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Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 11 mai 2000

Arrêt n° 28/2000 du 21 mars 2000 Numéros du rôle : 1588, 1589, 1594, 1622, 1639 et 1656 En cause : les recours en annulation de l'article 46 du décret du Conseil flamand du 19 décembre 1998 contenant diverses mesures d'accompagnement du budge La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et G. De Baets, et des juges H. Boel, L(...)

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COUR D'ARBITRAGE


Arrêt n° 28/2000 du 21 mars 2000 Numéros du rôle : 1588, 1589, 1594, 1622, 1639 et 1656 En cause : les recours en annulation de l'article 46 du décret du Conseil flamand du 19 décembre 1998 contenant diverses mesures d'accompagnement du budget 1999, introduits par F. Kamp, P. Snoy, M.-N. Orban, la s.a. Immo De Vuyst et P. Nys et autres.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et G. De Baets, et des juges H. Boel, L. François, R. Henneuse, M. Bossuyt et E. De Groot, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des recours a. Par requêtes adressées à la Cour par lettres recommandées à la poste les 15 et 22 janvier 1999 et parvenues au greffe les 18 et 25 janvier 1999, F.Kamp, demeurant à 1150 Bruxelles, avenue des Cinq Bonniers 12, P. Snoy, demeurant à CH-1801 Mont-Pèlerin (Suisse), « Le Mirador », et M.-N. Orban, demeurant à 2970 Schilde, Haar 46, ont introduit un recours en annulation de l'article 46 du décret du Conseil flamand du 19 décembre 1998 contenant diverses mesures d'accompagnement du budget 1999 (publié au Moniteur belge du 31 décembre 1998, deuxième édition).

Ces affaires sont inscrites respectivement sous les numéros 1588, 1589 et 1594 du rôle de la Cour. b. Par requêtes adressées à la Cour par lettres recommandées à la poste les 18 février, 10 et 31 mars 1999 et parvenues au greffe les 19 février, 11 mars et 1er avril 1999, un recours en annulation de l'article 46 du décret du Conseil flamand du 19 décembre 1998 contenant diverses mesures d'accompagnement du budget 1999 (publié au Moniteur belge du 31 décembre 1998, deuxième édition) a été introduit par, d'une part, la s.a. Immo De Vuyst, dont le siège social est établi à 1850 Grimbergen, Beigemsesteenweg 77, et, d'autre part, P. Nys, demeurant à Mondorf-les-Bains (Luxembourg), route d'Ellange 5, A. Nys, demeurant à 4000 Liège, rue de Campine 316, et M. Nys, demeurant à 1050 Bruxelles, avenue Huysmans 165.

Ces affaires sont inscrites sous les numéros 1622, 1639 et 1656 du rôle de la Cour.

II. La procédure a) Dans les affaires nos 1588, 1589 et 1594 Par ordonnances des 18 et 25 janvier 1999, le président en exercice a désigné les juges des sièges respectifs conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage. Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application dans ces affaires des articles 71 ou 72 de la loi organique.

Par ordonnance du 28 janvier 1999, la Cour a joint les affaires.

Les recours ont été notifiés conformément à l'article 76 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 12 février 1999.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 23 février 1999. b) Dans les affaires nos 1622, 1639 et 1656 Par ordonnances du 19 février 1999, du 11 mars 1999 et du 1er avril 1999, le président en exercice a désigné les juges des sièges respectifs conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage. Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application dans ces affaires des articles 71 ou 72 de la loi organique.

Par ordonnances du 10 mars 1999, du 31 mars 1999 et du 20 avril 1999, la Cour a joint les affaires nos 1622, 1639 et 1656 et les affaires déjà jointes nos 1588, 1589 et 1594.

Les recours ont été notifiés conformément à l'article 76 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 22 avril 1999.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 27 avril 1999.

Le Gouvernement flamand, place des Martyrs 19, 1000 Bruxelles, a introduit un mémoire, par lettre recommandée à la poste le 7 juin 1999. c) Dans toutes les affaires Le mémoire introduit par le Gouvernement flamand dans les affaires nos 1622, 1639 et 1656 a été notifié aux parties requérantes dans ces affaires respectives conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 20 septembre 1999. Des mémoires en réponse ont été introduits par : - les parties requérantes dans l'affaire n° 1639, par lettre recommandée à la poste le 30 septembre 1999; - la partie requérante dans l'affaire n° 1588, par lettre recommandée à la poste le 4 octobre 1999; - la partie requérante dans l'affaire n° 1589, par lettre recommandée à la poste le 4 octobre 1999; - la partie requérante dans l'affaire n° 1594, par lettre recommandée à la poste le 4 octobre 1999; - la partie requérante dans les affaires nos 1622 et 1656, par lettre recommandée à la poste le 12 octobre 1999.

Par ordonnances du 29 juin 1999 et du 23 décembre 1999, la Cour a prorogé respectivement jusqu'aux 15 janvier 2000 et 15 juillet 2000 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.

Par ordonnance du 26 janvier 2000, la Cour a déclaré les affaires en état et fixé l'audience au 23 février 2000.

Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats par lettres recommandées à la poste le 27 janvier 2000.

A l'audience publique du 23 février 2000 : - ont comparu : . Me J. de Suray, avocat au barreau de Bruxelles, pour les parties requérantes dans toutes les affaires; . Me P. Van Orshoven, avocat au barreau de Bruxelles, pour le Gouvernement flamand; - les juges-rapporteurs R. Henneuse et M. Bossuyt ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - les affaires ont été mises en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

III. En droit - A - En ce qui concerne la recevabilité A.1. Selon les parties requérantes, la rédaction large de l'article 46, en ce qu'il vise les actions en dommages et intérêts, implique qu'il s'applique à toutes les actions en réparation d'un préjudice causé au droit de propriété, que celles-ci soient fondées sur les articles 1382 ou 544 du Code civil ou sur la Convention européenne des droits de l'homme. En arrêtant les critères dont devra tenir compte le juge, l'article 46 restreint la liberté du juge et conduit à un semblant d'indemnisation.

Toute personne disposant d'un droit de créance à l'égard du Gouvernement flamand, soit à titre personnel soit comme actionnaire d'une société disposant d'une telle créance, a dès lors intérêt à contester l'article 46 du décret du 19 décembre 1998.

A.2. A l'appui de leur intérêt à agir, chacune des parties requérantes allègue individuellement des procédures en indemnisation pendantes devant les juridictions, fondées notamment sur des refus de permis de lotir qui seraient injustifiés.

A.3. Pour le Gouvernement flamand, les recours sont par contre irrecevables, en raison du fait que l'article 46 attaqué ne constitue qu'une disposition interprétative. De la même façon que les articles 42 à 45 du décret du 19 décembre 1998 sont des dispositions interprétatives de l'article 35 du décret organique de l'urbanisme du 22 octobre 1996, de même l'article 46 ne fait que confirmer la portée de l'article 7 du Code judiciaire; dès lors, son annulation « ne produirait rien pour les parties requérantes ».

Quant au fond A.4.1. Dans la première partie de leurs requêtes, les parties requérantes exposent les rétroactes et la portée de l'ancien article 37 de la loi du 29 mars 1962 - devenu l'article 35 du décret du 19 décembre 1998 - ainsi que l'arrêt de cassation du 1er octobre 1992, avec les critiques de légalité formulées par cet arrêt à l'encontre de l'arrêté royal d'exécution de l'article 37 précité.

Les parties requérantes exposent ensuite les différents recours dont dispose, en matière d'urbanisme, la personne lésée, lesquels conduiraient notamment à une indemnisation d'étendue variable. Il s'agit tout d'abord des actions en indemnisation fondées sur l'article 35 du décret et de celles fondées sur l'article 1382 du Code civil, cette dernière disposition - à l'inverse de la première - supposant une faute; en outre, une action en réparation peut être introduite sur la base de l'article 50 de la Convention européenne des droits de l'homme, pour violation de celle-ci.

Vu sa généralité, l'article 46 restreint le pouvoir d'appréciation du juge, quelle que soit la base juridique de la demande d'indemnisation dont il est saisi; en outre, il s'applique immédiatement aux litiges en cours - non encore tranchés.

A.4.2. Dans la seconde partie de leurs requêtes, les parties requérantes invoquent différentes décisions de la Cour européenne des droits de l'homme, de la Cour d'arbitrage et de la Cour de cassation, certaines d'entre elles étant liées et concernant la rétroactivité de la loi du 30 août 1988 en matière de pilotage. Il est déduit de l'arrêt de la Cour européenne Pressos I c/ Belgique du 20 novembre 1995 qu'« il faut faire application de la Convention [européenne] des droits de l'homme, même si la loi interne est muette à ce sujet, qu'il s'agisse de la Cour d'arbitrage, de la Cour de cassation, du Conseil d'Etat, des Cours d'appel et des tribunaux, à peine d'ébranler la confiance légitime que le citoyen a et doit avoir dans ses institutions ».

A.5.1. Dans la première partie de son mémoire, le Gouvernement flamand expose les rétroactes législatifs et réglementaires relatifs à l'indemnisation en cause ainsi que la ratio legis de l'article 46 du décret du 19 décembre 1998.

A.5.2. L'article 37 de la loi organique de l'aménagement du territoire, repris mutatis mutandis à l'article 35 du décret flamand organique de l'urbanisme, avait été exécuté par l'arrêté royal du 24 octobre 1978. L'article 1er, § 1er, de cet arrêté prenait comme valeur du bien au moment de son acquisition le montant sur lequel avaient été payés les droits d'enregistrement ou de succession; le paragraphe 2 du même article prévoyait que la valeur vénale du bien était déterminée par un fonctionnaire, suivant la procédure d'estimation applicable en matière de succession. L'article 1er, paragraphe 2 - mais non le paragraphe 1er - ayant été déclaré illégal par la Cour de cassation (arrêt précité du 1er octobre 1992), cette disposition a été abrogée par le Gouvernement flamand par arrêté du 8 juillet 1997.

A.5.3. La détermination de la valeur de référence du bien immobilier, comme étant l'assise sur laquelle a été levé le droit d'enregistrement, a néanmoins continué à faire l'objet de discussions dans certains litiges portant sur l'indemnité du chef de dommages résultant du plan.

Dans le cadre de l'un de ces litiges, la Cour de cassation, par son arrêt du 18 juin 1998, a donné une double interprétation. Elle a considéré que l'arrêté royal du 24 octobre 1978 n'était compatible avec l'article 37 de la loi organique de l'urbanisme ni en ce qu'il fixait des critères restrictifs pour le calcul de la diminution de valeur du bien ni en ce qu'il imposait au juge, comme valeur d'acquisition du bien, le montant ayant servi à la perception des droits d'enregistrement ou de succession.

Selon le Gouvernement flamand, ces interprétations sont en flagrante contradiction avec l'intention du législateur, telle qu'elle ressort de façon expresse des travaux préparatoires de l'article 177 de la loi du 22 décembre 1977, modificative de l'article 37 de la loi organique de l'urbanisme. Il ressort desdits travaux préparatoires que l'article 1er, § 1er, de l'arrêté royal du 24 octobre 1978, en prenant comme critère le montant du bien sur lequel ont été payés les droits d'enregistrement ou de succession, est parfaitement conforme à la notion de « valeur de ce bien au moment de l'acquisition » visée par le législateur lors de l'adoption de l'article 37, alinéa 2; le Roi est dès lors pleinement resté dans les limites du pouvoir réglementaire d'exécution que Lui confère l'article 108 de la Constitution.

A.5.4. Selon le Gouvernement flamand, l'arrêt de la Cour de cassation du 18 juin 1998 a suscité, d'une part, une insécurité juridique - en raison de l'inapplicabilité, limitée à un cas, d'un arrêté qui subsistait cependant pour le surplus - et, d'autre part, une inégalité entre les justiciables.

C'est pour ces motifs que le législateur décrétal « a décidé de préciser simultanément le fondement de l'arrêté d'exécution du 24 octobre 1978 à l'article 35 du décret organique de l'urbanisme et de faire figurer l'élément principal de sa réglementation - la base imposable sur laquelle étaient levés les droits d'enregistrement ou de succession comme valeur de référence pour le calcul du dommage résultant du plan - à l'article 35 du décret lui-même ».

Ce faisant, le législateur décrétal a fait application de l'article 133 de la Constitution - qui réserve l'interprétation des décrets au législateur décrétal -, en clarifiant, de façon authentique, un problème d'interprétation, et ce afin de restaurer la sécurité juridique et l'égalité entre justiciables; il n'y a donc pas eu régularisation, en ce que cette notion viserait une légitimation de ce qui était illégitime. Enfin, ont également été prises en considération les conséquences financières de l'affaire, sans que cela ne soit toutefois une nouveauté, puisque cette considération était déjà à la base de la loi du 22 décembre 1977.

A.5.5. Enfin, l'article 46 est conforme, quant à lui, à l'article 7 du Code judiciaire; celui-ci impose en effet aux juges de se conformer aux lois interprétatives dans toutes les affaires où le point de droit n'est pas définitivement jugé au moment où ces lois deviennent obligatoires.

A.5.6. Dans leurs mémoires en réponse, les parties requérantes dans les affaires nos 1639 et 1656, en recourant à de nombreuses décisions de la Cour européenne des droits de l'homme, évoquent successivement le but de la Convention européenne des droits de l'homme, sa primauté sur le droit interne, son applicabilité au pouvoir législatif ainsi que le rôle de gardienne de la Convention et « du droit des démocraties » attribué à la Cour européenne.

Quant aux moyens Moyens pris de la violation de la Convention européenne des droits de l'homme A.6. Le premier moyen est pris de la violation de l'article 6.1 de la Convention.

Dès lors que l'article 46 en cause s'applique à toutes les affaires en cours - avec le souci manifeste d'influencer leur déroulement -, il viole l'article 6.1 de la Convention, en ce que cette disposition, telle qu'interprétée par la Cour européenne, prohibe une ingérence du pouvoir législatif dans l'administration de la justice (arrêt Pressos II du 3 juillet 1997).

A.7. Le second moyen est pris de la violation de l'article 50 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Pour les parties requérantes, il ressort des deux arrêts précités de la Cour européenne (des 20 novembre 1995 et 3 juillet 1997) que « le juge est souverain » et que « nul n'est fondé à diriger son jugement ».

A.8. Pour le Gouvernement flamand, ces deux moyens sont irrecevables, le contrôle direct de la Convention européenne échappant à la compétence de la Cour d'arbitrage, telle que celle-ci est définie par l'article 142 de la Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989.

En outre, n'est nullement précisée, contrairement au prescrit de l'article 6 de la loi spéciale et à la jurisprudence de la Cour y relative, la portée de la violation alléguée. Enfin, il est souligné, s'agissant du premier moyen, qu'il manque en fait en tant qu'il postule que la disposition attaquée a été conçue pour intervenir dans des litiges en cours.

Moyens pris de la violation de la Constitution A.9. Le premier moyen est pris de la violation des articles 134 et 144 de la Constitution, en ce qu'il y aurait « immixtion du pouvoir décrétal dans la compétence propre au pouvoir fédéral ».

En s'en référant aux arrêts de la Cour n° 46/97 et n° 139/98, les parties requérantes allèguent que, en modifiant la compétence du juge de déterminer le mode de réparation et son montant, le législateur décrétal « va à l'encontre » des deux dispositions constitutionnelles précitées. Il est relevé qu'« il s'immisce d'une part, dans le Code civil (l'article 1382), le Code judiciaire, et d'autre part, dans la Convention [européenne] des droits de l'homme (article 50) ».

A.10.1. Pour le Gouvernement flamand, ce moyen est tout d'abord irrecevable, à défaut d'exposé de l'excès de compétence allégué.

A.10.2. De surcroît, il manque en fait, dès lors qu'il ne touche nullement à la compétence des cours et tribunaux, les litiges en cause continuant en effet, comme par le passé, à relever de la compétence du tribunal de première instance.

A.10.3. L'article 46 du décret du 19 décembre 1998 trouve son fondement, sur le plan des règles de compétence, dans l'article 6, § 1er, I, 1°, de la loi spéciale du 8 août 1980 et dans l'article 133 de la Constitution. A titre très subsidiaire, il pourrait être recouru à l'article 10 de la même loi spéciale, les conditions du recours aux pouvoirs implicites étant satisfaites en l'espèce.

A.11. Le second moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution.

En appliquant aux biens se trouvant en Région flamande des critères restrictifs d'indemnisation « dans toutes les matières qui sont de la compétence fédérale », le législateur décrétal enfreint l'égalité des Belges devant les charges publiques. Selon les parties requérantes, « il n'est pas admissible qu'un citoyen, ayant un bien en Région flamande, soit traité beaucoup plus sévèrement qu'un citoyen ayant un bien en Région de Bruxelles-Capitale ou en Région wallonne ».

A.12. Pour le Gouvernement flamand, la différence de traitement invoquée au moyen est la conséquence directe de l'intervention de plusieurs législateurs autonomes, ce qui ne constitue pas, conformément à la jurisprudence de la Cour, une violation du principe d'égalité et de non-discrimination. - B La disposition attaquée B.1.1. Les parties requérantes demandent l'annulation de l'article 46 du décret flamand du 19 décembre 1998 « contenant diverses mesures d'accompagnement du budget 1999 ».

L'article 46 clôt le chapitre IX - intitulé « Aménagement du territoire » - de ce décret en précisant le champ d'application des dispositions de ce chapitre.

Ce chapitre modifie les articles 35 et 36 du décret relatif à l'aménagement du territoire, coordonné le 22 octobre 1996. L'article 35 prévoit une indemnité lorsqu'une interdiction de bâtir ou de lotir résultant d'un plan définitif met fin à l'usage auquel un bien était originairement affecté ou normalement destiné. L'article 36 défère ces demandes d'indemnité aux tribunaux de première instance et règle les possibilités de recours ainsi que la prescription.

B.1.2. L'article 42 du décret du 19 décembre 1998 complète comme suit l'article 35, alinéa 2, du décret coordonné : « La valeur du bien au moment de l'acquisition est réputée correspondre au montant ayant servi d'assise pour la perception des droits d'enregistrement ou de succession sur la pleine propriété du bien, ou, à défaut de la perception précitée, à la valeur marchande du bien en pleine propriété, au jour de l'acquisition. La valeur du bien au moment où naît le droit à l'indemnisation est réputée correspondre : 1° en cas de mutation du bien, au montant ayant servi d'assise pour la perception des droits d'enregistrement ou de succession sur la pleine propriété du bien, ou, à défaut de la perception précitée, à la valeur marchande du bien en pleine propriété au jour de l'acquisition, le montant minimum étant égal à la valeur convenue;2° en cas de refus du permis de bâtir ou de lotir ou de délivrance d'un certificat d'urbanisme négatif, à la valeur marchande à cette date.» L'article 43 du décret du 19 décembre 1998 ajoute un nouvel alinéa au même article 35; cet alinéa actualise, en l'indexant, la valeur d'acquisition du bien et la majore des frais d'acquisition et des dépenses supportées, pour le bien, par le bénéficiaire de l'indemnité.

Les articles 44 et 45 opèrent des mises en concordance de textes.

Enfin, l'article 46 du décret du 19 décembre 1998 - qui est la seule disposition attaquée par les requérants dispose : « Les dispositions du présent chapitre sont applicables aux poursuites en dommages-intérêts déjà engagées, mais n'ayant pas encore fait l'objet d'un jugement passé en force de chose jugée. » En ce qui concerne le désistement B.2. Dans son mémoire en réponse, la s.a. Immo De Vuyst, requérante dans l'affaire n° 1656, demande le désistement du recours en annulation formé dans l'affaire n° 1622 par la société du même nom, à laquelle elle a juridiquement succédé.

Rien ne s'opposant à cette demande, il y a lieu de décréter le désistement dans l'affaire n° 1622.

En ce qui concerne la recevabilité des recours B.3.1. Le Gouvernement flamand conteste l'intérêt à agir des parties requérantes; l'article 46 attaqué ne serait qu'une disposition interprétative de l'article 7 du Code judiciaire et, en conséquence, son annulation « ne produirait rien pour les parties requérantes ».

B.3.2. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d'un intérêt. Ne justifient de l'intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme entreprise.

L'ensemble des parties requérantes sont impliquées dans des procédures juridictionnelles en indemnisation de dommages à caractère urbanistique.

L'article 46 du décret du 19 décembre 1998 a pour effet de déclarer expressément applicable aux demandes d'indemnités fondées sur l'article 35 du décret coordonné, non encore tranchées par une décision définitive - dont celles mues par les parties requérantes -, le mode d'évaluation de la valeur d'acquisition du bien déterminé par les articles 42 et 43 du même décret.

L'article 46 en cause est susceptible d'affecter le montant auquel le dommage subi par les parties requérantes sera évalué en justice, puisque cette évaluation est fondée sur la différence entre la valeur d'acquisition ainsi déterminée, d'une part, et la valeur du bien après l'entrée en vigueur du plan, d'autre part.

L'exception d'irrecevabilité est rejetée.

En ce qui concerne la recevabilité des mémoires B.4. Les parties requérantes dans les affaires nos 1588, 1589 et 1594 ont déposé, chacune, un « mémoire en réponse ».

Aucun mémoire n'ayant été déposé dans ces affaires, ces mémoires en réponse sont irrecevables.

Quant au fond B.5. Les parties requérantes invoquent à l'appui de leurs requêtes des moyens pris de la violation, d'une part, de la Convention européenne des droits de l'homme, et, d'autre part, de la Constitution.

Un des moyens est pris de la violation, par l'article 46 du décret du 19 décembre 1998, des articles 134 et 144 de la Constitution, en ce qu'il y aurait « immixtion du pouvoir décrétal dans la compétence propre au pouvoir fédéral ». L'examen de la conformité d'une disposition aux règles de compétence doit précéder l'examen de sa compatibilité avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

Moyen pris de la violation des articles 134 et 144 de la Constitution B.6. Selon les parties requérantes, l'article 46 du décret du 19 décembre 1998 violerait les articles 134 et 144 de la Constitution, en ce qu'il opérerait une « immixtion du pouvoir décrétal dans la compétence propre au pouvoir fédéral ».

B.7.1. Aux termes de l'article 134 de la Constitution : « Les lois prises en exécution de l'article 39 déterminent la force juridique des règles que les organes qu'elles créent prennent dans les matières qu'elles déterminent.

Elles peuvent conférer à ces organes le pouvoir de prendre des décrets ayant force de loi dans le ressort et selon le mode qu'elles établissent. » B.7.2. Les parties requérantes ne précisant pas en quoi l'article 46 attaqué violerait l'article 134 de la Constitution, il n'y a pas lieu d'examiner cette branche du moyen.

B.8.1. Aux termes de l'article 144 de la Constitution : « Les contestations qui ont pour objet des droits civils sont exclusivement du ressort des tribunaux ».

B.8.2. Ni l'article 142 de la Constitution ni l'article 1er de la loi spéciale du 6 janvier 1989 ne confère à la Cour la compétence de connaître de la violation directe de cette disposition constitutionnelle.

L'article 46 du décret du 19 décembre 1998 se borne à déclarer applicables aux litiges en cours les articles 42 à 45 du même décret.

Le législateur décrétal, qui est compétent, sur la base de l'article 6, § 1er, I, de la loi spéciale du 8 août 1980, pour régler l'ensemble de la matière des plans d'aménagement, en ce compris un régime d'indemnisation qui est également propre à cette matière, peut également en fixer l'entrée en vigueur. Ni en soi, ni en raison de l'objet des dispositions qu'il déclare applicables, l'article 46 ne soustrait à la compétence des tribunaux une contestation ayant pour objet un droit civil, telles les demandes d'indemnités en cause. Au contraire, la Cour observe que l'article 36 du décret relatif à l'aménagement, coordonné le 22 octobre 1996, réserve expressément à la connaissance des tribunaux de première instance les demandes d'indemnités.

B.9. Le moyen, dans sa seconde branche, ne peut être accueilli.

Moyens pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution B.10. Selon les parties requérantes, n'est pas compatible avec le principe d'égalité le fait qu'« un citoyen, ayant un bien en Région flamande, soit traité beaucoup plus sévèrement qu'un citoyen ayant un bien en Région de Bruxelles-Capitale ou en Région wallonne ».

Une différence de traitement dans des matières où les communautés et les régions disposent de compétences propres - ce qui est le cas en l'espèce, l'urbanisme et l'aménagement du territoire étant une matière régionale en vertu de l'article 6, § 1er, de la loi spéciale du 8 août 1980 - est un effet de l'autonomie qui leur est accordée par la Constitution ou en vertu de celle-ci; une telle différence ne peut en soi être jugée contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution.

Cette autonomie serait dépourvue de signification si le seul fait qu'il existe des différences de traitement entre les destinataires de règles s'appliquant à une même matière dans les diverses communautés et régions était jugé contraire à ces dispositions.

Le moyen n'est pas fondé.

Moyens pris de la violation de la Convention européenne des droits de l'homme B.11. Selon les parties requérantes, l'article 46 du décret du 19 décembre 1998 violerait l'article 6.1 et l'article 50 de la Convention européenne des droits de l'homme. Selon le Gouvernement flamand, la référence à l'article 50 viserait en fait l'article 41 actuel de la Convention, tel qu'il résulte du Protocole n° 11 du 11 mai 1994.

La Cour n'est pas compétente pour examiner si l'article 46 est compatible avec des dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme, lues indépendamment des articles 10 et 11 de la Constitution.

Par ces motifs, la Cour - décrète le désistement dans l'affaire n° 1622; - rejette les autres recours.

Ainsi prononcé en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 21 mars 2000.

Le greffier, L. Potoms.

Le président, M. Melchior.

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