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Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 02 avril 1999

Arrêt n° 135/98 du 16 décembre 1998 Numéros du rôle : 1176 et 1177 En cause : les questions préjudicielles relatives à l'article 17, alinéa 8, du décret de la Région wallonne du 16 décembre 1988 portant création de l'Office régional de l'empl La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et L. De Grève, et des juges H. Boel, (...)

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COUR D'ARBITRAGE


Arrêt n° 135/98 du 16 décembre 1998 Numéros du rôle : 1176 et 1177 En cause : les questions préjudicielles relatives à l'article 17, alinéa 8, du décret de la Région wallonne du 16 décembre 1988 portant création de l'Office régional de l'emploi, posées par le Tribunal du travail de Liège.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et L. De Grève, et des juges H. Boel, L. François, J. Delruelle, R. Henneuse et M. Bossuyt, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles Par jugements du 20 octobre 1997 en cause de, d'une part, P. Robert et, d'autre part, F. Claes contre l'Office national de l'emploi et autres, dont les expéditions sont parvenues au greffe de la Cour le 27 octobre 1997, le Tribunal du travail de Liège a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 17, alinéa 8, du décret du Conseil régional wallon du 16 décembre 1988 portant création de l'Office régional de l'Emploi en ce qu'il dispose que l'administrateur général de l'Office peut déléguer à un ou plusieurs membres du personnel son pouvoir de représenter l'Office devant les juridictions judiciaires et administratives ne méconnait-il pas les articles 440, 703 et 728 du Code judiciaire et partant ne viole-t-il pas les règles de répartition de compétences entre l'Etat, les Communautés et les Régions ? » II. Les faits et les procédures antérieures P. Robert, d'une part, et F. Claes, d'autre part, contestent devant le juge a quo deux décisions prises par le directeur régional du bureau de chômage, respectivement de Liège et de Huy.

Intervenant volontairement, l'Ordre national des avocats conteste la représentation de l'Office communautaire et régional de la formation professionnelle et de l'emploi (Forem) dans ces procédures par un fonctionnaire muni d'une procuration par laquelle l'administrateur général lui délègue le pouvoir de représenter le Forem.

A la demande de l'Ordre national et après avoir conclu qu'il est confronté à deux normes de niveaux identiques émanant de législateurs différents, laquelle situation pose un problème de répartition de compétences, le juge a quo pose les questions préjudicielles précitées.

III. La procédure devant la Cour Par ordonnances du 27 octobre 1997, le président en exercice a désigné les juges des sièges conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

Par ordonnance du 30 octobre 1997, la Cour a joint les affaires.

Les décisions de renvoi ont été notifiées conformément à l'article 77 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 14 novembre 1997; l'ordonnance de jonction a été notifiée par les mêmes lettres.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 29 novembre 1997.

Des mémoires ont été introduits par : - le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 22 décembre 1997; - l'Office communautaire et régional de la formation professionnelle et de l'emploi, boulevard Tirou 104, 6000 Charleroi, par lettre recommandée à la poste le 26 décembre 1997; - le Gouvernement flamand, place des Martyrs 19, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 29 décembre 1997; - l'Ordre national des avocats, avenue de la Toison d'Or 65, 1060 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 31 décembre 1997; - le Gouvernement wallon, rue Mazy 25-27, 5100 Namur, par lettre recommandée à la poste le 31 décembre 1997.

Ces mémoires ont été notifiés conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 25 mars 1998.

Des mémoires en réponse ont été introduits par : - l'Ordre national des avocats, par lettre recommandée à la poste le 23 avril 1998; - le Conseil des ministres, par lettre recommandée à la poste le 24 avril 1998.

Par ordonnances du 25 mars 1998 et du 29 septembre 1998, la Cour a prorogé respectivement jusqu'aux 27 octobre 1998 et 27 avril 1999 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.

Par ordonnance du 21 octobre 1998, la Cour a déclaré les affaires en état et fixé l'audience au 18 novembre 1998 après avoir reformulé la question posée dans chacune des affaires.

Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats par lettres recommandées à la poste le 23 octobre 1998.

A l'audience publique du 18 novembre 1998 : - ont comparu : - Me M. Strongylos loco Me Y. Hannequart et Me I. Marcè, avocats au barreau de Liège, pour l'Ordre national des avocats; - Me G. Liénart, avocat au barreau de Liège, pour l'Office communautaire et régional de la formation professionnelle et de l'emploi; - Me L. De Coninck loco Me M. Uyttendaele et Me R. Witmeur, avocats au barreau de Bruxelles, pour le Gouvernement wallon; - Me P. Van Orshoven, avocat au barreau de Bruxelles, pour le Gouvernement flamand; - Me N. Cahen, avocat au barreau de Bruxelles, pour le Conseil des ministres; - les juges-rapporteurs R. Henneuse et M. Bossuyt ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - les affaires ont été mises en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

IV. En droit - A - Position du Conseil des ministres A.1.1. L'Office régional de l'emploi, créé par le décret du 16 décembre 1988, est un organisme d'intérêt public doté de la personnalité juridique et relevant de la catégorie B au sens de la loi du 16 mars 1954; il constitue donc une personne morale.

A.1.2. Le Code judiciaire régit en ses articles 34, 702 et 703 la situation procédurale des personnes morales.

D'une part, l'article 34 habilite la loi, les statuts ou une délégation régulière à désigner la personne physique qui incarne la personne morale, la remise en ses mains d'un acte de procédure étant réputé valoir signification « à personne », c'est-à-dire à la personne morale elle-même. D'autre part, dans l'hypothèse où la personne morale est l'émissaire, et non le destinataire, d'un acte de procédure, l'article 703 prévoit qu'elle agit à l'intervention de ses organes compétents.

Il s'ensuit que le Code judiciaire ne procède pas lui-même à la désignation des organes compétents mais s'en réfère à ce que d'autres normes prévoient pour les différentes personnes morales. Les organes ainsi désignés ne sont pas les mandataires de la personne morale, mais l'incarnent véritablement, la personne morale étant censée intervenir elle-même.

A.1.3. L'article 728 du Code judiciaire prévoit que les parties comparaissent en personne ou par avocat; par ailleurs, selon la jurisprudence (Cass., 19 mai 1972), la loi détermine quelles sont les personnes physiques qui assurent la comparution personnelle de la personne morale. C'est précisément ce que réalise l'article 17 du décret du 16 décembre 1988 en ce qui concerne l'Office régional de l'emploi, comme le font les diverses lois organiques des personnes morales de droit public.

Il s'ensuit que l'article 17, alinéa 8, du décret précité ne méconnaît nullement les articles 703 et 728 du Code judiciaire, ni les règles répartitrices de compétences.

A.1.4. L'article 17 ne méconnaît pas davantage l'article 440 du Code judiciaire, ces dispositions ayant en réalité une portée différente.

Alors que l'article 17 précise, conformément au Code judiciaire, quel est l'organe compétent pour incarner, devant la justice, l'Office régional de l'emploi, l'article 440 a trait à la comparution, la postulation et la plaidoirie. Il réserve en principe celles-ci aux avocats, sauf lorsque les parties, y compris les personnes morales, choisissent de comparaître en personne; l'article 17 met en oeuvre, précisément, cette seconde hypothèse.

A.2. En son mémoire en réponse, le Conseil des ministres conteste la confusion opérée, par l'Ordre national des avocats, entre les notions de délégation et de mandat. Alors que la délégation opère un transfert total de la compétence déléguée, le délégataire étant, en l'espèce, l'organe de l'Office, par contre le mandataire ne se substitue pas au mandant, se bornant à agir pour le compte et au nom de celui-ci, et dans les limites du mandat donné.

Position de l'Office communautaire et régional de la formation professionnelle et de l'emploi (en abrégé Forem) A.3.1. L'Office régional de l'emploi a été créé par le décret régional wallon du 16 décembre 1988, qui transforme sa dénomination en Office communautaire et régional de la formation professionnelle et de l'emploi lorsque celui-ci est chargé de missions relevant des compétences des Communautés française et germanophone.

A.3.2. A titre principal, le Forem soutient l'absence d'un conflit de compétences.

L'article 17 du décret du 16 décembre 1988 a pour objet de régler le fonctionnement de la gestion journalière de l'Office, compétence que la Région wallonne puise dans l'article 9 de la loi spéciale du 8 août 1980; se rattache au règlement du fonctionnement de l'Office, le fait de doter l'administrateur général, organe statutaire, du pouvoir de le représenter dans les actes judiciaires et extrajudiciaires de même que le fait de lui réserver le droit de déléguer cette mission. Il n'apparaît même pas nécessaire, pour fonder cette compétence, de recourir à l'article 10 de la loi spéciale précitée.

A.3.3. A titre subsidiaire, le Forem souligne que le responsable du bureau de placements de Waremme comparaît, devant le juge a quo, non comme mandataire, mais comme organe du Forem, de telle sorte que, au regard de l'article 728, l'Office doit être réputé comparaître « en personne »; le document dont il est porteur, intitulé « procuration », doit être analysé en réalité, en fait comme en droit, comme une véritable délégation de pouvoir, laquelle devrait être produite en tant que telle devant le juge a quo afin d'éviter toute ambiguïté.

Position du Gouvernement flamand A.4.1. Après avoir relevé la nécessité de reformuler les questions préjudicielles, le Gouvernement flamand analyse les articles 728, 758 et 703 du Code judiciaire, ainsi que la jurisprudence, comme impliquant que, lorsqu'une personne morale entend comparaître « en personne », elle le fait à l'intervention de ses organes compétents, ceux-ci étant déterminés par la loi qui accorde la personnalité juridique à ladite personne morale.

A.4.2. Le Forem est une personne morale créée par une région; le décret du 16 décembre 1988, en particulier son article 17, alinéas 7 et 8, satisfait au principe de légalité prescrit par l'article 9 de la loi spéciale du 8 août 1980, lequel constitue d'ailleurs le fondement du décret sur le plan de la répartition des compétences.

L'organe qui intervient en droit pour le Forem est son administrateur général ou un membre du personnel délégué par lui, comme le prévoyait déjà, à l'époque, l'article 9 de l'arrêté royal du 20 décembre 1963 relatif à l'emploi et au chômage. Le terme de représentation qui est utilisé apparaît toutefois déplacé, en ce que l'organe appelé ainsi à intervenir n'est pas un mandataire de l'Office, mais doit être assimilé à la personne morale elle-même que constitue le Forem.

A.4.3. La comparution en personne du Forem, à l'intervention de son administrateur général ou d'un membre du personnel délégué par lui, loin de porter atteinte aux articles 703 et 728 du Code judiciaire, constitue au contraire une application de ces dispositions. Il n'est pas davantage porté atteinte à l'article 440, alinéa 1er, du Code judiciaire, lequel est étranger à l'hypothèse où une partie au procès agit elle-même, agit « en personne ». Par contre, si le Forem ne devait pas comparaître en personne, il ne pourrait désigner à cette fin d'autre mandataire qu'un avocat, par application du même article 440 précité.

Position du Gouvernement wallon A.5.1. A titre principal, il est soutenu que l'article 17, alinéa 8, du décret précité modalise, en ce qui concerne le Forem, l'article 703 du Code judiciaire, permettant à l'Office de comparaître en personne au sens de l'article 728 du même Code.

Il est relevé en outre que, même en l'absence de la disposition en cause, l'administrateur général aurait pu donner un mandat particulier à un des membres de son personnel pour le représenter à l'occasion d'une procédure particulière. Selon le mémoire, il est en effet « unanimement admis que les organes compétents des personnes morales la [lire : les] représentent en justice et qu'ils peuvent déléguer à un membre de leur personnel la mission de représenter la personne morale dans le cadre d'une procédure ».

Il en est conclu que la disposition en cause ne porte atteinte ni au monopole de plaidoirie ni aux principes régissant la représentation en personne des personnes morales.

A.5.2. A titre subsidiaire, à supposer même - quod non - qu'il soit porté atteinte à la compétence fédérale en matière de représentation des personnes morales, cette atteinte peut être justifiée peut être justifiée par l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980, les conditions d'application de cette disposition étant réunies en l'espèce. La condition de nécessité est établie dès lors que l'administrateur général assume, par ou en vertu du décret, une multitude de tâches et ne peut assurer seul le suivi en justice de toutes les affaires impliquant l'Office, une possibilité de délégation s'imposant dès lors. Par ailleurs, la matière réservée se prête à un règlement différencié et l'impact de la disposition en cause sur celle-ci n'est que marginal.

Position de l'Ordre national des avocats A.6. L'article 17, alinéa 8, du décret du 16 décembre 1988 déroge aux articles 440, 703 et 728 du Code judiciaire et à l'organisation judiciaire, dont il ressort que les personnes morales ne peuvent être représentées que par leurs « organes compétents » ou par un avocat.

Par les termes « organes compétents », il y a lieu d'entendre les « organes sensu stricto et il faut exclure les simples mandataires, les préposés et/ou les fonctionnaires délégués ». Par ailleurs, s'il est prévu une possibilité de dérogation par la loi, cette faculté n'appartient pas au législateur décrétal.

En conséquence, le décret du 16 décembre 1988, en son article 17, alinéas 7 et 8, est entaché d'excès de compétence.

A.7. Dans son mémoire en réponse, l'Ordre national des avocats critique tout d'abord la confusion qui serait opérée, par les autres parties, entre les notions de représentation et de comparution par personne.

Selon le mémoire en réponse, la présence d'un fonctionnaire délégué du Forem devant les juridictions n'est pas une intervention en personne, mais bien une intervention par représentation, ce fonctionnaire intervenant comme mandataire et non comme organe de l'Office. En effet, n'étant pas un organe de la personne morale, il ne peut agir au nom de la personne morale qu'en fonction d'un mandat donné par elle.

Est invoquée en ce sens la jurisprudence de la Cour relative à l'article 39 de la loi du 6 août 1990Documents pertinents retrouvés type loi prom. 06/08/1990 pub. 21/12/2007 numac 2007001031 source service public federal interieur Loi relative aux mutualités et aux unions nationales de mutualités. - Traduction allemande de dispositions modificatives du premier semestre 2007 type loi prom. 06/08/1990 pub. 17/03/2009 numac 2009000060 source service public federal interieur Loi relative aux mutualités et aux unions nationales de mutualités. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer, portant sur la représentation en justice des mutualités et des unions nationales.

Si la délégation de pouvoirs peut avoir pour objet des pouvoirs attribués en propre à l'autorité normalement compétente, elle ne peut cependant être interdite expressément ou implicitement par un texte, ce que fait précisément le Code judiciaire. Par ailleurs, tant les termes employés que les commentaires de certaines parties indiquent que c'est bien d'un pouvoir de représentation de l'Office et non d'une délégation de pouvoirs qu'il est question.

Comme l'a relevé la Cour (C.A., 29 septembre 1993), les articles 440 et 728 du Code judiciaires confèrent aux avocats le droit en principe exclusif de plaider pour autrui; la dérogation à ce monopole, prévue à l'article 728, alinéa 3, est de stricte interprétation, la faculté de déroger appartenant en outre au seul législateur fédéral. L'article 17, alinéas 7 et 8, est en conséquence entaché d'excès de compétence. - B - Les questions préjudicielles et la disposition en cause B.1.1. La Cour a reformulé les questions préjudicielles de la manière suivante : « L'article 17, alinéa 8, du décret de la Région wallonne du 16 décembre 1988 portant création de l'Office régional de l'emploi, en ce qu'il dispose que l'administrateur général peut déléguer à un ou plusieurs membres du personnel son pouvoir de représenter l'Office devant les juridictions judiciaires et administratives, viole-t-il les règles qui déterminent les compétences respectives de l'Etat, des communautés et des régions ? » B.1.2. En ses chapitres II à VI, le décret du 16 décembre 1988 réglemente, notamment, les attributions de l'Office, les organes chargés de sa gestion ainsi que leur rôle respectif, le personnel, le financement et le budget de l'Office. Par ailleurs, le chapitre VII prévoit que l'Office peut être chargé par la Communauté française et/ou la Communauté germanophone de missions relevant de leur compétence, auquel cas il prend la dénomination d'Office communautaire et régional de la formation professionnelle et de l'emploi, en abrégé « Forem ».

B.1.3. L'article 17 fait partie de la section III du chapitre III, consacrée à la gestion journalière de l'Office. Il dispose : « L'administrateur général de l'Office exécute les décisions du Comité de gestion; il donne à ce dernier toutes informations et soumet toutes propositions utiles au fonctionnement de l'Office.

L'administrateur général et son adjoint assistent aux réunions du Comité de gestion avec voie [lire : voix] consultative.

L'administrateur général dirige le personnel et assure, sous l'autorité et le contrôle du Comité de gestion, le fonctionnement de l'Office.

Il exerce les pouvoirs de gestion journalière définis par le règlement d'ordre intérieur.

Le Comité de gestion peut lui déléguer d'autres pouvoirs déterminés.

Pour faciliter l'expédition des affaires, le Comité de gestion peut, dans les limites et conditions qu'il détermine, autoriser l'administrateur général à déléguer une partie des pouvoirs qui lui sont conférés, ainsi que la signature de certaines pièces et correspondances.

Sans préjudice de l'application de l'article 9, et dans les limites de la gestion journalière, l'administrateur général représente l'Office dans les actes judiciaires et extrajudiciaires et agit valablement en son nom et pour son compte, sans avoir à justifier d'une décision du Comité de gestion.

Il peut cependant, avec l'accord du Comité de gestion, déléguer à un ou plusieurs membres du personnel son pouvoir de représenter l'Office devant les juridictions judiciaires et administratives. » Les questions préjudicielles visent uniquement le dernier alinéa de cet article 17.

B.2. Il ressort de la motivation des questions préjudicielles que le problème de fond posé à la Cour réside dans la question de savoir si l'article 17, alinéa 8, du décret du 16 décembre 1988, en prévoyant que l'administrateur général de l'Office peut déléguer à des membres de son personnel son pouvoir de représenter l'Office devant les juridictions, ne porte pas atteinte au monopole de plaidoirie des avocats que consacreraient les articles 440, 703 et 728 du Code judiciaire, et ce faisant ne règle pas une matière relevant de la compétence du seul législateur fédéral.

B.3. L'article 9 de la loi spéciale du 8 août 1980 autorise les communautés et les régions, dans les matières qui relèvent de leurs compétences, à créer notamment des services décentralisés, des établissements ou des entreprises, organismes auxquels le législateur décrétal peut accorder la personnalité juridique.

Conformément à cette disposition, le décret de la Région wallonne du 16 décembre 1988 crée un Office régional de l'emploi, portant en certaines circonstances le nom de Forem en application de l'article 27 dudit décret. Organisme d'intérêt public doté de la personnalité juridique, cet Office constitue une personne morale de droit public, notamment au regard des règles qui régissent sa comparution en justice.

B.4.1. L'article 9, alinéa 2, précité, prévoit également que le législateur décrétal règle, notamment, la composition, la compétence et le fonctionnement des organismes qu'il crée.

En vertu de cette disposition, les chapitres III et VII du décret déterminent les organes de l'Office, leur composition ainsi que leurs attributions. Un comité de gestion est chargé de l'administration de l'Office (articles 4 et 9). Il y a par ailleurs un administrateur général ainsi qu'un administrateur général adjoint, dont l'article 17 précité précise les attributions.

B.4.2. Parmi les attributions ainsi confiées à l'administrateur général, figure à l'alinéa 7 le soin, « dans les limites de la gestion journalière », de représenter « l'Office dans les actes judiciaires et extrajudiciaires ». Ce faisant, le décret entend non pas lui conférer la qualité de mandataire mais le désigner comme étant l'organe qui incarne l'Office et qui assure en particulier la défense de ses intérêts en justice.

En accordant la possibilité de délégation, prévue à l'alinéa 8 de l'article 17, le décret du 16 décembre 1988 règle une modalité du fonctionnement de l'Office, au sens de l'article 9 de la loi spéciale du 8 août 1980.

Il résulte de ce qui précède que l'article 17, alinéa 8, du décret du 16 décembre 1988 trouve appui, sur le plan des règles de compétence, dans l'article 9 de la loi spéciale du 8 août 1980.

B.5.1. Il y a lieu toutefois d'examiner si l'article 17, alinéa 8, du décret du 16 décembre 1988, en autorisant la délégation précitée, ne porte pas atteinte aux règles qui régissent la comparution et la représentation des parties en justice, lesquelles relèvent de la compétence du législateur fédéral, ou ne rend pas impossible ou exagérément difficile l'exercice de cette compétence.

B.5.2. L'article 728, § 1er, du Code judiciaire dispose : « Lors de l'introduction de la cause et ultérieurement, les parties sont tenues de comparaître en personne ou par avocat. » L'article 758, alinéa 1er, du même Code dispose : « Les parties peuvent présenter elles-mêmes leurs conclusions et défenses, à moins que la loi n'en ait disposé autrement. » L'article 440, alinéa 1er, du même Code dispose : « Devant toutes les juridictions, sauf les exceptions prévues par la loi, seuls les avocats ont le droit de plaider. » Il résulte de ces dispositions que les parties ont le choix, soit de comparaître personnellement en justice, soit de se faire représenter par un avocat. Cette alternative concerne tant les parties personnes physiques que les personnes morales, de droit privé comme de droit public. Toutefois, lorsqu'une partie ne comparaît pas en personne, elle est tenue de se faire représenter par un avocat, en raison du droit en principe exclusif de plaider pour autrui que confère aux avocats le Code judiciaire.

B.5.3. S'agissant des personnes morales, l'article 703, alinéa 1er, du Code judiciaire dispose : « Les personnes morales agissent en justice à l'intervention de leurs organes compétents. » L'article 34 du même Code dispose : « La signification à une personne morale est réputée faite à personne lorsque la copie de l'acte est remise à l'organe ou au préposé qui a qualité, en vertu de la loi, des statuts ou par délégation régulière, pour représenter, même avec d'autres, la personne morale en justice. » Il s'ensuit que le Code judiciaire ne précise pas lui-même par quels organes les personnes morales agissent en justice, mais qu'il habilite le législateur compétent à déterminer les personnes physiques qui représentent ces personnes morales et qui, par leur présence devant le juge, permettent la comparution dite personnelle de la personne morale; par ailleurs, le Code judiciaire n'exclut pas que la mission d'assurer une telle comparution fasse l'objet d'une délégation régulière, en particulier en vertu des statuts.

B.6. Comme il a été relevé au B.3, c'est en conformité avec l'article 9 de la loi spéciale du 8 août 1980 que le législateur décrétal a institué l'Office et a précisé, parmi les règles de fonctionnement, que son administrateur général en assumait la représentation en justice. Ce faisant, il ne porte pas atteinte aux dispositions précitées du Code judiciaire et n'empêche pas leur application; il vise au contraire à en assurer la mise en oeuvre à l'égard d'une personne morale relevant de la compétence régionale, en précisant par quel organe elle agit en justice et peut comparaître personnellement.

Il n'apparaît pas davantage que la possibilité de délégation prévue par l'article 17, alinéa 8, du décret du 16 décembre 1988 porte atteinte aux dispositions précitées du Code judiciaire.

B.7. Il résulte de ce qui précède que les questions préjudicielles appellent une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 17, alinéa 8, du décret de la Région wallonne du 16 décembre 1988 portant création de l'Office régional de l'emploi ne viole pas les règles qui déterminent les compétences respectives de l'Etat, des communautés et des régions.

Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 16 décembre 1998.

Le greffier, L. Potoms.

Le président, M. Melchior.

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