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Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 13 janvier 2000

Arrêt n° 133/99 du 22 décembre 1999 Numéro du rôle : 1464 En cause : le recours en annulation du décret de la Communauté flamande du 28 avril 1998 relatif à la politique flamande à l'égard des minorités ethnoculturelles, introduit par K. Möll La Cour d'arbitrage, composée des présidents G. De Baets et M. Melchior, et des juges H. Boel, L(...)

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13/01/2000
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COUR D'ARBITRAGE


Arrêt n° 133/99 du 22 décembre 1999 Numéro du rôle : 1464 En cause : le recours en annulation du décret de la Communauté flamande du 28 avril 1998 relatif à la politique flamande à l'égard des minorités ethnoculturelles, introduit par K. Möller et autres.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents G. De Baets et M. Melchior, et des juges H. Boel, L. François, P. Martens, J. Delruelle, E. Cerexhe, H. Coremans, A. Arts et M. Bossuyt, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président G. De Baets, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 10 novembre 1998 et parvenue au greffe le 12 novembre 1998, K. Möller, demeurant à 2000 Anvers, Noordschippersdok 25, F. Dewinter, demeurant à 2180 Ekeren, Klaverveldenlaan 1, J. Ceder, demeurant à 1700 Dilbeek, Populierenlaan 25, et B. Laeremans, demeurant à 1851 Humbeek, Achterstraat 8, ont introduit un recours en annulation du décret de la Communauté flamande du 28 avril 1998 relatif à la politique flamande à l'égard des minorités ethnoculturelles (publié au Moniteur belge du 19 juin 1998).

II. La procédure Par ordonnance du 12 novembre 1998, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

Le recours a été notifié conformément à l'article 76 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 3 décembre 1998.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 11 décembre 1999.

Des mémoires ont été introduits par : - le Gouvernement flamand, place des Martyrs 19, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 18 janvier 1999; - le Gouvernement wallon, rue Mazy 25-27, 5100 Namur, par lettre recommandée à la poste le 18 janvier 1999.

Ces mémoires ont été notifiés conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 9 mars 1999.

Les parties requérantes ont introduit un mémoire en réponse, par lettre recommandée à la poste le 8 avril 1999.

Par ordonnances des 28 avril 1999 et 26 octobre 1999, la Cour a prorogé respectivement jusqu'aux 10 novembre 1999 et 10 mai 2000 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.

Par ordonnance du 19 octobre 1999, le président G. De Baets a soumis l'affaire à la Cour réunie en séance plénière.

Par ordonnance de même date, la Cour a déclaré l'affaire en état, uniquement en ce qui concerne l'examen de la recevabilité du recours en annulation, et a fixé l'audience au 10 novembre 1999, après qu'elle eut invité la première partie requérante, K. Möller, à fournir la preuve du lieu de naissance de son père, au plus tard à l'audience.

Cette dernière ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats, par lettres recommandées à la poste le 19 octobre 1999.

A l'audience publique du 10 novembre 1999 : - ont comparu : . Me R. Verreycken, avocat au barreau de Bruxelles, pour les parties requérantes; . Me D. Lindemans loco Me P. Van Orshoven, avocats au barreau de Bruxelles, pour le Gouvernement flamand; . Me V. Thiry, avocat au barreau de Liège, pour le Gouvernement wallon; - les juges-rapporteurs A. Arts et J. Delruelle ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - l'affaire a été mise en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

III. Objet du décret attaqué Le décret de la Communauté flamande du 28 avril 1998 « relatif à la politique flamande à l'égard des minorités ethnoculturelles », en établissant trois « centres d'appui », un centre flamand de concertation, des centres provinciaux d'intégration et, enfin, des services locaux d'intégration et des antennes locales, dont il règle la création et le fonctionnement, a pour but : « [...] de créer les conditions pour que : 1° les minorités ethnoculturelles se trouvant légalement dans la région linguistique néerlandaise et dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale puissent participer en tant que citoyens à part entière à la société flamande;2° les minorités ethnoculturelles se trouvant temporairement dans la région linguistique néerlandaise et dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale puissent être accueillies, assistées et accompagnées dans le respect de la dignité humaine et des droits fondamentaux de l'homme » (article 3). A cette fin, le décret définit, en son article 2, un certain nombre de notions : « 1° allochtones : les personnes qui résident légalement en Belgique, qu'elles aient la nationalité belge ou non, et qui remplissent simultanément les conditions suivantes : a) au moins un de leurs parents ou de leurs grands-parents est né en dehors de la Belgique;b) elles se trouvent dans une position défavorisée en raison de leur origine ethnique ou de leur situation socio-économique précaire; [...] 4° minorités ethnoculturelles : l'ensemble des allochtones, des réfugiés et des nomades et des étrangers n'appartenant pas aux groupes précités qui résident illégalement en Belgique et qui sollicitent une aide ou un accueil en raison de leur situation précaire;5° politique des minorités : la politique flamande à l'encontre [lire : à l'égard] des minorités ethnoculturelles;».

IV. En droit - A - Quant à la recevabilité A.1.1. La première partie requérante, K. Möller, affirme qu'elle satisfait « aux conditions d'application du décret attaqué » puisque son père est né au Danemark et était de nationalité danoise et qu'elle se trouve dans une position défavorisée en raison de sa situation socio-économique précaire. Toutes les mesures visées dans le décret ainsi que celles contenues dans les arrêtés d'exécution lui seront applicables. Elle s'estime de ce fait défavorablement affectée parce que, bien que Belge à part entière - elle est née en Belgique et a obtenu la nationalité belge par naturalisation - et totalement intégrée, elle se voit qualifiée d'allochtone dans un acte officiel de l'autorité, ce qu'elle juge offensant et contraire au principe d'égalité.

A.1.2. Les deuxième, troisième et quatrième parties requérantes, F. Dewinter, J. Ceder et B. Laeremans, invoquent, d'une part, leurs qualités respectives de chef de groupe au Parlement flamand, de sénateur et de député. Elles affirment avoir un intérêt à ce que l'actuelle répartition des compétences entre l'Etat fédéral, les communautés et les régions soit respectée. La deuxième partie requérante déclare en outre avoir un intérêt personnel et direct à ce que l'organe dont elle fait partie ne porte pas atteinte aux compétences d'autres organes, en l'espèce du Parlement fédéral. Les troisième et quatrième parties requérantes affirment avoir un intérêt personnel et direct à ce qu'une norme d'un organe incompétent ne porte pas atteinte aux compétences d'un organe dont elles font partie, en l'espèce la contribution à une politique fédérale en matière d'étrangers et d'illégaux.

Ces parties requérantes invoquent par ailleurs leur qualité d'habitant de la Région flamande et de citoyen. Puisque, selon elles, le décret attaqué aura pour effet « que davantage d'étrangers illégaux seront incités à séjourner en Région flamande, à l'encontre de la politique fédérale » et que ceci aggravera encore « des problèmes tels que le travail au noir, l'exploitation et la traite des êtres humains », elles estiment qu'elles en subiront, en tant que citoyens individuels, personnellement et directement les « effets nuisibles ».

A.1.3. Subsidiairement, pour autant que ne serait pas admis l'intérêt direct et personnel des quatre parties requérantes, les deuxième, troisième et quatrième parties requérantes souhaitent également se prévaloir de « l'intérêt fonctionnel élargi » qui implique, selon elles, que « si manifestement aucun tiers ne peut introduire un recours recevable contre la norme attaquée, les deuxième, troisième et quatrième requérants, en tant que membres des organes parlementaires qui ont adopté la norme ou qui sont affectés par la norme dans leur compétence, ont l'intérêt requis pour introduire eux-mêmes une demande de suspension et un recours en annulation ».

A.2.1. Le Gouvernement flamand considère que le recours est irrecevable faute de l'intérêt requis en droit. Il ne voit pas en quoi le décret attaqué pourrait affecter directement, et à plus forte raison de manière défavorable, la situation juridique des parties requérantes. Le décret ne leur cause en effet aucun préjudice et son annulation ne leur procurerait pas le moindre avantage. En outre, l'intérêt des parties requérantes au respect de la répartition des compétences et du principe d'égalité ne se distingue pas de l'intérêt qu'a chacun à voir la légalité maintenue, et prendre en compte cet intérêt reviendrait à accepter l'action populaire.

A.2.2. Même si l'on peut considérer que la première partie requérante est une « allochtone », au sens du décret attaqué, et qu'elle fait dès lors partie des « minorités ethnoculturelles », elle ne démontre pas, selon le Gouvernement flamand, qu'elle serait défavorablement affectée par le décret. L'intérêt moral qu'elle allègue constitue en effet un jugement d'opportunité qu'il n'appartient pas à la Cour d'apprécier.

Par ailleurs, la désapprobation d'une norme sur la base d'une appréciation personnelle subjective ou de sentiments que cette loi suscite en elle ne peut être retenue comme une justification de l'intérêt requis en droit.

A.2.3. S'agissant des trois autres parties requérantes, le Gouvernement flamand affirme que l'intérêt « fonctionnel » ne peut être pris en considération, ainsi qu'il ressort de la jurisprudence de la Cour.

A.2.4. Selon le Gouvernement flamand, la doctrine de « l'intérêt fonctionnel élargi », pour autant que l'on puisse s'y rallier et l'étendre à des recours en annulation introduits auprès de la Cour d'arbitrage, n'est pas applicable en l'espèce, puisqu'on ne saurait dire que personne ne justifie de l'intérêt requis pour introduire un recours en annulation recevable, ce que les parties requérantes ne démontrent d'ailleurs pas.

A.2.5. Selon le Gouvernement flamand, le recours est au moins partiellement irrecevable, faute d'un exposé des moyens.

Les moyens formulés dans la requête permettent seulement de déduire que les parties requérantes s'élèvent contre les mots « au moins un de leurs parents ou de leurs grands-parents est né en dehors de la Belgique » figurant à l'article 2, 1°, contre le membre de phrase « étrangers [ . ] qui résident illégalement en Belgique et qui sollicitent une aide ou un accueil en raison de leur situation précaire » figurant à l'article 2, 4° et 6°, et contre l'absence, dans le décret, de toute disposition relative au délai.

L'inconstitutionnalité éventuelle de ce dernier point pourrait toutefois difficilement emporter l'inconstitutionnalité de l'ensemble du décret, cependant qu'aucun moyen n'est développé à l'encontre de toutes les autres dispositions de celui-ci. Le recours en annulation n'est donc recevable, selon le Gouvernement flamand, que dans la mesure où il vise les mots précités de l'article 2, 1°, et le membre de phrase précité de l'article 2, 4° et 6°.

A.3.1. Le Gouvernement wallon estime que le recours est irrecevable faute d'intérêt. Selon lui, la première partie requérante indique bien que le décret lui est applicable, mais omet de démontrer que le décret influencerait défavorablement sa situation. La partie requérante soutient en outre le contraire dans son premier moyen, lorsqu'elle affirme que la personne qui fait partie des minorités ethnoculturelles « obtient donc incontestablement une certaine priorité sur la personne qui n'en fait pas partie ».

A.3.2. Les deuxième, troisième et quatrième parties requérantes perdent de vue, selon le Gouvernement wallon, qu'un membre individuel d'une assemblée législative ne peut invoquer un intérêt fonctionnel en vue de la sauvegarde des prérogatives de l'assemblée dont il fait partie. Les parties requérantes n'apportent pas non plus d'élément qui ferait apparaître qu'en tant que membre d'une assemblée législative, membre de l'opposition au sein de cette assemblée ou même chef de groupe d'un parti d'opposition, elles seraient personnellement affectées dans leur situation, de manière directe ou indirecte, par le décret attaqué. Enfin, le Gouvernement wallon déclare, à propos de la qualité d'habitant de la Région flamande et de citoyen qu'elles invoquent, que les parties requérantes oublient que le recours populaire n'est pas admissible devant la Cour.

A.4.1. Les parties requérantes répondent qu'il ressort de la jurisprudence de la Cour que « l'intérêt » existe dès lors que les requérants pourraient être affectés directement et défavorablement par la norme attaquée, ce dont elles déduisent que seule est exigée la possibilité d'être affecté directement et défavorablement par la norme attaquée, alors que la question de savoir si l'on est réellement affecté défavorablement ne pourra, dans certains cas, recevoir une réponse qu'après l'examen des moyens.

A.4.2. Outre les griefs qu'elle a déjà formulés dans sa requête, la première partie requérante déclare que la norme attaquée la stigmatisera en tant qu'« allochtone », ce qui pourrait encore aggraver sa situation économico-sociale. Elle affirme ne pas avoir intenté son action « parce qu'elle désapprouverait la loi sur la base d'une appréciation personnelle, subjective, ou de sentiments que cette loi suscite en elle », mais parce qu'elle constate objectivement que la norme lui est applicable et la qualifie d'allochtone, ce qui la fera figurer dans « par exemple, des fichiers informatiques, des études et des rapports d'organisations et d'institutions publiques ».

La partie requérante considère « disposer du droit légal de soumettre à la Cour d'arbitrage la question de savoir si les critères utilisés par la norme attaquée pour la qualifier tout à coup personnellement, en tant que Belge à part entière, d'' allochtone ', c'est-à-dire ` venant d'ailleurs ', sont conformes aux garanties constitutionnelles dont elle bénéficie personnellement ».

Selon les parties requérantes, l'interprétation de la notion d'intérêt avancée par le Gouvernement flamand aboutirait à ce que plus aucun citoyen ne puisse soumettre une norme à la Cour puisque l'autorité concernée prétendra naturellement que la norme ne cause à personne un quelconque préjudice.

A.4.3. Les deuxième, troisième et quatrième parties requérantes répètent en substance les griefs exposés dans leur requête et rappellent qu'elles ont également invoqué un intérêt personnel à côté de leur intérêt fonctionnel.

A.4.4. Les parties requérantes s'opposent finalement à l'ensemble de la norme parce que celle-ci tend à torpiller la politique fédérale à l'égard des étrangers. - B - B.1. Le décret du 28 avril 1998 relatif à la politique flamande à l'égard des minorités ethnoculturelles vise, en ce qui concerne notamment les « allochtones », telle que cette catégorie est définie à l'article 2, 1°, et à laquelle appartient la première partie requérante, à créer les conditions pour que « les minorités ethnoculturelles se trouvant légalement dans la région linguistique néerlandaise et dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale puissent participer en tant que citoyens à part entière à la société flamande » (article 3, 1°).

La politique des minorités, qui est donc axée sur l'intégration, est, aux termes de l'article 4, § 3, du décret, une politique intégrée, c'est-à-dire une politique menée à l'égard des groupes visés dans le cadre de la politique générale des divers secteurs, par le biais de mesures générales et, au besoin, d'actions et de structures. Le décret fixe le cadre structurel devant permettre la réalisation de cette politique.

B.2. Le Gouvernement flamand et le Gouvernement wallon contestent la recevabilité du recours, notamment en ce qui concerne l'intérêt des parties requérantes.

Quant à l'intérêt de la première partie requérante B.3. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d'un intérêt. Ne justifient de l'intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme entreprise.

B.4.1. Pour qu'un recours en annulation soit recevable, il ne suffit pas que le requérant établisse que la disposition attaquée lui est applicable. Il doit démontrer en outre que cette disposition l'affecte défavorablement ou, en d'autres termes, qu'elle risque de lui causer un préjudice.

B.4.2. La requérante admet que le décret attaqué ne lui cause aucun préjudice matériel.

B.4.3. Le préjudice moral invoqué par la requérante, qui consiste en ce qu'elle considère comme « offensant et contraire au principe d'égalité, en tant que Belge à part entière, d'être désignée comme allochtone dans un acte public officiel », renvoie essentiellement à son appréciation personnelle du décret et aux sentiments que celui-ci suscite en elle.

La requérante n'étaie par aucun fait l'affirmation selon laquelle « la norme attaquée la stigmatisera en tant qu'allochtone » et ce grief ne peut viser la norme attaquée puisque celle-ci crée un cadre structurel. « Il n'est octroyé, dans ce décret, aucun droit à quiconque. On crée seulement un instrument spécifique en vue de permettre à des personnes qui sont défavorisées, qui se trouvent dans une position sociale fragile et qui ne peuvent participer pleinement à la vie de la société, de s'intégrer » (Ann., Parlement flamand, 1997-1998, n° 36, 1er avril 1998, p. 13). Le décret n'impose aucune obligation à la requérante.

Le terme « allochtones », utilisé à l'article 2, 1°, du décret attaqué, est, tout comme le terme « immigrés », utilisé à l'articl e 5, § 1er, II, 3°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, une notion générale et neutre qui n'a par elle-même aucun effet stigmatisant. La Cour constate en outre que le critère de nationalité ne fut pas davantage retenu, « étant donné qu'un nombre croissant de membres de ce groupe cible acquiert la nationalité belge » (Doc., Parlement flamand, 1997-1998, n° 868/1, p. 4).

B.5. En ce qu'il est introduit par la première partie requérante, le recours est irrecevable.

Quant à l'intérêt des deuxième, troisième et quatrième requérants B.6. Dans leur requête, les deuxième, troisième et quatrième requérants invoquent, pour justifier de leur intérêt, leurs qualités respectives de chef de groupe de leur parti au Parlement flamand, de sénateur et de député. Ils invoquent par ailleurs leur qualité d'habitant de la Région flamande et de citoyen.

B.7.1. Aux termes de l'article 2, 3°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, un recours en annulation peut être introduit « par les présidents des assemblées législatives à la demande de deux tiers de leurs membres ».

Il en résulte que le législateur a entendu limiter la possibilité d'agir pour les membres des assemblées législatives en la réservant aux présidents de celles-ci et à la condition que deux tiers des membres en fassent la demande. Un membre d'une assemblée ne justifie dès lors pas, en cette seule qualité, de l'intérêt requis pour agir devant la Cour.

L'intérêt fonctionnel invoqué par les requérants ne peut être retenu.

B.7.2. La loi spéciale du 6 janvier 1989 permet au Conseil des ministres, aux gouvernements de communauté et de région et aux présidents des assemblées législatives, à la demande de deux tiers de leurs membres, d'introduire un recours ou d'intervenir devant la Cour.

Ces requérants n'ont pas à faire la preuve d'un intérêt pour être reçus. Par conséquent, une norme législative peut donc toujours faire l'objet d'un recours devant la Cour. La question d'un éventuel « intérêt fonctionnel élargi » ne peut dès lors utilement se poser devant la Cour d'arbitrage.

B.7.3. La disposition de l'article 2, 3°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 n'exclut cependant pas qu'un membre d'une assemblée législative introduise un recours s'il est personnellement susceptible d'être affecté directement et défavorablement dans sa situation par la norme incriminée.

Les requérants affirment avoir un intérêt à ce que la répartition actuelle des compétences entre l'Etat fédéral, les communautés et les régions soit respectée. Le deuxième requérant indique en outre avoir un intérêt personnel et direct à ce que l'organe dont il fait partie ne porte pas atteinte aux compétences du Parlement fédéral. Les troisième et quatrième requérants prétendent avoir un intérêt personnel et direct à ce qu'un organe incompétent ne porte pas atteinte aux compétences du Parlement fédéral.

Ces allégations ne font nullement apparaître en quoi les requérants pourraient, à titre personnel, en tant que chef de groupe, sénateur ou député, être directement et défavorablement affectés dans leur situation par la norme attaquée.

La Cour constate en outre qu'un tel intérêt ne se distingue pas de l'intérêt qu'a toute personne au respect de la légalité en toute matière. Admettre un tel intérêt pour agir devant la Cour reviendrait à admettre le recours populaire, ce que le Constituant n'a pas voulu.

B.8. Les requérants considèrent qu'en tant qu'habitants de la Région flamande, ils subiront personnellement et directement « les effets nuisibles » du décret attaqué, parce qu'à leur avis, « davantage d'étrangers illégaux seront incités à séjourner en Région flamande, à l'encontre de la politique fédérale » et que ceci « aggravera encore des problèmes comme le travail au noir, l'exploitation et la traite des êtres humains ».

De telles affirmations ne peuvent être retenues comme la justification de l'intérêt requis en droit.

B.9. En ce qu'il est introduit par les deuxième, troisième et quatrième requérants, le recours est irrecevable.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 22 décembre 1999.

Le greffier, L. Potoms.

Le président, G. De Baets.

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