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Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 19 juin 1999

Arrêt n° 35/99 du 17 mars 1999 Numéro du rôle : 1342 En cause : la question préjudicielle relative aux articles 418, alinéa 1 er , et 419, 2°, du Code des impôts sur les revenus 1992, posée par la Cour d'appel de Bruxelles. La Cou composée des présidents M. Melchior et L. De Grève, et des juges H. Boel, L. François, P. Martens, (...)

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COUR D'ARBITRAGE


Arrêt n° 35/99 du 17 mars 1999 Numéro du rôle : 1342 En cause : la question préjudicielle relative aux articles 418, alinéa 1er, et 419, 2°, du Code des impôts sur les revenus 1992, posée par la Cour d'appel de Bruxelles.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et L. De Grève, et des juges H. Boel, L. François, P. Martens, J. Delruelle, G. De Baets, E. Cerexhe, H. Coremans, A. Arts, R. Henneuse et M. Bossuyt, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle Par arrêt du 22 mai 1998 en cause de la société coopérative de droit suisse Société suisse d'assurances générales sur la vie humaine contre l'Etat belge, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 28 mai 1998, la Cour d'appel de Bruxelles a posé la question préjudicielle suivante : « Les articles 308, alinéa 1er, du Code des impôts sur les revenus de 1964 et 418, alinéa 1er, du Code des impôts sur les revenus de 1992, d'une part, et les articles 309, 2°, du Code des impôts sur les revenus de 1964 et 419, 2°, du Code des impôts sur les revenus de 1992, d'autre part, font-ils entre les contribuables une distinction contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution en tant qu'il résulte de ces articles qu'une société étrangère ayant un établissement belge n'a pas droit à des intérêts moratoires sur des excédents de précomptes mobiliers qui, à la suite d'une erreur de l'administration, n'ont pas été constatés à l'occasion de l'enrôlement de l'impôt global et qui ne sont donc pas restitués à la société dans le délai normal de deux mois à dater de l'enrôlement de l'impôt, mais plus tard, à la suite d'un recours devant la cour d'appel contre la décision défavorable du directeur régional des contributions, alors que si - toutes choses égales par ailleurs - l'administration commet la même erreur (refus d'imputer les précomptes) après l'enrôlement d'une cotisation initiale correcte ou commet une erreur sur le montant de la base imposable, la société aura droit à des intérêts moratoires sur la restitution des mêmes sommes à la suite du recours ? » II. Les faits et la procédure antérieure La requérante devant la Cour d'appel est une société étrangère ayant un établissement stable en Belgique et soumise pour cette raison à l'impôt des non-résidents (sociétés) sur les bénéfices produits à l'intervention de son établissement belge. Pour les exercices d'imposition 1988, 1989, 1990 et 1991, elle avait déclaré des précomptes mobiliers au titre de revenus définitivement taxés et sujets dès lors à la déduction des revenus imposables.

L'administration refusa de déduire ces précomptes.

Pour l'exercice 1988, l'administration enrôla toutefois l'impôt conformément à la déclaration et ce n'est qu'ultérieurement qu'elle enrôla les précomptes déduits selon elle à tort. Pour les exercices 1989 à 1991, elle notifia son refus avant l'enrôlement de l'impôt, qui fut donc établi sans l'imputation des précomptes.

La société introduisit des réclamations contre ces enrôlements, auxquelles il fut fait droit par deux arrêts de la Cour d'appel de Bruxelles du 19 septembre 1996 : elle annula la cotisation, comportant les précomptes litigieux, relative à l'exercice 1988 et elle dégreva les cotisations relatives aux exercices 1989 à 1991 dans la mesure où elles ne tenaient pas compte de l'obligation d'imputer et de restituer lesdits précomptes. Ces mêmes arrêts ordonnent la réouverture des débats sur la question de la débition éventuelle d'intérêts moratoires.

Par son arrêt du 22 mai 1998, la Cour d'appel, après avoir joint les affaires : - condamne l'administration à payer des intérêts moratoires sur l'impôt enrôlé pour l'exercice 1988, correspondant aux précomptes dont l'imputation fut refusée à tort par l'administration après l'enrôlement de l'impôt lui-même, au motif que, « bien que le montant de cette cotisation corresponde au montant du précompte mobilier, il ne s'agit pas d'une cotisation au précompte mobilier mais [d'] une cotisation à l'impôt des non-résidents sociétés »; - en ce qui concerne les intérêts éventuellement dus sur les précomptes relatifs aux exercices 1989 à 1991, dont l'imputation a été refusée par l'administration avant l'enrôlement de l'impôt, pose la question préjudicielle précitée à la Cour d'arbitrage.

III. La procédure devant la Cour Par ordonnance du 28 mai 1998, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

Par ordonnance du 9 juillet 1998, le président M. Melchior a prorogé jusqu'au 30 septembre 1998 le délai pour introduire un mémoire.

La décision de renvoi a été notifiée conformément à l'article 77 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 10 juillet 1998; l'ordonnance du 9 juillet 1998 a été notifiée par les mêmes lettres.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 14 juillet 1998.

Des mémoires ont été introduits par : - la société coopérative de droit suisse Société suisse d'assurances générales sur la vie humaine, ayant son siège d'exploitation à 1000 Bruxelles, rue de la Loi 82, par lettre recommandée à la poste le 27 août 1998; - le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 28 septembre 1998.

Ces mémoires ont été notifiés conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 6 octobre 1998.

La société coopérative de droit suisse Société suisse d'assurances générales sur la vie humaine a introduit un mémoire en réponse, par lettre recommandée à la poste le 30 octobre 1998.

Par ordonnance du 29 octobre 1998Documents pertinents retrouvés type ordonnance prom. 29/10/1998 pub. 10/12/1998 numac 1998031490 source ministere de la region de bruxelles-capitale Ordonnance modifiant l'ordonnance du 1er juillet 1993 concernant la promotion de l'expansion économique dans la Région de Bruxelles-Capitale type ordonnance prom. 29/10/1998 pub. 23/12/1998 numac 1998031489 source ministere de la region de bruxelles-capitale Ordonnance portant assentiment à l'accord de coopération du 15 mai 1998 modifiant l'accord de coopération du 4 mars 1997 conclu entre l'Etat fédéral et les Régions relatif au programme de transition professionnelle type ordonnance prom. 29/10/1998 pub. 10/12/1998 numac 1998031491 source ministere de la region de bruxelles-capitale Ordonnance portant assentiment à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, faite à Montégo Bay le 10 décembre 1982 et à l'accord relatif à l'application de la partie XI de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982, fait à New York le 28 juillet 1994 type ordonnance prom. 29/10/1998 pub. 09/12/1998 numac 1998031492 source ministere de la region de bruxelles-capitale Ordonnance instaurant un tarif réduit pour les droits de succession en cas de transmission de petites et moyennes entreprises fermer, la Cour a prorogé jusqu'au 28 mai 1999 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.

Par ordonnance du 16 décembre 1998, le président M. Melchior a soumis l'affaire à la Cour réunie en séance plénière.

Par ordonnance du 16 décembre 1998, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 20 janvier 1999.

Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats par lettres recommandées à la poste le 17 décembre 1998.

A l'audience publique du 20 janvier 1999 : - ont comparu : . Me P. Glineur, avocat au barreau de Bruxelles, pour la société coopérative de droit suisse Société suisse d'assurances générales sur la vie humaine; . Me O. Slusny, avocat au barreau de Bruxelles, pour le Conseil des ministres; - les juges-rapporteurs P. Martens et G. De Baets ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - l'affaire a été mise en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

IV. En droit - A - Position de la Société suisse d'assurances générales sur la vie humaine, requérante devant la Cour d'appel A.1. Par exception à l'article 308, alinéa 1er, du Code des impôts sur les revenus 1964 (ci-après : C.I.R. 1964) (article 418, alinéa 1er, du C.I.R. 1992) obligeant l'Etat à allouer des intérêts moratoires en cas de restitution d'impôts, l'article 309, 2°, du C.I.R. 1964 (article 419, 2°, du C.I.R. 1992) dispose qu'aucun intérêt moratoire n'est dû en cas de restitution de précomptes et de versements anticipés.

Cette disposition trouve son origine dans l'article 5 de la loi du 27 juillet 1953 instaurant des mesures en vue d'activer le recouvrement des impôts directs. Il résulte des travaux préparatoires de cette loi que l'octroi d'intérêts moratoires en cas de restitution d'impôts dus à la source se heurterait à des difficultés matérielles considérables et ne présenterait, de surcroît, pas de réelle utilité (Doc. parl., Chambre, 1952-1953, n° 277, p. 10).

A.2.1. La règle légale est raisonnablement justifiée lorsque la restitution de précompte a lieu dans le délai normal de deux mois qui suit l'enrôlement de l'impôt.

A.2.2. Tel n'est pas le cas lorsque, comme en l'espèce, l'administration, au moment de l'enrôlement de l'impôt, considère illégalement qu'elle n'est pas tenue de rembourser un excédent de précompte mobilier. Compte tenu de l'encombrement des directions régionales et des cours d'appel, la reconnaissance du droit du contribuable à la restitution de l'excédent de précompte peut alors prendre plusieurs années.

A.2.3. Aucune des justifications évoquées plus haut ne peut s'appliquer à cette hypothèse. Premièrement, il s'agit ici d'une erreur commise par l'Etat alors que les travaux préparatoires envisagent l'hypothèse d'une erreur du débiteur du revenu.

Deuxièmement, aucune difficulté matérielle ne se heurte à l'octroi d'intérêts moratoires dans ce cas. Enfin, étant donné la durée des procédures de réclamation et d'appel en matière fiscale, cette allocation d'intérêts moratoires n'est pas sans réelle utilité.

A.3. Le projet de loi relative au contentieux en matière fiscale, adopté par la Chambre le 28 avril 1998 (Doc. parl., Chambre, 1997-1998, n° 1341/20, pp. 12 et 13) et actuellement soumis au Sénat, tend à octroyer des intérêts moratoires en cas de remboursement de précompte après le délai normal de deux mois, ce qui constitue une reconnaissance implicite du caractère injustifié de l'application de l'article 309, 2°, du C.I.R. 1964 (article 419, 2°, du C.I.R. 1992) dans des hypothèses telles que celle qui se présente en l'espèce.

A.4. L'exception à la débition d'intérêts moratoires n'est donc pas raisonnablement justifiée lorsque la restitution de l'excédent de précompte n'intervient pas dans un délai normal. Dans cette mesure, il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre le moyen employé et le but visé A.5. L'application de la distinction créée par les articles 308, alinéa 1er, et 309, 2°, du C.I.R. 1964 (articles 418, alinéa 1er, et 419, 2°, du C.I.R. 1992) conduit donc à ce que la même société ait droit ou non à des intérêts moratoires sur le montant des précomptes considérés illégalement par le fisc comme non imputables ni restituables, selon le moment où l'administration commet l'erreur : après l'enrôlement de l'impôt des non-résidents (sociétés) ou antérieurement. Une telle distinction est dénuée de toute justification raisonnable.

En l'espèce, pour l'exercice 1988, la restitution de l'impôt enrôlé, correspondant aux précomptes non imputés, a donné lieu au paiement d'intérêts moratoires; pour les exercices 1989 à 1991, le refus d'imputer les précomptes ayant précédé l'enrôlement de l'impôt, l'administration refuse d'assortir le remboursement de ces précomptes d'un intérêt moratoire.

Position du Conseil des ministres A.6. Après avoir exposé la législation applicable à l'espèce, le Conseil des ministres considère que, lorsque l'administration a refusé irrégulièrement d'imputer des précomptes, elle n'est jamais tenue de payer des intérêts moratoires sur la restitution de ces précomptes, quel que soit le moment où elle décide de refuser cette imputation. En conséquence, que ces précomptes aient été payés par la société contribuable à la suite du refus opposé par le fisc de les imputer sur les revenus imposables avant l'enrôlement de l'impôt ou en exécution d'un enrôlement d'impôt, la restitution doit s'analyser dans tous les cas comme une restitution de précompte ne pouvant pas donner lieu, en vertu de l'article 309, 2°, du C.I.R. 1964 (article 419, 2°, du C.I.R. 1992), à la débition d'intérêts moratoires.

A.7. C'est dès lors à tort que, en l'espèce, le remboursement des sommes payées s'est accompagné d'intérêts moratoires pour l'exercice 1988, s'agissant non pas d'une restitution d'impôts mais d'une restitution de précompte.

Il n'y avait donc pas lieu d'appliquer une solution différente pour l'exercice 1988 par rapport aux autres exercices d'imposition, les sommes restituées constituant des excédents de précompte même si lesdites sommes ont fait l'objet d'une cotisation complémentaire.

A.8. Il en résulte que les articles 308, alinéa 1er, et 309, 2°, du C.I.R. 1964 (articles 418, alinéa 1er, et 419, 2°, du C.I.R. 1992) ne font pas de distinction entre les contribuables suivant que l'administration a immédiatement refusé d'imputer les précomptes ou a opposé ce refus après l'enrôlement d'une cotisation initiale correcte.

La question soumise à la Cour est dès lors sans objet.

Réponse de la Société suisse d'assurances générales sur la vie humaine A.9. La position adoptée par le Conseil des ministres aboutit à faire perdre de vue que la question préjudicielle compare également la situation qui se présente en l'espèce avec une autre hypothèse que celle qui résulte de la situation de fait de l'intéressée, dans laquelle le paiement d'intérêts moratoires est admis en cas d'enrôlement des précomptes et ne l'est pas en cas de refus d'imputer les précomptes lors de l'enrôlement de l'impôt : celle où l'administration commet une erreur sur le montant de la base imposable. Or, le Conseil des ministres reconnaît explicitement dans son mémoire que, dans cette situation-là, une société étrangère a droit à des intérêts moratoires. La question soumise à la Cour n'est dès lors pas sans objet, même si la thèse du Conseil des ministres concernant la première hypothèse s'avérait justifiée.

A.10. Au demeurant, c'est en vain que le Conseil des ministres prétend que des intérêts moratoires n'étaient pas dus dans cette première hypothèse. En effet, la Cour d'appel ayant condamné l'Etat à les payer et celui-ci ne s'étant pas pourvu en cassation contre cette condamnation, l'arrêt de la Cour d'appel a, sur ce point, autorité de la chose jugée. Or, il n'appartient pas à la Cour de censurer une prétendue illégalité dont serait entachée une décision définitive.

A.11. C'est enfin à tort que le Conseil des ministres prétend que la cotisation supplémentaire enrôlée pour l'exercice 1988 ne constituerait pas un impôt au sens de l'article 308, alinéa 1er, du C.I.R. 1964. Cela ressort clairement des mentions figurant sur l'avertissement-extrait de rôle. Ce n'est d'ailleurs pas concevable car, en l'espèce, le seul redevable du précompte mobilier est le débiteur des revenus (article 164 du C.I.R. 1964) et il serait absurde d'imaginer que l'Etat puisse enrôler une seconde fois les mêmes précomptes à charge du bénéficiaire des revenus. - B - B.1.1. Les articles 308, alinéa 1er, et 309, alinéa 1er, du Code des impôts sur les revenus de 1964 (C.I.R. 1964) disposent : 308, alinéa 1er : « En cas de restitution d'impôts, des intérêts moratoires sont alloués [...]. » 309, alinéa 1er : « Aucun intérêt moratoire n'est alloué en cas de restitution : [...] 2° de l'excédent de précomptes [...] visés à l'article 211, § 2, effectuée au profit du contribuable intéressé. » Ces dispositions correspondent, mutatis mutandis, aux articles 418, alinéa 1er, et 419, alinéa 1er, 2°, du Code des impôts sur les revenus de 1992 (C.I.R. 1992).

B.1.2. La question préjudicielle concerne exclusivement des hypothèses dans lesquelles, faisant droit à un recours fondé uniquement sur le Code des impôts sur les revenus, la cour d'appel condamne l'Etat à rembourser au contribuable des sommes qu'il a payées à titre de précompte mobilier. Selon le juge a quo, l'application des dispositions précitées aboutit à la différence de traitement suivante : il n'est pas dû d'intérêts moratoires lorsque l'excédent payé par le contribuable n'est pas constaté lors de l'enrôlement de l'impôt global; des intérêts moratoires sont dus dans deux autres hypothèses : en premier lieu, lorsque la cotisation globale a d'abord été calculée correctement et qu'ultérieurement les excédents de précompte à restituer font l'objet d'un enrôlement séparé de celui de ladite cotisation; en second lieu, lorsqu'il y a eu erreur sur le montant de la base imposable.

B.1.3. Le Conseil des ministres invite la Cour à déclarer la question préjudicielle sans objet. Il estime en effet que, dans tous les cas, visés ci-dessus, de restitution de précompte mobilier consécutive à une erreur de l'administration, aucun intérêt moratoire n'est dû, ces hypothèses devant s'analyser de manière identique en une restitution d'excédent de précompte au sens de l'article 309, alinéa 1er, du C.I.R. 1964 (419, alinéa 1er, 2°, du C.I.R. 1992).

Lorsque, comme en l'espèce, le juge a quo adopte une interprétation de normes qu'il soumet à l'appréciation de la Cour, c'est en principe dans cette interprétation que la Cour exerce son contrôle, particulièrement si, dans la procédure pendante devant lui, il en a déduit des effets de droit devenus définitifs.

B.2. Il existe entre les catégories de contribuables visés une différence objective. Ceux qui bénéficient d'une allocation d'intérêts moratoires ont fait l'objet, lors de l'établissement de la cotisation, d'une erreur portant sur la base imposable ou d'une erreur portant sur l'imputation des précomptes mobiliers, mise en oeuvre sous la forme d'un enrôlement séparé de l'excédent de précompte, postérieurement à l'établissement de la cotisation initiale correcte. Ceux à qui une telle allocation d'intérêts est refusée ont fait l'objet de la même erreur relative à l'imputation des précomptes mobiliers, mais elle a été commise avant l'enrôlement de la cotisation globale, à l'occasion de l'établissement de celle-ci.

B.3.1. Les dispositions en cause trouvent leur origine dans les alinéas 5 et 6 de l'article 74 des lois coordonnées du 15 janvier 1948 relatives à l'impôt sur les revenus, insérés par l'article 5 de la loi du 27 juillet 1953. Après avoir posé le principe du paiement d'intérêts moratoires par l'Etat en cas de restitution d'impôt, ces dispositions prévoyaient une exception, notamment lorsque le remboursement concernait des « impôts dus à la source », qualifiés aujourd'hui de « précomptes ».

L'exposé des motifs de la loi de 1953 indique que « cette disposition, qui remonte à la loi du 28 février 1924, était justifiée par des raisons d'équité » (Doc. parl., Chambre, 1952-1953, n° 277, p. 9) et que, de même que les contribuables négligents doivent payer des intérêts de retard à l'Etat, « par identité de motifs, il n'est que juste d'accorder des intérêts moratoires aux contribuables, chaque fois que l'Etat restitue un impôt payé [...] » (ibid., p. 10).

L'exception, relative notamment à la restitution des impôts dus à la source, correspondant aujourd'hui à l'excédent de précompte, est motivée de la manière suivante dans les travaux préparatoires de cette loi : « [ . ], la restitution peut résulter notamment d'erreurs commises par le débiteur du revenu, responsable du versement de l'impôt au Trésor, mais ne supportant pas lui-même ou n'étant pas censé supporter personnellement cette charge, de l'application de l'article 52 qui prévoit des mesures en vue d'éviter la double taxation des mêmes revenus dans le chef du même redevable, et enfin de la régularisation de la situation fiscale des appointés, salariés, pensionnés, etc., lorsque le montant de l'impôt retenu à la source excède celui des impôts réellement exigibles sur l'ensemble des revenus professionnels du contribuable.

L'allocation d'intérêts moratoires dans les cas précités se heurterait en général à des difficultés matérielles considérables et sans réelle utilité. Elle serait d'ailleurs injustifiée lorsqu'elle est la conséquence d'erreurs dans le versement des impôts dus à la source ou de l'application de l'article 52, puisque, dans le premier cas, il serait pratiquement impossible au débiteur de l'impôt de répartir les intérêts moratoires entre les véritables contribuables, à savoir les bénéficiaires des revenus imposables et, dans la deuxième éventualité, le remboursement est accordé non pas aux véritables bénéficiaires des revenus mais à la société qui n'a pas elle-même supporté ou n'est pas censée avoir supporté la charge de la taxe mobilière. » (ibid., p. 10) B.3.2. Il peut se justifier qu'aucun intérêt ne soit dû sur le remboursement de précomptes lorsque le redevable a payé spontanément plus qu'il ne devait ou lorsqu'il est pratiquement impossible de déterminer la date de prise de cours des intérêts à répartir entre les contribuables en faveur de qui les retenues ont été faites par le redevable des précomptes. Tel est le cas notamment de l'excédent de précomptes professionnels lorsqu'ils n'ont pas fait l'objet d'un enrôlement au nom du redevable.

En revanche, rien ne justifie que des intérêts moratoires soient refusés lorsqu'il s'agit de précomptes mobiliers, que le remboursement tardif de leur excédent est imputable à une erreur de l'administration et que la détermination de la date de prise de cours des intérêts est possible.

Introduire une distinction supplémentaire selon que le précompte a fait l'objet d'un enrôlement, repose sur un critère objectif mais est sans pertinence par rapport au but poursuivi.

B.4. Il résulte de ce qui précède que, s'ils sont interprétés comme privant les contribuables d'intérêts moratoires sur la restitution de précomptes mobiliers lorsque l'imputation de ceux-ci sur l'impôt a été indûment refusée par l'administration, à l'occasion de l'établissement de la cotisation globale, sans qu'il y ait eu enrôlement, les articles 308, alinéa 1er, du C.I.R. 1964 (418, alinéa 1er, du C.I.R. 1992) et 309, alinéa 1er, du C.I.R. 1964 (419, alinéa 1er, 2°, du C.I.R. 1992) sont discriminatoires.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : Interprétés comme signifiant qu'un contribuable n'a pas droit à des intérêts moratoires sur des excédents de précomptes mobiliers qui, à la suite d'une erreur de l'administration, n'ont pas été constatés à l'occasion de l'enrôlement global et qui ne sont pas restitués dans le délai normal de deux mois à dater de l'enrôlement de l'impôt, les articles 308, alinéa 1er, du C.I.R. 1964 (418, alinéa 1er, du C.I.R. 1992) et 309, alinéa 1er, du C.I.R. 1964 (419, alinéa 1er, 2°, du C.I.R. 1992) violent les articles 10 et 11 de la Constitution.

Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 17 mars 1999.

Le greffier, L. Potoms.

Le président, M. Melchior.

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