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Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 11 septembre 1999

Arrêt n° 59/99 du 26 mai 1999 Numéros du rôle : 1425 et 1426 En cause : les questions préjudicielles concernant l'article 2, § 4, de l'arrêté royal n° 149 (...)

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11/09/1999
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COUR D'ARBITRAGE


Arrêt n° 59/99 du 26 mai 1999 Numéros du rôle : 1425 et 1426 En cause : les questions préjudicielles concernant l'article 2, § 4, de l'arrêté royal n° 149 du 30 décembre 1982 « modifiant le Code des impôts sur les revenus et l'arrêté royal n° 48 du 22 juin 1982 modifiant le Code des impôts sur les revenus en matière de déduction pour investissement, de plus-values et d'amortissements », confirmé par l'article 11 de la loi du 1er juillet 1983 « portant confirmation des arrêtés royaux pris en exécution de l'article 2 de la loi du 2 février 1982 attribuant certains pouvoirs spéciaux au Roi », posées par la Cour d'appel de Gand.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents L. De Grève et M. Melchior, et des juges H. Boel, G. De Baets, E. Cerexhe, A. Arts et R. Henneuse, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président L. De Grève, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles Par deux arrêts du 1er octobre 1998 en cause de la s.a. Georges Behaeghel en Cie, d'une part, et de la s.a. Billiet-Vanlaere, d'autre part, contre l'Etat belge, dont les expéditions sont parvenues au greffe de la Cour d'arbitrage le 7 octobre 1998, la Cour d'appel de Gand a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 11 de la loi du 1er juillet 1983 [portant confirmation des arrêtés royaux pris en exécution de l'article 2 de la loi du 2 février 1982 attribuant certains pouvoirs spéciaux au Roi] viole-t-il, en raison de la confirmation [de l'article 2, § 4, de l'arrêté royal n° 149 du 30 décembre 1982 modifiant le Code des impôts sur les revenus et l'arrêté royal n° 48 du 22 juin 1982 modifiant le Code des impôts sur les revenus en matière de déduction pour investissement, de plus-values et d'amortissements], les articles 10 et 11 de la Constitution en ce que ces dispositions législatives contiennent une mesure rétroactive et violent ainsi le principe de la sécurité juridique applicable à tous les citoyens, sans qu'une justification objective et raisonnable puisse être donnée pour ce faire ? » II. Les faits et la procédure antérieure a. Affaire portant le numéro 1425 du rôle 1.1. La s.a. Georges Behaeghel en Cie, dont le siège est établi à 8000 Bruges, Sinte Claradreef 77, avait, aux termes de la décision de renvoi, déclaré pour l'exercice d'imposition 1982 exercice spécial (exercice comptable s'étendant du 1er janvier 1982 au 30 novembre 1982) un bénéfice imposable de 7 451 355 francs à l'impôt des sociétés.Un montant de 2 937 000 francs avait été déclaré sous le code 276, au titre de réserve d'investissement. Une cotisation avait été établie en fonction de ces montants. 1.2. Par avis de rectification du 24 octobre 1984, il fut communiqué à la contribuable, par référence à l'article 2, § 4, de l'arrêté royal n° 149 du 30 décembre 1982, que la réserve d'investissement actée ne pouvait être exonérée d'impôt, en sorte que le bénéfice imposable a été fixé à 10.389.315 francs. Une cotisation supplémentaire fut enrôlée. 1.3. La contribuable introduisit une réclamation. Par décision du directeur des contributions directes de la province de Flandre occidentale, il fut fait droit aux griefs relatifs au taux d'imposition et à l'imputation des versements anticipés. L'exonération d'impôt pour la réserve d'investissement fut toutefois rejetée. 1.4. Le 20 décembre 1986, la contribuable introduisit un recours fiscal contre cette décision auprès de la Cour d'appel de Gand.

La partie requérante soutenait que le directeur était obligé, en vertu de l'article 159 de la Constitution, de vérifier si l'article 2, § 4, de l'arrêté royal n° 149 du 30 décembre 1982 était compatible avec la Constitution et avec les lois. Tel n'était pas le cas, selon elle, parce que cette disposition n'est pas conforme à la loi du 2 février 1982 attribuant certains pouvoirs spéciaux au Roi, en sorte qu'elle ne pouvait pas être appliquée. 1.5. Dans la décision de renvoi, la Cour d'appel observe que la requérante a, en date du 27 mai 1982, fait une déclaration à l'impôt des sociétés pour l'exercice comptable 1981, mentionnant un montant de 1 739 000 francs au titre de réserve d'investissement.

L'administration ne s'y est pas opposée.

Lors de son assemblée générale extraordinaire du 29 novembre 1982, la requérante a décidé d'avancer du 31 décembre 1982 au 30 novembre 1982 la date de clôture normale de son exercice comptable 1982. Il s'ensuit que, pour l'application de l'impôt sur les bénéfices, l'année comptable écourtée est rattachée à l'exercice d'imposition 1982.

Le 27 avril 1983, la requérante a introduit une seconde déclaration à l'impôt des sociétés pour l'exercice d'imposition 1982 (exercice spécial). Elle demandait aussi l'exonération de la réserve d'investissement conformément au régime, applicable à l'époque, des articles 23bis et 107bis du Code des impôts sur les revenus, dispositions qui étaient en vigueur à partir de l'exercice d'imposition 1982.

L'arrêté royal n° 48 du 22 juin 1982 a abrogé ce régime et l'a remplacé par un autre à partir de l'exercice d'imposition 1983. Cet arrêté royal a été modifié à son tour par l'arrêté royal n° 149, qui a été confirmé par la loi du 1er juillet 1983.

La requérante fait valoir que l'article 2, § 4, de l'arrêté royal n° 149 et l'article 11 de la loi du 1er juillet 1983 confirmant les arrêtés royaux pris en exécution de l'article 2 de la loi du 2 février 1982 attribuant certains pouvoirs spéciaux au Roi violent les articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec le principe de la sécurité juridique.

L'arrêté royal n° 149 n'a été publié au Moniteur belge que le 19 janvier 1983 et est entré en vigueur le 29 janvier 1983, lorsque l'exercice comptable était déjà terminé. L'article 2, § 4, porte de surcroît sur des modifications apportées aux statuts dès le 1er décembre 1981 et constitue donc une mesure rétroactive.

La requérante fait valoir qu'en modifiant la date de clôture de son exercice comptable, elle a axé sa stratégie sur la constitution d'une réserve d'investissement. En raison de l'effet rétroactif de l'article 2, § 4, de l'arrêté royal n° 149, sa stratégie a été entièrement anéantie par rapport à d'autres contribuables, qui n'avaient pas modifié la date de clôture de leur exercice comptable. Selon la requérante, l'insécurité juridique qui en découle ne peut être justifiée par le souci du bon fonctionnement et de la continuité du service public. De plus, la mesure adoptée n'est pas proportionnée à l'objectif de la réglementation.

C'est pour ces raisons que la requérante a demandé que soit posée la question préjudicielle précitée. 1.6. La Cour d'appel décide de poser la question préjudicielle « étant donné que l'article 26, § 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage dispose que lorsqu'une question est soulevée devant une juridiction, celle-ci doit demander à la Cour d'arbitrage de statuer sur cette question ». b. Affaire portant le numéro 1426 du rôle 2.1. La s.a. Billiet-Vanlaere, dont le siège est établi à 8700 Tielt, Beernegemstraat 46, avait, aux termes de la décision de renvoi, déclaré pour l'exercice d'imposition 1982 exercice spécial (exercice comptable s'étendant du 1er janvier 1982 au 30 novembre 1982) un bénéfice imposable de 6 559 860 francs à l'impôt des sociétés. Un montant de 2 512 052 francs avait été déclaré sous le code 276, au titre de réserve d'investissement. Une cotisation avait été établie en fonction de ces montants. 2.2. Par avis de rectification du 21 novembre 1983, il fut communiqué à la contribuable, par référence à l'article 2, § 4, de l'arrêté royal n° 149 du 30 décembre 1982, que la réserve d'investissement actée ne pouvait être exonérée d'impôt, en sorte que le bénéfice imposable a été fixé à 9 061 428 francs.Une cotisation supplémentaire fut enrôlée. 2.3. La contribuable introduisit une réclamation. Par décision du directeur des contributions directes de la province de Flandre occidentale, il fut fait droit aux griefs relatifs au taux d'imposition et à l'imputation des versements anticipés. L'exonération d'impôt pour la réserve d'investissement fut toutefois rejetée. 2.4. Le 8 janvier 1986, la contribuable introduisit un recours fiscal contre cette décision auprès de la Cour d'appel de Gand.

La partie requérante soutenait que le directeur était obligé, en vertu de l'article 159 de la Constitution, de vérifier si l'article 2, § 4, de l'arrêté royal n° 149 du 30 décembre 1982 était compatible avec la Constitution et avec les lois. Tel n'était pas le cas, selon elle, parce que cette disposition n'est pas conforme à la loi du 2 février 1982 attribuant certains pouvoirs spéciaux au Roi, en sorte qu'elle ne pouvait pas être appliquée. 2.5. Dans la décision de renvoi, la Cour d'appel observe que, lors de l'assemblée générale extraordinaire du 27 novembre 1982, la requérante a décidé d'avancer du 31 décembre 1982 au 30 novembre 1982 la date de clôture normale de son exercice comptable 1982. Il s'ensuit que, pour l'application de l'impôt sur les bénéfices, l'année comptable écourtée est rattachée à l'exercice d'imposition 1982.

Le 31 mai 1983, la requérante a introduit une déclaration à l'impôt des sociétés pour l'exercice d'imposition 1982 (exercice spécial).

Elle demandait aussi l'exonération de la réserve d'investissement conformément au régime, applicable à l'époque, des articles 23bis et 107bis du Code des impôts sur les revenus, dispositions qui étaient en vigueur à partir de l'exercice d'imposition 1982. 2.6. Les considérations qui ont amené la Cour d'appel à poser la question préjudicielle sont analogues à celles reproduites sous 1.5 et 1.6.

La Cour d'appel observe encore que, contrairement à ce que soutient l'administration, l'arrêt n° 70/97 de la Cour d'arbitrage du 18 novembre 1997 ne répond pas à la question préjudicielle, dès lors que la Cour a explicitement considéré que le juge a quo n'avait pas soulevé la question de la rétroactivité.

III. La procédure devant la Cour Par ordonnances du 7 octobre 1998, le président en exercice a désigné pour chacune des deux affaires les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application dans les affaires respectives des articles 71 ou 72 de la loi organique.

Par ordonnance du 21 octobre 1998, la Cour a joint les affaires.

Les décisions de renvoi ont été notifiées conformément à l'article 77 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 4 novembre 1998; l'ordonnance de jonction a été notifiée par les mêmes lettres.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 13 novembre 1998.

Des mémoires ont été introduits par : - la s.a. Georges Behaeghel en Cie, Laconiastraat 8, 8000 Bruges, par lettre recommandée à la poste le 16 décembre 1998; - la s.a. Billiet-Vanlaere, Beernegemstraat 46, 8700 Tielt, par lettre recommandée à la poste le 16 décembre 1998; - le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 17 décembre 1998.

Ces mémoires ont été notifiés conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 19 janvier 1999.

Des mémoires en réponse ont été introduits par : - la s.a. Georges Behaeghel en Cie, par lettre recommandée à la poste le 16 février 1999; - la s.a. Billiet-Vanlaere, par lettre recommandée à la poste le 16 février 1999; - le Conseil des ministres, par lettre recommandée à la poste le 17 février 1999.

Par ordonnance du 30 mars 1999, la Cour a prorogé jusqu'au 7 octobre 1999 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.

Par ordonnance du 10 mars 1999, la Cour a déclaré les affaires en état et fixé l'audience au 30 mars 1999.

Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats, par lettres recommandées à la poste le 11 mars 1999.

A l'audience publique du 30 mars 1999 : - ont comparu : . Me H. Geinger, avocat à la Cour de cassation, pour la s.a. Georges Behaeghel en Cie et pour la s.a. Billiet-Vanlaere; . Me H. Rieder loco Me S. van Rouveroij, avocats au barreau de Gand, pour le Conseil des ministres; - les juges-rapporteurs H. Boel et E. Cerexhe ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - les affaires ont été mises en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

IV. Objet des dispositions en cause 1. L'article 23bis du Code des impôts sur les revenus 1964 (C.I.R. 1964), inséré par l'article 1er de la loi de redressement du 10 février 1981 relative aux dispositions fiscales et financières (Moniteur belge, 14 février 1981), disposait : « § 1er. N'est pas considérée comme un bénéfice, la réserve d'investissement constituée à l'expiration de la période imposable dans les limites et aux conditions suivantes : 1° le montant immunisé de la réserve d'investissement constituée par prélèvement sur les bénéfices de la période imposable ne peut excéder 5 % des bénéfices bruts diminués des dépenses et charges professionnelles admissibles, ainsi que des plus-values immunisées en vertu des articles 34 à 38, mais avant toute déduction au titre de provisions pour pertes ou charges probables visées à l'article 23;2° le montant immunisé doit être investi : a) dans l'exploitation en Belgique des biens corporels ou incorporels acquis ou constitués à l'état neuf et amortissables conformément à l'article 45, 4°;b) dans un délai de trois ans prenant cours le premier jour de la période imposable pour laquelle la réserve d'investissement a été constituée et, au plus tard, à la cessation de l'exploitation. § 4. Si l'investissement n'a pas été effectué conformément au § 1er, 2°, a, la réserve d'investissement antérieurement immunisée est considérée comme un bénéfice obtenu au cours de la période imposable pendant laquelle le délai d'investissement visé au § 1er, 2°, b, est venu à expiration.

Cette disposition était applicable à partir de l'exercice d'imposition 1982 (article 27, § 1er, 2°, de la loi de redressement du 10 février 1981). 2. L'article 107bis du même Code, inséré par l'article 13 de la loi précitée, modifié par l'article 58 de la loi-programme 1981 du 2 juillet 1981 (Moniteur belge, 8 juillet 1991), disposait : « § 1er.Par dérogation à l'article 23bis, § 1er, 1°, le montant de la réserve d'investissement constituée par prélèvement sur les bénéfices sociaux de la période imposable est immunisé à concurrence de 5 % de l'ensemble de ces bénéfices et de 30 %, au maximum, de la partie des mêmes bénéfices qui est maintenue dans le patrimoine de l'entreprise.

La base de calcul du montant immunisé comprend les provisions pour pertes ou charges probables immunisées en vertu de l'article 23, mais elle ne comprend pas les autres provisions ou plus-values immunisées en vertu des articles 105 à 107. § 2. Sans préjudice de l'application de l'article 23bis, § 2, les investissements pris en considération ne comprennent pas les éléments acquis par voie d'apport en société. § 3. Sans préjudice de l'application de l'article 23bis, § 4, l'octroi et le maintien de l'immunité de la réserve d'investissement sont subordonnés à l'observation des conditions prévues à l'article 105.

Dans l'éventualité et dans la mesure où ces conditions cessent d'être observées pendant une période imposable quelconque, la réserve antérieurement immunisée est considérée comme un bénéfice obtenu au cours de cette période imposable. § 4. [ . ] § 5. Par arrêté délibéré en Conseil des ministres, le Roi règle l'exécution de ces dispositions, en ce compris le pourcentage de l'immunisation en fonction des bénéfices sociaux maintenus dans le patrimoine de l'entreprise. » L'article 107bis ainsi modifié était également applicable à partir de l'exercice d'imposition 1982 (article 27, § 1er, 2°, de la loi de redressement du 10 février 1981 et article 66, § 1er, 2°, de la loi-programme du 2 juillet 1981). 3. L'article 2, 6°, de la loi du 2 février 1982 attribuant certains pouvoirs spéciaux au Roi (Moniteur belge du 4 février 1982, errata Moniteur belge, 19 février 1982) dispose : « En vue du redressement économique et financier, de la croissance économique, de l'encouragement de l'investissement dans les entreprises, de la motivation au travail de la population et de la création d'emplois, le Roi peut, par arrêtés délibérés en Conseil des Ministres, prendre toutes les mesures utiles en vue d'abroger, compléter, modifier ou remplacer la législation relative aux impôts, taxes, droits, rétributions et redevances, et notamment modifier l'assiette, le taux, les modalités d'établissement et de recouvrement et la procédure, à l'exclusion des procédures judiciaires, dans les matières suivantes : 6° le régime des amortissements et des investissements, notamment les investissements tendant à économiser l'énergie et à promouvoir la recherche et le développement de produits nouveaux et de technologies avancées;» L'article 4 de la même loi dispose : « § 1er. Les pouvoirs accordés au Roi par les articles 1er, 2 et 3, § 4, expirent le 31 décembre 1982. § 2. Les arrêtés pris en vertu de ces pouvoirs peuvent abroger, compléter, modifier ou remplacer les dispositions légales en vigueur. § 3. Après l'expiration des pouvoirs attribués par la présente loi, ces arrêtés ne peuvent être abrogés, complétés, modifiés ou remplacés que par une loi. § 4. Les arrêtés pris en application des articles 1er, 2 et 3, § 4, peuvent rétroagir au 1er janvier 1982, à l'exception des dispositions qui créent des infractions ou aggravent des peines, au sens du Livre Premier du Code pénal.

L'article 6 de la même loi dispose : « Les arrêtés royaux pris en vertu de l'article 2 sont abrogés au 1er janvier 1984, s'ils n'ont pas été confirmés par la loi avant cette date. » 4. Les articles 1er et 10 de l'arrêté royal n° 48 du 22 juin 1982 modifiant le Code des impôts sur les revenus en matière de déduction pour investissement, de plus-values et d'amortissements qui trouve son fondement légal, selon son préambule, dans l'article 2, 6°, de la loi précitée abrogent respectivement l'article 23bis et l'article 107bis du C.I.R. 1964 à partir de l'exercice d'imposition 1983 (article 15, § 1er, 1°).

L'article 6 a instauré dans le C.I.R. 1964 un régime de déduction pour investissement (article 42ter). 5. L'article 2 de l'arrêté royal n° 149 du 30 décembre 1982 « modifiant le Code des impôts sur les revenus et l'arrêté royal n°48 du 22 juin 1982 modifiant le Code des impôts sur les revenus en matière de déduction pour investissement, de plus-values et d'amortissements » (Moniteur belge, 19 janvier 1983) - arrêté royal qui tient son fondement légal, aux termes de son préambule, des articles 1er, 1°, et 2, 6°, de la loi précitée insère dans l'article 15 de l'arrêté royal n° 48 du 22 juin 1982 un paragraphe 4, libellé comme suit : « Toute modification, apportée à partir du 1er décembre 1981 aux dispositions statutaires concernant la date de clôture des comptes annuels, est considérée comme étant sans effet pour l'application des dispositions des articles 23bis et 107bis du Code des impôts sur les revenus, tels qu'ils existaient avant leur abrogation par le présent arrêté.» 6. L'article 11 de la loi du 1er juillet 1983 portant confirmation des arrêtés royaux pris en exécution de l'article 2 de la loi du 2 février 1982 attribuant certains pouvoirs spéciaux au Roi (Moniteur belge, 9 juillet 1983) confirme l'arrêté royal n° 48 précité ainsi que l'arrêté royal n° 149 précité à partir de l'exercice d'imposition pour lequel ils sont applicables pour la première fois. V. En droit - A - A.1.1. Les parties requérantes devant le juge du fond estiment qu'il convient de répondre par l'affirmative à la question préjudicielle, pour les raisons exposées aux A.1.2 à A.1.4.

A.1.2. A la date de l'entrée en vigueur de l'arrêté royal n° 149 le 29 janvier 1983 -, les investissements réalisés en 1982 en vue de l'exonération d'impôt à concurrence de la réserve d'investissement et la fixation au 30 novembre 1982 de la date de clôture de l'exercice comptable étaient déjà acquis. Les avantages des articles 23bis et 107bis du C.I.R. 1964 étaient ainsi déjà acquis en principe pour autant qu'ils fussent rattachés à l'exercice d'imposition 1982.

La mesure visée à l'article 2, § 4, de l'arrêté royal n° 149 a incontestablement trompé les attentes légitimes des parties requérantes, d'autant qu'elles partaient du principe que les articles 23bis et 107bis auraient un caractère permanent.

Selon la jurisprudence de la Cour, la rétroactivité de dispositions législatives, qui est de nature à créer de l'insécurité juridique, ne peut se justifier que par des circonstances particulières, notamment lorsqu'elle est indispensable au bon fonctionnement ou à la continuité du service public (arrêts nos 64/97 et 3/98) ou à la réalisation d'un objectif d'intérêt général (arrêt n° 76/97).

Il découle également de la jurisprudence de la Cour que le législateur ne peut porter atteinte sans justification objective et raisonnable à l'intérêt que possèdent les sujets de droit à se trouver en mesure de prévoir les conséquences de leurs actes (arrêts nos 10/93 et 59/93).

Pareille justification fait totalement défaut en l'espèce.

A.1.3. Contrairement à la thèse défendue par l'administration selon laquelle il convenait de faire obstacle à l'évasion fiscale, qui consisterait en ce que le contribuable pourrait appliquer deux fois au lieu d'une la déduction de la réserve d'investissement, il n'apparaît nullement de l'arrêté royal n° 48 que telle était l'intention du Roi.

La nouvelle réglementation avait certes pour effet que la réserve d'investissement, qui était conçue comme mesure permanente et qui était également comprise comme telle par la contribuable, ne serait appliquée qu'une seule fois. Toutefois, le texte ne permet pas d'établir que le but était de faire obstacle à l'évasion fiscale. Ni l'objectif consistant à mettre sur un pied d'égalité tous les contribuables, ni des recettes fiscales plus élevées ne sauraient justifier de manière objective et raisonnable la violation du principe de la sécurité juridique par la confirmation, avec effet rétroactif, d'un arrêté royal qui contenait lui-même une mesure rétroactive. Le droit de choisir la voie la moins imposée est reconnu dans notre système juridique. De surcroît, la loi affecte ainsi également les contribuables qui ont anticipé la date de clôture de leur exercice comptable sans avoir eu l'intention d'éluder l'impôt. En effet, des motifs socio-économiques ou tenant au droit des sociétés pouvaient également les y contraindre. L'on ne saurait non plus affirmer que l'anticipation de la date de clôture en cause, qui emporte l'application de la réserve d'investissement pour l'exercice d'imposition 1982, représentera toujours une évasion fiscale, car la déduction pour investissement peut, en fonction des circonstances, s'avérer plus intéressante que la réserve d'investissement. La mesure rétroactive n'a donc été justifiée par aucune circonstance particulière.

A.1.4. S'il s'avère en outre que la rétroactivité de la norme législative a pour effet d'influencer dans un sens déterminé l'issue d'une ou de plusieurs procédures judiciaires ou d'empêcher des juridictions de se prononcer sur une question de droit déterminée, la nature du principe en cause exige que des circonstances exceptionnelles justifient cette intervention du législateur, qui porte atteinte, au détriment d'une catégorie de citoyens, aux garanties juridictionnelles offertes à tous (arrêts nos 64/97 et 3/98).

Le fait que l'arrêté ait été confirmé avant qu'un recours quelconque ait été introduit auprès du Conseil d'Etat n'enlève rien à la jurisprudence contenue dans l'arrêt de la Cour n° 16/91. En effet, l'article 159 de la Constitution et l'article 14 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat impliquent que quiconque est soumis à l'application d'un arrêté du pouvoir exécutif peut prétendre à un contrôle de légalité opéré par le pouvoir judiciaire. Il en va de même pour les arrêtés pris par le Roi en vertu de lois de pouvoirs spéciaux. Ce contrôle est toutefois exclu lorsqu'une loi de confirmation est adoptée. Les éventuelles contestations portées devant les tribunaux sont ainsi influencées dans un sens bien précis.

Du fait de la confirmation rétroactive de l'article 2, § 4, de l'arrêté royal n° 149, les parties requérantes sont privées du droit de contester sa légalité. Cette confirmation les a également privées du droit de soutenir que l'arrêté royal était contraire à la Constitution parce que le Roi intervenait dans une matière réservée au législateur.

Selon la jurisprudence de la Cour, le principe de l'égalité est violé lorsque, comme en l'espèce, le justiciable se voit privé, sans justification objective et raisonnable, du droit d'invoquer les irrégularités d'un arrêté royal, du fait que la loi de confirmation a conféré force de loi à l'arrêté et que ce dernier échappe ainsi au contrôle de légalité inscrit à l'article 159 de la Constitution (arrêt n° 33/93). Les travaux préparatoires de la loi du 2 février 1982 ne justifient nullement la confirmation de l'article 2, § 4, de l'arrêté royal n° 149.

A.2.1. Le Conseil des ministres estime que le moyen est irrecevable, ou à tout le moins non fondé, pour les raisons exposées ci-après (A.2.2 A.2.5).

A.2.2. L'arrêté royal n° 48 a abrogé l'immunité de la réserve d'investissement et a instauré la déduction pour investissement pour les investissements réalisés à partir du 1er janvier 1982 ou, en ce qui concerne les contribuables dont la comptabilité ne s'effectue pas par année civile, à partir du premier jour de l'exercice comptable dont les résultats sont imposables au titre de l'exercice d'imposition 1983. L'objectif consistant à n'accorder qu'une seule fois le bénéfice d'une réserve d'investissement et à le remplacer par la déduction pour investissement pour les investissements réalisés à partir du 1er janvier 1982, apparaît clairement, aux yeux du Conseil des ministres, de cet arrêté royal, ce que contestent les parties requérantes devant le juge du fond.L'intervention du législateur devait en principe, selon le Conseil des ministres, aboutir à un système cohérent : le bénéfice de la réserve d'investissement est abrogé à une date déterminée, et il devait être suivi immédiatement et sans interruption du régime de la déduction pour investissement, applicable aux nouveaux investissements. Cela est également contesté par les parties requérantes, qui renvoient à l'arrêt n° 70/97.

Pour contrecarrer les manoeuvres fiscales, le législateur s'est néanmoins vu obligé d'expliciter dans l'arrêté royal n° 149 la raison d'être de la limitation de la réserve d'investissement à une seule période imposable. Les sociétés qui ont décidé à partir du 1er décembre 1981, lors d'une assemblée générale, d'anticiper la date normale de clôture (31 décembre 1982) de leur exercice comptable, si bien que cet exercice comptable était encore rattaché à l'exercice d'imposition 1982, ont perdu l'exonération demandée de la réserve d'investissement pour cet exercice comptable. Le Conseil des ministres soutient que ce sont les sociétés elles-mêmes qui se sont mises dans cette situation, en essayant de bénéficier à deux reprises du régime fiscal avantageux, manoeuvre qui va entièrement à l'encontre de l'objectif du législateur.

Les parties requérantes devant le juge du fond contestent toutefois que toutes les sociétés qui ont anticipé la date de clôture de leur exercice comptable en 1982 l'aient fait dans le but d'éluder l'impôt.

Des motifs socio-économiques et tenant au droit des sociétés peuvent les y contraindre; l'évasion fiscale est d'ailleurs licite.

A.2.3. Le Conseil des ministres observe en ordre principal que la question concerne le principe de la sécurité juridique et non le principe d'égalité. La Cour n'est pas compétente pour sanctionner une atteinte à ce principe (arrêt n° 27/96). Le moyen est donc irrecevable.

A.2.4. En ordre subsidiaire, il faut relever que le principe de la sécurité juridique n'est pas violé. En l'espèce, les sociétés concernées ont essayé de bénéficier de la mesure pour un deuxième exercice d'imposition après avoir été confrontées à l'abrogation par l'arrêté royal n° 48, dès l'exercice comptable 1983, des dispositions fiscales relatives à l'immunité de la réserve d'investissement. A cet effet, et pour cette raison seulement, elles ont anticipé la date de clôture de leur exercice comptable. Cette tentative de contourner l'objectif du législateur s'est ensuite heurtée à l'arrêté royal n° 149, qui avait été spécialement conçu pour empêcher pareille forme d'évasion fiscale. Les parties adverses souhaitent finalement que la mesure de lutte contre l'évasion fiscale instaurée par l'arrêté royal n° 149 soit jugée contraire à la sécurité juridique.N'ayant pas réussi à bénéficier deux fois des avantages d'une mesure fiscale dont le législateur a limité l'applicabilité à un seul exercice d'imposition, les parties adverses soutiennent que la façon dont a été contrée leur tentative d'évasion fiscale affecte la sécurité juridique. Elles considèrent ainsi que le fait de contourner la loi fiscale est un droit qui devrait de surcroît être garanti par le législateur.

Il ne saurait d'ailleurs être question ici d'une violation des articles 10 et 11 de la Constitution, étant donné que les dispositions de l'arrêté royal n° 149 étaient applicables à tous les contribuables qui avaient investi, au cours de la période concernée, dans des actifs professionnels et qui se trouvaient par conséquent dans des situations analogues. Les parties adverses font croire à tort que seules les sociétés qui avaient modifié la date de clôture de leur exercice comptable étaient confrontées à une mesure législative qui les contraignait à revoir leur politique d'investissement.

L'arrêté royal n° 48, qui a supprimé le régime à partir de l'exercice d'imposition 1983, est daté du 22 juin 1982 et a été publié le 26 juin 1982. Toutes les entreprises devaient donc réorienter leur politique d'investissement, étant donné qu'une large portion de la période imposable à laquelle cette mesure serait applicable pour la première fois (exercice comptable 1982) était déjà écoulée.D'ailleurs, les sociétés en question ne disposaient respectivement, par leur faute, que de deux et quatre jours pour le faire. Le fait que la tentative de bénéficier encore de l'ancienne règle ait été mise en échec par la mesure de lutte contre l'évasion fiscale de l'arrêté royal n° 149 signifiait tout simplement pour les parties adverses qu'elles devaient, tout comme les entreprises qui n'avaient pas modifié leur exercice comptable, supporter les conséquences de la nouvelle politique instaurée par l'arrêté royal n° 48. Il n'est donc nullement question de discrimination.

A.2.5. Dans son mémoire en réponse, le Conseil des ministres observe aussi que les parties requérantes devant le juge du fond tentent injustement d'étendre la question préjudicielle. - B - B.1.1. A l'origine, les articles 23bis et 107bis du Code des impôts sur les revenus prévoyaient un régime de « réserve d'investissement » qui avait été instauré par la loi de redressement du 10 février 1981 relative aux dispositions fiscales et financières.

En vue de « l'amélioration de l'autofinancement des entreprises de manière à ce qu'il soit moins freiné par des charges d'intérêt trop lourdes », la possibilité avait été offerte « de constituer à concurrence d'un maximum de 5 p.c. des bénéfices nets, une réserve d'investissement libre d'impôt, qui doit être utilisée pour la production ou l'achat de nouveaux biens d'investissement » (Doc. parl., Chambre, 1980-1981, n° 716/8, p. 2, et Doc. parl., Sénat, 1980-1981, n° 577-2, p. 4).

B.1.2. La mesure originaire, qui prévoyait en faveur des sociétés et des entreprises d'une personne une immunisation de 5 p.c. tant des bénéfices distribués que des bénéfices réservés, avait, par l'article 58 de la loi-programme du 2 juillet 1981, été élargie de façon sélective aux sociétés. Celles-ci obtenaient en plus de l'immunisation générale de 5 p.c. une seconde immunisation pour une partie du bénéfice non distribué dont le pourcentage devait être déterminé par un arrêté royal délibéré en Conseil des ministres, en respectant le maximum de 30 p.c. fixé par la loi (Doc. parl., Chambre, 1980-1981, n° 838/1, p. 16, Ann., Chambre, 27 mai 1981, p. 2127, et Doc. parl., Sénat, 1980-1981, n° 662-7, p. 10).

B.1.3. Dans sa déclaration à l'impôt des sociétés pour l'exercice d'imposition 1982, la partie requérante devant le juge a quo dans l'affaire portant le numéro 1425 du rôle avait, par application de la version applicable à l'époque de l'article 107bis du Code des impôts sur les revenus, déduit des montants comptabilisés comme réserve d'investissement.

Cette déclaration portait sur l'exercice comptable qui avait été clôturé le 31 décembre 1981.

B.2.1. L'arrêté royal n° 48 du 22 juin 1982 « modifiant le Code des impôts sur les revenus en matière de déduction pour investissement, de plus-values et d'amortissements » a abrogé le régime précité de l'immunisation pour les réserves d'investissement à partir de l'exercice d'imposition 1983 et a remplacé celui-ci par un régime de « déduction pour investissement » régi par l'article 42ter du Code des impôts sur les revenus (actuellement les articles 68 et suivants du C.I.R. 1992).

Selon le rapport au Roi précédant l'arrêté royal précité, l'objectif était de « remplacer le régime actuel des incitants fiscaux par un nouveau système intégré en vertu duquel les entreprises auront la possibilité de diminuer leurs bénéfices imposables par une ' déduction pour investissement ', qui, au choix du contribuable, pourra s'appliquer selon deux méthodes » (Moniteur belge, 26 juin 1982, p. 7586).

Toujours selon ce rapport, le nouveau régime était « applicable aux investissements effectués à partir du 1er janvier 1982 ou, lorsqu'il s'agit de contribuables qui tiennent leur comptabilité autrement que par année civile, à partir du premier jour de l'exercice comptable dont les résultats sont imposables au titre de l'exercice d'imposition 1983 (exercice comptable 1981-1982 pour les personnes physiques et exercice comptable 1982-1983 pour les sociétés) (voy. article 15, § 1er, 2°, - partim - du projet) » (Moniteur belge, 26 juin 1982, p. 7587).

B.2.2. Les deux sociétés engagées dans la procédure devant la Cour d'appel ont décidé respectivement le 27 et le 29 novembre 1982 d'avancer du 31 décembre 1982 au 30 novembre 1982 la date de clôture de l'exercice comptable 1982 en cours.

Ensuite, elles ont introduit une déclaration à l'impôt des sociétés pour l'exercice d'imposition 1982, relative à l'exercice comptable s'étendant du 1er janvier 1982 au 30 novembre 1982 (exercice d'imposition 1982-exercice spécial).

B.3. La disposition sur la base de laquelle a été refusée l'immunisation pour réserve d'investissement pour cet exercice d'imposition spécial est libellée comme suit : « Toute modification, apportée à partir du 1er décembre 1981 aux dispositions statutaires concernant la date de clôture des comptes annuels, est considérée comme étant sans effet pour l'application des dispositions des articles 23bis et 107bis du Code des impôts sur les revenus, tels qu'ils existaient avant leur abrogation par le présent arrêté. » Cette disposition a été insérée comme quatrième paragraphe dans l'article 15 de l'arrêté royal n° 48 précité du 22 juin 1982, par l'article 2 de l'arrêté royal n° 149 du 30 décembre 1982 « modifiant le Code des impôts sur les revenus et l'arrêté royal n° 48 du 22 juin 1982 modifiant le Code des impôts sur les revenus en matière de déduction pour investissement, de plus-values et d'amortissements » (Moniteur belge, 19 janvier 1983, p. 855).

Cette disposition a été confirmée par l'article 11 de la loi du 1er juillet 1983, lequel fait l'objet de l'actuelle question préjudicielle.

B.4. La Cour doit examiner en l'espèce si les contribuables qui ont modifié la date de clôture de leurs comptes annuels - comme les appelantes devant la juridiction a quo - ne font pas l'objet d'une discrimination en tant que ces dispositions législatives comporteraient une mesure rétroactive et violeraient ainsi le principe de la sécurité juridique.

B.5. La loi du 1er juillet 1983 avait pour objet de confirmer les arrêtés pris en exécution de l'article 2 de la loi de pouvoirs spéciaux du 2 février 1982, en ce compris l'arrêté royal n° 149 précité du 30 décembre 1982 en tant qu'il visait « à éviter les manoeuvres d'évasion fiscale, toute modification concernant la clôture des comptes annuels étant sans effet pour l'application de l'immunité de la réserve d'investissement antérieure » (Doc. parl., Sénat, 1982-1983, n° 450-1, p. 11).

Dans le rapport au Roi précédant l'arrêté royal n° 149 du 30 décembre 1982, il est dit en ce qui concerne l'objectif de l'article 2 : « En second lieu, l'article 2 tend à éviter que, par la modification de leurs statuts en ce qui concerne la date de clôture de l'exercice comptable 1982, diverses sociétés essaient d'obtenir le droit à l'immunité de réserves d'investissement pour deux exercices comptables (notamment pour l'exercice comptable qui correspond à l'année civile 1981 et pour l'exercice comptable qui commence le 1er janvier 1982 pour finir lors de la nouvelle date de clôture, avant le 31 décembre 1982), qui sont tous deux rapportés à l'exercice d'imposition 1982.

Pour éviter que dans ces cas l'immunité d'impôt pour réserve d'investissement ne soit accordée pour deux périodes imposables - ce qui est contraire à l'esprit du texte - l'article 15 de l'arrêté royal n° 48 [du 22 juin 1982] doit être adapté de manière telle que toute modification apportée à partir du 1er décembre 1981 aux dispositions statutaires concernant la date de clôture de l'exercice comptable soit sans effet pour l'application de la disposition relative à l'immunité de la réserve d'investissement, comme elle existait avant qu'elle ne soit remplacée par la déduction pour investissement (article 15, § 4 - nouveau -, de l'arrêté royal n° 48 du 22 juin 1982).» B.6. Il ressort de ce qui précède que l'objectif était de faire en sorte que le régime de l'immunisation pour réserve d'investissement instauré par la loi de redressement du 10 février 1981 soit remplacé, à partir de l'exercice d'imposition 1983, par un régime de déduction pour investissement.

Il appartient au législateur d'apprécier si un régime d'immunisation fiscale instauré par lui doit être maintenu ou non ou être remplacé par un autre régime et, ce faisant, de déterminer pour quelle période et dans quelles conditions un régime est applicable et à partir de quelle période et dans quels cas il est abrogé ou remplacé.

Le cas échéant, il peut en outre prendre des mesures pour mettre en échec les procédés par lesquels des contribuables obtiendraient une exonération pour une période non visée par le législateur.

S'il en résulte cependant une différence de traitement entre des catégories de contribuables, la Cour doit examiner si cette différence peut se justifier objectivement et raisonnablement au regard de l'objectif poursuivi.

B.7. Le critère de distinction entre sociétés selon qu'elles ont modifié ou non à partir du 1er décembre 1981 leurs dispositions statutaires concernant la date de clôture des comptes annuels est objectif et en rapport avec le souci d'éviter que les sociétés qui ont procédé à cette modification continuent de bénéficier de l'immunisation pour réserve d'investissement pour la période pouvant être rattachée à l'exercice d'imposition 1982 par la clôture anticipée de l'exercice comptable.

Le fait qu'aucune immunisation pour réserve d'investissement ne soit accordée pour un deuxième exercice comptable rattaché à un exercice d'imposition antérieur par suite d'une modification de la date de clôture est conforme à l'objectif poursuivi par la disposition en cause et n'est pas disproportionné par rapport à celui-ci.

B.8. Comme l'observe le Conseil des ministres, il se déduit tant du texte de l'arrêté royal n° 48 du 22 juin 1982 que de l'exposé de l'objectif poursuivi, tel qu'il ressort du rapport au Roi précédant l'arrêté précité (voy. B.2.1) que le nouveau régime de la déduction pour investissement devait être appliqué à tous les investissements réalisés à partir du 1er janvier 1982 ou, pour ceux dont la comptabilité s'effectue autrement que par année civile, aux investissements réalisés à partir du premier jour de l'exercice comptable dont les résultats sont imposables au titre de l'exercice d'imposition 1983. Par conséquent, l'ancienne réglementation ne pouvait elle aussi être appliquée qu'aux réserves d'investissement constituées antérieurement à ces dates respectives.

Il résulte de l'arrêté royal n° 48 que des opérations du genre de celle qui avait été réalisée par les parties requérantes devant le juge a quo ne pouvaient avoir pour effet que des sociétés puissent, par une modification de l'exercice comptable, prolonger le bénéfice de l'ancienne réglementation. Il a été jugé utile de le préciser dans l'arrêté royal n° 149. Celui-ci, de portée purement interprétative, garantit que l'arrêté royal n° 48 soit appliqué à tous les contribuables dans le respect du principe d'égalité.

Contrairement à ce que soutiennent les parties requérantes devant le juge a quo, ni l'arrêté royal n° 149, ni sa confirmation par l'article 11 de la loi du 1er juillet 1983 ne sauraient être considérés comme des mesures rétroactives qui porteraient atteinte au principe de la sécurité juridique. Ces dispositions, qui n'établissent pas la distinction dénoncée par les parties précitées, visent précisément à garantir qu'un même régime soit applicable à tous les contribuables.

B.9. Sans préjudice de la décision prise par la Cour dans son arrêt n° 70/97 (B.9), les dispositions visées ne violent pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 11 de la loi du 1er juillet 1983 portant confirmation des arrêtés royaux pris en exécution de l'article 2 de la loi du 2 février 1982 attribuant certains pouvoirs spéciaux au Roi ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution en tant qu'il confirme l'article 2, § 4, de l'arrêté royal n° 149 du 30 décembre 1982, sous la réserve mentionnée en B.9.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 26 mai 1999.

Le greffier, L. Potoms.

Le président, L. De Grève.

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