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Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 29 octobre 1999

Arrêt n° 109/99 du 14 octobre 1999 Numéro du rôle : 1366 En cause : le recours en annulation des articles 11 et 12 du décret flamand du 19 décembre 1997 contenant diverses mesures d'accompagnement du budget 1998, introduit par le Conseil des La Cour d'arbitrage, composée des présidents L. De Grève et M. Melchior, et des juges H. Boel, L(...)

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COUR D'ARBITRAGE


Arrêt n° 109/99 du 14 octobre 1999 Numéro du rôle : 1366 En cause : le recours en annulation des articles 11 et 12 du décret flamand du 19 décembre 1997 contenant diverses mesures d'accompagnement du budget 1998, introduit par le Conseil des ministres.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents L. De Grève et M. Melchior, et des juges H. Boel, L. François, J. Delruelle, R. Henneuse et M. Bossuyt, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président L. De Grève, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 29 juin 1998 et parvenue au greffe le 30 juin 1998, le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles, a introduit un recours en annulation des articles 11 et 12 du décret flamand du 19 décembre 1997 contenant diverses mesures d'accompagnement du budget 1998 (publié au Moniteur belge du 30 décembre 1997, deuxième édition).

II. La procédure Par ordonnance du 30 juin 1998, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

Par ordonnance du 27 juillet 1998, le président en exercice a prorogé jusqu'au 30 septembre 1998 le délai pour introduire un mémoire.

Le recours a été notifié conformément à l'article 76 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 27 juillet 1998; l'ordonnance du 27 juillet 1998 a été notifiée par les mêmes lettres.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 25 août 1998.

Le Gouvernement flamand, place des Martyrs 19, 1000 Bruxelles, a introduit un mémoire par lettre recommandée à la poste le 30 septembre 1998.

Ce mémoire a été notifié conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettre recommandée à la poste le 15 octobre 1998.

Le Conseil des ministres a introduit un mémoire en réponse par lettre recommandée à la poste le 13 novembre 1998.

Par ordonnances des 26 novembre 1998 et 26 mai 1999, la Cour a prorogé respectivement jusqu'aux 29 juin 1999 et 29 décembre 1999 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.

Par ordonnance du 9 juin 1999, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 30 juin 1999.

Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats, par lettres recommandées à la poste le 10 juin 1999.

A l'audience publique du 30 juin 1999 : - ont comparu : . G. Dekelver loco B. Druart, auditeurs généraux des Finances, pour le Conseil des ministres; . Me P. Van Orshoven, avocat au barreau de Bruxelles, pour le Gouvernement flamand; - les juges-rapporteurs M. Bossuyt et R. Henneuse ont fait rapport; - les parties précitées ont été entendues; - l'affaire a été mise en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

III. Objet des dispositions attaquées Les dispositions attaquées font partie du chapitre II « Finances et Budget » du décret du 19 décembre 1997 contenant diverses mesures d'accompagnement du budget 1998.

L'article 11 du décret précité est libellé comme suit : « En ce qui concerne la Région flamande, l'article 253 du Code des impôts sur les revenus est complété comme suit : ' 4° des nouveaux biens immobiliers visés par l'article 471, § 3, qui, en vertu de l'article 472, § 2, donnent lieu après le 1er janvier 1998, à une augmentation du revenu cadastral par rapport au revenu cadastral fixé au 1er janvier 1998; 5° des nouveaux biens immobiliers visés par l'article 471, § 3, pour lesquels le revenu cadastral est fixé la première fois en vertu de l'article 472, § 2.' L'exemption visée à l'alinéa 1er, 4°, n'est accordée que pour la partie excédant le revenu cadastral fixé au 1er janvier 1998.

Ne sont pas pris en considération pour l'application de l'alinéa 1er, 4° et 5°, les nouveaux biens immobiliers mis en place dans des bâtiments industriels, d'entreprise ou commerciaux qui font l'objet d'une infraction à la réglementation de la construction en vertu du décret du 4 mars 1997 sanctionnant l'arrêté du Gouvernement flamand du 22 octobre 1996 portant coordination de la législation sur l'aménagement du territoire.» L'article 12 du décret dispose : « En ce qui concerne la Région flamande, l'article 255 du Code des impôts sur les revenus est complété par un alinéa 3, 4 et 5, rédigés comme suit : ' Il s'élève à 2,5 % affectés du coefficient déterminé ci-après, pour le matériel et l'outillage tels que définis par l'article 471, § 3.

Le coefficient est déterminé en divisant la moyenne des indices de l'année 1996 par la moyenne des indices de l'année précédant l'année d'acquisition des revenus.

Pour le calcul du coefficient, les valeurs numériques visées ci-après sont arrondies comme suit : 1° la moyenne des indices est arrondie au centième supérieur ou inférieur d'un point, selon que le chiffre indiquant les millièmes atteint ou non 5;2° le coefficient est arrondi au dix millième supérieur ou inférieur, selon que le chiffre indiquant les cent millièmes atteint ou non 5;3° le taux obtenu par l'application du coefficient susvisé est arrondi au centième supérieur ou inférieur d'un point, selon que le chiffre indiquant les millièmes atteint ou non 5.' ».

IV. En droit - A - Quant aux règles répartitrices de compétences A.1.1. Dans le premier moyen, le Conseil des ministres dénonce la violation de l'article 4, § 2, de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions.

En vertu de cet article, les régions peuvent, en matière de précompte immobilier, modifier seulement le taux d'imposition et les exonérations. Ces compétences attribuées aux régions sont énumérées de manière limitative et doivent être interprétées de façon restrictive.

Selon le Conseil des ministres, il ressort de l'interprétation historique de l'article 4, § 2, de la loi spéciale du 16 janvier 1989 que l'expression « modifier le taux d'imposition » signifie, dans cet article, « augmenter ou diminuer les pourcentages d'imposition, rien de plus ». Le législateur décrétal a par conséquent excédé ses compétences en instaurant, par l'article 11 du décret du 19 décembre 1997, une nouvelle exonération et en établissant, par l'article 12 du même décret, un taux distinct, l'une et l'autre applicables à une catégorie spécifique de biens immobiliers, à savoir le matériel et l'outillage.

A titre subsidiaire, le Conseil des ministres déclare que le Parlement flamand fait en réalité davantage que modifier le taux d'imposition ou les exonérations. En effet, en disposant, dans l'article 11, que l'exemption visée à l'alinéa 1er, 4°, n'est accordée que « pour la partie excédant le revenu cadastral fixé au 1er janvier 1998 », le Parlement flamand établit un mode de calcul qui dépasse la simple fixation du taux d'imposition et des exonérations, de sorte qu'il empiète sur la compétence résiduaire de l'autorité fédérale. Il en est de même pour l'article 12 du décret, qui ne modifie pas le taux d'imposition nominal du précompte immobilier mais l'affecte d'un coefficient qui s'applique exclusivement au matériel et à l'outillage.

Selon le Conseil des ministres, le législateur décrétal veut ainsi mettre fin, pour les revenus cadastraux relatifs au matériel et à l'outillage, à l'indexation que le législateur avait prévue pour l'ensemble des revenus cadastraux. Il vise par là un effet pour lequel il n'est pas compétent et agit en tout état de cause de façon disproportionnée, puisque son intervention aboutit à priver l'Etat fédéral de ses compétences ou du moins à rendre impossible ou exagérément difficile l'exercice de celles-ci.

A.1.2. Selon le Gouvernement flamand, le premier moyen est manifestement non fondé. L'article 11 du décret ajoute à l'article 253 du Code des impôts sur les revenus 1992 (dénommé ci-après C.I.R. 1992) deux nouvelles exonérations du précompte immobilier, cependant que l'article 12 du même décret modifie le tarif du précompte immobilier fixé à l'article 255 du C.I.R. 1992, dans les deux cas pour le matériel et l'outillage qui satisfont à certaines conditions. Les dispositions attaquées modifient par conséquent, pour la Région flamande, le taux et les exonérations du précompte immobilier, matière pour laquelle les régions sont compétentes, chacune pour ce qui concerne les biens immobiliers situés sur son territoire, en vertu de l'article 177, alinéa 1er, de la Constitution et des articles 1er et 3 à 5 de la loi spéciale du 16 janvier 1989. Le décret attaqué ne fait rien d'autre que modifier le taux d'imposition et les exonérations du précompte immobilier.

Selon le Gouvernement flamand, « modifier le taux d'imposition », c'est-à-dire le tarif d'imposition, ne signifie pas seulement remplacer le pourcentage mais aussi affecter celui-ci d'un coefficient qui peut être supérieur ou inférieur à un. Un tarif unique peut également être remplacé par plusieurs taux d'imposition dont l'application est subordonnée à des facteurs déterminés.

En ce qui concerne la notion d'exonération qui figure à l'article 4, § 2, de la loi spéciale du 16 janvier 1989, le Gouvernement flamand renvoie à la jurisprudence constante de la Cour, dont il ressort que cette notion a une large portée. Le Gouvernement flamand souligne que, dans cette jurisprudence, la Cour a expressément fait référence aux exonérations visées à l'article 253 du C.I.R. 1992, auxquelles le législateur décrétal en a désormais ajouté deux. Des exonérations peuvent aussi être accordées sous condition, partiellement, ou être plafonnées.

En outre, le Gouvernement flamand n'aperçoit pas en quoi le principe de proportionnalité serait violé, puisque le Conseil des ministres n'indique pas la compétence dont l'autorité fédérale serait privée ou dont les dispositions décrétales attaquées rendraient l'exercice impossible ou particulièrement difficile.

A.1.3. Selon le Conseil des ministres, le Gouvernement flamand interprète la compétence exclusive du législateur fédéral en matière de précompte immobilier de manière beaucoup trop stricte. La compétence de l'autorité fédérale est en effet une compétence résiduaire, tandis que les régions sont compétentes seulement pour les matières qui leur ont été expressément attribuées. En mettant fin, par les articles attaqués, à l'indexation des revenus cadastraux concernant le matériel et l'outillage, le législateur décrétal a excédé sa compétence, puisque ce domaine relève de la procédure administrative de fixation de la base d'imposition.

Le Conseil des ministres considère que la jurisprudence de la Cour à laquelle le Gouvernement flamand se réfère n'est pas pertinente parce que le législateur décrétal ne s'est pas limité, en l'espèce, à accorder une exonération ou à modifier simplement le taux d'imposition mais s'est également occupé de la manière dont la base d'imposition est établie.

L'intervention du législateur décrétal est disproportionnée parce qu'il est fait usage d'une compétence attribuée à l'Etat fédéral en vertu de la Constitution et parce que l'exercice de cette compétence fédérale est ainsi rendu à tout le moins beaucoup plus difficile.

A.2.1. Dans le second moyen, le Conseil des ministres dénonce la violation de l'article 4, § 4, de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions.

Selon cet article, l'autorité fédérale reste compétente pour fixer la base d'imposition du précompte immobilier. Une modification de la base d'imposition ne peut toutefois être réalisée qu'avec l'accord des gouvernements de région.

Dans la législation actuelle, le législateur fédéral a prévu que la base d'imposition du précompte immobilier était le montant du revenu cadastral indexé. En effet, l'article 255, alinéa 1er, du C.I.R. 1992 définit la base d'imposition du précompte immobilier en prévoyant que celui-ci s'élève à un pourcentage du revenu cadastral. La notion de « revenu cadastral » est définie et son mode de calcul fixé au titre IX du C.I.R. 1992. L'article 518 du même Code, qui dispose que le revenu cadastral est adapté à l'indice des prix à la consommation du Royaume, figure au titre X du C.I.R. 1992 sous l'intitulé « Dispositions transitoires » parce que, dans l'esprit du législateur fédéral, l'indexation des revenus cadastraux constituait clairement une mesure visant à compenser l'absence de péréquation cadastrale. L'article 32, § 9, alinéa 2, de la loi du 28 décembre 1990 relative à diverses dispositions fiscales et non fiscales prévoit explicitement que l'indexation cessera d'être applicable à partir de l'entrée en vigueur de la prochaine péréquation générale des revenus cadastraux.

Le Conseil des ministres affirme qu'en disposant, à l'article 11 du décret du 19 décembre 1997, que l'exemption n'est accordée que pour la partie excédant le revenu cadastral fixé au 1er janvier 1998, le législateur décrétal a adopté une mesure qui excède la notion d'exonération et concerne le domaine de la base d'imposition.

En ce qui concerne l'article 12, le Conseil des ministres déduit des travaux préparatoires du décret du 19 décembre 1997 que l'objectif réel du législateur décrétal était de mettre fin à l'indexation des revenus cadastraux du matériel et de l'outillage. Le législateur décrétal entendait donc modifier la base d'imposition et a excédé sa compétence lui permettant de modifier le taux d'imposition.

L'intervention du législateur décrétal est en tout état de cause disproportionnée, dans la mesure où elle aboutit à priver l'Etat fédéral de ses compétences ou du moins à rendre impossible ou exagérément difficile l'exercice de celles-ci.

A.2.2. Selon le Gouvernement flamand, le deuxième moyen manque en fait.

L'article 4, § 4, de la loi spéciale du 16 janvier 1989 dispose effectivement que le législateur fédéral demeure compétent pour fixer la base d'imposition du précompte immobilier. Toutefois, cette compétence fédérale ne porte pas sur la « base d'imposition », sans plus, mais bien sur le fait de « fixer la base d'imposition », c'est-à-dire la procédure administrative de calcul du revenu cadastral, et elle est donc limitée aux règles relatives à la manière uniforme dont procède l'Administration du cadastre pour établir le revenu cadastral de tous les biens immobiliers sis en Belgique. Les dispositions décrétales attaquées n'ont nullement porté atteinte à cette compétence. En outre, la compétence fédérale pour « fixer la base d'imposition » du précompte immobilier n'empêche pas que les régions prennent, dans le cadre des compétences qui leur sont explicitement attribuées, des mesures dans lesquelles la base d'imposition est impliquée, à la condition qu'elles ne portent pas atteinte à la fixation de celle-ci.

Bien que l'indexation des revenus cadastraux, telle qu'elle est réglée par l'article 518 du C.I.R. 1992, soit une mesure transitoire adoptée par l'autorité fédérale dans l'attente d'une nouvelle péréquation générale, on ne saurait en déduire qu'elle constitue ipso facto la « fixation de la base d'imposition » du précompte immobilier, ainsi qu'en témoigne le fait que l'Administration du cadastre n'est en aucune manière associée à l'indexation. En outre, contrairement à la péréquation, une indexation linéaire des revenus cadastraux n'est rien d'autre qu'une adaptation systématique du produit de l'impôt au coût de la vie, à tarif inchangé, et constitue donc une indexation du tarif, ce qui est une compétence exclusivement régionale. Selon le Gouvernement flamand, c'est donc plutôt l'article 518 du C.I.R. 1992 qui serait contraire aux règles répartitrices de compétences.

A.2.3. Le Conseil des ministres répond à cela que l'entière compétence qui est présumée avoir été attribuée aux régions ne peut avoir pour effet que celles-ci, en vue d'atteindre leur objectif, puissent également prendre des mesures qui portent atteinte aux compétences réservées à l'autorité fédérale.

Le Conseil des ministres n'est pas d'accord avec l'interprétation selon laquelle la compétence fédérale se limite à « fixer la base d'imposition » et affirme qu'on ne peut pas attribuer une signification particulière au mot « fixer ». Ceci ressort clairement de la lecture de l'ensemble du paragraphe 4 de l'article 4 de la loi spéciale de financement. La thèse du Gouvernement flamand aurait en outre pour effet que seul le législateur spécial serait compétent pour régler tous les autres aspects qui ne concernent pas la « fixation » de la base d'imposition, ce qui n'était manifestement pas le but.

Le législateur fédéral a volontairement choisi d'indexer les revenus cadastraux, en attendant la prochaine péréquation générale, et a donc fixé de manière uniforme la base d'imposition des revenus cadastraux.

Une telle mesure transitoire n'exige évidemment pas l'intervention de l'Administration du cadastre. Le Conseil des ministres souligne également que le législateur décrétal n'a pas satisfait à l'obligation qui est imposée au législateur fédéral de demander l'accord des autres régions. Cette obligation a cependant été imposée au législateur fédéral en vue de garantir l'uniformité de la base d'imposition. Du fait de la neutralisation de l'indexation des revenus cadastraux du matériel et de l'outillage en Région flamande, le revenu cadastral pour cette catégorie de biens immobiliers n'est plus fixé de manière uniforme.

A.3.1. Le troisième moyen est pris, selon le Conseil des ministres, de la violation de l'article 172 de la Constitution et de l'article 4, § 2, de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions.

Si le terme « loi » figurant à l'article 172, alinéa 2, de la Constitution peut être compris dans son sens générique lorsqu'il s'agit de prévoir une exonération relative à un impôt propre établi par une région, il doit, compte tenu du principe de l'égalité des Belges devant la loi fiscale que traduit l'article 172 de la Constitution, être compris dans son sens institutionnel strict pour ce qui concerne les impôts régionaux dont l'assiette s'étend à tout le Royaume. L'article 4, § 2, de la loi spéciale du 16 janvier 1989 permet certes aux régions de modifier une exonération existante, mais non d'en instaurer une nouvelle. Le législateur décrétal a par conséquent excédé ses compétences en créant, à l'article 11, une nouvelle exonération et en instaurant, à l'article 12, une modération d'impôt, par l'application d'un coefficient réducteur au taux d'imposition du précompte immobilier, introduisant ainsi une nouvelle exonération pour le matériel et l'outillage.

A.3.2. Concernant le troisième moyen, le Gouvernement flamand fait référence à la jurisprudence de la Cour (arrêt n° 71/96) et déclare que l'article 172 de la Constitution n'est pas une règle répartitrice de compétences, en sorte que le moyen n'est pas recevable. Le Gouvernement flamand considère que le Conseil des ministres se trompe sur la portée de l'article 172 de la Constitution. La notion de « loi » utilisée dans cet article vise une loi matérielle, c'est-à-dire une règle de conduite générale applicable à un nombre indéterminé de cas et, plus concrètement encore, une règle édictée par l'autorité qui a instauré l'impôt conformément à l'article 170 de la Constitution.

Le grief selon lequel les régions ne seraient pas compétentes pour instaurer de nouvelles exonérations, si bien que l'article 172 de la Constitution aurait été violé, ne tient pas debout, estime le Gouvernement flamand. « Modifier les exonérations », ainsi qu'il est dit à l'article 5, § 2 (lire : article 4, § 2), de la loi spéciale du 16 janvier 1989, signifie apporter quelque modification que ce soit au régime des exonérations de l'impôt concerné : modifier ou supprimer des exonérations ou en instaurer de nouvelles.

A.3.3. Le Conseil des ministres accepte la jurisprudence de la Cour relative à l'article 172 de la Constitution, mais demande à la Cour de contrôler son point de vue en l'espèce. En outre, le Conseil des ministres n'est pas d'accord avec l'interprétation avancée par le Gouvernement flamand en ce qui concerne la modification des exonérations, dans la mesure où l'instauration de nouvelles exonérations est réalisée en touchant à la base d'imposition.

Quant aux articles 10 et 11 de la Constitution A.4.1. Selon le quatrième moyen, l'article 11 du décret viole les articles 10 et 11 de la Constitution lus conjointement avec l'article 172 de celle-ci. Le Conseil des ministres reproche au législateur décrétal d'avoir instauré une nouvelle exonération exclusivement pour le matériel et l'outillage sis en Région flamande.

A.4.2. Le Gouvernement flamand soutient que le traitement différent du matériel et de l'outillage, par comparaison avec d'autres biens immeubles, résulte de la distinction que le C.I.R. 1992 établit lui-même entre les deux catégories, en s'inspirant à son tour de la différence fondamentale de nature qui existe entre elles. Puisque des situations inégales ne peuvent être traitées également, le législateur décrétal pouvait considérer que les deux catégories de biens immeubles devaient être soumises à des tarifs différents.

Compte tenu de la compétence territoriale de la Région flamande et de l'article 5, § 2, 5°, de la loi spéciale du 16 janvier 1989, la Région flamande ne saurait viser, par ses mesures relatives aux tarifs et aux exonérations, d'autres biens immeubles que ceux situés dans cette Région. Un tel traitement différencié du matériel et de l'outillage, selon qu'il est situé en Région flamande ou dans les deux autres régions, est la conséquence de la politique différenciée des régions qu'autorise l'autonomie qui leur a été accordée par la Constitution ou en vertu de celle-ci.

A.4.3. Le Conseil des ministres répond qu'en raison de la nouvelle exonération, le matériel et l'outillage sont traités de manière différente selon la région dans laquelle ils sont situés, alors que le précompte immobilier n'est pas, à proprement parler, un impôt régional puisqu'il est levé sur l'ensemble du territoire belge. C'est précisément afin d'éviter de telles différences de traitement que la loi spéciale du 16 janvier 1989 prévoit que l'autorité fédérale reste compétente pour fixer la base d'imposition et que celle-ci ne peut être modifiée que du consentement des gouvernements de région. Les régions ne peuvent mener une politique propre que dans les matières pour lesquelles elles disposent d'une compétence autonome propre.

A.5.1. Le cinquième moyen, qui vise l'article 11 du décret attaqué, est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, en tant qu'une différence de traitement est établie, d'une part, entre le matériel et l'outillage, selon que celui-ci est nouveau ou non et, d'autre part, entre les nouveaux biens immobiliers visés par l'article 471, § 3, du C.I.R. 1992, qui sont le matériel et l'outillage, et les biens immobiliers autres que ceux visés à l'article 471, § 3, du C.I.R. 1992, à savoir les biens immobiliers bâtis et non bâtis, présentant le même caractère de nouveauté, sans qu'existe pour cette distinction une justification objective et raisonnable quelconque. Le Conseil des ministres considère que la mesure n'est ni adéquate ni proportionnée.

A.5.2. Le Gouvernement flamand affirme que la différence de traitement est justifiée par la différence essentielle, sur le plan socio-économique, entre les catégories visées, parce que c'est avant tout lorsqu'il s'applique à du matériel ou à de l'outillage neuf qu'un régime fiscal favorable peut contribuer à améliorer le climat d'investissement, lequel concerne les entreprises et non les particuliers. La remarque sur le caractère adéquat de la mesure n'est pas pertinente puisque la Cour n'exerce pas un contrôle d'opportunité.

A.6.1. Le sixième moyen est dirigé contre l'article 12 du décret et est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution lus conjointement avec l'article 4, § 4, de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions. En effet, cet article établit une différence de traitement, d'une part, entre le matériel et l'outillage sis en Région flamande et les autres biens situés dans cette Région qui sont soumis au précompte immobilier et, d'autre part, entre le matériel et l'outillage sis en Région flamande et le matériel et l'outillage situés dans les autres régions. Le Conseil des ministres soutient à cet égard que le législateur décrétal touche à la base d'imposition du précompte immobilier.

Le Conseil des ministres ajoute in fine qu'il entre dans les intentions du législateur fédéral de supprimer l'indexation des revenus cadastraux pour le matériel et l'outillage.

A.6.2. Selon le Gouvernement flamand, ce moyen n'est pas recevable puisque son exposé n'a rien à voir avec un quelconque traitement inégal mais constitue bien un rappel des moyens pris de la violation des règles répartitrices de compétences. La neutralisation de l'indexation des revenus cadastraux du matériel et de l'outillage ne concerne pas seulement la création d'un climat d'investissement plus propice mais aussi le calcul fondamentalement différent des revenus cadastraux qui est lié, dans le C.I.R. 1992, à la distinction entre immeubles bâtis ou non bâtis et matériel et outillage.

Selon le Gouvernement flamand, le Conseil des ministres se contredit du reste, puisque l'on ne saurait tout à la fois reprocher au législateur décrétal d'avoir instauré une distinction injustifiée entre le matériel ou l'outillage et les autres biens immeubles et annoncer en même temps que l'on a l'intention de supprimer l'indexation des revenus cadastraux du matériel et de l'outillage. - B - Quant aux règles répartitrices de compétences B.1.1. Dans les premier et second moyens, le Conseil des ministres allègue que les articles 11 et 12 du décret flamand du 19 décembre 1997 contenant diverses mesures d'accompagnement du budget 1998 renferment des dispositions relatives à la base d'imposition du précompte immobilier et qu'ils excéderaient par conséquent la compétence de la Région flamande, en violation de l'article 4, §§ 2 et 4, de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions.

B.1.2. Selon l'article 3, alinéa 1er, 5°, de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions, le précompte immobilier est un impôt régional, c'est-à-dire un impôt fédéral dont la recette est, en l'espèce totalement, attribuée à la région.

L'article 4, § 2, de la susdite loi spéciale énonce certes que les régions sont compétentes pour « modifier » le « taux d'imposition » et les « exonérations » du précompte immobilier, mais, en vertu de l'article 4, § 4, de la susdite loi, le législateur fédéral reste compétent pour « fixer la base d'imposition ».

B.1.3. En matière de précompte immobilier, la base d'imposition est le revenu cadastral. Le revenu cadastral est censé correspondre au revenu moyen normal net d'une année, que serait susceptible de procurer un bien immobilier selon l'estimation de l'Administration du cadastre.

Conformément aux articles 472 et suivants du Code des impôts sur les revenus 1992 (C.I.R. 1992), le revenu cadastral est fixé pour tous les biens immobiliers bâtis ou non bâtis sis en Belgique, ainsi que pour le matériel et l'outillage présentant le caractère d'immeuble par nature ou d'immeuble par destination. Sauf révision extraordinaire ou spéciale, le revenu cadastral est en principe fixé tous les dix ans par voie de péréquation générale.

Selon les travaux préparatoires, le maintien de la compétence fédérale en matière de fixation de la base d'imposition du précompte immobilier se fonde sur la considération que « [la fixation du] revenu cadastral [ . ] requiert une administration très vaste; la régionaliser donnerait lieu à une impressionnante extension de celle-ci. En outre, le revenu cadastral intervient dans le régime de plusieurs impôts nationaux, de sorte qu'il ne s'indique pas de le régionaliser » (Exposé des motifs, Doc. parl., Chambre, 1988-1989, n° 635/1, p. 8).

Ainsi, le législateur spécial a donc voulu uniquement éviter qu'il soit porté atteinte à la manière uniforme dont l'Administration du cadastre procède pour fixer le revenu cadastral de tous les biens immobiliers sis en Belgique, conformément aux articles 472 et suivants du C.I.R. 1992.

B.1.4. Selon les travaux préparatoires, le terme « exonération » figurant à l'article 4 de la susdite loi spéciale doit s'interpréter « comme un terme générique recouvrant à la fois immunisations, immunités, réductions et abattements » (Doc. parl., Chambre, 1988-1989, n° 635/18, p. 271).

La notion d'« exonération » figurant dans cet article 4 a donc une portée large, recouvrant aussi bien les exonérations visées à l'article 253 du C.I.R. 1992 que les réductions visées à l'article 257 du même Code.

Quant à l'article 11 du décret B.2.1. En vertu de l'article 11 attaqué du décret du 19 décembre 1997, est exonéré du précompte immobilier le revenu cadastral du matériel et de l'outillage nouveaux pour lesquels un revenu cadastral est fixé pour la première fois (il s'agit des « nouveaux » investissements; article 253, alinéa 1er, 5°, du C.I.R. 1992), ou qui donnent lieu, après le 1er janvier 1998, à une augmentation du revenu cadastral par rapport au revenu cadastral fixé au 1er janvier 1998 (il s'agit des « investissements de remplacement »; article 253, alinéa 1er, 4°, du C.I.R. 1992). Dans ce dernier cas, l'exonération n'est accordée que pour la partie excédant le revenu cadastral fixé au 1er janvier 1998 (article 253, alinéa 2, du C.I.R. 1992).

B.2.2. L'article 4, § 2, de la loi spéciale de financement définit en des termes généraux la compétence d'exonération attribuée aux régions à l'égard du précompte immobilier. Cette attribution de compétence ne contient aucune réserve en fonction des techniques d'exonération utilisées, pour autant que ne soit pas mis en cause le mode de fixation uniforme des revenus cadastraux.

En décrétant les exonérations, telles qu'elles sont définies dans l'article 11 attaqué, le législateur décrétal a fait usage de la faculté que lui offre l'article 4, § 2, de la loi spéciale de financement. En déterminant notamment, dans l'article 11, sur quelle partie du revenu cadastral l'exonération est accordée, le législateur décrétal s'est cantonné dans la compétence dont les régions disposent en matière d'exonérations. En effet, pour que cette compétence ait un sens, elle doit aussi inclure le pouvoir de déterminer dans quelles circonstances les exonérations sont applicables.

Quant à l'article 12 du décret B.3.1. En vertu de l'article 60 du décret flamand du 21 décembre 1990 « contenant des dispositions budgétaires techniques ainsi que des dispositions accompagnant le budget 1991 », le précompte immobilier est fixé, en ce qui concerne la Région flamande, à 2,5 p.c. du revenu cadastral (au lieu du taux « fédéral » de 1,25 p.c.). Pour le matériel et l'outillage visés à l'article 471, § 3, du C.I.R. 1992, l'article 12 attaqué applique toutefois à ce pourcentage, à partir du 1er janvier 1998, un coefficient obtenu en divisant la moyenne des indices de l'année 1996 par la moyenne des indices de l'année précédant l'année d'acquisition des revenus.

B.3.2. Il convient de vérifier si, en adoptant cette mesure, le législateur décrétal est demeuré dans les limites de la compétence que lui attribue la loi spéciale de financement pour modifier le taux et les exonérations du précompte immobilier ou si, ce faisant, il a violé la compétence de fixer la base d'imposition qui est réservée au législateur fédéral.

B.3.3. En vertu de l'article 518 du C.I.R. 1992, il faut, notamment pour l'application de l'article 255 du même Code, entendre par revenu cadastral le revenu cadastral adapté à l'indice des prix à la consommation du Royaume.

Cette indexation des revenus cadastraux a été instaurée par l'article 29 de la loi du 28 décembre 1990 relative à diverses dispositions fiscales et non fiscales. La même loi a reporté la péréquation cadastrale jusqu'en 1995 au moins. En vertu de l'article 32, § 9, alinéa 1er, de la même loi, l'indexation des revenus cadastraux produit ses effets à partir de l'exercice d'imposition 1991 en ce qui concerne le précompte immobilier. L'article 32, § 9, alinéa 2, de la même loi dispose que l'article 29 cesse d'être applicable à partir de l'entrée en vigueur de la prochaine péréquation générale des revenus cadastraux.

Le mécanisme d'indexation ainsi instauré en 1990 pour les revenus cadastraux diffère du mécanisme d'indexation automatique défini à l'article 178 du C.I.R. 1992, en ce sens que la détermination du coefficient d'indexation à appliquer ainsi que la manière d'arrondir suivent des règles particulières.

B.3.4. Dans l'esprit du législateur fédéral, l'indexation des revenus cadastraux a été instaurée « en attendant la prochaine péréquation cadastrale » (Doc. parl., Chambre, 1990-1991, n° 1366/3, p. 8).

Il ressort par ailleurs des travaux préparatoires de la loi du 28 décembre 1990 que « la notion de revenu cadastral reste inchangée » et que « ce dont il s'agit n'est pas une modification du revenu cadastral ». Selon le secrétaire d'Etat aux Finances, « le montant du revenu cadastral indexé pour ce calcul n'est pas communiqué individuellement aux contribuables. Il n'est, dès lors, pas possible d'introduire un recours contre les nouveaux chiffres indexés, puisqu'ils n'ont rien à voir avec la péréquation » (Doc. parl., Sénat, 1990-1991, n° 1166-2, p. 62).En outre, cette indexation ne vaut « que pour le revenu cadastral en tant que celui-ci a une incidence sur l'impôt des personnes physiques et sur le précompte immobilier mais non pour les autres aspects car pour ceux-là, le revenu cadastral originaire est maintenu » (Ann., Sénat, 20 décembre 1990, p. 864).

B.3.5. Selon les travaux préparatoires du décret, l'indexation du revenu cadastral du matériel et de l'outillage acquis ou installés après 1990 ne se justifiait pas, étant donné que ce revenu est fixé en fonction de la valeur d'acquisition ou d'investissement à l'état neuf du bien visé et non, comme pour les biens immobiliers, en fonction de la valeur locative au 1er janvier 1975. C'est pour cette raison que le législateur décrétal a décidé de tempérer les effets de l'indexation pour ce matériel et cet outillage et que, par l'article 12, il a appliqué au taux du précompte immobilier pour le matériel et l'outillage un coefficient obtenu en divisant la moyenne des indices de l'année 1996 par la moyenne des indices de l'année précédant l'année d'acquisition des revenus (Doc., Parlement flamand, 1997-1998, n° 788/1, pp.3 et 4, et n° 788/9, p. 4).

B.3.6. L'indice des prix à la consommation est un indicateur économique de base. Des indexations sont opérées afin de suivre, dans les divers domaines de la politique, l'évolution des prix à la consommation. Un mécanisme d'indexation ne peut par conséquent être considéré comme une matière en soi mais bien comme un instrument que le législateur fédéral et le législateur décrétal peuvent utiliser, chacun pour ce qui le concerne, pour autant qu'ils agissent dans les limites de leurs compétences respectives.

B.3.7. Le Constituant et le législateur spécial, dans la mesure où ils n'en disposent pas autrement, ont attribué aux communautés et aux régions toute la compétence d'édicter les règles propres aux matières qui leur ont été transférées. Il ne peut se déduire des travaux préparatoires de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions que le pouvoir de modifier le taux d'imposition attribué aux régions par l'article 4, § 2, de cette loi, doive être interprété de manière restrictive. La compétence fédérale de « fixer la base d'imposition » du précompte immobilier n'empêche pas les régions de prendre des mesures en considération de la base d'imposition, à la condition de ne pas porter atteinte à la fixation de celle-ci. Modifier le taux d'imposition peut prendre différentes formes.

L'article 12 attaqué prévoit l'application d'un coefficient réducteur au taux d'imposition du précompte immobilier, ce qui en tant que mesure de tarification du précompte immobilier demeure dans les compétences dont disposent les régions en matière de taux d'imposition et d'exonérations. Ce faisant, le législateur décrétal n'a pas porté atteinte à la fixation de la base d'imposition du précompte immobilier. La disposition attaquée laisse intact le revenu cadastral indexé en tant que base d'imposition pour d'autres impôts, par exemple l'impôt des personnes physiques, et ne porte pas atteinte à la manière uniforme dont l'Administration du cadastre procède pour fixer le revenu cadastral de tous les biens immobiliers sis en Belgique.

B.4.1. Dans le troisième moyen, le Conseil des ministres déclare que le décret attaqué excède la compétence de la Région flamande en ce qu'il instaure, aux articles 11 et 12, de nouvelles exonérations, alors que l'article 172 de la Constitution réserve à une « loi » le pouvoir d'accorder des exonérations.

B.4.2. En vertu de l'article 4, § 2, de la loi spéciale de financement du 16 janvier 1989, les régions sont compétentes pour modifier les exonérations du précompte immobilier.

La modification des exonérations implique que celles-ci peuvent être supprimées ou instaurées.

L'article 172, alinéa 2, de la Constitution, qui dispose que « nulle exemption ou modération d'impôt ne peut être établie que par une loi », ne fait pas obstacle à cette compétence du législateur décrétal.

Dans cette disposition, le terme « loi » n'a pas pour portée, compte tenu de l'article 170 de la Constitution, de réserver au législateur fédéral la compétence d'établir des exemptions ou des modérations d'impôt.

Le moyen n'est pas fondé.

En ce qui concerne les articles 10 et 11 de la Constitution B.5.1. Le quatrième moyen est exclusivement dirigé contre l'article 11 du décret attaqué et est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution lus conjointement avec l'article 172 de celle-ci, en ce que le législateur décrétal a instauré une nouvelle exonération « exclusivement en faveur du matériel et de l'outillage sis dans la Région flamande ».

B.5.2. Une différence de traitement dans des matières où les communautés et les régions disposent de compétences propres est la conséquence possible de politiques distinctes permises par l'autonomie qui leur est accordée par la Constitution ou en vertu de celle-ci. Une telle différence ne peut en soi être jugée contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution. Cette autonomie serait dépourvue de signification si le seul fait qu'il existe des différences de traitement entre les destinataires de règles s'appliquant à une même matière dans les diverses communautés et régions était jugé contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution.

Le quatrième moyen n'est pas fondé.

B.6.1. Le cinquième moyen est également dirigé contre l'article 11 du décret attaqué et allègue la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, en tant que des différences de traitement sont instaurées, sans justification objective et raisonnable, entre, d'une part, le matériel et l'outillage, selon que ceux-ci sont neufs ou non et, d'autre part, les nouveaux biens immobiliers visés à l'article 471, § 3, du C.I.R. 1992 (à savoir le matériel et l'outillage) et les biens immobiliers autres que ceux visés à l'article 471, § 3, C.I.R. 1992 (à savoir les biens immobiliers bâtis et non bâtis autres que le matériel et l'outillage) « qui présentent le même caractère de nouveauté ».

B.6.2. Les règles constitutionnelles de l'égalité et de la non-discrimination n'excluent pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

En adoptant la disposition attaquée, le législateur décrétal entendait stimuler les investissements économiques par une diminution des charges. Les mesures que contient l'article 11 attaqué du décret du 19 décembre 1997 se rapportent à cet objectif en exonérant de précompte immobilier le revenu cadastral du matériel et de l'outillage neufs pour lesquels un revenu cadastral est fixé pour la première fois ou qui donnent lieu, après le 1er janvier 1998, à une augmentation du revenu cadastral existant par rapport au revenu cadastral fixé au 1er janvier 1998.

La distinction qui en résulte, en raison du fait que les mesures contestées sont applicables seulement au matériel et à l'outillage et non pas à d'autres biens immobiliers, n'est pas disproportionnée à l'objectif visé, compte tenu des règles distinctes d'établissement du revenu cadastral (telles qu'elles sont définies au titre IX, chapitre II), étant donné que le revenu cadastral du matériel et de l'outillage est fixé en fonction de la valeur d'investissement (article 483 du C.I.R. 1992) et non, comme pour les autres biens immobiliers, en fonction de la valeur locative nette à une époque de référence déterminée (article 477, § 1er, du C.I.R. 1992).

Le législateur décrétal a pu considérer à cet égard qu'une exonération totale pouvait être accordée pour les investissements en matériel et outillage neufs, alors que pour les investissements de remplacement, l'exonération n'était accordée que pour la partie qui excède le revenu cadastral fixé au 1er janvier 1998.

Quant au sixième moyen B.7.1. Dans le sixième moyen, qui est dirigé contre l'article 12 du décret, le Conseil des ministres dénonce une violation des articles 10 et 11 de la Constitution lus conjointement avec l'article 4, § 4, de la loi spéciale de financement du 16 janvier 1989. Une différence de traitement serait instaurée, d'une part, entre le matériel et l'outillage sis en Région flamande et les autres biens situés dans cette Région qui sont soumis au précompte immobilier et, d'autre part, entre le matériel et l'outillage sis en Région flamande et le matériel et l'outillage situés dans les autres régions.

B.7.2. Etant donné que le moyen ne fait que reproduire des arguments développés dans les moyens précédents, il ne peut, pour les motifs exposés plus haut, être accueilli.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 14 octobre 1999.

Le greffier, L. Potoms.

Le président, L. De Grève.

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