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Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 05 octobre 1999

Arrêt n° 84/99 du 15 juillet 1999 Numéro du rôle : 1364 En cause : la question préjudicielle relative aux articles 12 et 124, § 3, du Code des impôts sur les revenus 1964, posée par la Cour d'appel de Liège. La Cour d'arbitrage, co après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle Par ar(...)

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COUR D'ARBITRAGE


Arrêt n° 84/99 du 15 juillet 1999 Numéro du rôle : 1364 En cause : la question préjudicielle relative aux articles 12 et 124, § 3, du Code des impôts sur les revenus 1964, posée par la Cour d'appel de Liège.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et L. De Grève, et des juges H. Boel, L. François, G. De Baets, E. Cerexhe et R. Henneuse, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle Par arrêt du 24 juin 1998 en cause de la s.a. Parfina contre l'Etat belge, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 30 juin 1998, la Cour d'appel de Liège a posé la question préjudicielle suivante : « Les articles 12 et 124, § 3, du Code des impôts sur les revenus (1964) ont-ils violé les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'ils permettaient qu'un même élément constitutif de fonds propres puisse être considéré comme du capital effectivement libéré, remboursable en immunité d'impôts, ou comme des réserves incorporées, c'est-à-dire comme une chose et son contraire sur le plan du régime fiscal applicable, suivant que l'opération de remboursement se situait avant ou après la mise en liquidation de la société absorbante, puisque les remboursements partiels de capital en suite d'une scission devaient être appréhendés fiscalement compte tenu d'un capital social déterminé sans faire abstraction de ladite scission effectuée en exemption d'impôts, alors que, en cas de partage de l'avoir social des sociétés après une opération du même genre, la détermination du capital social était effectuée en faisant abstraction d'une telle scission ? » II.Les faits et la procédure antérieure La société Parfina a été constituée par acte du 24 décembre 1990 dans le cadre de la scission de l'ancienne société Parfina, constituée en 1981 et mise en liquidation par une décision de l'assemblée générale de ses actionnaires, le 24 décembre 1990. Le capital de la nouvelle société Parfina, partie à la cause devant la Cour d'appel, a été constitué par apport en nature d'une partie de l'avoir social de la société scindée, évaluée à environ 145 millions de francs, et par apport en espèces d'un second fondateur de 20.193 francs. Cette scission a été réalisée en exemption d'impôts par application de l'article 124, § 3, du Code des impôts sur les revenus 1964 (ci-après : C.I.R. 1964).

Le 22 février 1991, l'assemblée générale de la s.a. Parfina a décidé de réduire son capital social à concurrence de 159.498.000 francs, par remboursement aux actionnaires, soit 18.000 francs par action.

A la suite de cette réduction de capital, la s.a. Parfina a souscrit une déclaration au précompte mobilier mentionnant un dividende imposable de 146.280.196 francs et un précompte mobilier de 36.570.049 francs. A cette déclaration, la s.a. Parfina a toutefois joint une note faisant valoir qu'en réalité le précompte mobilier n'était pas dû sur ce remboursement de capital, car le capital réellement libéré à prendre en considération pour l'application de l'article 12 du C.I.R. comprend le montant intégral des apports en nature reçu lors de la scission. Il n'y a donc pas lieu de se référer au capital réellement libéré de la société scindée, car on ne se trouve pas dans l'hypothèse visée par l'article 124, § 3, du Code, qui est de stricte interprétation.

L'administration fiscale n'a pas partagé ce point de vue et a enrôlé sur ce remboursement de capital un précompte mobilier de 36.570.049 francs.

La société Parfina a introduit une réclamation contre cette imposition, qui a été rejetée par le directeur. Elle a, dès lors, introduit un recours devant la Cour d'appel de Liège.

Ainsi, la contestation portée devant la Cour d'appel de Liège a pour objet la détermination du capital social réellement libéré par la s.a.

Parfina au moment de la réduction de capital.

L'administration considère que le capital réellement libéré de la s.a.

Parfina est de 13.217.807 francs (soit 91 p.c. du capital social de l'ancienne s.a. Parfina, qui s'élevait à 14.525.063 francs), de sorte que la réduction de capital de 159.498.000 francs comporte un dividende (imposable) de 146.217.807 francs et un remboursement de capital effectivement libéré (non imposable) de 13.217.807 francs.

La s.a. Parfina considère que son capital social réellement libéré comprend, outre un apport en espèces de 20.193 francs, le montant intégral des apports en nature reçus lors de la scission (c'est-à-dire 195.199.807 francs), de sorte que la réduction de capital de 159.498.000 francs ne comporte aucun dividende imposable.

Dans un premier arrêt du 17 décembre 1997, la Cour d'appel de Liège a ordonné la réouverture des débats pour permettre aux parties de s'expliquer sur une question qu'elle avait soulevée d'office, de savoir si la différence de régime établie par les dispositions du C.I.R. 1964, telles qu'elles étaient applicables à l'époque, entre le cas de partage ultérieur de l'avoir social et celui de la réduction ultérieure du capital, ne crée pas une distinction entre les contribuables que la Cour d'arbitrage pourrait considérer comme contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution.

L'arrêt relève, dans ses motifs, que la loi du 6 août 1993Documents pertinents retrouvés type loi prom. 06/08/1993 pub. 18/12/1998 numac 1998015163 source ministere des affaires etrangeres, du commerce exterieur et de la cooperation au developpement Loi portant assentiment à la Convention n° 148 concernant la protection des travailleurs contre les risques professionnels dus à la pollution de l'air, au bruit et aux vibrations sur les lieux de travail, adoptée à Genève le 20 juin 1977 par la Conférence internationale du travail lors de sa soixante-troisième session type loi prom. 06/08/1993 pub. 04/06/2015 numac 2015000253 source service public federal interieur Loi portant approbation et exécution de la Convention internationale portant création d'un fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, faite à Bruxelles le 18 décembre 1971, et portant exécution des Protocoles à cette Convention, faits à Londres le 27 novembre 1992 et le 16 mai 2003. - Coordination officieuse en langue allemande fermer « portant des dispositions fiscales en matière de fusion et de scission de sociétés » a changé les données du problème : cette loi a modifié l'article 212 du C.I.R. 1992, lequel article avait remplacé l'article 124, § 3, du C.I.R. 1964; l'article 212 dispose désormais, de manière générale, qu'en cas de fusion ou de scission réalisée en exemption de l'impôt des sociétés, le capital libéré de la société absorbante ou d'une société issue de la scission est déterminé comme si la fusion ou la scission n'avait pas eu lieu.

Si la scission de l'ancienne société Parfina avait été réalisée sous l'empire de cette loi, il n'est donc pas douteux qu'en cas de réduction ultérieure du capital de la requérante par remboursement partiel des actions, son capital réellement libéré aurait dû être déterminé comme si la scission n'avait pas eu lieu, c'est-à-dire eu égard au capital libéré de la société scindée.

Par arrêt du 24 juin 1998, la Cour d'appel, jugeant qu'on ne pouvait prendre en considération les conclusions de l'administration parce qu'elles ne répondaient pas vraiment aux questions qui avaient justifié la réouverture des débats et considérant que le problème sur lequel elle s'interrogeait concerne en réalité une lacune primitive de l'article 124, § 3, du C.I.R. 1964 qui permettrait à l'article 12 du même Code de sortir ses pleins effets, soumet à la Cour d'arbitrage la question énoncée ci-dessus.

III. La procédure devant la Cour Par ordonnance du 30 juin 1998, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

Par ordonnance du 6 août 1998, le président en exercice a prorogé jusqu'au 30 septembre 1998 le délai pour introduire un mémoire.

La décision de renvoi a été notifiée conformément à l'article 77 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 6 août 1998; l'ordonnance du 6 août 1998 a été notifiée par les mêmes lettres.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 25 août 1998.

Des mémoires ont été introduits par : - la s.a. Parfina, dont le siège social est établi à 4000 Liège, place de la Cathédrale 16, par lettre recommandée à la poste le 28 septembre 1998; - le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 28 septembre 1998.

Ces mémoires ont été notifiés conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 15 octobre 1998.

La s.a. Parfina a introduit un mémoire en réponse par lettre recommandée à la poste le 6 novembre 1998.

Par ordonnances des 26 novembre 1998 et 26 mai 1999, la Cour a prorogé respectivement jusqu'aux 30 juin 1999 et 30 décembre 1999 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.

Par ordonnance du 10 février 1999, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 17 mars 1999.

Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats par lettres recommandées à la poste le 11 février 1999.

A l'audience publique du 17 mars 1999 : - ont comparu : . Me J. Kirkpatrick, avocat à la Cour de cassation, pour la s.a.

Parfina; . Me G. Gauthier, avocat au barreau de Dinant, pour le Conseil des ministres; - les juges-rapporteurs E. Cerexhe et H. Boel ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - l'affaire a été mise en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

IV. En droit - A - Position du Conseil des ministres et de l'Etat belge A.1.1. L'administration fiscale a toujours appliqué les articles litigieux du C.I.R. 1964 de manière à ce que le capital social effectivement libéré à prendre en compte pour la détermination des remboursements de capital imposables dans le chef des associés ensuite d'une réduction de capital, soit identique au capital social effectivement libéré à prendre en compte dans le chef de la société en cas de partage de l'avoir social. Cette interprétation trouvait un appui tant dans la doctrine que dans les travaux préparatoires du C.I.R. 1964.

A.1.2. Entre-temps, la Cour de cassation (Cass., 11 mai 1995, en cause de s.a. Finncontact) a modifié cette interprétation constante et a considéré, d'une part, que la fiction de la loi fiscale en vertu de laquelle la fusion est censée n'avoir pas eu lieu est strictement limitée aux questions énoncées dans la loi (c'est-à-dire la détermination du capital réellement libéré en cas de partage ultérieur de l'avoir social) et, d'autre part, que la société issue d'une scission (ou d'une absorption) étant un redevable distinct de la société scindée (ou absorbée), la scission (ou absorption) n'entraîne pas, pour la société issue de la scission (ou absorbante), une incorporation de ses propres bénéfices en son capital social.

Il résulte de cet arrêt que le principe de la transparence du capital des sociétés absorbées ou scindées n'est d'application qu'à l'occasion du partage ultérieur de l'avoir social de la ou des sociétés absorbantes et nullement à l'occasion d'un remboursement ou d'une réduction de capital social opérée conformément à l'article 72 des lois coordonnées sur les sociétés commerciales. L'administration ne pouvait donc plus, aux termes de cet arrêt, imposer pareille opération.

Le Conseil des ministres tient à souligner cependant que suivant la note figurant sous l'arrêt de cassation : « La loi du 6 août 1993Documents pertinents retrouvés type loi prom. 06/08/1993 pub. 18/12/1998 numac 1998015163 source ministere des affaires etrangeres, du commerce exterieur et de la cooperation au developpement Loi portant assentiment à la Convention n° 148 concernant la protection des travailleurs contre les risques professionnels dus à la pollution de l'air, au bruit et aux vibrations sur les lieux de travail, adoptée à Genève le 20 juin 1977 par la Conférence internationale du travail lors de sa soixante-troisième session type loi prom. 06/08/1993 pub. 04/06/2015 numac 2015000253 source service public federal interieur Loi portant approbation et exécution de la Convention internationale portant création d'un fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, faite à Bruxelles le 18 décembre 1971, et portant exécution des Protocoles à cette Convention, faits à Londres le 27 novembre 1992 et le 16 mai 2003. - Coordination officieuse en langue allemande fermer portant des dispositions fiscales en matière de fusion et de scission de sociétés a changé les données du problème; cette loi a modifié l'article 212 du C.I.R. 1992, lequel article avait remplacé l'article 124, § 3, du C.I.R. 1964; l'article 212 dispose désormais, de manière générale, qu'en cas de fusion réalisée en exemption de l'impôt des sociétés, conformément à l'article 211, le capital libéré de la société absorbante est déterminé comme si la fusion n'avait pas eu lieu ». La contestation soumise à la Cour d'arbitrage ne présente cependant pas un intérêt rétrospectif puisqu'elle concerne toutes les sociétés actuelles qui sont issues d'une scission (fusion, absorption) en exemption d'impôt effectuée avant le 1er octobre 1993. Il ne lui appartient dès lors pas de donner aux dispositions légales en cause une interprétation différente de celle dégagée par la Cour de cassation; le Conseil des ministres admet dès lors que les articles 12 et 124, § 3, du C.I.R. 1964 sont à appliquer en conformité avec l'enseignement de l'arrêt de cassation précité du 11 mai 1995.

A.1.3. Après avoir rappelé les principes d'interprétation par la Cour d'arbitrage des articles 10 et 11 de la Constitution, le Conseil des ministres fait valoir qu'il résulte de l'application des articles 12 et 124, § 3, du C.I.R. 1964 en conformité avec l'enseignement de l'arrêt de cassation du 11 mai 1995 que, si le capital social d'une société issue d'une scission donne lieu à un remboursement avant la mise en liquidation de ladite société, les réserves de la société scindée, exonérées lors de la scission, échappent définitivement à l'impôt. En d'autres termes, l'associé d'une société issue d'une scission effectuée en exemption d'impôt en application de l'article 124, du C.I.R. 1964, et qui est mise en liquidation, subira une imposition (précompte mobilier), au titre de dividende, calculée en fonction du montant des réserves de la société scindée qui ne peuvent être considérées comme du capital social effectivement libéré, alors que l'associé d'une société constituée dans les mêmes conditions, mais qui procède, avant sa mise en liquidation, à un remboursement de son capital social ensuite d'une réduction de celui-ci, ne subira aucune imposition en raison des réserves de la société scindée ainsi distribuées car celles-ci peuvent être considérées comme du capital social effectivement libéré.

Le Conseil des ministres admet dès lors : - que les articles 12 et 124, § 3, instaurent une discrimination entre les associés de sociétés issues de scissions effectuées en exemption d'impôt sur la base de l'article 124, dans la mesure où les réserves des sociétés scindées donneront lieu ou non au prélèvement d'un précompte mobilier suivant qu'elles auront été distribuées à la suite d'une réduction du capital social de la société issue de la scission avant la mise en liquidation de cette dernière, ou à la suite du partage de l'avoir social de la société issue de la scission après sa mise en liquidation; - qu'une même discrimination existe entre les sociétés issues d'une scission en exemption d'impôt en ce qui concerne le prélèvement de l'impôt des sociétés sur les réserves immunisées des sociétés scindées.

Le Conseil des ministres admet également ne pas pouvoir fournir de justification à cette discrimination. Il s'agit en réalité d'une inadvertance du législateur de 1962.

Position de la société Parfina, requérante devant la Cour d'appel A.2.1. Comme elle l'avait déjà fait devant le juge a quo, la société Parfina soutient que même à supposer une discrimination, il n'y a pas lieu de soumettre à la Cour d'arbitrage une question préjudicielle parce qu'il n'appartient pas à la Cour de combler une lacune de la loi fiscale et de créer ainsi un impôt non prévu par la loi. S'il est vrai que la Cour d'arbitrage s'abstient, en principe, d'apprécier la pertinence des questions préjudicielles, elle pourrait s'écarter de cette règle en l'espèce pour deux raisons : d'une part, l'arrêt de renvoi lui-même suggère que le point de savoir si la question doit être posée à la Cour d'arbitrage n'est pas de la compétence de la Cour; d'autre part, les raisons pour lesquelles il n'y a pas lieu de répondre à la question posée tiennent à la mission même de la Cour. En effet, il appartient à la Cour d'annuler les lois et non de combler les lacunes de celle-ci pour créer une charge que la loi ne prévoit pas. En matière fiscale, d'ailleurs, l'article 170 de la Constitution dispose qu'un impôt au profit de l'Etat ne peut être établi que par une loi. Ainsi, en l'espèce, à supposer que la Cour constate que les dispositions litigieuses violent les articles 10 et 11 de la Constitution, l'Etat pourrait intenter un recours en annulation non pas pour obtenir l'annulation de ces règles mais pour en requérir l'extension, par la Cour, du champ d'application à une hypothèse non prévue par la loi.

Le motif invoqué par l'arrêt de renvoi est surprenant. Selon ce motif, si la loi spéciale créant la Cour d'arbitrage n'autorise « le rétablissement de l'égalité entre les plateaux de la balance que par l'enlèvement d'un excédent normatif et jamais par l'annulation (il faut comprendre sans doute : l'amendement) d'une disposition déficitaire », « il faudrait se demander si la loi spéciale créant la Cour d'arbitrage est elle-même à l'abri de toute disposition discriminatoire ». On se demande comment la Cour pourrait décider que la loi spéciale du 6 janvier 1989 qui crée la Cour d'arbitrage et dont celle-ci tient ses pouvoirs porte atteinte aux articles 10 et 11 de la Constitution dans la mesure où cette loi ne permet pas de combler les lacunes des lois fiscales mais seulement, le cas échéant, d'annuler des dispositions de ces lois.

A.2.2. Subsidiairement, la société Parfina fait valoir que la réduction de capital d'une société anonyme par remboursement partiel des actions et le partage total de l'avoir social d'une société anonyme à la suite de la dissolution de celle-ci ne sont pas des situations suffisamment comparables pour que la différence de régime qui ressort des articles 12 et 124, § 3, du C.I.R. 1964 en ce qui concerne la détermination du capital libéré soit contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution.

En effet, la situation d'une société mise en liquidation est fondamentalement différente de celle d'une société non dissoute.

A partir de sa dissolution, la société ne subsiste que pour sa liquidation. Sa capacité juridique est donc réduite au point de vue fiscal; avant la loi du 22 décembre 1989Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/12/1989 pub. 20/03/2009 numac 2009000181 source service public federal interieur Loi relative à la protection du logement familial fermer, une société dissoute n'était plus soumise, en principe, aux cotisations ordinaires de l'impôt des sociétés sur ses bénéfices annuels (C.I.R. 1964, article 125, avant sa modification par la loi du 22 décembre 1989Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/12/1989 pub. 20/03/2009 numac 2009000181 source service public federal interieur Loi relative à la protection du logement familial fermer) : seule une cotisation spéciale de l'impôt des sociétés était due sur les sommes réparties dans la mesure où elles excédaient le capital libéré restant à rembourser (C.I.R. 1964, articles 118 et 131, 2°, avant leur modification par la loi du 22 décembre 1989Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/12/1989 pub. 20/03/2009 numac 2009000181 source service public federal interieur Loi relative à la protection du logement familial fermer). Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 22 décembre 1989Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/12/1989 pub. 20/03/2009 numac 2009000181 source service public federal interieur Loi relative à la protection du logement familial fermer, il est vrai, les bénéfices annuels d'une société dissoute restent soumis aux cotisations ordinaires de l'impôt des sociétés, mais les sommes réparties aux actionnaires, dans la mesure où elles excèdent le capital libéré, ne sont pas soumises au précompte mobilier (C.I.R. 1964, article 169, 2°, modifié par la loi du 23 octobre 1991, applicable rétroactivement aux opérations réalisées à partir du 1er janvier 1990).

Au contraire, tant que la société n'est pas dissoute, les bénéfices distribués par la société constituent, pour les actionnaires, des revenus d'actions, ce qui explique que les dividendes soient soumis au précompte mobilier.

Le régime de la réduction de capital par remboursement partiel des actions s'inscrit dans ce contexte, étranger à la liquidation : les remboursements sont considérés comme des dividendes et, partant, passibles du précompte mobilier, dans la mesure où ils ne sont pas imputés sur le capital réellement libéré au sens de l'article 12 du Code.

A titre subsidiaire, il faut donc conclure que les articles 12 et 124 du C.I.R. 1964 ne violent pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

A.2.3. Dans son mémoire en réponse, la société Parfina fait remarquer que le Conseil des ministres fait preuve d'une méconnaissance de la loi fiscale lorsqu'il soutient que les articles 12 et 124, § 3, instaurent une discrimination entre les associés de sociétés issues de scissions effectuées en exemption d'impôt sur la base de l'article 124, dans la mesure où les réserves des sociétés scindées donneront lieu ou non (il faut lire sans doute, eu égard à la suite : « ne donneront pas lieu ou donneront lieu ») au prélèvement d'un précompte mobilier suivant qu'elles auront été distribuées : - à la suite d'une réduction du capital social de la société issue de la scission avant la mise en liquidation de cette dernière, - ou à la suite du partage de l'avoir social de la société issue de la scission après sa mise en liquidation.

Le Conseil des ministres paraît donc considérer qu'en vertu de la législation en vigueur à l'époque, les répartitions de liquidation en cas de partage de l'avoir social étaient susceptibles de donner lieu à la perception du précompte mobilier, ce qui est une erreur évidente. - B - Quant à la compétence de la Cour et à la portée de la question préjudicielle B.1. La partie requérante devant le juge a quo fait valoir que la Cour ne serait pas compétente pour connaître de la question préjudicielle dès lors que celle-ci porterait sur une lacune du Code des impôts sur les revenus 1964 (ci-après : C.I.R. 1964) qu'il n'appartiendrait pas à la Cour de combler elle-même en créant un impôt non prévu par la loi et ce, contrairement à l'article 170 de la Constitution.

B.2.1. Il résulte de l'examen des faits et de la procédure antérieure que le litige soumis au juge a quo porte sur le point de savoir comment il faut interpréter l'article 12 du C.I.R. 1964 s'agissant de déterminer le capital social effectivement libéré d'une société issue d'une scission, lorsque cette société procède à une réduction du capital. Alors que l'administration considère que le calcul du capital social en question doit se faire comme si la scission n'avait pas eu lieu, la juridiction a quo constate que la Cour de cassation a considéré que l'article 12 précité devait être interprété strictement, que l'hypothèse susvisée n'entrait pas dans son champ d'application et que, par conséquent, le capital social libéré devait être calculé en tenant compte de l'opération de scission. Il résulte de cette interprétation que l'Etat ne peut prélever de précompte mobilier sur la réduction proprement dite de capital.

B.2.2. La juridiction a quo, qui ne conteste pas l'interprétation de la Cour de cassation, soulève, dans son arrêt de renvoi, une objection d'inconstitutionnalité, estimant que cette interprétation de l'article 12 du C.I.R. 1964 aboutit à calculer le capital social libéré d'une société issue d'une scission, quand elle procède à une réduction de capital, différemment du mode de calcul prévu par l'article 124, § 3, du même C.I.R., quand la même société partage son avoir social après sa liquidation. Dans le premier cas, le capital social est calculé en tenant compte de l'opération de scission, dans le second cas non.

Selon la juridiction a quo, cette différence dans le mode de calcul engendrerait une inégalité incompatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution, l'opération de réduction ne pouvant pas être imposée dans le chef de la société issue de la scission, alors qu'il y a taxation dans l'hypothèse où elle partage son avoir social après sa liquidation.

B.2.3. Il résulte de ce qui précède que la Cour est donc invitée par le juge du fond à se prononcer sur la différence qui est faite dans le mode de détermination du capital d'une société scindée selon qu'elle procède à une réduction de capital, conformément à l'article 12 du C.I.R. 1964, ou selon qu'elle partage son avoir social après sa dissolution, conformément à l'article 124, § 3, du C.I.R. 1964.

Le juge a quo interroge donc la Cour sur la compatibilité avec les articles 10 et 11 de la Constitution d'une différence de traitement qui trouve son siège dans la comparaison entre deux dispositions législatives du droit positif en vigueur au moment où est né le litige qu'il doit trancher. Il en résulte que la question relève de la compétence de la Cour en vertu de l'article 26 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Quant au fond B.3.1. L'article 12 du C.I.R. 1964 est libellé en ces termes : « § 1er. Les revenus des actions ou des parts y assimilées, visés à l'article 11, 1°, comprennent : 1° les dividendes, intérêts, parts d'intérêts ou de fondateur et tous autres profits attribués à quelque titre et sous quelque forme que ce soit;2° les remboursements totaux ou partiels du capital social opérés autrement qu'en exécution d'une décision régulière de réduction du capital social, prise conformément aux dispositions de l'article 72 des lois sur les sociétés commerciales, coordonnées par l'arrêté royal du 30 novembre 1935;3° les revenus des capitaux engagés dans les sociétés, associations, établissements ou organismes quelconques, possédant la personnalité juridique, qui sont constitués autrement que sous l'une des formes prévues au Code de commerce, et qui ont en Belgique leur siège social, leur principal établissement ou leur siège de direction ou d'administration. § 2. Pour l'application du § 1er, 2°, l'incorporation au capital social de bénéfices, autres que ceux distribués ayant subi leur régime fiscal propre, n'est pas considérée comme une libération effective de ce capital. » B.3.2. L'article 124, § 3, du C.I.R. 1964 dispose : « Dans les éventualités visées aux §§ 1er et 2, les amortissements, déductions pour investissement, moins-values ou plus-values à envisager dans le chef des sociétés absorbantes ou nées de la fusion, de la scission ou de la transformation, sur les éléments qui leur ont été apportés, ainsi que le capital social à envisager lors du partage ultérieur de l'avoir social de ces sociétés, sont déterminés comme si la fusion, scission ou transformation n'avait pas eu lieu.

Dans les mêmes éventualités, les articles 23, 25bis, 32sexies, 34, 36, 38, 105, 106 et 169, 3°, restent applicables, selon les modalités et aux conditions qui y sont prévues, aux réductions de valeur, provisions, sous-estimations, surestimations, subsides, créances, plus-values et réserves existant dans les sociétés fusionnées, scindées ou transformées, dans la mesure où ces éléments se retrouvent dans les avoirs des sociétés absorbantes ou nées de la fusion, scission ou transformation; dans les cas visés aux articles 32sexies et 36, la fusion, scission ou transformation ne peut avoir pour effet une prolongation du délai de remploi au-delà du terme initialement prévu.

En cas de scission, pour déterminer le capital social à envisager dans le chef de chacune des sociétés absorbantes ou nées de la scission, celles-ci sont censées avoir repris le capital de la société scindée proportionnellement à la valeur nette des apports effectués par cette dernière à chacune d'elles.

Pour l'application des alinéas qui précèdent, les fusions, scissions, transformations et apports de branches d'activité ou de l'universalité des biens auxquelles les sociétés absorbées, fusionnées, scindées ou transformées ont participé antérieurement en exemption d'impôt sont censées n'avoir pas eu lieu. » B.4.1. L'opération de réduction de capital par remboursement partiel des actionnaires est une opération par laquelle l'assemblée générale des actionnaires d'une société anonyme opère une modification des statuts de la société en décidant de diminuer le capital de celle-ci.

Cette opération concerne une société anonyme qui n'est pas dissoute : pareille opération, en effet, qui doit être faite dans le respect des droits des créanciers, ne peut plus être décidée après la dissolution de la société, lorsque celle-ci est entrée en liquidation. Dès lors, les remboursements aux actionnaires sont considérés comme des dividendes, soumis au précompte mobilier sauf s'ils sont imputés sur du capital réellement libéré au sens de l'article 12 précité du C.I.R. 1964. Selon l'interprétation qui est faite par la Cour de cassation, le calcul du capital libéré d'une société anonyme issue d'une scission se fait en tenant compte de cette scission, c'est-à-dire en considérant que le capital réellement libéré comprend le montant intégral des apports en nature reçus lors de la scission. B.4.2. La liquidation d'une société est l'ensemble des opérations qui tendent au paiement des créanciers, d'abord, et à la répartition du solde actif net entre les actionnaires ou associés, ensuite. La liquidation vise donc le règlement définitif de l'actif et du passif de la société. L'opération proprement dite de partage total des biens d'une société anonyme a pour origine la dissolution de cette société et ne peut s'opérer qu'après que le paiement des créanciers a été effectué. Aux termes de l'article 178 des lois coordonnées sur les sociétés commerciales, la société ne subsiste, à partir de sa dissolution, que pour les opérations de sa liquidation. Sa capacité juridique est donc réduite tant au point de vue commercial qu'au point de vue fiscal. C'est pourquoi les sommes réparties aux actionnaires ne sont soumises au précompte mobilier que dans la mesure où elles excèdent le capital libéré. Aux termes de l'article 124, § 3, précité du C.I.R., le calcul du capital libéré d'une société anonyme issue d'une scission, qui partage son avoir social au moment de sa liquidation, se fait comme si cette scission n'avait pas eu lieu.

B.4.3. Il résulte de ce qui précède que la réduction de capital, d'une part, et le partage de l'avoir social d'une société en liquidation, d'autre part, sont des opérations suffisamment différentes pour que le législateur ait pu décider, sans violer les articles 10 et 11 de la Constitution, que la détermination du capital libéré d'une société issue d'une scission pouvait se faire différemment, selon que l'on se trouve dans l'hypothèse d'une réduction de capital de cette société ou dans celle du partage de l'avoir social après la liquidation de la même société.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : Les articles 12 et 124, § 3, du Code des impôts sur les revenus 1964 ne violent pas les articles 10 et 11 de la Constitution en ce que le calcul du capital libéré d'une société issue d'une scission se fait en tenant compte ou non de cette scission, suivant qu'il y a partage de l'avoir social après liquidation de la société ou réduction du capital.

Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 15 juillet 1999.

Le greffier, L. Potoms.

Le président, M. Melchior.

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