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Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 20 janvier 1999

Arrêt n° 119/98 du 18 novembre 1998 Numéro du rôle : 1367 En cause : les questions préjudicielles relatives à l'article 76, § 1 er , du Code de la taxe sur la valeur ajoutée, posées par le Tribunal de première instance de Vervie La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et L. De Grève, et des juges P. Martens(...)

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Arrêt n° 119/98 du 18 novembre 1998 Numéro du rôle : 1367 En cause : les questions préjudicielles relatives à l'article 76, § 1er, du Code de la taxe sur la valeur ajoutée, posées par le Tribunal de première instance de Verviers.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et L. De Grève, et des juges P. Martens, G. De Baets, E. Cerexhe, A. Arts et R. Henneuse, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles Par jugement du 26 juin 1998 en cause de la s.p.r.l. Avimex Magnétique contre l'Etat belge, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 1er juillet 1998, le Tribunal de première instance de Verviers a posé les questions préjudicielles suivantes : « 1. L'article 76, § 1er, alinéa 3, du Code de la taxe sur la valeur ajoutée, modifié par la loi du 28 décembre 1992, interprété comme autorisant le Roi à prévoir qu'en cas de présomptions sérieuses d'inexactitudes dans les déclarations TVA d'un assujetti, laissant entrevoir une dette d'impôt non encore établie, l'administration de la TVA, de l'enregistrement et des domaines peut procéder à la retenue d'un crédit de TVA restituable, valant saisie-arrêt conservatoire entre ses mains, sans disposer d'un titre exécutoire et sans y être préalablement autorisée par le juge des saisies, alors que ce titre ou cette autorisation préalable sont indispensables en droit commun, est-il contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution ? 2. Si la réponse à la première question est négative, la même disposition légale, interprétée comme autorisant le Roi, dans le même cas, à instaurer une présomption irréfragable de célérité, qui ne permet dès lors pas à l'assujetti d'apporter la preuve contraire sous le contrôle juridictionnel du juge des saisies et qui refuse ainsi à ce dernier le droit de prononcer la mainlevée de la saisie en l'absence de célérité, alors que celle-ci est la condition fondamentale de la saisie conservatoire en droit commun, est-elle contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution ? 3.Si la réponse à la première question est négative, la même disposition légale, interprétée comme autorisant le Roi, dans le même cas, à refuser au juge des saisies le droit de prononcer la mainlevée de la saisie s'il ressort des débats et des éléments soumis à son appréciation que l'administration fiscale ne dispose pas d'une créance certaine, liquide et exigible, alors qu'il s'agit là d'une condition de fond de la saisie soumise au contrôle du juge des saisies en droit commun, est-elle contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution ? 4. Si les réponses aux première et troisième questions sont négatives, la même disposition légale, interprétée comme autorisant le Roi, dans le même cas, à refuser au juge des saisies le droit de prononcer la mainlevée de la saisie, même si l'assujetti apporte des éléments de preuve permettant de conclure à première vue à l'inexactitude des constatations figurant aux procès-verbaux dressés par l'administration fiscale ou même si une décision de justice, prononcée mais non définitive, a établi l'inexistence de la dette d'impôt, alors que le droit commun autoriserait la mainlevée dans ces circonstances, est-elle contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution ? 5.Si les réponses aux première et troisième questions sont négatives, la même disposition légale, interprétée comme autorisant le Roi à prévoir, dans le même cas, que l'administration de la TVA, de l'enregistrement et des domaines peut procéder à la retenue d'un crédit de TVA restituable, valant saisie-arrêt conservatoire entre ses mains, sans lui imposer pour autant, soit de décerner une contrainte - qui ouvrirait au particulier un recours au fond - soit de donner mainlevée, dans un délai raisonnable sous le contrôle du juge des saisies qui pourrait sanctionner un éventuel abus de droit, est-elle contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution ? » II. La procédure Par ordonnance du 1er juillet 1998, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Le 15 juillet 1998, les juges-rapporteurs P. Martens et G. De Baets ont informé la Cour qu'ils estimaient qu'il pourrait être mis fin à l'examen des questions préjudicielles précitées par un arrêt de réponse immédiate, tel qu'il est visé à l'article 72, in fine, de la loi spéciale du 6 janvier 1989.

Ces conclusions se fondaient sur le fait que la disposition législative en cause était la même que celle qui avait fait l'objet de l'arrêt n° 78/98 du 7 juillet 1998 de la Cour et que, comme dans cette affaire, les questions préjudicielles posées dans la présente cause posent le problème de la différence, quant à l'étendue du contrôle du juge des saisies, entre la législation relative à la retenue en matière de T.V.A. et celle concernant la saisie-arrêt conservatoire de droit commun.

Les conclusions des juges-rapporteurs ont été notifiées aux parties dans l'instance principale conformément à l'article 72, alinéa 2, de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 30 juillet 1998.

L'Etat belge a introduit un mémoire justificatif par lettre recommandée à la poste le 14 août 1998.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

III. En droit - A - A.1. La demanderesse devant le juge a quo a fait savoir à la Cour qu'elle n'avait pas l'intention de déposer un mémoire justificatif.

A.2. Dans son mémoire justificatif, l'Etat belge considère que les conclusions des juges-rapporteurs peuvent être adoptées en ce qu'elles rapprochent les quatre dernières questions préjudicielles posées dans la présente affaire portant le numéro 1367 du rôle et celles qui ont fait l'objet de l'arrêt n° 78/98, mais il soutient en revanche que la première question préjudicielle dans la présente affaire, qui concerne de manière plus large l'absence d'obligation de saisine préalable du juge des saisies, contrairement au droit commun, n'a pas été tranchée par la Cour. Les arrêts nos 11/97 et 35/97 de la Cour, qui déclarent discriminatoire l'absence de saisine préalable d'un juge dans le cadre des saisies-arrêts simplifiées en matière d'impôt sur les revenus, ne critiqueraient cette mesure qu'en tant que le tiers-saisi, invité à acquitter les impôts du débiteur fiscal en cas de carence de sa part, est étranger à la relation entre l'administration et le contribuable; a contrario, la Cour laisserait entendre dans ces arrêts que l'absence de saisine préalable du juge par le fisc pourrait se justifier dans le cadre de la relation entre celui-ci et le contribuable. - B - Quant aux quatre dernières questions posées par le juge a quo B.1.1. Les quatre dernières questions préjudicielles posées dans la présente affaire visent à faire contrôler par la Cour la compatibilité avec les articles 10 et 11 de la Constitution des différences suivantes, quant à l'étendue du contrôle du juge des saisies, résultant de la comparaison entre, d'une part, l'article 76, § 1er, alinéa 3, du Code de la taxe sur la valeur ajoutée, interprété comme habilitant le Roi à adopter l'article 8.1, § 3, de l'arrêté royal n° 4 du 29 décembre 1969, inséré par l'article 7 de l'arrêté royal du 14 avril 1993, et, d'autre part, le droit commun de la saisie-arrêt conservatoire tel qu'il résulte des articles 1413 et suivants du Code judiciaire : 1° La condition de célérité, qui doit être vérifiée par le juge en droit commun, est présumée en matière de T.V.A. (deuxième question). 2° La condition du caractère certain, liquide et exigible de la créance en cause, qui doit être vérifiée par le juge en droit commun, est présumée en matière de T.V.A. (troisième question). 3° La preuve, apportée par le débiteur fiscal, de l'inexactitude des constatations figurant aux procès-verbaux de l'administration fiscale ou la production d'une décision de justice établissant l'inexistence d'une dette d'impôt ne peuvent entraîner la mainlevée de la retenue en matière de T.V.A., alors que des circonstances comparables entraîneraient une pareille mainlevée d'une saisie-arrêt en droit commun par le juge des saisies (quatrième question). 4° La législation en matière de retenue de T.V.A. n'impose pas au fisc de décerner une contrainte, qui ouvrirait un recours au fond, et ne prévoit pas de mainlevée dans un délai raisonnable sous le contrôle du juge des saisies, qui serait ainsi habilité à sanctionner un éventuel abus de droit (cinquième question).

B.1.2. Comme dans l'affaire portant le numéro 1134 du rôle ayant donné lieu à l'arrêt n° 78/98, ces quatre questions reviennent à interroger la Cour sur la compatibilité avec les articles 10 et 11 de la Constitution des limitations apportées par le régime de la T.V.A. à l'effectivité du contrôle juridictionnel en matière de saisie-arrêt conservatoire.

B.1.3. Comme l'admet l'Etat belge dans son mémoire justificatif, la Cour peut répondre à ces quatre questions comme il a été répondu à celles qui ont fait l'objet de l'arrêt n° 78/98.

B.2. L'article 76, § 1er, du Code de la T.V.A., tel qu'il a été modifié par l'article 86 de la loi du 28 décembre 1992, dispose : « Lorsque le montant des déductions prévues par les articles 45 à 48 excède à la fin de l'année civile le montant des taxes dues par l'assujetti qui est établi en Belgique, qui a en Belgique un établissement stable ou qui, en vertu de l'article 55, a fait agréer en Belgique un représentant responsable, l'excédent est restitué, aux conditions fixées par le Roi, dans les trois mois sur demande expresse de l'assujetti.

Le Roi peut prévoir la restitution de l'excédent avant la fin de l'année civile dans les cas qu'Il détermine et aux conditions qu'Il fixe.

En ce qui concerne les conditions visées aux alinéas 1er et 2, le Roi peut prévoir, au profit de l'administration de la T.V.A., de l'enregistrement et des domaines, une retenue valant saisie-arrêt conservatoire au sens de l'article 1445 du Code judiciaire. » L'article 1445 du Code judiciaire dispose : « Tout créancier peut, en vertu de titres authentiques ou privés, saisir-arrêter par huissier de justice, à titre conservatoire, entre les mains d'un tiers, les sommes et effets que celui-ci doit à son débiteur.

En cas d'inaction de son débiteur, le créancier peut, par application de l'article 1166 du Code civil, former la même procédure.

L'acte de saisie contient le texte des articles 1451 à 1456 et l'avertissement au tiers saisi qu'il devra se conformer à ces dispositions. » Des motifs de son jugement, il ressort que le juge a quo se réfère à l'article 8.1, § 3, alinéa 4, de l'arrêté royal n° 4 du 29 décembre 1969 relatif aux restitutions en matière de taxe sur la valeur ajoutée, tel qu'il a été modifié par l'arrêté royal du 14 avril 1993 pris en exécution de l'article 76, § 1er, précité.

Cet article dispose : « Si la dette d'impôt visée à l'alinéa 1er ne constitue pas une créance certaine, liquide et exigible, en tout ou en partie, au profit de l'administration, ce qui est notamment le cas lorsqu'elle est contestée ou lorsqu'elle a donné lieu à une contrainte visée à l'article 85 du Code dont l'exécution est interrompue par l'opposition prévue à l'article 89 du Code, le crédit d'impôt est retenu à concurrence de la créance de l'administration. Cette retenue vaut saisie-arrêt conservatoire jusqu'à ce que le litige soit définitivement terminé, soit au plan administratif, soit par un jugement ou un arrêt coulé en force de chose jugée. Pour la mise en oeuvre de cette retenue, la condition exigée par l'article 1413 du Code judiciaire est censée être remplie. » Les créanciers titulaires d'un crédit d'impôt en matière de T.V.A., par ailleurs débiteurs d'une dette fiscale vis-à-vis de l'Etat, font l'objet d'un traitement différent puisque le crédit d'impôt peut être retenu à concurrence de leur dette, selon une procédure qui déroge aux articles 1413 et 1415 du Code judiciaire.

Ces articles disposent : «

Art. 1413.Tout créancier peut, dans les cas qui requièrent célérité, demander au juge l'autorisation de saisir conservatoirement les biens saisissables qui appartiennent à son débiteur. » «

Art. 1415.La saisie conservatoire ne peut être autorisée que pour une créance certaine et exigible, liquide ou susceptible d'une estimation provisoire.

B.3. La Cour ne peut se prononcer sur le caractère justifié ou non d'une différence de traitement au regard des articles 10 et 11 de la Constitution que si cette différence est imputable à une norme législative. A cet égard, il y a lieu de relever que lorsqu'un législateur délègue, il faut supposer, sauf indication contraire, qu'il n'entend habiliter le délégué qu'à faire de son pouvoir un usage conforme aux articles 10 et 11 de la Constitution.

La Cour analysera la mesure exprimée dans l'article 8.1, § 3, alinéa 4, de l'arrêté royal précité, non afin de se prononcer sur la constitutionnalité d'un arrêté royal, ce qui n'est pas de sa compétence, mais seulement en se plaçant, conformément aux termes de la question préjudicielle, dans l'hypothèse où l'article 76, § 1er, du Code de la T.V.A. doit s'interpréter comme autorisant le Roi à prendre cette mesure.

B.4. Les règles constitutionnelles de l'égalité et de la non-discrimination n'excluent pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

B.5. Dès lors que le produit de l'impôt ne peut être affecté qu'à la satisfaction de l'intérêt général et à la mise en oeuvre, par les pouvoirs publics, de leurs engagements vis-à-vis de la collectivité, il doit être admis que les mesures conservatoires des intérêts de l'Etat puissent déroger à certaines règles du droit commun. Le législateur fiscal peut donc déroger à des dispositions du Code judiciaire sans pour autant méconnaître nécessairement les règles d'égalité et de non-discrimination.

B.6. La Cour doit cependant vérifier si, compte tenu de ses effets, la mesure en cause n'est pas disproportionnée à l'objectif poursuivi.

B.7. Il résulte des travaux préparatoires de l'article 76, § 1er, du Code de la T.V.A. que le législateur s'est soucié de protéger les intérêts du Trésor et de prévenir la fraude et l'évasion fiscale « sans toutefois léser les droits de l'assujetti. A cette fin, le Gouvernement est d'avis que la meilleure solution est d'accorder à cette retenue la valeur d'une saisie conservatoire à exercer dans les limites et dans les conditions à déterminer par le Roi. Pour ce qui ne serait pas déterminé de façon spécifique par le Roi, il y aurait alors application du Code judiciaire ou des autres dispositions légales applicables vis-à-vis de l'Etat » (Doc. parl., Chambre, 1992-1993, n° 684/2, p. 10; Doc. parl., Chambre, 1992-1993, n° 684/4, p. 54).

B.8. S'il est légitime que le législateur se soucie de prévenir la fraude fiscale et de protéger les intérêts du Trésor, par souci de justice et pour remplir au mieux les tâches d'intérêt général dont il a la charge, il convient toutefois que les mesures prises n'aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire à cette fin. Le contrôle de la Cour est plus strict si des principes fondamentaux sont en cause.

B.9. Selon le juge qui pose la question préjudicielle, l'article 76, § 1er, ne permettrait qu'un contrôle formel du juge des saisies; en n'imposant pas au fisc de décerner une contrainte ou de donner mainlevée de la saisie dans un délai raisonnable sous le contrôle du juge des saisies, cette disposition rendrait impossible l'exercice d'un recours juridictionnel. La Cour doit donc vérifier si les dérogations au droit commun des saisies n'ont pas pour effet de priver les contribuables concernés de la garantie essentielle que constitue le contrôle juridictionnel effectif portant sur la régularité et la validité de la retenue d'une dette d'impôt dans une procédure de saisie.

A cet égard, il faut relever que, en vertu de l'alinéa 10 de l'article 8.1, § 3, de l'arrêté royal du 29 décembre 1969 précité, « l'assujetti peut uniquement faire opposition à la retenue visée aux alinéas 4 et 5 en faisant application de l'article 1420 du Code judiciaire.

Néanmoins, le juge des saisies ne peut pas ordonner la mainlevée de la saisie aussi longtemps que la preuve administrée par les procès-verbaux visés à l'alinéa 6 n'est pas réfutée, aussi longtemps que les données issues de l'échange de renseignements entre les Etats membres de la Communauté ne sont pas obtenues ou pendant le temps d'une information du parquet ou d'une instruction du juge d'instruction ».

Il en résulte que le juge des saisies ne peut se prononcer que sur la régularité formelle de la procédure de retenue et non sur les conditions de fond de celle-ci. Dès lors que le pouvoir d'appréciation du juge des saisies quant à l'existence de la condition de célérité posée à l'article 1413 du Code judiciaire et quant au caractère certain, liquide et exigible de la créance de l'administration fiscale est exclu, qu'en outre, selon l'alinéa 4 de l'article 8.1, § 3, de l'arrêté, les effets de la retenue persistent tant que n'intervient pas un jugement ou un arrêt passé en force de chose jugée, même si l'inexistence de la dette d'impôt est établie, et qu'enfin, il n'est pas imposé au fisc de décerner une contrainte ou de donner mainlevée de la saisie dans un délai raisonnable sous le contrôle du juge des saisies, les personnes visées par la mesure sont atteintes de manière disproportionnée dans leur droit à un contrôle juridictionnel effectif.

L'article 76, § 1er, du Code de la T.V.A., modifié par la loi du 28 décembre 1992, interprété comme autorisant le Roi à prescrire une retenue des crédits d'impôt valant saisie-arrêt conservatoire, la condition requise par l'article 1413 du Code judiciaire étant censée remplie même quand la dette d'impôt ne constitue pas une créance conforme à l'article 1415 de ce Code, viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il aboutit à priver les personnes faisant l'objet d'une retenue de tout contrôle juridictionnel effectif sur la régularité et la validité de la retenue.

B.10. La Cour constate cependant que l'article 76, § 1er, lui-même, en son alinéa 3, se borne à permettre au Roi de prévoir « au profit de l'administration de la T.V.A., de l'enregistrement et des domaines, une retenue valant saisie-arrêt conservatoire au sens de l'article 1445 du Code judiciaire ».

Ce texte peut aussi être interprété comme n'autorisant pas le Roi à déroger à ce point au droit commun en matière de saisie-arrêt conservatoire qu'Il puisse priver les personnes qui font l'objet d'une retenue de tout contrôle juridictionnel effectif quant à la régularité et à la validité de cette retenue. Dans cette interprétation, l'article 76, § 1er, ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

Quant à la première question posée par le juge a quo B.11. En vertu de l'article 26, § 2, alinéa 3, 1° et 2°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, les juridictions ne sont en principe pas tenues de poser une question préjudicielle à la Cour d'arbitrage : « 1° lorsque la Cour a déjà statué sur une question [...] ayant le même objet; » « 2° lorsqu'elle estime que la réponse à la question préjudicielle n'est pas indispensable pour rendre sa décision; » B.12. Etant donné que, par son arrêt n° 78/98, rendu le 7 juillet 1998, dont le juge des saisies ne pouvait avoir connaissance lorsqu'il a interrogé la Cour par son jugement du 26 juin 1998, la Cour a répondu à des questions préjudicielles portant, comme dans la présente affaire, sur les conditions dans lesquelles s'exerce le contrôle juridictionnel dans le régime dérogatoire de la saisie-arrêt autorisé par l'article 76, § 1er, alinéa 3, du Code de la taxe sur la valeur ajoutée, il appartient au juge a quo, à la lecture de la réponse donnée par la Cour aux questions préjudicielles traitées ci-avant, d'apprécier s'il ne se trouve pas, compte tenu des circonstances de l'espèce, dans un cas d'application de l'article 26, § 2, alinéa 3, 1° et 2°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, pour ce qui concerne la première question préjudicielle.

Par ces motifs, la Cour, 1° en ce qui concerne les deuxième, troisième, quatrième et cinquième questions préjudicielles : dit pour droit : L'article 76, § 1er, du Code de la T.V.A., modifié par la loi du 28 décembre 1992, interprété comme autorisant le Roi à prévoir, au profit de l'Administration de la T.V.A., de l'enregistrement et des domaines, une retenue des crédits d'impôt valant saisie-arrêt conservatoire, la condition requise par l'article 1413 du Code judiciaire étant censée remplie même quand la dette fiscale n'a pas les caractères requis par l'article 1415 de ce Code, viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il aboutit à priver les personnes faisant l'objet d'une retenue de tout contrôle juridictionnel effectif sur la régularité et la validité de la retenue.

Interprété comme n'autorisant pas le Roi à priver les personnes qui font l'objet d'une retenue de crédit d'impôt, valant saisie-arrêt conservatoire, de tout contrôle juridictionnel effectif quant à la régularité et à la validité de cette retenue, l'article 76, § 1er, du Code de la T.V.A ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution. 2° en ce qui concerne la première question préjudicielle : renvoie la cause au juge a quo. Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 18 novembre 1998.

Le greffier, L. Potoms.

Le président, M. Melchior.

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