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Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 09 septembre 1999

Arrêt n° 88/99 du 15 juillet 1999 Numéro du rôle : 1424 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 8, § 2, alinéa 4, de la loi du 10 juillet 1996 modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et L. De Grève, et des juges P. Martens(...)

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COUR D'ARBITRAGE


Arrêt n° 88/99 du 15 juillet 1999 Numéro du rôle : 1424 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 8, § 2, alinéa 4, de la loi du 10 juillet 1996 modifiant la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, posée par le Tribunal de première instance de Bruxelles.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et L. De Grève, et des juges P. Martens, J. Delruelle, H. Coremans, A. Arts et M. Bossuyt, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle Par ordonnance du 25 septembre 1998 en cause de l'Etat belge contre M.-C. Talo Mbondi Rutayisire et la Commission permanente de recours des réfugiés, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 5 octobre 1998, le Tribunal de première instance de Bruxelles a posé la question préjudicielle suivante : « La coexistence des articles 2 et 3 [lire : 8] de la loi du 10 juillet 1996 modifiant la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer relative à l'accès au territoire, au séjour, à l'établissement et à l'éloignement des étrangers, n'est-elle pas contraire aux dispositions des articles 10 et 11 de la Constitution belge et, subsidiairement, à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, dans la mesure où l'article 8 précité ne semble pas permettre, dans tous les cas, à l'étranger, qui introduit un recours, d'assurer sa défense au mieux de ses intérêts, comme semble le lui permettre l'article 2 de la dite loi ? » Par ordonnance du 5 mai 1999, la Cour a reformulé la question préjudicielle comme suite : « La coexistence des articles 2 et 8 de la loi du 10 juillet 1996 modifiant la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, n'est-elle pas contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution, éventuellement combinés avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, dans la mesure où l'article 8 précité ne semble pas permettre, dans tous les cas, à l'étranger, qui introduit un recours, d'assurer sa défense au mieux de ses intérêts, comme semble le lui permettre l'article 2 de ladite loi ? » II. Les faits et la procédure antérieure L'Etat belge, partie demanderesse sur tierce opposition, sollicite devant le Tribunal de première instance de Bruxelles que soit mise à néant l'ordonnance rendue sur requête, le 25 septembre 1997, qui ordonnait à la deuxième chambre néerlandophone de la Commission permanente de recours des réfugiés de suspendre tout examen du recours introduit par la partie défenderesse sur tierce opposition tant que le litige concernant le choix de la langue n'aura pu être tranché par l'autorité administrative compétente.

La partie défenderesse sur tierce opposition a introduit une demande de reconnaissance de la qualité de réfugié et s'est vu signifier une décision de refus de séjour avec ordre de quitter le territoire. Elle a introduit un recours auprès du Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides. Elle a fait l'objet d'une décision de refus de la qualité de réfugié, contre laquelle elle a introduit un recours devant la Commission permanente de recours des réfugiés. Elle a fait choix de la langue française, tout en sollicitant la présence d'un interprète.

Par application de l'article 8, § 2, de la loi du 10 juillet 1996 portant modification de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer, le dossier a été confié à la deuxième chambre néerlandophone.

La partie a alors déposé une requête basée sur l'article 584 du Code judiciaire, dans laquelle elle faisait valoir que l'attribution de son dossier à une chambre néerlandophone violait l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et les articles 10 et 11 de la Constitution.

Par l'ordonnance déjà citée, il fut ordonné à la deuxième chambre néerlandophone de la Commission permanente de recours des réfugiés de suspendre l'examen du recours.

C'est contre cette ordonnance que l'Etat belge a formé tierce opposition.

Le Tribunal rappelle l'arrêt de la Cour n° 77/97 du 17 décembre 1997 mais relève que la Cour ne semble pas avoir distingué le mécanisme mis en place par l'article 2 de la loi et celui de l'article 8. Il précise qu'il semble dès lors que dans le cas mis en place, certes à titre transitoire, par l'article 8 de la loi du 10 juillet 1996, la clarté et la sécurité juridique dont la Cour fait état en son arrêt n° 77/97 précité ne sont pas garanties. Il pose dès lors la question préjudicielle mentionnée ci-dessus.

III. La procédure devant la Cour Par ordonnance du 5 octobre 1998, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

La décision de renvoi a été notifiée conformément à l'article 77 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 16 octobre 1998.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 30 octobre 1998.

Des mémoires ont été introduits par : - M.-C. Talo Mbondi Rutayisire, ayant fait élection de domicile au cabinet de Me C. Dailliet, rue Pépin 26, 5000 Namur, par lettre recommandée à la poste le 26 novembre 1998; - le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 30 novembre 1998; - le Gouvernement flamand, place des Martyrs 19, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 3 décembre 1998.

Ces mémoires ont été notifiés conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 20 janvier 1999.

Par ordonnance du 30 mars 1999, la Cour a prorogé jusqu'au 5 octobre 1999 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.

Par ordonnance du 5 mai 1999, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 9 juin 1999, après avoir reformulé la question préjudicielle et après avoir constaté que les parties font référence à des arrêts de la Cour relatifs à la même matière, lesquelles elle a informées de ce que la Cour a rendu le 30 mars 1999 l'arrêt n° 39/99 non encore publié.

Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats, par lettres recommandées à la poste le 6 mai 1999.

A l'audience publique du 9 juin 1999 : - ont comparu : . Me J. Sohier, avocat au barreau de Bruxelles, pour le Conseil des ministres; . Me P. Van Orshoven, avocat au barreau de Bruxelles, pour le Gouvernement flamand; - les juges-rapporteurs J. Delruelle et A. Arts ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - l'affaire a été mise en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

IV. En droit - A - Position de la partie défendresse sur tierce opposition A.1.1. La situation d'un étranger auquel s'applique l'article 8 de la loi du 10 juillet 1996 est singulièrement différente de celle d'un étranger auquel s'applique l'article 2 de cette loi. En effet, un étranger qui a vu sa procédure commencer en français peut raisonnablement estimer qu'elle se poursuivra dans cette langue. En outre, l'article 57/20 de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer prévoyait antérieurement le choix entre le français et le néerlandais.

Le législateur présume que l'étranger qui demande l'assistance d'un interprète ne connaît pas une des langues nationales; il ne lui permet dès lors plus de choisir une de ces langues. Si cette présomption, telle qu'elle est établie à l'article 2 de la loi du 10 juillet 1996, peut apparaître conforme aux prescriptions constitutionnelles, il n'en va pas de même pour l'article 8. La mesure méconnaît en effet le principe de proportionnalité parce qu'elle porte atteinte aux droits de la défense. Le respect des droits de la défense est un principe général de droit qui transcende tout le système juridique. Il comprend le droit d'être entendu et ce droit est particulièrement important devant la Commission permanente de recours des réfugiés en raison du principe d'oralité de la procédure. Ce principe conduit naturellement à faire entendre en français une personne qui maîtrise, à tout le moins partiellement et suffisamment, la langue française. La modification du rôle linguistique conduit à handicaper l'organisation de la défense du candidat réfugié et à le priver du libre choix de son avocat. L'atteinte aux droits de la défense résulte également de l'impossibilité matérielle de traduire toutes les pièces du dossier dans le délai prévu.

A.1.2. La question préjudicielle pose la question de la compatibilité avec les articles 10 et 11 de la Constitution lus en combinaison avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, de la différence de traitement qui serait opérée entre les demandeurs d'asile ayant entamé une procédure dans un rôle linguistique déterminé, d'une part, ayant postulé le maintien de cette langue en degré d'appel au moment de l'intervention de la loi nouvelle, d'autre part, et les citoyens belges et étrangers établis en Belgique dans leurs rapports avec l'autorité administrative. La première catégorie de personnes n'est pas admise à maintenir un choix antérieur de la langue administrative, dès lors qu'en présence d'une procédure orale et inquisitoriale, la demande d'assistance d'un interprète est formulée.

Il ressort des travaux préparatoires de la loi du 10 juillet 1996 que le législateur entendait garantir le droit pour les demandeurs d'asile, lorsqu'ils parlent effectivement le français ou le néerlandais, d'être entendus dans la langue de leur choix.

La demande d'assistance d'un interprète supprime l'option pourtant garantie aux Belges et aux citoyens étrangers résidant en Belgique de s'exprimer librement devant les juridictions dans la langue de leur choix, sans que cette décision soit elle-même susceptible d'un recours distinct. Une telle mesure est disproportionnée dans le cadre d'une modification de la langue de la procédure intervenant en degré d'appel par l'effet du paragraphe 2, alinéa 2, de l'article 8 de la loi du 10 juillet 1996. Le système ainsi établi n'apporte pas plus de clarté et de sécurité juridique à la procédure d'examen de la demande d'asile; il répond seulement au souci d'accélérer la gestion du traitement des dossiers. Ce seul objectif ne peut justifier une atteinte frontale au respect des droits de la défense et par là au respect des droits subjectifs de l'étranger, en particulier dans le libre choix de l'avocat.

A.1.3. La partie propose dès lors de répondre favorablement à la question préjudicielle, en précisant que l'article 8 ne semble pas permettre, dans tous les cas et notamment lorsque l'étranger a fait le choix d'une langue nationale pour la suite de la procédure, à l'étranger qui introduit un recours d'assurer sa défense au mieux de ses intérêts comme semble pourtant lui permettre l'article 2 de ladite loi.

Position du Conseil des ministres A.2. Le Conseil des ministres entend se référer entièrement aux éléments de fait et de droit contenus dans son mémoire déposé dans l'affaire portant le numéro 1210 du rôle.

Il relève en outre que l'arrêt de la Cour n° 77/97 du 17 décembre 1997 a considéré qu'aussi bien l'article 2 que l'article 8 de la loi du 10 juillet 1996 ne violaient pas les principes d'égalité et de non-discrimination. La différence mise en exergue par le juge judiciaire entre les dispositions des articles 2 et 8 de cette loi au regard du caractère facultatif de l'emploi des langues ne paraît pas effective, puisque dans l'une et l'autre de ces deux dispositions le législateur a expressément prévu que l'étranger qui ne déclare pas requérir l'assistance d'un interprète peut choisir librement le français ou le néerlandais comme langue de la procédure. Il s'ensuit que tout demandeur d'asile a le droit de s'exprimer librement dans la langue de son choix, sans aucune discrimination, et qu'il a également le droit, quelle que soit sa langue maternelle, d'obtenir l'assistance d'un interprète dans les mêmes conditions. L'arrêt n° 77/97 a encore été confirmé par un arrêt n° 96/98 du 24 septembre 1998.

Le Conseil des ministres conclut qu'il résulte de ces éléments de fait et de droit qu'aucune différence ne doit être opérée sur ce plan entre les articles 2 et 8 de la loi du 10 juillet 1996 et que ces dispositions ne violent pas les articles 10 et 11 de la Constitution combinés avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Position du Gouvernement flamand A.3.1. La question préjudicielle ne satisfait pas aux conditions fixées par l'article 26, § 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989, qui n'autorise pas la Cour à contrôler la « coexistence » de deux dispositions légales au regard du principe d'égalité.

Par ailleurs, la Cour n'est pas compétente pour répondre à une question préjudicielle portant sur la violation directe, fût-ce à titre subsidiaire, d'une disposition de droit international.

A.3.2. La question préjudicielle doit être reformulée comme suit : « La disposition transitoire de l'article 8, § 2, alinéa 4, de la loi du 10 juillet 1996 modifiant la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers viole-t-elle les articles 10 et 11 de la Constitution, lus isolément ou en combinaison avec l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en tant qu'elle permet qu'une procédure d'asile entamée dans une langue déterminée soit poursuivie dans une autre langue lorsque le demandeur d'asile en question a demandé l'assistance d'un interprète, en conséquence de quoi les premiers présidents de la Commission permanente de recours des réfugiés déterminent conjointement la langue de la procédure ? » A.3.3. La question préjudicielle appelle une réponse analogue à celle donnée par la Cour dans son arrêt n° 77/97 déjà cité. N'y change rien, la circonstance que la disposition transitoire litigieuse permet qu'une procédure d'asile entamée dans une langue déterminée soit poursuivie dans une autre langue lorsque le demandeur d'asile en question a demandé l'assistance d'un interprète. En effet, l'intéressé disposait du droit de déclarer qu'il ne nécessitait pas l'assistance d'un interprète et pouvait par conséquent librement choisir le néerlandais ou le français comme langue de la procédure. Ce choix n'est nullement subordonné à la connaissance effective d'une de ces langues et peut par exemple être fait dans l'intérêt d'un conseil unilingue. Appliqué à l'espèce, cela signifie que l'intéressé pouvait faire poursuivre la procédure entamée à l'époque en français dans cette même langue. Que l'intéressé, en laissant à son avocat le choix de la langue de la procédure, se prive ainsi de l'assistance d'un interprète, n'est pas davantage injustifié. L'on peut difficilement exiger que l'autorité qui met un interprète à la disposition d'un demandeur qui ne comprend ni le néerlandais ni le français pour lui permettre de suivre et de défendre personnellement sa demande, doive en outre lui laisser le choix de la langue de procédure parce que cette demande doit être suivie et défendue par un conseil qui ne maîtrise pas la langue de la procédure.

D'autre part, le droit de choisir librement un conseil n'est pas absolu. Ainsi le libre choix de l'avocat et donc d'un avocat unilingue peut-il malaisément impliquer que la langue de la procédure doive pouvoir être choisie librement.

Enfin, il convient d'observer que ni l'article 30 de la Constitution, ni les articles 6 ou 13 de la Convention européenne des droits de l'homme n'accordent un droit absolu d'être entendu et jugé dans la langue de son choix. Il en découle a contrario qu'il n'est pas question d'un libre choix de la langue de la procédure, que ce soit en matière administrative ou en matière judiciaire. - B - Quant aux dispositions en cause B.1. La loi du 10 juillet 1996 modifie la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, selon le cas, en complétant celle-ci ou en remplaçant certaines de ses dispositions.

L'article 2 insère, dans la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer, un article 51/4 rédigé comme suit : « § 1er. L'examen de la déclaration ou de la demande visées aux articles 50 et 51 a lieu en français ou en néerlandais.

La langue de l'examen est également celle de la décision à laquelle il donne lieu ainsi que des éventuelles décisions subséquentes d'éloignement du territoire. § 2. L'étranger, visé à l'article 50 ou 51, doit indiquer irrévocablement et par écrit s'il a besoin de l'assistance d'un interprète lors de l'examen de la demande visée au paragraphe précédent.

Si l'étranger ne déclare pas requérir l'assistance d'un interprète, il peut choisir, selon les mêmes modalités, le français ou le néerlandais comme langue de l'examen.

Si l'étranger n'a pas choisi l'une de ces langues ou a déclaré requérir l'assistance d'un interprète, le Ministre ou son délégué détermine la langue de l'examen, en fonction des besoins des services et instances. Cette décision n'est susceptible d'aucun recours distinct. § 3. Dans les éventuelles procédures subséquentes devant le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides, la Commission permanente de recours des réfugiés et le Conseil d'Etat, il est fait usage de la langue choisie ou déterminée conformément au paragraphe 2.

Le paragraphe 1er, alinéa 2, est applicable. » L'article 8 de la loi du 10 juillet 1996 prévoit quant à lui des dispositions transitoires, selon lesquelles : « § 1er. Dès son entrée en vigueur, la présente loi est applicable à toutes les situations visées par ses dispositions. § 2. L'article 2 de la présente loi n'est toutefois pas applicable aux demandes de reconnaissance du statut de réfugié introduites avant la date de l'entrée en vigueur de la présente loi.

Le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides ou un de ses adjoints peut demander à l'étranger qui a fait la déclaration ou la demande visées aux articles 50 et 51 de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers avant l'entrée en vigueur de la présente loi, s'il requiert l'assistance d'un interprète.

Si l'étranger déclare ne pas requérir l'assistance d'un interprète, il peut choisir le français ou le néerlandais comme langue de la procédure. Si, dans un délai d'un mois, il n'a pas réagi à la question de savoir s'il requiert un interprète ou s'il déclare requérir l'assistance d'un interprète, le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides ou un de ses adjoints peut déterminer librement la langue de l'examen. Cette décision n'est susceptible d'aucun recours distinct.

L'étranger qui a fait la déclaration ou la demande visées aux articles 50 et 51 de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers avant l'entrée en vigueur de la présente loi, indique irrévocablement dans le recours introduit devant la Commission permanente de recours des réfugiés s'il requiert l'assistance d'un interprète. Si l'étranger déclare ne pas requérir l'assistance d'un interprète, il peut choisir le français ou le néerlandais comme langue de la procédure. S'il n'opte pas pour l'une de ces langues ou s'il déclare requérir l'assistance d'un interprète, les premiers présidents déterminent conjointement la langue de la procédure. Cette décision n'est susceptible d'aucun recours distinct. » B.2. La différence de traitement mentionnée dans la question préjudicielle repose sur une interprétation littérale des deux dispositions comparées.

L'article 2 laisse le choix de la langue à l'étranger s'il « ne déclare pas » requérir l'assistance d'un interprète; l'article 8, § 2, alinéa 4, lui laisse ce choix s'il « déclare ne pas » requérir une telle assistance.

Le premier texte attacherait des effets à l'absence d'une demande, le second à l'expression d'une renonciation.

Il convient toutefois de se demander si les deux textes doivent recevoir une interprétation divergente.

B.3. La Cour constate tout d'abord que, dans le recours ayant donné lieu à son arrêt n° 77/97, qui était dirigé contre l'article 2 et contre l'article 8, il n'a pas été prétendu que les termes utilisés par ces deux dispositions auraient un sens différent. Le Conseil des ministres avait fait valoir : « S'agissant des différences faites entre les demandeurs d'asile, le mécanisme mis en place garantit à chacun d'eux le droit de s'exprimer dans la langue de son choix, soit qu'il la choisisse comme langue de procédure s'agissant du français ou du néerlandais -, soit, s'agissant d'une autre langue, qu'il sollicite l'assistance d'un interprète avec la possibilité d'obtenir la traduction des principaux actes de procédure; [ . ] » (A.6, alinéa 2).

La Cour a fait à son tour la constatation suivante : « La Cour relève que les dispositions contestées n'affectent pas le droit, pour les demandeurs d'asile, de choisir expressément le français ou le néerlandais comme langue de procédure. En ce que les demandeurs d'asile peuvent ainsi déterminer la langue dans laquelle sera examinée leur demande, ils ne sont pas traités différemment des usagers des services centraux visés aux articles 41 et 42 des lois coordonnées sur l'emploi des langues en matière administrative. Ce n'est que lorsqu'ils requièrent l'assistance d'un interprète que les demandeurs d'asile perdent, à l'inverse des usagers des services centraux, cette faculté de choisir eux-mêmes la langue de la procédure. » (B.12.1) Et elle en a déduit : « Cette mesure apparaît raisonnablement justifiée au regard des objectifs poursuivis par le législateur. Le fait, pour un demandeur d'asile, de solliciter l'assistance d'un interprète permet en effet de présumer qu'il n'a aucune connaissance du néerlandais ni du français ou qu'il n'a d'une de ces langues qu'une maîtrise imparfaite, et en tout cas insuffisante pour assumer, de façon autonome, le suivi et la défense de sa demande en l'une ou l'autre de ces deux langues. [ . ] » (B.12.2) Il s'ensuit que tant l'article 2 que l'article 8 ont résisté au contrôle de constitutionnalité parce que l'un et l'autre permettent à l'autorité de choisir la langue de la procédure à l'égard d'un demandeur d'asile qui sollicite l'assistance d'un interprète. A aucun moment il n'a été prétendu ou admis que l'article 8 offrirait le même choix aux premiers présidents de la Commission permanente de recours des réfugiés à l'égard du demandeur d'asile qui a choisi sans équivoque l'une ou l'autre des langues permises mais qui n'a pas, en outre, déclaré ne pas requérir l'assistance d'un interprète.

B.4. La Cour observe ensuite que tant le Conseil des ministres que le Gouvernement flamand interprètent ces dispositions comme ayant une portée identique. En effet, le Conseil des ministres écrit : « La différence mise en exergue par le juge judiciaire entre les dispositions des articles 2 et 8 de la loi du 10 juillet 1996 au regard du caractère facultatif de l'emploi des langues ne paraît pas effective, puisque dans l'une et l'autre de ces deux dispositions le législateur a expressément prévu que l'étranger qui ne déclare pas requérir l'assistance d'un interprète peut choisir librement le français ou le néerlandais comme langue de la procédure (article 2, § 2, alinéa 2 et article 8, § 2, alinéa 3 de la loi). » Quant au Gouvernement flamand, dans la reformulation qu'il suggère, il écrit que l'article 8, § 2, alinéa 4, permet que la langue initialement utilisée soit changée « lorsque le demandeur d'asile en question a demandé l'assistance d'un interprète », ce qui implique qu'un tel changement ne soit pas possible lorsqu'il n'a pas demandé une telle assistance, même s'il n'a pas déclaré explicitement ne pas la vouloir.

B.5. La Cour observe encore que rien dans les travaux préparatoires n'indique que le législateur aurait voulu et encore moins qu'il aurait justifié deux régimes distincts selon qu'on se trouve dans le champ d'application de l'article 2 ou de la disposition transitoire inscrite à l'article 8. C'est pour tenir compte d'une observation du Conseil d'Etat que l'article 2 a été écrit dans sa version actuelle. Le législateur n'a pas modifié la rédaction de l'article 8 mais n'a exprimé aucune raison qui justifierait cette disparité de rédaction.

B.6. La différence entre les deux textes ne saurait, pour ce qui est du choix entre le français et le néerlandais respectivement comme langue de l'instruction administrative et de la procédure contentieuse, emporter une différence juridique : l'autorité, tant celle qui est visée à l'article 51/4, § 2, alinéa 2, de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer que celle qui est visée à l'article 8 de la loi du 10 juillet 1996, ne peut désigner le français ou le néerlandais comme langue de l'instruction ou de la procédure que lorsque le candidat-réfugié, au moment déterminé par la loi, n'a opté ni pour le français ni pour le néerlandais comme langue devant être utilisée ou lorsqu'il a demandé l'assistance d'un interprète.

B.7. La question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 8, § 2, alinéa 4, de la loi du 10 juillet 1996 modifiant la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution en tant que, de même que l'article 2 de la loi, il permet à l'autorité de choisir la langue de la procédure à l'égard du demandeur d'asile qui a sollicité l'assistance d'un interprète.

Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 15 juillet 1999.

Le greffier, L. Potoms.

Le président, M. Melchior.

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