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Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 11 août 1999

Arrêt n° 90/99 du 15 juillet 1999 Numéro du rôle : 1605 En cause : le recours en annulation de l'article 39, alinéas 3, seconde phrase, à 6, du décret de la Communauté française du 13 juillet 1998 portant organisation de l'enseignement matern La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et L. De Grève, et des juges H. Boel, L(...)

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COUR D'ARBITRAGE


Arrêt n° 90/99 du 15 juillet 1999 Numéro du rôle : 1605 En cause : le recours en annulation de l'article 39, alinéas 3, seconde phrase, à 6, du décret de la Communauté française du 13 juillet 1998 portant organisation de l'enseignement maternel et primaire ordinaire et modifiant la réglementation de l'enseignement, introduit par L. Mann et autres.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et L. De Grève, et des juges H. Boel, L. François, P. Martens, J. Delruelle, G. De Baets, E. Cerexhe, H. Coremans, A. Arts, R. Henneuse et M. Bossuyt, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 29 janvier 1999 et parvenue au greffe le 1er février 1999, L. Mann et C. Mann-Coune, demeurant à 4000 Liège, avenue du Hêtre 9, J. Miklatzki, demeurant à 4000 Liège, rue Saint Séverin 134, P. Bergmann, demeurant à 4040 Herstal, rue Large Voie 226, et A. Roth et C. Vandersmissen, demeurant à 4130 Esneux, rue Bois des Chevreuils 23, ont introduit un recours en annulation de l'article 39, alinéas 3, seconde phrase, à 6, du décret de la Communauté française du 13 juillet 1998 portant organisation de l'enseignement maternel et primaire ordinaire et modifiant la réglementation de l'enseignement (publié au Moniteur belge du 28 août 1998).

La demande de suspension des mêmes dispositions décrétales, introduite par les mêmes requérants, a été rejetée par l'arrêt n° 42/99 du 30 mars 1999, publié au Moniteur belge du 2 juillet 1999.

II. La procédure Par ordonnance du 1er février 1999, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

Le recours a été notifié conformément à l'article 76 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 18 février 1999.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 20 février 1999.

Des mémoires ont été introduits par : - l'a.s.b.l. Association des parents d'élèves de l'école communale n° 8 du Bois de la Cambre, dont le siège social est établi à 1050 Bruxelles, avenue du Bois de la Cambre 175, par lettre recommandée à la poste le 1er mars 1999; - S. Di Trapani et D. Di Trapani-Greco, demeurant ensemble à 7160 Chapelle-lez-Herlaimont, rue Joseph Wauters 71, par lettre recommandée à la poste le 22 mars 1999; - le Gouvernement de la Communauté française, place Surlet de Chokier 15-17, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 2 avril 1999.

Par ordonnance du 7 avril 1999, le président en exercice a abrégé le délai pour introduire un mémoire en réponse à vingt et un jours.

Les mémoires ont été notifiés conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 7 avril 1999; l'ordonnance du 7 avril 1999 a été notifiée par les mêmes lettres.

Des mémoires en réponse ont été introduits par : - le Gouvernement de la Communauté française, par lettre recommandée à la poste le 28 avril 1999; - les parties requérantes et intervenantes, par lettre recommandée à la poste le 29 avril 1999.

Par ordonnance du 12 mai 1999, le président M. Melchior a soumis l'affaire à la Cour réunie en séance plénière.

Par ordonnance du 12 mai 1999, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 9 juin 1999.

Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats par lettres recommandées à la poste le 12 mai 1999.

A l'audience publique du 9 juin 1999 : - ont comparu : . Me P. Pichault et Me M.-A. Lucas, avocats au barreau de Liège, pour les parties requérantes et intervenantes; . Me M. Kestemont-Soumeryn, avocat au barreau de Bruxelles, pour le Gouvernement de la Communauté française; - les juges-rapporteurs E. Cerexhe et H. Boel ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - l'affaire a été mise en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

III. En droit - A - Quant à la recevabilité Quant à l'intérêt des parties requérantes A.1.1. La disposition attaquée du décret a pour objet l'organisation des cours de morale et de religion dans les écoles primaires organisées ou subventionnées par la Communauté française. Les requérants sont tous parents d'élèves inscrits dans différentes écoles primaires subventionnées de la ville de Liège où ces élèves suivent les cours de religion israélite. Ils attaquent en particulier les alinéas de l'article 39 du décret du 13 juillet 1998 relatifs aux modalités d'organisation et à l'encadrement des cours les moins suivis, qu'ils comparent aux modalités prévues pour l'organisation des cours les plus suivis. Dans les écoles où les enfants des requérants suivent le cours de religion israélite, celui-ci est organisé par degré, conformément à l'alinéa 4 de l'article 39 attaqué du décret. Il en résulte une série de perturbations dans l'horaire de leurs enfants voire même, pour certains d'entre eux, l'impossibilité de suivre certains cours et ce, contrairement à l'article 39, alinéa 6, lui aussi attaqué du décret, qui prévoit que les enfants inscrits dans les cours de religion minoritaires ne peuvent les suivre qu'aux heures où se font pour les autres élèves "les travaux dirigés" et donc perdre le bénéfice de ces travaux dirigés.

Les requérants invoquent aussi l'intérêt à agir au nom de leurs enfants contre une disposition décrétale qui empêche leurs enfants inscrits dans un cours de religion minoritaire de suivre le cours de religion israélite dans les mêmes conditions pédagogiques, psychologiques et morales que les élèves inscrits dans les cours les plus suivis de morale non confessionnelle ou de religion.

A.1.2. Le Gouvernement de la Communauté française, qui ne conteste pas le droit des parents d'agir pour les enfants mineurs, relève qu'en l'espèce les conditions que doit revêtir l'intérêt à agir dans le chef de chacun des requérants ne sont pas réunies. En ce qui concerne A. Mann, D. Roth et D. Roth, la situation décrite ne découle pas directement de la norme attaquée mais d'une application irrégulière par les écoles de celle-ci. En ce qui concerne B. Miklatzki, A. et Y. Bergmann, il n'apparaît pas dans les développements des requérants en quoi l'application de la norme attaquée leur causerait grief.

A.1.3. Les parties requérantes réfutent les prémisses du raisonnement du Gouvernement de la Communauté française et persistent à démontrer leur intérêt à agir en affirmant que les inégalités de traitement que leurs enfants subissent selon elles, dans le cadre de l'enseignement des cours de religion israélite, sont le résultat direct ou indirect de l'article 39 attaqué du décret de la Communauté française. En outre, même si l'article attaqué du décret relatif aux travaux dirigés devait être interprété comme le fait le Gouvernement de la Communauté française dans son mémoire, cette question est liée au fond et ne pourrait, partant, faire l'objet d'un rejet du recours pour irrecevabilité.

Quant à la recevabilité des interventions A.2.1. L'Association des parents d'élèves de l'école communale n° 8 du Bois de la Cambre s'est constituée comme partie intervenante en déposant, le jour de l'audience où la Cour connaissait de la demande de suspension de l'article 39 attaqué du décret de la Communauté française, un « mémoire d'observations », précisant qu'il était déposé en application de l'article 87, § 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989.

L'association des parents de l'école précitée justifie son intérêt à intervenir dans la présente affaire dans la mesure où les arrêts prononcés par la Cour pourraient affecter directement sa situation. En effet, l'association des parents de l'école communale n° 8 du Bois de la Cambre a engagé une série d'actions contre une série de mesures d'application de l'article 39, alinéas 3, seconde phrase, à 6, du décret du 13 juillet 1998.

A.2.2. Le Gouvernement de la Communauté française conteste la recevabilité de l'intervention de l'association des parents d'élèves de l'école communale n° 8 du Bois de la Cambre pour plusieurs motifs.

D'abord, la décision de l'association sans but lucratif d'intervenir au recours a été prise lors d'une réunion extraordinaire du 10 février 1999 par un comité de parents composé d'administrateurs dont la nomination n'a jamais été publiée aux annexes du Moniteur belge. Il en est de même pour la décision de ratification du 16 mars 1999. La liste des membres de l'association susdite n'ayant pas non plus été déposée au greffe du tribunal, la personnalité juridique de cette association est inopposable aux tiers. L'association en cause n'a donc pas la capacité juridique d'agir en justice.

Ensuite, selon son objet social, l'association en cause n'a pas davantage la capacité d'intervenir pour invoquer une discrimination causée aux élèves. En effet, elle n'a pour mission, d'une part, que d'appuyer les directions, les enseignants et le pouvoir organisateur par des actions contribuant à améliorer les conditions d'exercice de leur rôle et de leurs fonctions, et, d'autre part, de « représenter » seulement les parents et de devenir l'interlocuteur de l'établissement d'enseignement, du pouvoir organisateur ou des organismes communaux, régionaux ou nationaux.

En outre, l'association n'a pas d'intérêt direct à l'introduction de son intervention, puisque les dispositions attaquées ne sont pas de nature à lui causer directement grief.

Si les statuts actuels comportent, dans la définition de l'objet social, la mission pour l'association « d'assurer la défense des intérêts de tous les élèves de l'école et de faire valoir les considérations pédagogiques et familiales là où d'autres considérations pourraient prédominer », il est indéniable que ces statuts ne sont pas publiés aux annexes du Moniteur belge et, en tout cas, qu'ils ne l'étaient pas au moment où le conseil d'administration de l'association a pris sa première décision d'introduire le recours, le 10 février 1999, ainsi que sa deuxième décision de « ratification » du 16 mars 1999.

Il résulte donc de ce qui précède que lorsque ses organes ont décidé d'intervenir, l'association n'avait, au regard de son objet social, ni la capacité de le faire ni l'intérêt direct requis.

A.3.1. S. et D. Di Trapani-Greco ont introduit un mémoire en intervention au nom de leur fils qui est élève en deuxième année primaire à l'école communale de Chapelle-lez-Herlaimont où il suit un cours de religion protestante avec une élève de première année, soit du même degré que lui. Ils invoquent leur intérêt à agir en relevant que leur fils est extrait, pour suivre ce cours de religion, de son groupe classe pendant qu'un enseignement substantiel et des leçons nouvelles sont donnés en français et en calcul aux élèves des cours majoritaires et qu'aucune mesure n'a été prise par l'école pour qu'il puisse rattraper l'enseignement perdu, leur fils étant simplement joint à une classe de troisième primaire.

A.3.2. Le Gouvernement de la Communauté française conteste la recevabilité à agir des parties intervenantes précitées dans la mesure où les griefs qu'elles invoquent ne pourraient résulter que d'une mauvaise application par l'école du décret et non du décret lui-même.

A.3.3. Les parties intervenantes réfutent la prémisse du Gouvernement de la Communauté française et ajoutent que, même à la supposer correcte, elle porte sur un point d'interprétation du décret et doit donc être jointe à l'examen du fond du dossier.

Quant au fond A.4.1. Un moyen unique est pris, tiré de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution lus en combinaison avec les articles 19 et 24 de la Constitution, ainsi que, d'une part, de l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme et de l'article 2 de son Premier Protocole additionnel, et, d'autre part, de l'article 18, paragraphe 4, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et de l'article 13, paragraphe 3, du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

A.4.2. Les parties requérantes estiment que l'article 39, alinéas 3, deuxième phrase, à 6, du décret de la Communauté française du 13 juillet 1998 viole de deux manières le principe d'égalité de traitement et de non-discrimination dans la liberté des cultes et dans les droits à l'enseignement et à l'instruction.

A.4.3. Tout d'abord, il y a discrimination entre élèves inscrits à un cours de religion minoritaire et ceux inscrits aux cours majoritaires, en ce que les premiers reçoivent l'enseignement de leur religion dans des conditions moins favorables que celles dans lesquelles leurs condisciples reçoivent l'enseignement de la religion catholique ou de la morale non confessionnelle, des enfants d'âges différents étant regroupés dans le premier cas tandis qu'il existe un groupe par année dans le second. Ensuite, certains élèves reçoivent l'enseignement de certaines des autres matières prévues au programme dans des conditions moins favorables que les élèves inscrits au cours de religion catholique ou de morale non confessionnelle, puisqu'ils perdent le bénéfice des travaux dirigés visés à l'article 39, alinéa 6, du décret.

Les droits au libre choix entre l'enseignement d'une des religions reconnues et celui de la morale non confessionnelle, à l'enseignement ou à l'instruction dans le respect de la liberté des cultes et à un enseignement moral ou religieux à charge de la Communauté française sont également violés en raison de la gravité de la discrimination ci-dessus dénoncée, qui porte atteinte à la substance même de ces droits.

Or, selon les parties requérantes, rien ne justifie pareilles discriminations. En effet, des situations comparables - il n'existe aucune différence intrinsèque entre un cours de morale ou de religion majoritaire ou minoritaire - sont traitées de manière différente du point de vue de l'organisation des cours (par année ou par degré), entraînant une différence de traitement dans l'enseignement des cours philosophiques (classes d'âge homogènes ou hétérogènes) et des autres matières prévues au programme (bénéfice ou non des travaux dirigés).

S'il est vrai que le décret s'appuie sur un critère de distinction objectif, à savoir le dépassement ou non d'un minimum de cinq élèves inscrits à un cours, et que le but poursuivi par le décret, à savoir de réaliser des économies budgétaires est, lui aussi, légitime, la façon dont ce but est poursuivi est illégitime en ce qu'elle aboutit à réduire le nombre de situations dites « de préceptorat », où des cours de religions minoritaires étaient dispensés pour un seul élève, et jugées « indécentes » dans les travaux préparatoires du décret. Les parties requérantes estiment ne pas voir ce qui autorise le Gouvernement de la Communauté française à interpréter restrictivement l'article 24, § 1er, alinéa 4, de la Constitution, c'est-à-dire comme n'imposant qu'au niveau de l'implantation, et non au niveau des années d'études, l'organisation d'un cours de religion sans considération du nombre d'élèves inscrits à ce cours.

Les parties requérantes estiment ensuite que les principes en cause, en l'espèce les droits et libertés auxquels les dispositions attaquées portent atteinte, sont la liberté des cultes, le droit à l'enseignement et la liberté de choix entre l'enseignement d'une des religions reconnues et de la morale non confessionnelle, c'est-à-dire autant de droits fondamentaux. Ceci doit à tout le moins avoir pour conséquence que la Cour fasse preuve d'une particulière sévérité dans l'examen de proportionnalité des dispositions attaquées.

Si les requérants ne contestent pas que les dispositions litigieuses sont adéquates pour réaliser leurs objectifs et que les objectifs d'économie et de rétablissement de la « décence » poursuivis par le législateur décrétal impliquent nécessairement le regroupement des classes d'âges pour les cours minoritaires, la réalisation de ces objectifs n'implique pas nécessairement que les élèves inscrits aux cours minoritaires soient extraits de leur groupe classe pour suivre leur cours de religion, avec pour conséquence la perturbation de leur programme de cours.

Par ailleurs, le décret n'adopte aucune mesure qui garantisse une organisation optimale des horaires des différentes classes, pour éviter autant que faire se peut un préjudice pédagogique aux élèves des cours minoritaires. Le décret ne prévoit non plus aucune coordination entre les différentes écoles de la Communauté ou subsidiées par elle dans l'établissement des horaires des cours de religion minoritaires.

Enfin, le décret aurait dû prévoir lui-même l'organisation de cours « de remise en ordre » au bénéfice des élèves devant être extraits de leur classe pour suivre les cours minoritaires, au moment des cours de religion catholique ou de morale de leurs condisciples.

A.4.4. La seconde discrimination dénoncée par les parties requérantes consiste en une différence de traitement injustifiée entre élèves inscrits à un cours de religion minoritaire. En effet, certains parmi eux doivent être extraits de leur groupe classe pour pouvoir suivre ce cours, ainsi qu'au moment où leurs condisciples suivent leur cours de religion catholique ou de morale non confessionnelle, tandis que ce n'est pas le cas pour d'autres, ou seulement dans une moindre mesure.

La discrimination dénoncée est manifestement inconstitutionnelle. En effet, - les situations des deux catégories d'élèves sont exactement semblables; - la différence de traitement est évidente et semblable à celle qui existe entre élèves des cours minoritaires et majoritaires; - elle ne repose pas sur un critère objectif mais bien, soit sur les hasards de la concordance des horaires, soit sur une organisation de ceux-ci par la direction des écoles de manière à éviter un préjudice pédagogique à certaines classes d'âge lorsque cela se révèle possible, le choix des bénéficiaires se faisant alors de manière plus ou moins arbitraire; - il n'existe aucun objectif d'intérêt général qui justifie une telle différence de traitement, si ce n'est, indirectement, les objectifs poursuivis par la première différence de traitement dénoncée; - les droits et libertés affectés par cette discrimination sont les mêmes droits fondamentaux que ceux affectés par la première; - il n'existe aucun rapport de proportionnalité entre les atteintes ainsi portées aux droits de certains des élèves des cours minoritaires et les objectifs poursuivis par le décret.

A.5.1. Le Gouvernement de la Communauté française, après avoir rappelé la jurisprudence de la Cour relative au contrôle du respect des articles 10, 11 et 24 de la Constitution en matière d'égalité, considère qu'en l'espèce, ces articles ont été respectés.

A.5.2. En l'espèce, effectivement, il n'y a pas de discrimination entre élèves des cours minoritaires et élèves des cours majoritaires.

L'article 39 réorganise en effet pour tous les cours philosophiques la constitution de groupes d'élèves en adoptant le principe que, pour tous les cours, les groupes sont constitués au prorata du nombre d'élèves inscrits dans une implantation.

Après avoir rappelé les modalités de constitution des groupes telles qu'elles sont établies par l'alinéa 2 de l'article 39 qui n'est pas attaqué, le Gouvernement de la Communauté française tient à relever que, dans le cas d'espèce, tous les enfants des requérants sont inscrits dans des groupes organisés par degré et qu'ils peuvent ou pourraient bénéficier des travaux dirigés de leur groupe classe dont ils sont extraits sans en subir aucun préjudice.

La justification de la différence de traitement est de permettre de réaliser des économies budgétaires. Non seulement cet objectif n'est pas déraisonnable, mais en outre il est appliqué selon un strict principe de proportionnalité puisque le regroupement se fait selon les mêmes critères pour tous les cours philosophiques.

Quant à l'extraction du groupe classe, le Gouvernement de la Communauté française tient à souligner que le dernier alinéa de l'article 39 - introduit par un amendement constitue une garantie pour les élèves des cours minoritaires puisqu'il empêche que les élèves des cours minoritaires soient extraits de leur groupe pendant d'autres heures de cours que celles où se font les travaux dirigés, lesquels doivent, aux termes du décret, leur être dispensés à un autre moment.

A.5.3. Le Gouvernement de la Communauté française soutient ensuite qu'il n'y a pas davantage de discrimination entre élèves des cours minoritaires. Non seulement l'alinéa 6 de l'article 39 est une garantie mais en outre tous les élèves des cours minoritaires sont traités de la même façon par le décret.

A.6.1. Les parties requérantes persistent à soutenir dans leur mémoire en réponse que le regroupement par degré est préjudiciable pour leurs enfants en raison des différences considérables entre enfants d'âges différents. Elles refusent aussi que l'on puisse invoquer l'argument du principe général du mode de regroupement institué par le décret, estimant que l'on ne peut comparer la situation des écoles rurales avec celle des écoles urbaines. Elles estiment enfin que l'économie budgétaire réalisée est dérisoire et non pas substantielle comme l'estime, à tort, le Gouvernement de la Communauté française.

A.6.2. En ce qui concerne l'extraction du groupe classe, les parties requérantes soutiennent que ce n'est pas de l'alinéa 6 de l'article 39 que résulte le retrait des élèves des cours minoritaires de leur groupe classe, mais bien de la seconde phrase de son alinéa 3 qui rompt le parallélisme qui existait jusque-là dans l'organisation des cours philosophiques, et qui, comme les requérants l'ont indiqué dans leur recours, constitue la principale décision litigieuse. En second lieu, même s'il est vrai que l'alinéa 6 de l'article 39 a pour objet de limiter le préjudice pédagogique susceptible de résulter pour les élèves des cours minoritaires de la « soustraction » de leur groupe classe, il faut encore se poser la question de savoir si les mesures d'accompagnement prévues par cette disposition sont suffisantes pour que l'on puisse considérer la différence de traitement litigieuse comme proportionnée à ses objectifs.

Tel n'est pas le cas en l'espèce, pour les motifs indiqués par les requérants dans leur recours du 29 janvier 1999, et auxquels la Communauté française n'a pas répondu.

Pour rappel, l'exigence posée par l'article 39, alinéa 6, est double.

D'une part, il ne peut y avoir retrait d'un élève de son groupe classe qu'au moment des travaux dirigés et, d'autre part, ceux-ci ne peuvent comprendre aucune acquisition nouvelle dans les savoirs et compétences visés à l'article 16, § 3, du décret du 24 juillet 1997.

Or, d'une part, les travaux dirigés sont, tout autant que les cours généraux, de nature à conférer aux élèves des savoirs et des compétences (article 8 du décret du 24 juillet 1997).

D'autre part, il est illusoire de considérer que cela puisse ne pas être le cas si les travaux dirigés consistent uniquement en des révisions ou exercices d'application de matières déjà enseignées, une véritable assimilation d'une matière supposant précisément des révisions et exercices d'application, ce qui vient d'être dit étant tout à fait évident dans de nombreux domaines comme le calcul, la lecture, l'écriture.

Enfin, on ne saurait objecter que l'annulation de l'alinéa 6 de l'article 39 conduirait à priver les requérants d'une protection qui n'existait pas antérieurement. En effet, antérieurement, cette protection n'avait aucun lieu d'être, puisque les cours minoritaires étaient soit organisés simultanément avec les cours majoritaires, soit dispensés en dehors de l'horaire hebdomadaire, les enfants suivant ces cours n'étant pas susceptibles d'être extraits de leur classe pour suivre leur cours de religion.

A.6.3. En ce qui concerne l'obligation de rattrapage des travaux dirigés qui serait imposée par le décret, les parties requérantes soutiennent que l'interprétation salvatrice du décret suggérée par le Gouvernement de la Communauté française est impossible compte tenu du silence du texte du décret et de ses travaux préparatoires. Pareille interprétation par la Cour serait donc non pas conciliante mais constructive, ce que la Cour s'est toujours refusé à faire.

Les parties requérantes soutiennent ensuite longuement que, dans l'application à leurs enfants qui a été faite de l'article 39, alinéa 6, du décret, on n'a en tout cas pas suivi cette interprétation. Et de citer en outre les cas d'application relevés par les parties intervenantes.

A.6.4. En ce qui concerne la discrimination entre les élèves des cours minoritaires, les parties requérantes s'en réfèrent à leur requête et aux éléments de réfutation apportés dans leur mémoire en réponse sur l'exposé de la première discrimination invoquée.

A.7. Sur le fond du litige, l'Association des parents d'élèves de l'école communale n° 8 du Bois de la Cambre produit des pièces d'où il ressort, selon elle, que, même alors que les établissements scolaires se conforment aux dispositions de l'alinéa 6 de l'article 39 du décret, un préjudice irréparable existe dans le chef des élèves des cours philosophiques minoritaires. Cette situation s'aggrave encore lorsqu'on sait, poursuit la partie intervenante, que l'Inspection générale de la Communauté française a imposé à l'école du Bois de la Cambre d'organiser des cours de rattrapage des exercices d'application dont les élèves des cours minoritaires perdent le bénéfice.

A.8. Sur le fond du litige, les intervenants Di Trapani-Greco s'en réfèrent à la requête. - B - La disposition en cause B.1. L'article 39 du décret de la Communauté française du 13 juillet 1998 portant organisation de l'enseignement maternel et primaire ordinaire et modifiant la réglementation de l'enseignement, dont les alinéas 3, 2e phrase, à 6 sont attaqués, dispose : « Dans chaque implantation, isolée ou non, un cours de morale ou de religion est organisé dès qu'un élève est inscrit dans un de ces cours, conformément à l'article 8 de la loi du 29 mai 1959 modifiant certaines dispositions de la législation de l'enseignement. Le cas échéant, le cours est créé ou supprimé dans le courant de l'année scolaire.

Le nombre de groupes, applicable du 1er octobre au 30 septembre suivant est fixé, pour le cours le plus suivi, conformément au tableau ci-après, qui prend en compte l'ensemble des élèves de l'implantation inscrits dans ce cours le 1er octobre de l'année scolaire en cours : Pour la consultation du tableau, voir image Les cours les moins suivis comptent le même nombre de groupes que le cours le plus suivi, sans pouvoir excéder un groupe par année, sauf lorsque l'application du tableau de l'alinéa 2 fournit un résultat plus favorable. En outre, chaque groupe d'élèves ne peut comporter moins de 5 élèves, sauf s'il y a effectivement moins de 5 élèves qui suivent le cours. Toutefois, lorsque l'implantation compte des élèves répartis, d'une part, en première et deuxième primaires, d'autre part, en troisième, quatrième, cinquième et sixième primaires, deux groupes peuvent être organisés dans les cours les moins suivis s'il y a au moins deux groupes dans le cours le plus suivi.

Le cours moins suivi est organisé par degré lorsque le cours le plus suivi compte effectivement au moins un groupe par degré.

Un groupe comprend deux périodes de cours. Ces deux périodes peuvent être groupées.

Lorsqu'un élève est amené à suivre un cours de morale ou de religion moins suivi qui n'est pas donné simultanément avec le cours le plus suivi, il ne peut être soustrait de son groupe classe qu'au moment des travaux dirigés visés à l'article 2, 22° [lire : 25°], et ceux-ci ne peuvent comprendre aucune acquisition nouvelle dans les savoirs et compétences visés à l'article 16, § 3, du décret du 24 juillet 1997 précité. » Quant à la recevabilité Quant à l'intérêt des parties requérantes B.2.1. L'article 39 du décret dont les alinéas 3, deuxième phrase, à 6, sont attaqués a pour objet l'organisation des cours de morale et de religion dans l'enseignement primaire officiel en Communauté française. Les parties requérantes sont toutes parents d'élèves inscrits dans différentes écoles primaires communales en Communauté française où ces enfants suivent un des cours de religion les moins suivis.

Les parties requérantes sont susceptibles d'être affectées directement et défavorablement par les dispositions précitées du décret qui sont relatives aux modalités d'organisation et à l'encadrement des cours de religion ou de morale les moins suivis, parmi lesquels le cours de religion suivi par leurs enfants.

B.2.2. Le recours est recevable.

Quant à la capacité et à l'intérêt de l'a.s.b.l. Association des parents d'élèves de l'école communale n° 8 du Bois de la Cambre B.3.1. Le Gouvernement de la Communauté française conteste la capacité d'intervenir de l'Association des parents d'élèves de l'école communale n° 8 du Bois de la Cambre ainsi que son intérêt à agir.

B.3.2. Le Gouvernement de la Communauté française considère en effet que la nomination des administrateurs et la modification des statuts de l'association sans but lucratif précitée intervenue le 10 février 1999 lui seraient inopposables à défaut d'une publication aux annexes du Moniteur belge, de même que lui serait inopposable la liste actuelle des membres de ladite association, à défaut d'avoir été déposée au greffe du Tribunal.

L'a.s.b.l. Association des parents d'élèves de l'école communale n° 8 du Bois de la Cambre a, avant la clôture des débats, fait parvenir à la Cour copie de la lettre recommandée demandant au Moniteur belge de faire les publications requises et a fourni la preuve du dépôt de la liste de ses membres au greffe du Tribunal de première instance de Bruxelles.

B.3.3. Lorsqu'une association sans but lucratif se prévaut d'un intérêt collectif, il est requis que son objet social soit d'une nature particulière et, dès lors, distinct de l'intérêt général; que cet intérêt ne soit pas limité aux intérêts individuels des membres; que la norme entreprise soit susceptible d'affecter l'objet social; que celui-ci soit réellement poursuivi, ce qui doit ressortir d'activités concrètes et durables de l'association.

B.3.4. Aux termes de ses statuts, l'association sans but lucratif intervenante a notamment pour objet d'« assurer la défense des intérêts de tous les élèves de l'école et de faire valoir les considérations pédagogiques et familiales là où d'autres considérations pourraient prédominer ». L'Association des parents d'élèves démontre que, en conformité avec son objet social, elle a pris des initiatives concrètes concernant l'application dans l'école des dispositions qu'elle attaque. L'Association justifie ainsi d'un intérêt à intervenir dans la procédure tendant à l'annulation d'une disposition décrétale qu'elle prétend être à la source des discriminations contre lesquelles elle entend lutter.

B.3.5. L'intervention de l'Association des parents d'élèves de l'école communale n° 8 du Bois de la Cambre est recevable.

Quant à l'intérêt des autres parties intervenantes B.4.1. La Communauté française conteste l'intérêt des autres parties intervenantes.

B.4.2. Les autres parties intervenantes sont parents d'élèves inscrits dans une école primaire subventionnée par la Communauté française.

Elles sont susceptibles d'être directement et défavorablement affectées par les alinéas attaqués de l'article 39 du décret de la Communauté française du 13 juillet 1998 qui sont relatifs aux modalités d'organisation et à l'encadrement des cours de religion et de morale les moins suivis, parmi lesquels le cours de religion suivi par leurs enfants. Elles ont donc intérêt à intervenir dans le cadre du recours en annulation examiné en l'espèce.

B.4.3. L'intervention est recevable.

Quant au fond B.5.1. Les requérants prennent un moyen unique de la violation de leur droit à l'égalité et du principe de non-discrimination garantis par les articles 10 et 11 de la Constitution, d'une part, dans l'exercice de la liberté de culte consacrée par l'article 19 de la Constitution et l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme et, d'autre part, dans l'exercice du droit à l'enseignement garanti par l'article 24 de la Constitution combiné lui aussi avec l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme.

B.5.2. Les requérants soutiennent que leurs enfants sont victimes d'une première discrimination résultant d'une différence de traitement entre les élèves qui sont inscrits à un des cours de religion ou de morale les moins suivis et les élèves inscrits au cours le plus suivi en ce que les premiers recevraient l'enseignement de leur religion dans des conditions moins favorables que celles dans lesquelles leurs condisciples reçoivent l'enseignement du cours le plus suivi, des enfants d'âges différents étant regroupés dans le premier cas, tandis qu'il existe un groupe par année dans le second cas. Ils ajoutent que les élèves inscrits à un des cours de religion ou de morale les moins suivis recevraient l'enseignement de certaines autres matières prévues au programme dans des conditions moins favorables que les élèves inscrits au cours le plus suivi puisqu'ils perdraient le bénéfice des travaux dirigés visés à l'article 39, alinéa 6, du décret. Ils estiment enfin que la gravité de cette première discrimination est telle qu'elle porterait atteinte à la substance même des deux droits fondamentaux garantis par les articles 19 et 24 de la Constitution.

B.5.3. Les requérants soutiennent encore qu'ils sont victimes d'une seconde discrimination qui consisterait en une différence de traitement injustifiée entre élèves inscrits à un des cours de religion ou de morale les moins suivis, certains de ceux-ci devant être soustraits d'un groupe classe pour pouvoir suivre ce cours, alors que ce ne serait pas le cas ou que ce le serait dans une moindre mesure pour certains autres élèves.

Quant à la discrimination alléguée entre élèves des cours les moins suivis et élèves du cours le plus suivi B.6.1. Aux termes de l'article 24, § 3, alinéa 2, de la Constitution, « tous les élèves soumis à l'obligation scolaire ont droit, à charge de la communauté, à une éducation morale ou religieuse ». L'article 24, § 1er, alinéa 4, précise que « les écoles organisées par les pouvoirs publics offrent, jusqu'à la fin de l'obligation scolaire, le choix entre l'enseignement d'une des religions reconnues et celui de la morale non confessionnelle ».

En imposant aux pouvoirs publics, qui organisent des écoles, d'offrir le choix entre l'enseignement d'une des religions reconnues et celui de la morale non confessionnelle, le Constituant a défini un droit fondamental. A propos de cet enseignement doit être garantie, en raison de la nature des principes en cause, une égale liberté, non une liberté plus ou moins étendue suivant le nombre des élèves.

B.6.2. Il ressort des travaux préparatoires du décret attaqué que le législateur décrétal a entendu étendre aux cours de religion et de morale la « gestion prudente et rigoureuse » qui aurait déjà permis de réaliser des économies dans l'organisation des autres cours, mettre fin au « régime extraordinairement préférentiel » dont bénéficiaient les cours les moins suivis et supprimer des difficultés d'organisation (Conseil de la Communauté française, C.R.I. 1997-1998, n° 15, pp. 40, 41, 85, 86).

Si de tels objectifs sont légitimes, ils ne peuvent aller à l'encontre des principes consacrés par l'article 24 de la Constitution. Toute mesure qui serait de nature à empêcher, à entraver ou à pénaliser le choix offert par l'article 24, § 1er, alinéa 4, fût-elle économiquement justifiée, violerait cette disposition.

B.6.3. Le décret attaqué impose l'organisation d'un cours de religion ou de morale dès qu'un élève, serait-il unique, y est inscrit. Les principes consacrés par les articles 10, 11 et 24 de la Constitution sont respectés : l'existence d'un cours de religion ou de morale ne dépend en aucune façon du nombre d'élèves qui y sont inscrits.

B.6.4. Aux termes de l'article 39, alinéa 3, première phrase, les cours de religion ou de morale les moins suivis sont organisés selon les mêmes règles que le cours le plus suivi, sans cependant pouvoir excéder un groupe par année, sauf si le tableau de constitution de groupes donne un résultat plus favorable. Cette disposition établit donc le principe d'un parallélisme entre l'organisation du cours le plus suivi et celle des autres cours.

La deuxième phrase de l'alinéa 3 fixe toutefois une limite à cette règle : un groupe ne peut comporter moins de cinq élèves, sauf si moins de cinq élèves dans l'implantation sont inscrits au cours concerné.

B.6.5. A cette limite sont apportées deux dérogations.

En premier lieu, l'alinéa 4 de l'article 39 oblige à organiser par degré les cours moins suivis si le cours le plus suivi compte au moins un groupe par degré. Ainsi, dans cette hypothèse, si un des cours les moins suivis compte, par exemple, trois élèves répartis entre les trois degrés, trois groupes seront obligatoirement constitués pour ce cours. Cette interprétation se déduit de l'adoption de l'amendement n° 143 à l'article 38 (devenu 39) du projet de décret, qui a pour objet de rétablir l'équilibre entre les cours les moins suivis et le cours le plus suivi (Doc., Conseil de la Communauté française, 1997-1998, n° 237-33, p. 2, et n° 237-46, pp. 85 et 86).

En second lieu, il résulte de ce même amendement que la troisième phrase de l'alinéa 3 de l'article 39 ne peut s'entendre que comme permettant, même lorsque le nombre d'élèves inscrits dans un cours moins suivi est inférieur à cinq, d'organiser deux groupes pour ce cours, l'un pour les élèves de première et de deuxième années, l'autre pour les élèves des quatre autres années, lorsqu'il y a deux groupes au moins dans le cours le plus suivi. Le projet de décret ne prévoyait en effet cette possibilité que lorsque le nombre d'élèves était de plus de cinq. Il ressort de l'intention des auteurs de l'amendement et des discussions en commission (ibid.) que le terme « peuvent », figurant dans la troisième phrase de l'alinéa 3, doit se comprendre en ce sens que la création des deux cours est obligatoire dans l'hypothèse exprimée ci-dessus, ce terme ayant été utilisé pour ne pas rendre la disposition sans portée au cas où les élèves du cours le moins suivi ne seraient pas répartis entre d'une part les deux premières années et d'autre part les quatre dernières années.

B.6.6. Il s'ensuit que les élèves des cours les moins suivis et ceux du cours le plus suivi seront, les uns comme les autres, répartis par groupes, sauf quand le nombre d'élèves inscrits à un des cours les moins suivis rend ce parallélisme pratiquement impossible.

Sous réserve de cette interprétation, reposant à la fois sur le texte de l'article 39 du décret, sur ses travaux préparatoires et sur la supposition que le législateur décrétal a entendu se conformer à la Constitution, l'organisation des cours de religion et de morale n'est pas discriminatoire.

B.6.7. Quant à la discrimination qui résulterait du fait que certains élèves des cours les moins suivis doivent être soustraits de leur groupe classe lors des travaux dirigés, la Cour constate que l'alinéa 6 de l'article 39 qui prévoit cette possibilité constitue une garantie nouvelle pour les élèves inscrits aux cours les moins suivis.

B.6.8. Compte tenu des articles du décret relatifs à l'établissement de l'horaire des élèves, si tous les cours de religion ou de morale ne sont pas faits au même moment, les élèves inscrits à un des cours les moins suivis devront suivre les travaux dirigés pendant les périodes où leurs condisciples suivront le cours de religion ou de morale le plus suivi. Cette interprétation du décret s'impose pour qu'il ne soit pas porté atteinte de manière discriminatoire au droit d'opter pour un cours de religion ou de morale peu suivi, sans perdre le bénéfice des travaux dirigés qui permettent d'approfondir les matières. En outre, si, dans une implantation, certains enfants ne jouissaient pas, comme les autres, du bénéfice des travaux dirigés, ils se verraient appliquer une autre grille-horaire que les autres enfants de la même implantation, ce qui contredirait les dispositions du décret relatives à l'établissement de cette grille ainsi que le principe de l'égalité dans l'enseignement garanti par l'article 24 de la Constitution.

B.6.9. L'application des dispositions précitées ne pourrait en aucun cas aboutir à ce que certains élèves soient plus que d'autres soustraits de leur groupe classe : l'article 6 du décret attaqué limite à deux périodes les cours qui peuvent être organisés sous forme de travaux dirigés.

Quant à la discrimination alléguée entre élèves des cours les moins suivis B.7. Quant à la discrimination qui résiderait dans le fait que certains élèves inscrits à un des cours de religion ou de morale les moins suivis devraient être soustraits de leur groupe classe alors que des élèves d'un autre cours de religion ou de morale peu suivi pourraient ne pas l'être, la Cour constate qu'il résulte de ce qui est exposé en B.6.7 que la faculté de soustraire un élève de son groupe classe n'est pas une discrimination. Pour le surplus, la Cour relève que, quelle que soit l'heure à laquelle les enfants d'un des cours de religion ou de morale les moins suivis seront soustraits de leur groupe classe, ils devront pouvoir suivre également des travaux dirigés, pour les raisons exposées en B.6.8 et B.6.9.

Sur l'ensemble du moyen B.8. Les discriminations alléguées ne pourraient résulter que d'une mauvaise application du décret. C'est à l'autorité compétente qu'il appartiendrait d'y mettre fin, la Cour ne pouvant apprécier la manière dont une disposition législative est appliquée.

B.9. Le moyen n'est pas fondé.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours, sous la réserve des interprétations indiquées en B.6.5, B.6.6 et B.6.8.

Ainsi prononcé en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 15 juillet 1999.

Le greffier, L. Potoms.

Le président, M. Melchior.

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