Etaamb.openjustice.be
Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 10 août 1999

Arrêt n° 82/99 du 15 juillet 1999 Numéros du rôle : 1315, 1318, 1319 et 1320 En cause : les recours en annulation du décret de la Région flamande du 15 juillet 1997 « fixant les tarifs des droits de succession des personnes vivant ensemble [. La Cour d'arbitrage, composée du président L. De Grève, du juge L. François, faisant fonction de(...)

source
cour d'arbitrage
numac
1999021382
pub.
10/08/1999
prom.
--
moniteur
https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi/article_body(...)
Document Qrcode

Arrêt n° 82/99 du 15 juillet 1999 Numéros du rôle : 1315, 1318, 1319 et 1320 En cause : les recours en annulation du décret de la Région flamande du 15 juillet 1997 « fixant les tarifs des droits de succession des personnes vivant ensemble [...] », introduits par A. Michaux et autres.

La Cour d'arbitrage, composée du président L. De Grève, du juge L. François, faisant fonction de président, et des juges P. Martens, J. Delruelle, H. Coremans, A. Arts et R. Henneuse, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président L. De Grève, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des recours Par requêtes adressées à la Cour par lettres recommandées à la poste les 30 et 31 mars 1998 et parvenues au greffe les 31 mars 1998 et 1er avril 1998, il a été introduit un recours en annulation du décret de la Région flamande du 15 juillet 1997 « fixant les tarifs des droits de succession des personnes vivant ensemble [...] » (publié au Moniteur belge du 1er octobre 1997), respectivement par : a) A.Michaux et G. van Haegendoren, demeurant à 3001 Heverlee, Erasme Ruelensvest 57, b) A.Michaux et G. van Haegendoren, agissant en leur qualité de parents et au nom de leurs enfants mineurs S. van Haegendoren et M. van Haegendoren, demeurant à 3001 Heverlee, Erasme Ruelensvest 57, c) N.Segers et J. Verlooy, demeurant à 2000 Anvers, Bouwmeestersstraat 10, d) le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles. Ces affaires sont inscrites respectivement sous les numéros 1315, 1318, 1319 et 1320 du rôle de la Cour.

II. La procédure Par ordonnances des 31 mars 1998 et 1er avril 1998, le président en exercice a désigné pour chacune des affaires les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application dans les affaires respectives des articles 71 ou 72 de la loi organique.

Par ordonnance du 2 avril 1998, la Cour a joint les affaires.

Les recours ont été notifiés conformément à l'article 76 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 15 mai 1998; l'ordonnance de jonction a été notifiée par les mêmes lettres.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 15 mai 1998.

Des mémoires ont été introduits par : - le Gouvernement wallon, rue Mazy 25-27, 5100 Namur, par lettre recommandée à la poste le 1er juillet 1998; - le Gouvernement flamand, place des Martyrs 19, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 3 juillet 1998.

Ces mémoires ont été notifiés conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 24 septembre 1998.

Des mémoires en réponse ont été introduits par : - N. Segers et J. Verlooy, par lettre recommandée à la poste le 22 octobre 1998; - A. Michaux et G. van Haegendoren, par lettres recommandées à la poste le 23 octobre 1998; - le Conseil des ministres, par lettre recommandée à la poste le 23 octobre 1998; - le Gouvernement wallon, par lettre recommandée à la poste le 23 octobre 1998.

Par ordonnances du 29 septembre 1998 et du 24 février 1999, la Cour a prorogé respectivement jusqu'aux 30 mars 1999 et 30 septembre 1999 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.

Par ordonnance du 31 mars 1999, la Cour a déclaré les affaires en état et fixé l'audience au 20 avril 1999.

Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats, par lettres recommandées à la poste le 1er avril 1999.

Par ordonnance du 20 avril 1999, le président en exercice a constaté que le juge E. Cerexhe était légitimement empêché et était remplacé par le juge R. Henneuse.

A l'audience publique du 20 avril 1999 : - ont comparu : . Me H. Croux, avocat au barreau de Bruxelles, pour les parties requérantes; . G. Dekelver loco B. Druart, auditeurs généraux des Finances, pour le Conseil des ministres; . Me P. Van Orshoven, avocat au barreau de Bruxelles, pour le Gouvernement flamand; . Me P. Levert, avocat au barreau de Bruxelles, pour le Gouvernement wallon; - les juges-rapporteurs A. Arts et J. Delruelle ont fait rapport; - les parties précitées ont été entendues; - les affaires ont été mises en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

III. En droit - A - Sur la recevabilité des recours A.1. Selon le Gouvernement flamand, les parties requérantes dans les affaires portant les numéros 1315, 1318 et 1319 du rôle souhaitent que les couples non mariés soient traités comme des époux en ce qui concerne les tarifs des droits de succession. Ce traitement égal ne saurait résulter de l'annulation demandée, de sorte que les parties requérantes demandent en fait à la Cour de faire édicter une nouvelle réglementation décrétale répondant à leurs souhaits. La Cour n'est pas compétente pour donner une telle injonction au législateur.

Le Gouvernement flamand fait encore valoir que l'intérêt des parties requérantes dans les affaires portant les numéros 1315, 1318 et 1319 du rôle est purement hypothétique et incertain. Pour prouver que le décret attaqué est susceptible d'affecter directement et défavorablement leurs situations juridiques, les partenaires en cause devraient produire un testament faisant apparaître qu'ils ont disposé l'un en faveur de l'autre et ils devraient démontrer par d'autres moyens que de simples affirmations, qu'ils forment un couple ou un ménage. Le défaut d'intérêt découle également de la circonstance que l'annulation demandée rendrait vigueur aux anciennes dispositions du Code des droits de succession et que celles-ci sont encore plus défavorables aux parties requérantes.

A.2. Les parties requérantes dans les affaires portant les numéros 1315 et 1319 du rôle répondent que leur intérêt ne disparaît pas pour le simple motif que l'annulation d'une disposition rendrait vigueur à une disposition antérieure qui leur serait également défavorable.

Elles considèrent que produire un testament n'a que peu de signification, compte tenu des articles 895 et 969 du Code civil, en vertu desquels un testament peut toujours être olographe et être révoqué à tout moment.

A.3. En ce qui concerne l'affaire portant le numéro 1320 du rôle, le Gouvernement flamand objecte que ce n'est pas le décret attaqué qui a réduit le nombre de tranches du tarif des droits de succession, mais bien le décret du 20 décembre 1996 contenant diverses mesures d'accompagnement du budget 1997. Le membre de phrase « ce tarif est appliqué à la part nette des biens immeubles, d'une part, et à la part nette des meubles et effets, d'autre part » a également été inséré par le décret du 20 décembre 1996. Le classement des oncles, tantes, neveux et nièces dans le groupe « tous autres », de même que la phrase « pour tous les autres ayants droit, ce tarif est appliqué à la tranche correspondante de la somme des parts nettes recueillies par les ayants droit de ce groupe » proviennent du décret du 15 avril 1997 modifiant les articles 48 et 56 du Code des droits de succession.

Il s'ensuit, selon le Gouvernement flamand, que le Conseil des ministres n'attaque pas réellement sur ce point le décret du 15 juillet 1997, mais bien les décrets des 20 décembre 1996 et 15 avril 1997. A cet égard, le délai d'introduction d'un recours en annulation est déjà expiré.« En effet, il ne se conçoit pas de profiter de la publication du décret du 15 juillet 1997 pour attaquer à nouveau le décret du 20 décembre 1996 et pour attaquer une première fois, mais de toute façon tardivement, le décret du 15 avril 1997, eu égard notamment au fait que le représentant du Conseil des ministres a admis à l'audience de la Cour d'arbitrage du 17 juin 1998 que l'absence de recours contre le décret du 15 avril 1997 résulte d'un oubli. » Quant au premier moyen pris dans l'affaire portant le numéro 1320 du rôle A.4. Le Conseil des ministres prend un premier moyen de la violation de l'article 4, § 2, de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions. En vertu de cette disposition, les régions sont compétentes, en matière de droits de succession et de mutation par décès, pour modifier le taux d'imposition et les exonérations. Selon le Conseil des ministres, cette compétence doit être interprétée de manière restrictive. Il renvoie à cet égard aux travaux préparatoires de la loi spéciale de financement, dont il ressortirait que l'expression « modifier le taux d'imposition » signifie « augmenter ou diminuer les pourcentages d'imposition ». Le Conseil des ministres en conclut que le Parlement flamand a excédé ses compétences en modifiant, dans l'article 48 du Code des droits de succession, non seulement le taux d'imposition mais également la structure tarifaire - par l'introduction d'un nouveau tarif « pour les personnes vivant ensemble », par la diminution du nombre de tranches pour les héritiers autres que ceux en ligne directe ou que les époux et les personnes vivant ensemble et par le transfert de la catégorie « entre oncles ou tantes et neveux ou nièces » vers la catégorie « entre tous autres » - et en disposant que, pour la catégorie « entre tous autres », le tarif s'applique sur la somme de ce qui est recueilli par les ayants droit de cette catégorie au lieu de s'appliquer sur la part individuelle recueillie par chacun d'eux.

Même si la compétence permettant de modifier le taux d'imposition comprenait le pouvoir d'adapter également la structure du tarif, l'article 4, § 2, de la loi spéciale précitée doit néanmoins, selon le Conseil des ministres, être interprété de manière restrictive pour le surplus. Il n'autoriserait donc les régions qu'à modifier les tarifs figurant dans les tableaux de l'article 48, alinéa 2, du Code des droits de succession tel qu'il était en vigueur avant les modifications faites par le Parlement flamand, mais ne leur permettrait pas d'appliquer ces tarifs, en ce qui concerne la catégorie « entre tous autres », sur la part correspondant à la somme des parts nettes recueillies par les ayants droit de ce groupe, comme le fait l'article 2 du décret attaqué.

A.5. Selon le Gouvernement flamand, on ne peut voir dans le décret litigieux autre chose que la réduction, pour la sous-catégorie des « personnes vivant ensemble », du taux d'imposition des droits de succession ou une réduction d'impôt. Fixer les conditions d'application d'un tarif d'imposition ou d'une réduction d'impôt ne signifie toutefois pas que l'on règle autre chose que ce tarif ou ces exonérations. Il s'ensuit que c'est bien une compétence régionale, de surcroît exclusive, qui a été exercée au travers des dispositions décrétales attaquées. Il en va de même pour la réduction du nombre de tarifs, pour la suppression du tarif particulier « entre oncles ou tantes et neveux ou nièces » et pour la disposition selon laquelle le tarif pour « tous autres » s'applique « à la tranche correspondante de la somme des parts nettes recueillies par les ayants droit de ce groupe ».

A.6. Se référant à la jurisprudence de la Cour, le Gouvernement flamand considère qu'il appartient au législateur compétent pour lever une taxe de déterminer quels sont les contribuables qui doivent bénéficier d'exonérations et que le terme d'« exonérations » figurant à l'article 4 de la loi spéciale de financement doit s'interpréter comme un terme générique recouvrant à la fois immunisations, immunités, réductions et abattements.

A.7. Le Conseil des ministres maintient que ce n'était pas l'intention de la loi spéciale de financement de permettre aux régions de modifier l'impôt existant sur les successions - par une intervention dans la structure des tarifs - à un point tel que puissent apparaître des inégalités fondamentales de traitement entre les redevables des différentes régions. Puisque les compétences attribuées aux régions dans le cadre de la loi spéciale de financement doivent, à la différence de celles que leur reconnaît la loi spéciale du 8 août 1980, être interprétées restrictivement, il convient de conclure que les régions sont seulement compétentes pour modifier les taux d'imposition figurant dans le tarif, sans pouvoir changer la structure tarifaire elle-même.

Le Conseil des ministres considère, dans la même ligne, que la compétence permettant de modifier les exonérations doit être interprétée de façon restrictive et que les régions sont seulement compétentes pour modifier les exonérations existantes et non pour en introduire de nouvelles.

Quant au deuxième moyen dans l'affaire portant le numéro 1320 du rôle A.8. Le Conseil des ministres prend un deuxième moyen de la violation de l'article 4, § 4, de la loi spéciale de financement. En vertu de cette disposition, le législateur fédéral reste compétent pour déterminer la base d'imposition des droits de succession et des droits de mutation par décès, même si une modification en cette matière ne peut intervenir qu'avec l'accord des gouvernements de région. En disposant, pour la Région flamande, qu'en ce qui concerne les ayants droit autres que le conjoint, les héritiers en ligne directe, les personnes vivant ensemble et les frères et surs, le tarif est appliqué « à la tranche correspondante de la somme des parts nettes recueillies par les ayants droit de ce groupe », le législateur décrétal a, selon le Conseil des ministres, substitué à la base d'imposition unique par successible une base d'imposition commune à tous les ayants droit de ce groupe et a de la sorte excédé sa compétence.

A.9. Selon le Gouvernement flamand, la compétence fédérale ne porte pas sur la base d'imposition sans plus, mais bien sur le fait de fixer la base d'imposition, c'est-à-dire la procédure administrative de calcul de la base d'imposition, et elle est donc limitée aux règles relatives à la manière uniforme dont procède l'Administration de la T.V.A., de l'enregistrement et des domaines pour faire évaluer la totalité ou une partie des biens successoraux. Le moyen manque en fait à cet égard. Le Gouvernement flamand estime par ailleurs qu'il convient de constater que les dispositions décrétales attaquées n'ont pas touché à la base d'imposition ou à la matière imposable.

A.10. Le Conseil des ministres souligne encore que le législateur a besoin de l'accord des régions pour modifier la base d'imposition, tandis que les régions n'ont pas besoin de l'accord des autres régions ou de l'autorité fédérale pour apporter quelque modification que ce soit, dans les limites de leur compétence. La définition des impôts énumérés à l'article 3 de la loi spéciale de financement comme « impôts régionaux » visait en premier lieu à garantir aux régions des revenus de ces impôts destinés à l'origine au Trésor national. Afin de pouvoir donner cette garantie, il était nécessaire de soustraire la matière imposable à la compétence du législateur ordinaire et d'exiger l'accord des régions pour les modifications que le législateur ordinaire voudrait éventuellement apporter à la base d'imposition.

Quant au troisième moyen dans l'affaire portant le numéro 1320 du rôle A.11. Le Conseil des ministres prend un troisième moyen de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution en ce que le décret attaqué fait naître une discrimination entre diverses catégories d'ayants droit.

Pour toutes les catégories, à l'exception de la catégorie « entre tous autres », la perception s'effectue sur la part nette, scindée le cas échéant en meubles et immeubles, de chacun des ayants droit. Pour la catégorie « entre tous autres », la perception ne s'effectue pas sur la part individuelle mais sur la somme des parts individuelles.

L'impôt dû par un ayant droit de cette catégorie varie donc en fonction du nombre d'ayants droit que compte cette catégorie et de l'importance de leur part. Selon le Conseil des ministres, cette différence de traitement ne repose pas sur un critère objectif raisonnablement justifié. Puisque l'impôt successoral doit être considéré, du point de vue économique, comme un impôt sur l'enrichissement personnel des héritiers, un enrichissement personnel identique au sein d'une même catégorie d'ayants droit ne pourrait pas donner lieu à un impôt différent.

Par ailleurs, la distinction, dans la base d'imposition, d'une base mobilière et d'une base immobilière est prévue seulement pour une catégorie d'ayants droit, à savoir les ayants droit en ligne directe et le conjoint survivant. Le Conseil des ministres estime que cette différenciation n'est pas non plus justifiée.

A.12. En ce qui concerne l'application du tarif à la somme des parts nettes, le Gouvernement flamand fait observer que le législateur dispose d'un ample pouvoir d'appréciation discrétionnaire qui ne peut être contesté que si, selon une opinion juridique communément admise, il n'est pas pensable qu'une autorité décidant raisonnablement puisse porter une telle appréciation.

Il est exact que, pour la catégorie « tous autres », l'application du tarif des droits de succession « à la tranche correspondante de la somme des parts nettes recueillies par les ayants droit de ce groupe » et non pas « à la tranche correspondante de la part nette de chacun des ayants droit » peut engendrer des différences non seulement par rapport à l'ancienne situation mais également entre les différentes catégories d'héritiers, en fonction, d'une part, de l'importance de la succession totale et, d'autre part, du degré de parenté avec le défunt. Le Gouvernement flamand estime toutefois que la nouvelle réglementation pour la catégorie « tous autres », en ce compris les « neveux et nièces », est davantage conforme au principe d'égalité que l'ancienne. Le tarif moyen est désormais fonction de la succession totale et est donc proportionné à la capacité contributive du défunt, ce qui, en matière fiscale, constitue sans doute le critère de distinction le plus pertinent que l'on puisse imaginer. En outre, le calcul de la succession pour la catégorie « tous autres » s'en trouve considérablement simplifié.

Selon le Gouvernement flamand, il ne faut pas perdre de vue à cet égard que le défunt peut fixer librement, par testament, le nombre de légataires de la catégorie « tous autres », lesquels ne sont en effet pas des héritiers légitimes. On pouvait donc payer beaucoup ou fort peu d'impôts sur une succession identique, selon que le défunt favorisait un grand nombre ou un petit nombre de légataires. Ce n'est dès lors que pour les héritiers en ligne directe, le conjoint et les frères et surs, qui sont tous des héritiers légaux, qu'il convenait de maintenir « un impôt selon la capacité contributive de la part nette ».

Que l'on ne saurait parler de traitement inégal manifestement injustifié découle également, selon le Gouvernement flamand, de la modération, sinon de la suppression totale, par l'article 56 du Code des droits de succession, remplacé par l'article 3 du décret du 15 avril 1997 et modifié par les décrets des 17 juin et 15 juillet 1997, des effets de la mesure entreprise pour les successions qui n'excèdent pas 3 millions de francs.

A.13. En ce qui concerne le fait de scinder la succession en biens mobiliers et immobiliers, le Gouvernement flamand répète que le recours du Conseil des ministres, qui critique par cette branche du moyen une disposition qui n'a pas été instaurée par le décret attaqué, mais par le décret du 20 décembre 1996, est irrecevable ratione temporis.

Pour le Gouvernement flamand, scinder la succession constitue en fait une réduction d'impôt conçue pour inciter les héritiers à déclarer aussi ou davantage que par le passé les biens mobiliers, déclaration pour laquelle les héritiers, du moins ceux en ligne directe, ont marqué jusqu'ici fort peu d'empressement. C'est précisément pour cette raison que la mesure est limitée aux héritiers en ligne directe et aux conjoints.

A.14. Le Conseil des ministres conclut de la défense formulée par le Gouvernement flamand qu'en ce qui concerne la catégorie « entre tous autres », la Région flamande a transformé l'impôt successoral, qui constituait un impôt sur l'acquisition, en un impôt sur la masse successorale. Il convient de se demander si ceci est compatible avec l'article 11, alinéa 3, de la loi spéciale de financement.

Le Conseil des ministres ne partage pas le point de vue du Gouvernement flamand selon lequel la capacité contributive du défunt constituerait, pour la catégorie « entre tous autres », le critère de distinction le plus pertinent. Le Gouvernement flamand semblerait perdre de vue que les oncles, tantes, neveux et nièces sont des héritiers légaux tout comme les descendants en ligne directe, le conjoint survivant et les frères et surs, et que les neveux et nièces sont souvent appelés à l'héritage ab intestat d'un oncle ou d'une tante en remplacement d'un frère ou d'une sur prédécédé du défunt.

Motiver la distinction sur la base de la qualité d'héritier légal ne constitue donc pas, en l'espèce, un critère pertinent pour soumettre certaines catégories d'héritiers légaux à un impôt sur l'acquisition et d'autres à un impôt sur la masse successorale.

De façon plus générale, le Conseil des ministres estime qu'en matière d'impôt successoral, les biens acquis par chaque ayant droit constituent, à côté du degré de parenté, pratiquement le seul critère de distinction possible et acceptable par la population. En outre, il convient de constater que l'impôt sur la masse successorale pour la catégorie « entre tous autres » n'est pas compatible avec le régime de l'impôt successoral considéré dans son ensemble. Il est donc clair que l'article 66bis, qui est un article essentiel dans le cadre du Code des droits de succession parce qu'il combat le fait d'éluder la progressivité des droits de succession, conduit, dans le cadre d'un impôt sur la masse successorale, à des différences d'imposition injustifiées, frappant des héritiers qui se trouvent en fait dans la même situation.

A.15. Concernant le fait de scinder la succession en biens mobiliers et immobiliers, le Conseil des ministres estime que le moyen est en tout cas recevable en tant qu'il porte sur le traitement inégal des personnes vivant ensemble par rapport aux héritiers en ligne directe et aux conjoints survivants. Etant donné que les premières se trouvent dans une situation de vie comparable, elles disposent des mêmes moyens d'éluder l'impôt que les personnes mariées. Dès lors, la violation du principe d'égalité réside soit dans le fait de scinder la succession pour la catégorie « en ligne directe et entre époux », soit dans le fait de ne pas accorder cette mesure à la catégorie des personnes vivant ensemble.

Quant au moyen unique pris dans les affaires portant les numéros 1315, 1318 et 1319 du rôle A.16. Dans les affaires portant les numéros 1315, 1318 et 1319 du rôle, les parties requérantes formulent un moyen unique pris de la violation des articles 10, 11 et 172, alinéa 1er, de la Constitution, lus isolément et conjointement avec les articles 16 et 22 de la Constitution, avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à cette Convention et avec les articles 17, 23, 1°, 24, 1°, et 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, en ce que, pour l'application des droits de succession, les personnes non mariées vivant ensemble, de sexe différent ou non, sont traitées autrement que les conjoints et sont traitées de la même manière que d'autres groupes de personnes vivant ensemble, et en ce que les enfants de personnes non mariées vivant ensemble sont, sur la base de leur naissance, de leur filiation ou statut, traités autrement, pour l'application des droits de succession, que les enfants dont les parents sont mariés ou divorcés et que les enfants qui font partie d'une famille légitime.

A.17. Selon les parties requérantes, les droits de succession frappent l'enrichissement de l'héritier. Le droit de succession est considéré comme un impôt sur une acquisition « à titre gratuit », parce qu'il n'y a pas de contrepartie à cet enrichissement. Le fait que les membres de la famille ont contribué à la constitution du patrimoine, dont une part leur échoit, justifie une différence de traitement entre l'acquisition par les membres de la famille, pour lesquels on ne peut pas considérer que leur enrichissement est totalement « gratuit », et les acquisitions par d'autres, dont on peut penser qu'ils n'ont pas fourni cette contribution à la constitution du patrimoine. Le législateur fiscal fait cependant erreur en ignorant l'évolution dont il résulte que les familles ne sont plus constituées seulement de parents mariés, avec des enfants ou non. La distinction entre différentes formes de famille en fonction du mariage est objective mais n'est toutefois pas raisonnablement justifiée. Les partenaires non mariés mais vivant durablement ensemble et leurs enfants ont également contribué mutuellement à la constitution du patrimoine du partenaire ou parent décédé.

Les parties requérantes reconnaissent que le décret attaqué soumet les personnes vivant ensemble à un tarif successoral particulier qui est plus favorable que l'ancien tarif, mais elles soulignent que le législateur décrétal reste toujours en défaut d'attacher les effets juridiques requis à la situation juridique de la famille de fait qu'elles forment. Le tarif pour les personnes vivant ensemble est plus favorable que pour les frères, surs et autres, mais reste moins favorable que le tarif applicable aux personnes mariées, aux personnes divorcées ou aux parents en ligne directe.

A.18. Se référant aux travaux préparatoires, les parties requérantes affirment que le décret attaqué n'a pas pour objectif de régler la situation des familles de fait. Le législateur décrétal a voulu prendre en compte une autre réalité sociale, à savoir celle de deux personnes ou plus qui s'assistent mutuellement pendant un certain temps au sein d'un ménage commun. Pour l'application des règles de succession, il est donné de la notion de « personnes vivant ensemble » une définition qui ne recouvre ni exclusivement ni nécessairement la relation durable de couple qui est égale ou du moins équivalente à la figure juridique du mariage et constitue une famille au sens de la Constitution et des conventions internationales. Les requérants, sans vouloir se prononcer sur l'opportunité d'introduire un tarif approprié pour les personnes vivant ensemble que le législateur décrétal a voulu favoriser, ni sur les taux d'imposition choisis à cette fin, considèrent que les motifs que le législateur décrétal avance pour ce faire ne sont pas adéquats pour justifier le traitement inégal de la situation d'un ménage de fait, comparée à la situation d'une famille légitime.

Selon les parties requérantes, le principe adopté par le législateur décrétal a également pour effet que la famille de fait est placée sur le même pied que d'autres catégories auxquelles elle ne peut être comparée, comme les communautés religieuses, les établissements de soins, les maisons communautaires d'étudiants ou de jeunes et les habitations communautaires de plusieurs ménages. Les requérants n'aperçoivent aucune justification ni a fortiori aucune justification raisonnable pour cette égalité de traitement. La situation dans laquelle ils se trouvent n'a aucun rapport avec les objectifs poursuivis par ce tarif, qui est plus élevé que le tarif applicable aux personnes mariées.

A.19. Selon les parties requérantes dans l'affaire portant le numéro 1319 du rôle, elles ne peuvent être privées du droit de former une famille de fait pour le seul motif qu'elles sont deux personnes de même sexe. Cela constituerait une discrimination fondée sur la préférence sexuelle. Même s'ils ne formaient pas une famille dans le sens que la Constitution et les conventions internationales relatives aux droits de l'homme donnent à cette notion, les autorités publiques doivent malgré tout reconnaître la relation durable de couple qui existe entre les requérants comme une donnée juridique équivalente. Le droit à la protection de leur vie privée leur permet de prétendre à une reconnaissance équivalente de leur relation par les autorités.

A.20. Le principe d'égalité est également violé, estiment les parties requérantes, parce que le tarif et le mode de calcul respectivement applicables aux deux sortes de familles ne sont pas raisonnablement proportionnés à l'objectif poursuivi. Cette disproportion se trouve encore renforcée du fait que la distinction entre les biens mobiliers et immobiliers n'est pas accordée aux familles de fait. Quelle que soit la protection que le législateur veuille et puisse offrir au mariage, la grande différence d'impôt à payer qui résulte du décret attaqué est totalement disproportionnée à l'objectif.

Les requérants dans les affaires portant les numéros 1315 et 1318 du rôle ajoutent que l'impôt exorbitant n'a pas seulement un effet sur la part du bénéficiaire, mais indirectement aussi sur le patrimoine que le parent survivant pourra finalement laisser à son tour aux enfants communs. En décidant de fixer, pour les partenaires de fait, un tarif tellement élevé que ceux-ci n'ont plus que le choix, parmi les possibilités légales, de ne pas disposer mutuellement l'un en faveur de l'autre ou de se marier, le législateur décrétal viole également l'obligation qui lui incombe, en vertu de l'article 22 de la Constitution et des articles 8 et 12 de la Convention européenne des droits de l'homme, de respecter le choix fait par certaines personnes de ne pas se marier, de prendre en considération les relations juridiques qui existent néanmoins entre les membres des familles de fait et de permettre à chacun de vivre une vie de famille normale.

Les requérants dans l'affaire portant le numéro 1319 du rôle allèguent que, dès lors que l'état actuel de la législation fédérale ne leur permet pas de se marier, ils doivent être en mesure, en tant que partenaires, d'organiser conventionnellement leur vie privée et de prendre ensemble des dispositions matérielles que les autorités sont tenues de respecter. L'Etat, du fait de la hauteur des tarifs que les autorités publiques imposent aux dispositions testamentaires entre les requérants, s'ingère de manière disproportionnée dans la vie privée de ceux-ci.

A.21. En ordre subsidiaire, les requérants contestent les traitements différents qui sont réservés aux héritiers en ligne directe et aux conjoints, d'une part, et à tous les autres héritiers, d'autre part, en ce qui concerne la distinction des biens mobiliers et immobiliers.

Par cette mesure, le législateur décrétal a cherché à accroître le nombre de déclarations de biens mobiliers et aussi les revenus pour l'autorité publique, par la combinaison d'une pression fiscale inférieure et d'une application plus large. Cet objectif ne présente aucun rapport avec la distinction instaurée. Le législateur décrétal ne semble avoir indiqué nulle part les motifs de cette distinction - en tout cas en ce qui concerne les personnes vivant ensemble - ni, a fortiori, avoir démontré qu'il existerait des motifs fournissant une justification objective et raisonnable ou qui soient proportionnés à l'objectif poursuivi.

A.22. Selon les parties requérantes, l'article 16 de la Constitution et l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, et par conséquent aussi l'interdiction de discrimination, s'appliquent aux obligations fiscales et, en particulier, aux droits de succession. Ils considèrent, pour les mêmes motifs que ceux exposés plus haut, que l'application des droits de succession les prive, d'une manière inégale et discriminatoire, de leur propriété.

A.23. Le régime des réductions (article 56 du Code des droits de succession) a également, selon les parties requérantes, un important effet sur l'impôt qui doit en définitive être payé. Il n'est pas accordé de réduction aux « personnes vivant ensemble » au sens du décret attaqué. Cette différence de traitement fiscal ne peut, en raison des mêmes arguments que ceux évoqués plus haut, être justifiée.

Si une réduction est accordée pour enfant à charge, le législateur décrétal ne peut opérer une distinction en fondant celle-ci sur le fait que les parents de ces enfants sont mariés ou non. En effet, une telle distinction implique une discrimination des parents en fonction de la filiation de leurs enfants.

A.24. Selon le Gouvernement flamand, un examen sommaire fait déjà apparaître que les situations juridiques respectives des personnes mariées et non mariées ne sont pas comparables, d'une part, parce que les effets juridiques du mariage sont tellement nombreux et complexes qu'ils ne peuvent pas être dissociés et, d'autre part, parce que le mariage n'apporte pas seulement des avantages. Cela ne tient pas debout d'attaquer un avantage réservé aux conjoints ou d'exiger que celui-ci soit accordé aux couples non mariés tout en taisant les désavantages du mariage. Ceci vaut a fortiori pour des partenaires non mariés qui sont volontairement non mariés. En effet, chacun a le droit de préférer former une famille sans se marier, mais dès lors que ce choix a été fait, les conséquences juridiques de celui-ci doivent être acceptées.

Le fait que le mariage ne comporte pas que des avantages se vérifie également sur le plan des conséquences fiscales, explique le Gouvernement flamand. En effet, un même actif taxable après décès n'est pas comparable en ce qui concerne les conjoints et les couples non mariés : pour une succession égale, les premiers auront fourni, antérieurement à leur décès, un plus grand effort fiscal que les seconds. A mérites exactement identiques, les couples mariés laisseront un patrimoine moins important que les couples non mariés.

En moyenne, il ne saurait donc être question d'un traitement fiscal inégal, de sorte que le moyen des parties requérantes manque en fait.

Il en va de même pour le traitement inégal que contient à première vue l'article 50 modifié du Code des droits de succession en ce qui concerne les couples non mariés et leurs enfants par rapport aux ex-époux, à leurs enfants ou aux enfants d'un autre lit. A y regarder de plus près, il apparaît en effet que ce traitement inégal est ici encore largement compensé par le traitement inégal antérieur au décès du défunt, qui était défavorable aux époux qui ont été mariés et ont supporté les désavantages fiscaux et autres de cette situation.

A.25. Même si les conjoints et les couples non mariés constituaient des catégories comparables, le Gouvernement flamand considère que leur traitement inégal, très fortement adouci par les dispositions attaquées, n'est ni manifestement déraisonnable ni disproportionné, en ce sens que l'on ne peut pas dire qu'il serait impensable, selon une opinion juridique communément admise, qu'une autorité décidant raisonnablement puisse porter une telle appréciation. En effet, le législateur dispose sur ce point d'un pouvoir discrétionnaire, cependant que le contrôle de légalité exercé par la Cour n'inclut pas un contrôle d'opportunité.

A.26. Pour ce qui concerne la justification du traitement inégal des époux et des couples non mariés à la lumière du droit au respect de la vie familiale, le Gouvernement flamand se réfère à l'article 12 de la Convention européenne des droits de l'homme, qui protège le mariage, et à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.

Tant cette dernière que la Cour d'arbitrage donneraient, comme critère de « la famille », la préférence au mariage légal et non fictif plutôt qu'à la cohabitation des partenaires. Quoi qu'il en soit, il ne semble pas facile de trouver d'autres critères que le mariage pour distinguer la « famille » des autres types de relations.

A.27. Le Gouvernement flamand souligne que la distinction qui existe depuis fort longtemps dans les tarifs des droits de succession entre les conjoints et les « autres », et actuellement encore aussi en ce qui concerne les partenaires non mariés, est indissociablement liée au droit successoral différent qui est applicable à ces catégories distinctes de citoyens. Les conjoints, tout comme les enfants et les autres descendants du défunt, les ascendants et les collatéraux, sont des héritiers légaux, ce qui n'est pas le cas des partenaires non mariés qui, sauf hypothèses particulières, ne peuvent hériter l'un de l'autre qu'en vertu d'un testament. Le lien étroit qui existe entre le tarif des droits de succession et le droit successoral a dès lors pour conséquence que le moyen met en cause non seulement la justification de la distinction fiscale mais également celle de cette distinction sur le plan du droit successoral. A ce propos, l'arrêt n° 56/93, qui concerne la distinction entre les ouvriers et les employés, peut être paraphrasé mutatis mutandis pour le mariage, une institution et une distinction en découlant qui sont beaucoup plus anciennes que la différence de traitement entre ouvriers et employés qui n'a qu'un siècle d'âge.

A.28. Enfin, le Gouvernement flamand fait référence à un avis de la section de législation du Conseil d'Etat dont il ressort que le principe d'égalité impliquerait plutôt un traitement inégal qu'un traitement égal des personnes mariées et des couples non mariés.

Il est ainsi répondu d'emblée, selon le Gouvernement flamand, à la branche du moyen selon laquelle les couples non mariés seraient à tort traités de la même façon que d'autres personnes vivant ensemble, à savoir celles qui ne font pas montre de l'affection qui caractérise un couple. Indépendamment du fait que la frontière entre les deux types de cohabitants ne peut pas être tracée de façon objective, il n'est pas manifestement déraisonnable que les personnes vivant ensemble qui ne souhaitent pas se marier ou qui ne le peuvent pas soient traitées de la même façon que les autres cohabitants. Par ailleurs, il n'est pas certain que les cohabitants qui ne forment pas un couple soient tellement éloignés, sur le plan affectif, des couples mariés. En effet, pour pouvoir bénéficier du tarif préférentiel, toutes les « personnes vivant ensemble » doivent avoir vécu avec le défunt sans interruption pendant trois ans au moins, ce qui doit être attesté par un extrait du registre de la population, et avoir constitué avec lui un ménage commun, ce qui représente sans doute la limite de ce que le législateur peut faire pour objectiver la notion subjective d'« affection ». Lors de l'évaluation du caractère raisonnable de la distinction, il convient aussi de ne pas perdre de vue les avantages dont bénéficient les cohabitants non mariés - avec ou sans liens affectifs.

Le Gouvernement flamand estime donc qu'il n'est certainement pas manifestement déraisonnable que les couples non mariés vivant ensemble soient traités de la même manière que la catégorie des citoyens à laquelle ils sont en fin de compte et en toute objectivité le plus comparables, c'est-à-dire les cohabitants.

A.29. Les parties requérantes dans l'affaire portant le numéro 1318 du rôle constatent que le Gouvernement flamand ne réfute le traitement différent qui leur est réservé par rapport aux enfants de couples mariés qu'en alléguant la « compensation » résultant des avantages fiscaux dont les parents ont bénéficié de leur vivant à l'impôt des personnes physiques, par comparaison avec les couples mariés. Les deux impôts relèvent toutefois du domaine de deux autorités autonomes différentes, de sorte qu'une éventuelle « compensation » n'est pas pertinente en droit.

A.30. Les parties requérantes dans les affaires portant les numéros 1315, 1318 et 1319 du rôle estiment que le cadre social actuel et l'opinion juridique générale amènent à considérer que le mariage et la relation affective et sexuelle de fait durable constituent deux expressions équivalentes d'un engagement à vie entre deux personnes, qui méritent, en tant que famille, une égale protection des autorités.

Elles affirment ne pas critiquer les avantages qu'ouvre le mariage en matière de droits de succession mais bien le fait que soit privée des mêmes effets juridiques la cohabitation durable en dehors du mariage.

A l'inverse, en soumettant les partenaires de la famille de fait au tarif très désavantageux des « autres » ou, dans le meilleur des cas, au tarif des « personnes vivant ensemble », et en n'appliquant pas à leur héritage la distinction entre les patrimoines mobilier et immobilier, le législateur décrétal les soumet à un impôt sur la base d'un critère de distinction qui est trop large et qui n'avait pas été conçu pour cela : le tarif élevé vise à frapper des étrangers, et non pas ceux qui font partie du cercle des proches survivants. Le tarif intermédiaire vise à encourager la relation d'aide, mais non la relation durable de couple. Le fait d'exclure les partenaires de la famille de fait du tarif spécifique aux héritages en ligne directe et entre époux ne peut pas non plus être qualifié de nécessaire dans une société démocratique en vue de la protection des droits et des libertés d'autrui.

Cela n'a pas non plus de sens, selon les parties requérantes, de comparer les droits de succession avec l'impôt des personnes physiques, étant donné que les deux impôts relèvent de la compétence exclusive de législateurs différents. L'autonomie de chacun de ces pouvoirs empêche que le législateur régional - ou le juge -, pour apprécier la compétence exercée par ce légis lateur régional, doive tenir compte du contenu d'une réglementation adoptée par le législateur fédéral. - B - Quant à la recevabilité des recours B.1.1. Le Gouvernement flamand conteste la recevabilité des recours portant les numéros 1315, 1318 et 1319 du rôle en raison de l'absence d'intérêt des parties requérantes.

Le Gouvernement flamand conteste également la recevabilité ratione temporis du recours portant le numéro 1320 du rôle, en tant que celui-ci serait dirigé en réalité contre le décret du 20 décembre 1996 contenant diverses mesures d'accompagnement du budget 1997 et contre le décret du 15 avril 1997 modifiant les articles 48 et 56 du Code des droits de succession, pour lesquels le délai d'introduction d'un recours en annulation est expiré.

B.1.2. Toutes les parties requérantes demandent l'annulation du décret du 15 juillet 1997 « fixant les tarifs des droits de succession des personnes vivant ensemble maritalement ».

La Cour observe que c'est par erreur que dans la traduction française du décret, le mot « samenwonenden » a été rendu par « personnes vivant ensemble maritalement ». Dans la version française du présent arrêt, le terme « maritalement » est donc omis.

Les articles 2 et 3 du décret sont libellés comme suit : «

Art. 2.A l'article 48 du Code des droits de succession, les dispositions qui suivent le tableau I sont remplacées, en ce qui concerne la Région flamande, par les dispositions suivantes : " Pour l'application du présent article, on entend par personnes vivant ensemble [...] la ou les personnes qui vivaient avec le défunt sans interruption depuis au moins trois ans, à la date d'ouverture de la succession, ce fait étant établi au moyen d'un extrait du registre de population, et qui tenaient ménage avec lui, ce qui constitue une présomption réfragable. La tenue d'un ménage commun est démontrée entre autres par la volonté soutenue, manifestée à ce sujet par les deux parties, et par leur participation aux dépenses ménagères.

Le tableau II comporte le tarif applicable entre les personnes vivant ensemble [...]. Ce tarif est appliqué à la tranche correspondante figurant dans la colonne A de la part nette de chacun des ayants droit.

Tableau II Tarif applicable entre les personnes vivant ensemble [...] Pour la consultation du tableau, voir image Le tableau III indique le tarif applicable entre les personnes autres que les descendants en ligne directe, les époux et les personnes vivant ensemble [...]. En ce qui concerne les frères et surs, ce tarif est appliqué à la tranche correspondante figurant dans la colonne A de la part nette de chacun des ayants droit. Pour tous les autres ayants droit, le tarif est appliqué à la tranche correspondante de la somme des parts nettes recueillies par les ayants droit de ce groupe.

Tableau III Tarif applicable entre les personnes autres que les descendants en ligne directe, les époux et les personnes vivant ensemble [...] Pour la consultation du tableau, voir image

Art. 3.A l'article 56 du même Code sont apportées, en ce qui concerne la Région flamande, les modifications suivantes : 1° à l'alinéa 3, les termes "tableau II" sont remplacés par les termes "ableau III"; 2° à l'alinéa 4, les termes "tableau II" sont remplacés par les termes "tableau III" et les mots ", les personnes vivant ensemble [...]" sont insérés entre les mots "les héritiers en ligne directe, les époux" et les mots "et les frères ou soeurs". » B.1.3. Le décret du 15 juillet 1997 a donc inséré dans l'article 48 du Code des droits de succession un tarif particulier pour les personnes vivant ensemble et a adapté en conséquence les alinéas 3 et 4 de l'article 56 du même Code, qui octroie des réductions des droits de succession.

Certes, une comparaison entre le décret présentement attaqué et les décrets du 20 décembre 1996 et du 15 avril 1997 fait apparaître que le législateur décrétal a reproduit certaines dispositions des décrets antérieurs, mais il n'en demeure pas moins qu'il a manifesté sa volonté de légiférer à nouveau en la matière.

Lorsque, dans une législation nouvelle, le législateur décrétal reprend une disposition ancienne, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce qu'un recours puisse être introduit contre la disposition reprise, dans les six mois de sa publication.

B.1.4. Les parties requérantes dans les affaires portant les numéros 1315 et 1318 du rôle sont deux personnes de sexe différent qui habitent ensemble de façon ininterrompue depuis 1989 mais qui ne sont pas mariées. Elles ont introduit la requête dans l'affaire portant le numéro 1318 du rôle en leur qualité de parents de leurs deux enfants mineurs communs.

Les parties requérantes dans l'affaire portant le numéro 1319 du rôle sont deux personnes du même sexe qui vivent ensemble de façon ininterrompue depuis 1992.

Les deux groupes de parties requérantes peuvent être directement et défavorablement affectés par des normes qui fixent les tarifs des droits de succession pour les personnes vivant ensemble. Le fait qu'une annulation éventuelle rendrait vigueur à des dispositions qui les lèsent tout autant sinon davantage que ne le font les dispositions décrétales attaquées n'y change rien. En effet, elles recouvreraient ainsi une chance de voir le législateur décrétal adopter une disposition qui leur serait plus favorable.

B.1.5. Les exceptions d'irrecevabilité ne peuvent être accueillies.

Quant à la compétence de l'Etat fédéral et des régions B.2.1. Le Conseil des ministres, partie requérante dans l'affaire portant le numéro 1320 du rôle, déclare dans un premier et un second moyen que le décret attaqué contient des dispositions relatives à la base d'imposition des droits de succession et excède par conséquent la compétence de la Région flamande, en violation de l'article 4, §§ 2 et 4, de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions.

B.2.2. La loi spéciale de financement du 16 janvier 1989 détermine les moyens dont disposent les communautés et les régions pour exercer leurs compétences. Aux termes de l'article 3, alinéa 1er, 4°, de cette loi spéciale, les droits de succession et de mutation par décès sont un impôt régional, c'est-à-dire un impôt fédéral dont la recette est, en l'espèce totalement, attribuée à la région.

Le droit de succession et le droit de mutation par décès constituent chacun un impôt qui naît au décès d'un habitant du Royaume (droit de succession) ou d'un non-habitant du Royaume dans la succession duquel figurent des biens immeubles situés en Belgique (droit de mutation par décès).

Ces droits sont levés sur l'universalité des biens transmis par héritage; lorsque le défunt n'est pas un habitant du Royaume, la masse est limitée aux biens immobiliers situés en Belgique. La base d'imposition est la valeur, déduction faite des dettes, de tout ce qui est recueilli dans la succession (articles 1er, 15 et 18 du Code des droits de succession).

B.2.3. En vertu de l'article 4, § 2, de la loi spéciale de financement du 16 janvier 1989, les régions peuvent modifier le « taux d'imposition » et les « exonérations » des droits de succession et des droits de mutation par décès, cependant que le législateur fédéral reste compétent, conformément à l'article 4, § 4, « pour fixer la base d'imposition ». Aucune modification de la fixation de la base d'imposition ne peut cependant être effectuée sans l'accord des gouvernements de région. La loi spéciale de financement ne fait pas de distinction entre « la matière imposable » et « la base d'imposition ».

B.2.4. Il ressort des travaux préparatoires de la loi spéciale de financement du 16 janvier 1989 que le maintien de la compétence fédérale en matière de fixation de la base d'imposition des droits de succession et des droits de mutation par décès est fondé sur la considération « que la base imposable reste déterminée par le législateur national pour éviter des difficultés pratiques. Il est en effet indispensable de conserver la même méthode d'évaluation des biens de la succession, tant des éléments de l'actif que du passif » (Doc. parl., Chambre, 1988-1989, n° 635/18, p. 275).

Cette justification fait apparaître qu'en réservant à l'autorité fédérale le pouvoir de fixer la base d'imposition, le législateur spécial a voulu éviter qu'il soit porté atteinte à l'uniformité du régime de la fixation de la valeur de l'universalité des biens recueillis et à l'application de ce régime.

B.2.5. Selon le Conseil des ministres, il aurait été porté atteinte à la compétence fédérale pour la fixation de la base d'imposition. La critique concerne l'introduction d'un nouveau tarif pour les personnes vivant ensemble, la diminution du nombre de tranches pour les héritiers autres que ceux en ligne directe, que les conjoints et que les « personnes vivant ensemble », le transfert de la catégorie « entre oncles ou tantes et neveux ou nièces » vers la catégorie « entre tous autres » ainsi que l'imposition de la somme des parts héréditaires nettes pour cette dernière catégorie d'héritiers.

B.2.6. Les dispositions du décret attaqué ne touchent pas à la composition et aux règles d'évaluation de l'universalité des biens recueillis. Elles ne portent donc pas atteinte à la base d'imposition mais se limitent au taux d'imposition, notamment en appliquant le tarif à la part correspondante de la somme des parts nettes. Ces dispositions concernent la tarification et demeurent en tant que telles dans la compétence dont disposent les régions en matière de taux d'imposition et d'exonérations. En effet, pour que cette compétence ait un sens, elle doit aussi inclure le pouvoir de déterminer dans quelles circonstances le taux d'imposition ou l'exonération modifiés sont applicables.

B.2.7. Les premier et second moyens dans l'affaire portant le numéro 1320 du rôle ne sont pas fondés.

Quant aux articles 10 et 11 de la Constitution B.3. Le Conseil des ministres déclare, dans un troisième moyen, que le décret attaqué viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il fait naître des discriminations entre diverses catégories d'ayants droit.

La critique concerne, d'une part, la distinction entre les biens meubles et immeubles pour les ayants droit en ligne directe et le conjoint survivant et, d'autre part, l'imposition de la somme des parts héréditaires nettes pour les ayants droit autres que les héritiers en ligne directe, les conjoints, les personnes vivant ensemble et les frères et soeurs.

B.4. L'incidence de la distinction entre les biens meubles et immeubles en la matière est réglée par l'article 2 du décret du 15 avril 1997 modifiant les articles 48 et 56 du Code des droits de succession. Cette disposition n'est pas modifiée par le décret qui fait l'objet de l'actuel recours.

Le troisième moyen formulé dans l'affaire portant le numéro 1320 du rôle n'est pas recevable en tant qu'il est dirigé contre des dispositions qui ne figurent pas dans le décret attaqué et ne font donc pas l'objet de l'actuel recours en annulation.

B.5.1. Pour les héritiers en ligne directe, les époux, les personnes vivant ensemble et les frères et soeurs, le tarif d'imposition reste déterminé par la part nette de chacun des ayants droit, cependant que pour les autres, le taux d'imposition est déterminé par la somme des parts nettes des ayants droit de leur groupe.

B.5.2. Il appartient au législateur fiscal compétent de fixer le tarif d'imposition et d'en établir les modalités. Toutefois, lorsqu'il utilise à cet effet des critères de distinction, ceux-ci doivent être objectivement et raisonnablement justifiés. Les tarifs et modalités doivent être appliqués de manière égale pour toutes les personnes qui se trouvent dans une situation équivalente au regard de la mesure considérée et du but poursuivi, sous la réserve que le législateur fiscal doit pouvoir faire usage de catégories qui, nécessairement, n'appréhendent la diversité des situations qu'avec un certain degré d'approximation. Il importe cependant de vérifier si le législateur n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.

B.5.3. Etablir un tarif différent pour divers groupes d'héritiers, en fonction de l'existence ou non d'un certain degré de parenté ou d'alliance ou en fonction de l'existence ou non d'un ménage commun avec le défunt, repose sur un critère objectif et pertinent. Il n'est pas manifestement déraisonnable, en effet, de moduler le montant de l'imposition en fonction du lien affectif que permet de présumer le degré de parenté ou d'alliance du défunt et des héritiers ou l'existence d'un ménage commun.

B.5.4. L'application du tarif déterminé par la somme des parts nettes recueillies a aussi pour effet, selon le Conseil des ministres, que pour une même part nette, les droits de succession exigibles sont plus ou sont moins élevés selon le nombre des ayants droit d'une même catégorie appelés à succéder ensemble.

La critique porte sur le fait que, eu égard au cumul des parts nettes de la catégorie des « autres » héritiers, il est appliqué un pourcentage d'imposition supérieur à ce qu'il serait s'il était déterminé uniquement en fonction de la part héréditaire effectivement recueillie.

Les droits de succession et de mutation par décès sont des impôts à caractère progressif, exprimés en tranches et pourcentages. Ce caractère progressif n'est pas en soi remis en cause par les parties requérantes.

Le caractère progressif de l'imposition, voulu par le législateur fiscal décrétal, perd une partie de son efficacité à mesure que le nombre de personnes appelées à la succession augmente.

Dans le système critiqué, le législateur décrétal accepte cette atténuation de la progressivité en appliquant - pour la catégorie des héritiers en ligne directe, et entre les époux, les personnes vivant ensemble et les frères et soeurs - le pourcentage d'imposition à la part nette que chaque héritier recueille.

En liant le pourcentage d'imposition des autres héritiers à l'ampleur de la somme des parts nettes qui leur reviennent, le législateur fiscal décrétal a rétabli, en ce qui les concerne, la progressivité.

Parce qu'il a pris en compte le degré de parenté ou d'alliance du défunt et des héritiers ou l'existence entre eux d'un ménage commun, le législateur décrétal, pour les raisons exposées au B.5.3, n'a pas agi de manière déraisonnable.

B.5.5. Par conséquent, en disposant que les tarifs progressifs par tranche pour les héritiers en ligne directe, les époux, les personnes vivant ensemble et les frères et soeurs sont appliqués à la part nette de chacun de ces ayants droit et, pour les autres, à la somme des parts nettes recueillies par les ayants droit de ce groupe, le législateur décrétal ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

B.6. Les parties requérantes dans les affaires portant les numéros 1315, 1318 et 1319 du rôle prennent un moyen unique de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, lus isolément ou conjointement avec d'autres articles de la Constitution et certaines dispositions conventionnelles.

La critique porte, d'une part, sur le fait que les personnes non mariées vivant ensemble, de sexe différent ou non, sont traitées de façon moins favorable que les époux et sont traitées de la même manière que d'autres groupes de cohabitants pour l'application des droits de succession et, d'autre part, sur le fait que la part d'héritage qui sera ultérieurement disponible pour leurs enfants communs est par conséquent plus petite que s'ils étaient mariés.

B.7. Aux successions en ligne directe et entre époux sont appliqués les tarifs suivants : 3 p.c. sur la tranche jusqu'à 2 millions de francs, 9 p.c. sur la tranche de plus de 2 millions à 10 millions de francs et 27 p.c. sur la tranche supérieure à 10 millions de francs.

Ce tarif est appliqué, pour chaque ayant droit, sur la part nette des biens immeubles, d'une part, et sur la part nette des biens meubles, d'autre part. Les droits de succession ainsi calculés sont réduits, pour chaque part nette qui n'excède pas 2 millions de francs, d'un montant de 20.000 francs multiplié par le coefficient obtenu en effectuant l'opération 1 - (part héréditaire/2.000.000).

Aux successions entre des personnes vivant ensemble sont appliqués les tarifs suivants : 10 p.c. sur la tranche jusqu'à 3 millions de francs, 35 p.c. sur la tranche de plus de 3 millions à 5 millions de francs et 50 p.c. sur la tranche supérieure à 5 millions de francs. Ce tarif est appliqué, pour chaque ayant droit, à la tranche correspondante de la part nette.

Aux successions entre frères et surs sont appliqués les tarifs suivants : 30 p.c. sur la tranche jusqu'à 3 millions de francs, 55 p.c. sur la tranche de plus de 3 millions à 5 millions de francs et 65 p.c. sur la tranche supérieure à 5 millions de francs. Ce tarif est appliqué, pour chaque ayant droit, à la tranche correspondante de la part nette. Lorsque la part est supérieure à 750.000 francs sans excéder 3 millions de francs, les droits de succession ainsi calculés sont réduits d'un montant de 100.000 francs multiplié par le coefficient obtenu en effectuant l'opération 1 - (part héréditaire/3.000.000) et, lorsque la part est inférieure ou égale à 750.000 francs, le montant des droits de succession est réduit d'un montant de 75.000 francs multiplié par 1 - (part héréditaire/750.000).

Aux successions entre des personnes n'appartenant pas aux catégories précitées sont appliqués les tarifs suivants : 45 p.c. de la tranche jusqu'à 3 millions de francs, 55 p.c. de la tranche de plus de 3 à 5 millions de francs et 65 p.c. de la tranche supérieure à 5 millions de francs. Ce tarif est appliqué à la tranche correspondante de la somme des parts nettes recueillies par les ayants droit de ce groupe.

Lorsque le total des parts héréditaires est supérieur à 500.000 francs et n'excède pas 3 millions de francs, les droits de succession ainsi calculés sont réduits d'un montant de 90.000 francs multiplié par le coefficient obtenu en effectuant l'opération 1 - (total des parts héréditaires/3.000.000) et, lorsque le total des parts héréditaires est inférieur ou égal à 500.000 francs, les droits sont réduits d'un montant de 75.000 francs multiplié par le coefficient 1 - (total des parts héréditaires/500.000). La réduction est répartie entre les héritiers concernés, en proportion des parts héréditaires qu'ils ont recueillies.

B.8. En traitant différemment, en matière de droits de succession, les époux et les personnes non mariées vivant ensemble, le législateur décrétal a pris une mesure qui est en rapport avec l'objectif, manifesté en droit civil, de protéger une forme de vie familiale qui, à son estime, offre de meilleures chances de stabilité. La mesure critiquée n'est pas disproportionnée à cet objectif.

B.9.1. Dès lors qu'il est établi qu'en matière de tarif des droits de succession, il n'y a pas de discrimination entre les personnes mariées et celles vivant ensemble, au sens donné à ces derniers termes par les parties requérantes, il reste à examiner si lesdites personnes vivant ensemble sont ou non indûment traitées de manière égale, par des dispositions qui n'ont d'effet qu'en matière fiscale, par rapport aux autres catégories de cohabitants auxquelles pourrait s'appliquer le tableau II de l'article 48.

B.9.2. Les règles constitutionnelles de l'égalité et de la non-discrimination s'opposent à ce que soient traitées de manière identique, sans qu'apparaisse une justification raisonnable, des catégories de personnes se trouvant dans des situations qui, au regard de la mesure considérée, sont essentiellement différentes.

B.9.3. Le tarif entre personnes vivant ensemble est applicable à la ou aux personnes qui vivaient avec le défunt sans interruption depuis au moins trois ans à la date d'ouverture de la succession, ce fait étant établi au moyen d'un extrait du registre de population, et qui formaient un ménage avec lui. Le décret précise que l'existence d'un ménage commun est démontrée, entre autres, par une volonté persistante, manifestée à cet égard par les parties, et par leur participation aux dépenses ménagères.

Sans se prononcer in concreto, comme le voudraient les parties requérantes, sur les catégories qui seraient comprises dans la notion de personnes vivant ensemble, la Cour constate que les critères indiqués par le décret ne sont pas déraisonnables en ce qu'ils prennent en considération un lien réel d'affinité pour distinguer, dans le domaine du tarif des droits de succession, les personnes vivant ensemble des autres contribuables. Le législateur décrétal a pu raisonnablement adopter une réglementation identique à l'égard de toutes les formes de cohabitation ayant des caractéristiques communes en se fondant sur les critères objectifs et vérifiables visés ci-dessus, tout en respectant la vie privée des contribuables.

B.10. Il résulte de ce qui précède que le décret attaqué ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution, lus isolément ou conjointement avec d'autres articles constitutionnels ou certaines dispositions conventionnelles.

Le moyen unique pris dans les affaires portant les numéros 1315, 1318 et 1319 du rôle n'est pas fondé.

En ce qui concerne l'intérêt des parties requérantes dans les affaires portant les numéros 1101, 1106 et 1116 du rôle B.11. Dès lors qu'il n'y a pas lieu d'annuler le décret du 15 juillet 1997, les parties requérantes susdites ont, pour les motifs exposés au B.1.3 de l'arrêt n° 128/98, perdu définitivement leur intérêt à l'annulation des articles 48 et 56, alinéas 3 et 4, du Code des droits de succession, modifiés par les décrets des 20 décembre 1996 et 15 avril 1997.

Par ces motifs, la Cour - rejette les recours; - raye du rôle les affaires portant les numéros 1101, 1106 et 1116.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 15 juillet 1999.

Le greffier, L. Potoms.

Le président, L. De Grève.

^