans cette seconde phase qu'existait la différence de traitement critiquée par les demandeurs en cassation, en ce qui concerne la communication des moyens de cassation, entre la partie civile qui agit en tant que demanderesse en cassation et les autres parties, en particulier le condamné et le ministère public.

B.4. Le pourvoi en cassation est une voie de recours extraordinaire permettant à une partie de demander l'annulation, pour contravention à la loi ou pour violation des formes, soit substantielles, soit prescrites à peine de nullité, de décisions rendues en dernier ressort.

Le droit à un procès équitable, en particulier le principe de l'égalité des armes, implique que le législateur, lorsqu'il prévoit l'usage de voies de recours extraordinaires, respecte le principe d'égalité dans l'élaboration détaillée de celles-ci. Le principe d'égalité ne postule toutefois pas que le législateur, lorsqu'il définit les modalités, doive traiter sur le même pied les diverses parties concernées par une affaire pénale, compte tenu notamment des intérêts distincts que ces parties défendent. Il est seulement requis que ces modalités n'aient pas pour effet que la possibilité de se pourvoir en cassation, que la loi donne aux parties, soit limitée de manière discriminatoire.

B.5. En l'espèce, il convient d'observer qu'il existe des différences entre les pourvois en cassation pris par le prévenu, par le ministère public ou par la partie civile.

Le prévenu, qui agit dans son propre intérêt, peut se pourvoir en cassation contre les décisions qui le concernent, tant sur le plan pénal que sur le plan civil. Le ministère public, qui agit dans l'intérêt général, ne peut en règle se pourvoir en cassation contre la décision sur le plan civil, mais exclusivement sur le plan pénal. La partie civile, qui agit dans son propre intérêt, ne peut se pourvoir en cassation qu'à l'égard des dispositions relatives à ses intérêts civils; elle ne peut se pourvoir contre la décision sur le plan pénal, sauf si elle est condamnée aux dépens de l'action publique.

Alors que sur le plan pénal, la Cour de cassation soulève des moyens d'office, parce que l'action publique concerne l'intérêt général, il n'en va pas de même sur le plan civil, étant donné que ce sont des intérêts privés qui sont en cause.

B.6. Compte tenu du caractère extraordinaire de cette voie de recours, des intérêts distincts des différentes parties au procès pénal, de la portée variable de leurs pourvois en cassation et des effets différents qui sont attachés à la cassation que ces parties obtiennent éventuellement, le fait qu'une partie civile ait dû, comme dans la procédure de cassation en matière civile mais contrairement à d'autres parties à la cause pénale, faire appel à un avocat à la Cour de cassation pour introduire un mémoire ne saurait raisonnablement être considéré comme une restriction disproportionnée des droits de cette partie. Il en est d'autant plus ainsi qu'elle jouissait, contrairement aux autres demandeurs en cassation en matière civile, de l'avantage de pouvoir articuler des moyens dans une requête déposée au greffe de la juridiction d'appel et ce, si elle le souhaitait, avec l'assistance d'un avocat ne devant pas avoir la qualité d'avocat à la Cour de cassation.

B.7. Le fait que le législateur, poursuivant de nouveaux objectifs politiques, a mis fin à la différence de traitement critiquée ne conduit pas à une autre conclusion, même à l'égard de pourvois qui auraient été introduits après la sanction et la promulgation de la loi modificative, mais avant la publication et l'entrée en vigueur de celle-ci.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 425 du Code d'instruction criminelle, tel qu'il était libellé avant sa modification par l'article 26 de la loi du 6 mai 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 06/05/1997 pub. 25/06/1997 numac 1997009448 source ministere de la justice Loi visant à accélérer la procédure devant la Cour de cassation fermer visant à accélérer la procédure devant la Cour de cassation, ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 18 novembre 1998.

Le greffier, L. Potoms.

Le président, L. De Grève.

^