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Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 29 décembre 1999

Arrêt n° 126/99 du 25 novembre 1999 Numéros du rôle : 1451 et 1585 En cause : les recours en annulation des articles 3 et 5 du décret de la Région flamande du 9 juin 1998 contenant des dispositions modifiant le Code des impôts sur les revenus La Cour d'arbitrage, composée des présidents G. De Baets et M. Melchior, et des juges H. Boel, L(...)

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COUR D'ARBITRAGE


Arrêt n° 126/99 du 25 novembre 1999 Numéros du rôle : 1451 et 1585 En cause : les recours en annulation des articles 3 et 5 du décret de la Région flamande du 9 juin 1998 contenant des dispositions modifiant le Code des impôts sur les revenus, pour ce qui concerne le précompte immobilier, introduits par C. Peeters et K. Janssens et par F. Vandebosch et autres.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents G. De Baets et M. Melchior, et des juges H. Boel, L. François, J. Delruelle, H. Coremans et M. Bossuyt, assistée du référendaire B. Renauld, faisant fonction de greffier, présidée par le président G. De Baets, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours a. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 29 octobre 1998 et parvenue au greffe le 30 octobre 1998, C.Peeters et K. Janssens, demeurant à 2610 Anvers, Standonklaan 32, ont introduit un recours en annulation des articles 3 et 5 du décret de la Région flamande du 9 juin 1998 contenant des dispositions modifiant le Code des impôts sur les revenus, pour ce qui concerne le précompte immobilier (publié au Moniteur belge du 18 juillet 1998).

Cette affaire est inscrite sous le numéro 1451 du rôle de la Cour. b. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 12 janvier 1999 et parvenue au greffe le 13 janvier 1999, F. Vandebosch et M. Steegen, demeurant à 3620 Lanaken, Merckenhofstraat 4, et l'a.s.b.l. Vereniging voor Grensarbeiders, dont le siège social est établi à 3930 Hamont-Achel, Haverstraat 65, ont introduit un recours en annulation de l'article 3 du décret de la Région flamande du 9 juin 1998 contenant des dispositions modifiant le Code des impôts sur les revenus, pour ce qui concerne le précompte immobilier (publié au Moniteur belge du 18 juillet 1998).

Cette affaire est inscrite sous le numéro 1585 du rôle de la Cour.

II. La procédure a. L'affaire portant le numéro 1451 du rôle Par ordonnance du 30 octobre 1998, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage. Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

Le recours a été notifié conformément à l'article 76 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 1er décembre 1998.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 11 décembre 1998. b. L'affaire portant le numéro 1585 du rôle Par ordonnance du 13 janvier 1999, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage. Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

Le recours a été notifié conformément à l'article 76 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 11 février 1999.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 25 février 1999. c. Les affaires jointes portant les numéros 1451 et 1585 du rôle Par ordonnance du 28 janvier 1999, la Cour a joint les affaires. Par ordonnances du 30 mars 1999 et du 27 septembre 1999, la Cour a prorogé jusqu'aux 29 octobre 1999 et 29 avril 2000 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.

Par ordonnance du 14 juillet 1999, le juge H. Boel, faisant fonction de président, a complété le siège par le juge A. Arts, uniquement pour statuer sur la mise en état.

Par ordonnance du 14 juillet 1999, la Cour a déclaré les affaires en état et fixé l'audience au 6 octobre 1999, après avoir invité les parties requérantes dans l'affaire portant le numéro 1585 du rôle à préciser, dans un mémoire complémentaire, l'incidence éventuelle que pourrait avoir sur leur recours en annulation le décret modifiant l'article 257 du Code des impôts sur les revenus, adopté par le Parlement flamand le 5 mai 1999.

Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats, par lettres recommandées à la poste le 19 juillet 1999.

Les parties requérantes dans l'affaire portant le numéro 1585 du rôle ont introduit un mémoire complémentaire par lettre recommandée à la poste le 14 septembre 1999.

Par ordonnance du 29 septembre 1999, la Cour a remis les affaires à l'audience du 19 octobre 1999.

Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats, par lettres recommandées à la poste le 1er octobre 1999.

A l'audience publique du 19 octobre 1999 : - ont comparu : . C. Peeters, en son nom propre; . Me W. Robben loco Me A. van der Graesen, avocats au barreau de Hasselt, pour les parties requérantes dans l'affaire portant le numéro 1585 du rôle; - les juges-rapporteurs H. Coremans et L. François ont fait rapport; - les parties précitées ont été entendues; - les affaires ont été mises en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

III. En droit - A - Sur la recevabilité Affaire portant le numéro 1451 du rôle A.1. C. Peeters et K. Janssens, parties requérantes dans l'affaire portant le numéro 1451 du rôle, estiment qu'ils sont directement et défavorablement affectés par les dispositions attaquées. Ils étayent leur intérêt à l'aide d'une copie de leur avertissement-extrait de rôle en matière de précompte immobilier pour l'exercice d'imposition 1998, qui fait apparaître une réduction de 5 888 francs sur la base de l'article 257, 3°, du Code des impôts sur les revenus (deux enfants à charge). En vertu de la réglementation en matière de réduction du précompte immobilier qui a été insérée par le décret entrepris à l'article 257, § 1er, 2°, du Code des impôts sur les revenus, cette réduction, appliquée à une base de perception identique, ne s'élèverait qu'à 3 488 francs à partir de l'exercice d'imposition 1999.

Affaire portant le numéro 1585 du rôle A.2. F. Vandebosch et M. Steegen, premières parties requérantes dans l'affaire portant le numéro 1585 du rôle, habitent à Lanaken mais travaillent à Maastricht. Sur la base de l'article 257, 3°, du Code des impôts sur les revenus, avant qu'il n'ait été modifié par le décret attaqué, les requérants avaient droit à une réduction du précompte immobilier à concurrence de 20 p.c. (deux enfants à charge).

Ils attirent l'attention sur le fait qu'en vertu du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 « relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté », ils n'ont droit à des allocations familiales qu'aux Pays-Bas et que la législation néerlandaise ne prévoit des allocations familiales que jusqu'à l'âge de dix-huit ans. Leurs deux enfants étant âgés de plus de dix-huit ans, ils n'entrent pas en ligne de compte pour des allocations familiales et, depuis la modification, par le décret entrepris, de l'article 257 du Code des impôts sur les revenus, ils sont exclus du droit à une réduction du précompte immobilier. Les parties estiment que leur intérêt à l'annulation de l'article 3 du décret attaqué ainsi que « de toutes les dispositions indissociablement liées à cet article 3 » est de la sorte suffisamment prouvé.

A.3. L'a.s.b.l. Vereniging voor Grensarbeiders, seconde partie requérante dans l'affaire portant le numéro 1585 du rôle, produit la preuve de la publication de ses statuts dans les annexes du Moniteur belge et de la décision du conseil d'administration d'introduire un recours en annulation de la disposition attaquée. En vertu de l'article 3 de ses statuts, elle a pour objet « de défendre les intérêts des travailleurs frontaliers, et ce dans tous les domaines de la société ». Etant donné que seuls les « enfants qui entrent en ligne de compte pour des allocations familiales » donnent droit à une réduction du précompte immobilier, l'attribution automatique de la réduction ne s'applique pas aux travailleurs frontaliers occupés à l'étranger et les travailleurs frontaliers actifs aux Pays-Bas qui ont à leur charge deux enfants ou plus âgés de plus de dix-huit ans n'ont plus droit, désormais, à cette réduction. L'association estime dès lors qu'elle a intérêt à l'annulation de l'article 3 du décret entrepris ainsi que « de toutes les dispositions indissolublement liées à cet article 3 précité », puisque ces dispositions lèsent gravement les intérêts des travailleurs frontaliers.

Quant au fond Affaire portant le numéro 1451 du rôle A.4. Le premier moyen est pris d'une violation des articles 10, 11 et 172 de la Constitution en ce qu'à la suite de l'application de la réduction, le précompte immobilier finalement dû présente de grandes différences en fonction de la commune où est établi le domicile du contribuable.

Le précompte immobilier pour un bien immobilier d'une famille ayant deux enfants à charge et un revenu cadastral indexé de 50 000 francs s'élève, selon les requérants, après application de la réduction, à 8 256 francs dans une commune où le taux du précompte immobilier est de 20 p.c. et à 16 512 francs dans une commune où le taux du précompte immobilier est de 40 p.c. Les requérants constatent que le montant dû au titre de précompte immobilier n'est pas identique pour toutes les habitations ayant un même revenu cadastral. « Si l'on réduit donc proportionnellement la charge fiscale pour chaque contribuable ayant des enfants à charge, l'inégalité existante subsiste et des familles identiques se trouvant dans une situation identique demeurent confrontées à une charge fiscale différente. » A.5. Le deuxième moyen est pris d'une violation des articles 10, 11 et 172 de la Constitution en ce que l'objectif visant à accorder la réduction conformément au principe d'égalité n'est pas réalisé.

Les parties requérantes renvoient à l'augmentation de la quotité du revenu exemptée d'impôt pour une famille ayant charge d'enfants à l'impôt des personnes physiques. Le taux de la taxe communale additionnelle ou de la taxe d'agglomération additionnelle est appliqué au solde de l'impôt des personnes physiques restant dû après application de la quotité du revenu exemptée d'impôt. « Il s'ensuit que la réduction de l'impôt des personnes physiques en raison du fait qu'un contribuable a des enfants à charge tiendra compte du domicile du contribuable. Si un contribuable habite dans une commune réclamant une taxe communale additionnelle élevée, ce contribuable bénéficiera à l'impôt des personnes physiques d'une réduction plus importante du fait qu'il a des enfants à charge. » Se référant aux travaux préparatoires, les requérants soutiennent que le législateur décrétal a cherché à instaurer le même principe dans le nouveau régime de réduction du précompte immobilier pour enfants à charge. Ils constatent toutefois « que la charge fiscale en matière de précompte immobilier diffère fortement en fonction de la commune et de la province où est située l'habitation. Contrairement à l'impôt des personnes physiques, il n'y a donc pas d'imposition identique d'un revenu identique. La hausse du revenu cadastral, causée par la nécessité de loger décemment les enfants, provoque donc une augmentation du précompte immobilier, mais cette augmentation diffère selon la commune. » Si l'on postule que la famille visée au A.4 doit, du fait des deux enfants à charge, occuper une plus grande habitation (dont le revenu cadastral indexé est de 50 000 francs au lieu de 35 000 francs), le précompte immobilier, expliquent les requérants, s'accroît après application de la réduction instaurée par le décret entrepris de 1 256 francs dans une commune où le taux du précompte immobilier est de 20 p.c. et de 2 512 francs dans une commune où le taux du précompte immobilier est de 40 p.c. Ils observent que le montant du revenu cadastral supplémentaire n'est pas exempté d'impôt et que l'impôt supplémentaire sur ce revenu n'est pas le même dans le chef de chaque contribuable.

A.6. Le troisième moyen est pris d'une violation des articles 10, 11 et 172 de la Constitution en ce que l'objectif consistant à faire du précompte immobilier un « impôt plus social » n'est pas réalisé.

Pour les parties requérantes, le précompte immobilier finalement dû par des contribuables se trouvant dans des situations identiques présente, dans le nouveau régime, encore plus de différences que dans l'ancien régime de réduction. L'exemple mentionné au A.4 n'entraînerait, sous l'empire de l'ancienne réglementation, qu'une différence de 8 000 francs entre deux contribuables se trouvant dans une situation identique mais domiciliés dans deux communes différentes. Sous la nouvelle réglementation, la différence s'élève à 8 256 francs. Les requérants en déduisent que l'inégalité qui existait déjà en fonction de la commune où est établi le domicile du contribuable est encore accentuée par les dispositions attaquées.

A.7. Le quatrième moyen est pris d'une violation des articles 10, 11 et 172 de la Constitution en ce que la réduction ne tient pas compte du point de savoir si l'habitation familiale sert d'habitation privée ou est affectée à l'exercice d'une activité professionnelle.

L'article 258, alinéa 2, du Code des impôts sur les revenus disposait, avant la modification apportée par le décret entrepris, que les réductions en matière de précompte immobilier n'étaient pas accordées « pour la partie de l'habitation qui est affectée à l'exercice d'une activité professionnelle quand la quotité du revenu qui s'y rapporte dépasse le quart du revenu cadastral de l'habitation entière ». Après la modification apportée par l'article 5 du décret critiqué, cette limitation est supprimée. Cela signifie qu' » une même réduction en matière de précompte immobilier sera accordée à des contribuables identiques domiciliés dans la même commune mais dont une famille utilise l'habitation entière pour le logement des enfants et l'autre famille néglige le logement aux fins d'exercer dans l'habitation une activité professionnelle ». A l'estime des requérants, il n'est ainsi pas tenu compte de l'utilisation effective du bien immobilier comme « espace d'habitation », ce qui serait contraire à l'objectif de base de la réduction pour enfants à charge, tel que celui-ci peut se déduire des travaux préparatoires de la loi du 13 juillet 1930.

Affaire portant le numéro 1585 du rôle A.8. Selon les parties requérantes dans l'affaire portant le numéro 1585 du rôle, la disposition attaquée est contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution en ce que le critère de distinction appliqué ne saurait être raisonnablement justifié, compte tenu de l'objectif et des effets de la mesure et des principes en cause.

A.9. Aux termes des travaux préparatoires, le but du décret attaqué « est donc en premier lieu la création d'un régime beaucoup plus transparent et, partant, plus juste. Un second objectif est de permettre une perception efficace par nos propres services. » Dans cette perspective, « il a été opté pour un système permettant d'aboutir à une automatisation de la perception du précompte immobilier, par le biais de l'utilisation des banques de données existantes. A l'avenir, il sera possible que le contribuable obtienne automatiquement la réduction à laquelle il a droit ». Selon les requérants, la Banque-carrefour indiquera à l'administration flamande les familles ayant au moins deux enfants admis au bénéfice des allocations familiales, critère destiné à déterminer si un contribuable a droit à la réduction d'impôt.

A.10. Pour les parties requérantes, la conséquence de la mesure attaquée est que le législateur décrétal a subordonné l'octroi de la réduction d'impôt à un critère de droit social, à savoir le nombre d'enfants qui peuvent bénéficier d'allocations familiales. Ce critère n'est toutefois pas pertinent, compte tenu du but et de la nature de la mesure et des conséquences de celle-ci.

Le législateur décrétal a subordonné la réduction d'impôt au critère des « allocations familiales » parce que la réduction pourrait ainsi être octroyée automatiquement. Selon les requérants, ce critère n'est pas pertinent puisque le résultat escompté n'est pas atteint. En effet, les travailleurs frontaliers ne sont pas soumis à la législation sociale belge, en sorte que la réduction d'impôt ne peut pas leur être octroyée automatiquement. La mesure critiquée opère par conséquent une distinction entre les travailleurs frontaliers et d'autres contribuables, distinction pour laquelle il ne saurait être donné de justification puisque le lieu de travail ne peut jamais avoir une pertinence quelconque pour accorder automatiquement ou non une réduction d'impôt dans le cadre du précompte immobilier.

Le critère des « allocations familiales » n'a pas seulement pour conséquence que les travailleurs frontaliers ne peuvent jamais bénéficier de l'octroi automatique de la réduction d'impôt, il signifie aussi, à l'estime des requérants, que certains travailleurs frontaliers sont exclus de la réduction d'impôt. Pour les travailleurs frontaliers, le droit à une réduction d'impôt dans la Région flamande est en effet soumis à des conditions qui relèvent d'une législation sociale étrangère. Ils renvoient ici à la situation des premières parties requérantes, exposée au A.2. « L'application de la disposition attaquée a pour conséquence qu'une distinction est faite entre les contribuables, en fonction de leur lieu de travail, alors que ceci est totalement dénué de pertinence pour l'octroi d'une réduction d'impôt sur les immeubles situés dans la Région flamande. » A.11. Dans un mémoire complémentaire, les requérants commentent l'incidence qu'a sur leur recours en annulation le décret du 18 mai 1999 modifiant l'article 257 du Code des impôts sur les revenus. Ils considèrent que ce décret ne met pas fin à la discrimination contestée.

Le nouveau régime opère une distinction entre les contribuables qui ont automatiquement droit à la réduction d'impôt et ceux qui doivent demander cette réduction chaque année. Selon les requérants, le motif invoqué dans les travaux préparatoires pour justifier cette distinction, à savoir « l'impossibilité d'une détection automatique via les banques de données consultées », ne constitue pas une justification suffisante.

La réduction fondée sur l'article 257, § 2, 4°, du Code des impôts sur les revenus est en outre accordée seulement pour les enfants des travailleurs frontaliers qui, en raison de la réglementation en vigueur dans le pays où ces travailleurs frontaliers sont employés, sont exclus de tout régime d'allocations familiales. Si leurs enfants ne sont pas exclus des allocations familiales, les travailleurs frontaliers ne peuvent bénéficier de cette réduction, étant donné qu'ils ne remplissent pas les conditions fixées. Selon les requérants, ils ne peuvent pas non plus obtenir la réduction automatique sur la base de l'article 257, § 1er, 2°, du même Code, parce que leurs enfants ne sont pas automatiquement repérables via les banques de données consultées.

Enfin, les requérants considèrent que c'est à tort que le législateur décrétal a limité le champ d'application de l'article 257, § 2, 4°, du Code des impôts sur les revenus aux travailleurs frontaliers tels que ceux-ci sont définis à l'article 257, § 3, alinéa 3, du même Code. En effet, les contribuables qui travaillent dans un autre Etat membre de l'Union européenne et qui n'habitent pas et ne travaillent pas dans la zone frontalière sont, en vertu du règlement n° 1408/71 précité, également soumis au régime d'allocations familiales du pays dans lequel ils sont employés. Ils n'ont toutefois pas droit à la réduction d'impôt, ni sur la base de l'article 257, § 1er, 2°, du Code des impôts sur les revenus, puisque la réduction ne peut être accordée automatiquement, ni sur la base de l'article 257, § 2, 4°, du même Code, étant donné qu'ils ne peuvent être considérés comme des travailleurs frontaliers. - B - Les dispositions attaquées B.1.1. Les parties requérantes dans l'affaire portant le numéro 1451 du rôle demandent l'annulation des articles 3 et 5 du décret de la Région flamande du 9 juin 1998 contenant des dispositions modifiant le Code des impôts sur les revenus, pour ce qui concerne le précompte immobilier.

Les parties requérantes dans l'affaire portant le numéro 1585 du rôle demandent l'annulation de l'article 3 et « de toutes les dispositions indissolublement liées à cet article ».

B.1.2. L'article 3 du décret du 9 juin 1998 a remplacé pour la Région flamande l'article 257 du Code des impôts sur les revenus 1992. Les moyens invoqués font apparaître que les requêtes sont dirigées contre l'article 257, § 1er, 2°, de ce Code, remplacé par l'article 3 du décret du 9 juin 1998.

L'article 257, § 1er, 2°, dispose : « § 1er. Il est accordé à l'intéressé : 2° une réduction du précompte immobilier calculée sur base du tableau ci-dessous pour les enfants admis au bénéfice des allocations familiales et portant sur l'habitation occupée le 1er janvier de l'exercice d'imposition par une famille comptant au moins deux enfants, qui y sont domiciliés d'après l'inscription au registre de la population et qui ont droit aux allocations familiales.Les enfants considérés comme handicapés comptent pour deux;

Pour la consultation du tableau, voir image Les unités au-dessus de dix donnent droit à une majoration de la réduction de 218 francs.

Les montants globaux figurant dans le tableau ci-dessus et le montant visé à l'alinéa précédent, sont adaptés annuellement à l'indice des prix à la consommation de l'Etat.

L'adaptation se fait au moyen d'un coefficient obtenu par la division de la moyenne des indices de l'année précédant l'année des revenus par la moyenne des indices de l'année 1996.

Après application du coefficient, les montants sont arrondis par élimination des décimales.

Un enfant, militaire, résistant, prisonnier politique ou victime civile de la guerre, décédé ou disparu pendant les campagnes 1914-1918 ou 1940-1945, est compté comme s'il était en vie et donne droit aux allocations familiales.

Par cette modification, s'agissant du précompte immobilier, le système d'une réduction en pourcentage proportionnelle à la hauteur du revenu cadastral est remplacé par un système linéaire où, en respectant les conditions fixées par le décret, une réduction forfaitaire est accordée par enfant.

Selon les travaux préparatoires, il s'agit de traiter les enfants de manière égale (Doc., Parlement flamand, 1997-1998, n° 927/1, p. 3, et n° 927/6, pp.7, 8, 28 et 29).

B.1.3. L'article 5 du décret du 9 juin 1998 a remplacé pour la Région flamande l'article 258, alinéa 2, du Code des impôts sur les revenus 1992.

L'article 258, alinéa 2, énonce : « Ces réductions ne peuvent porter que sur un seul immeuble à désigner éventuellement par l'intéressé. » Avant la modification, l'article 258, alinéa 2, portait : « Ces réductions ne peuvent porter que sur une seule habitation à désigner éventuellement par l'intéressé; elles ne sont pas accordées pour la partie de l'habitation qui est affectée à l'exercice d'une activité professionnelle quand la quotité du revenu qui s'y rapporte dépasse le quart du revenu cadastral de l'habitation entière. » Le remplacement de cet alinéa par l'article 5 du décret du 9 juin 1998 revient à en supprimer la deuxième phrase. La réduction du précompte immobilier sur la base du nouvel article 257, § 1er, 2°, du Code des impôts sur les revenus 1992, peut désormais également être accordée pour la partie de l'habitation qui est affectée à l'exercice d'une activité professionnelle.

En ce qui concerne l'affaire portant le numéro 1451 du rôle B.2. Les parties requérantes prennent quatre moyens de la violation des articles 10, 11 et 172 de la Constitution.

B.3.1. Selon le premier moyen, ces dispositions constitutionnelles sont violées en ce que, « à la suite de l'application de la réduction, le précompte immobilier finalement dû présente de grandes différences en fonction de la commune où est établi le domicile du contribuable ».

Aux termes du deuxième moyen, les dispositions constitutionnelles sont violées en ce que « l'objectif visant à accorder la réduction conformément au principe d'égalité n'est pas réalisé ». Il appert de l'exposé du moyen que le principe d'égalité ne serait pas respecté au motif que l'accroissement du précompte immobilier diffère en fonction de la commune où est établi le domicile du contribuable.

Selon le troisième moyen, les dispositions constitutionnelles sont violées en ce que « l'objectif consistant à faire du précompte immobilier un impôt ' plus social ' n'est pas réalisé ». Les requérants font valoir que l'inégalité qui existait déjà en fonction de la commune où est établi le domicile du contribuable est encore renforcée par les dispositions entreprises.

B.3.2. Les trois premiers moyens se résument à ce que l'article 3 du décret du 9 juin 1998 est censé avoir violé le principe d'égalité en ce que le précompte immobilier afférent à l'habitation d'une famille comptant un même nombre d'enfants et ayant le même revenu cadastral peut varier en fonction de la commune où est situé le bien immobilier.

L'inégalité invoquée ne découle donc pas de l'article 3 attaqué, mais de la disposition qui accorde aux provinces et aux communes le droit de lever des centimes additionnels au précompte immobilier.

B.3.3. Les moyens ne sauraient être admis.

B.4.1. Selon le quatrième moyen, les articles 10, 11 et 172 de la Constitution sont violés en ce que « la réduction ne tient pas compte du point de savoir si l'habitation familiale sert effectivement d'habitation privée ou est affectée à l'exercice d'une activité professionnelle », ce qui aurait pour effet que des catégories de personnes se trouvant dans une situation différente sont traitées de manière égale.

B.4.2. Le décret attaqué vise à prévoir pour chaque enfant une réduction égale du précompte immobilier (Doc., Parlement flamand, 1997-1998, n° 927/1, p. 3, et n° 927/6, pp. 7, 8, 28 et 29).

Dans la poursuite de cet objectif, la réduction en pourcentage du précompte immobilier pour cause de charge d'enfant a été remplacée par une réduction forfaitaire. Il s'ensuit que la réduction ne dépend plus de la hauteur du revenu cadastral. L'exclusion de la partie professionnelle de l'habitation a également été supprimée. Il serait en effet porté atteinte à l'objectif du traitement égal si la réduction forfaitaire n'était pas totalement accordée pour certains enfants au motif qu'une partie de l'habitation est affectée à des fins professionnelles.

B.4.3. Le moyen ne peut être admis.

En ce qui concerne l'affaire portant le numéro 1585 du rôle B.5.1. Selon les parties requérantes, l'article 3 du décret du 9 juin 1998 viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce que certains travailleurs frontaliers seraient exclus de la réduction du précompte immobilier.

B.5.2. Avant la modification de l'article 257 du Code des impôts sur les revenus par l'article 3 du décret du 9 juin 1998, « sur la demande de l'intéressé », il était accordé une réduction du précompte immobilier pour les enfants « à charge ».

Afin de pouvoir percevoir le précompte immobilier de manière rapide et efficace, le législateur décrétal a opté en faveur d'une automatisation de la perception. Parce qu' » il a été constaté qu'un grand nombre de réductions en matière de précompte immobilier auxquelles ont droit certaines personnes n'ont pas été demandées », le législateur décrétal a choisi, en vue d'assurer un « régime plus transparent et, partant, plus équitable », d'accorder de manière automatique les réductions du précompte immobilier « par le biais de l'utilisation des banques de données existantes » (Doc., Parlement flamand, 1997-1998, n° 927/1, p. 2).

Pour pouvoir faire usage des banques de données existantes, la réduction est dorénavant accordée pour les enfants « admis au bénéfice des allocations familiales ».

B.5.3. En vertu de l'article 13 du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, la législation de l'Etat membre où l'intéressé exerce ses activités salariées est applicable même s'il réside sur le territoire d'un autre Etat membre.

Etant donné que dans certains pays, comme les Pays-Bas, les allocations familiales sont conçues d'une manière différente de celle qui a cours en Belgique, certains enfants n'entrent pas en ligne de compte, en vertu de la législation étrangère, pour les allocations familiales, alors qu'ils seraient pris en compte à cette fin en vertu de la législation belge. Par suite de la disposition entreprise, certains contribuables sont donc exclus de la réduction du précompte immobilier.

B.5.4. Après qu'eut été introduit le recours en annulation, le décret du 18 mai 1999 modifiant l'article 257 du Code des impôts sur les revenus a ajouté à l'article 257, § 2, un 4°, qui dispose : « § 2. Il est accordé à l'intéressé : 4° la réduction du précompte immobilier, telle que visée au § 1er, 2°, accordée pour les enfants des travailleurs frontaliers, qui, en vertu de la législation du pays où ces derniers sont occupés, sont exclus de tout régime d'allocations familiales, pour autant que ces enfants, aux termes de la législation belge relative aux allocations familiales, soient admis au bénéfice des allocations familiales.» En vertu de l'article 3 du même décret, il faut entendre par travailleur frontalier, « la personne occupée dans une région frontalière d'un pays voisin et qui est domiciliée le 1er janvier de l'exercice d'imposition, d'après l'inscription au registre de la population, dans la région frontalière de la Belgique où elle retourne d'habitude chaque jour ou au moins une fois par semaine ».

Comme les dispositions attaquées, le décret du 18 mai 1999 est d'application à partir de l'exercice d'imposition 1999.

L'objection formulée par les parties requérantes dans leur mémoire complémentaire, selon laquelle les travailleurs frontaliers ayant des enfants qui « ne sont pas exclus de tout régime d'allocations familiales » ne peuvent bénéficier de la réduction accordée sur la base de l'article 257, § 1er, 2°, n'est pas fondée. En effet, sur la base de cette disposition, une réduction est accordée aux intéressés « pour les enfants admis au bénéfice des allocations familiales ».

Certes, la condition d'être « admis au bénéfice des allocations familiales » permet, ainsi qu'il est dit au B.5.2, d'utiliser les « banques de données existantes » en vue d'accorder automatiquement la réduction, mais ceci n'ôte rien au texte explicite du décret, qui accorde la réduction à tous les enfants qui, en Belgique, sont ou seraient admis au bénéfice des allocations familiales, sans aucune restriction aux allocations familiales d'origine belge et indépendamment des conditions auxquelles ces allocations sont accordées dans le pays où est exercé l'emploi.

En tant que les parties requérantes font valoir que certains travailleurs frontaliers sont exclus de la réduction du précompte immobilier, le moyen ne peut être admis.

B.5.5. Dans leur mémoire complémentaire relatif à l'incidence du décret du 18 mai 1999 sur leur recours en annulation, les parties requérantes dénoncent le fait que l'article 257, § 2, 4°, du Code des impôts sur les revenus ne s'applique pas aux contribuables travaillant à l'étranger qui n'habitent pas ou ne travaillent pas dans la région frontalière.

Etant donné que dans leur requête, les parties requérantes ont dénoncé exclusivement le traitement inégal de certains travailleurs frontaliers, la discrimination alléguée concernant d'autres contribuables travaillant à l'étranger doit être considérée comme un moyen nouveau, qui ne peut être invoqué que dans l'hypothèse prévue à l'article 85, alinéa 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage. Le moyen ne peut dès lors pas être examiné dans le cadre du recours présentement soumis à la Cour.

B.5.6. Les parties requérantes font également valoir, tant dans leur requête que dans leur mémoire en réponse complémentaire, que la disposition entreprise a pour effet que, contrairement aux autres contribuables, les travailleurs frontaliers doivent demander la réduction du précompte immobilier pour enfant à charge.

La distinction entre les travailleurs frontaliers visés à l'article 257, § 2, 4°, du Code des impôts sur les revenus et les autres contribuables se fonde dans ce domaine sur un critère objectif et pertinent puisque les enfants de ces travailleurs frontaliers ne sont pas « automatiquement détectables par le biais des banques de données consultées » (Doc., Parlement flamand, 1998-1999, n° 1359/1, p. 2).

L'exclusion de l'attribution automatique ne saurait être considérée comme une conséquence disproportionnée de la mesure critiquée : elle n'a pas pour effet que les contribuables qui remplissent les conditions de la réduction d'impôt mais qui n'entrent pas en ligne de compte pour son attribution automatique parce qu'ils ne figurent pas dans les banques de données existantes, soient privés pour cette raison du bénéfice de la réduction.

B.5.7. Le moyen ne peut être admis.

Par ces motifs, la Cour rejette les recours.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 25 novembre 1999.

Le greffier f.f., B. Renauld.

Le président, G. De Baets.

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