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Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 30 juin 2000

Arrêt n° 63/2000 du 30 mai 2000 Numéro du rôle : 1635 En cause : le recours en annulation des articles 2 et 4 du décret de la Région wallonne du 23 juillet 1998 portant modification du décret du 27 novembre 1997 modifiant le Code wallon de l' La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et G. De Baets, et des juges H. Boel, E(...)

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Arrêt n° 63/2000 du 30 mai 2000 Numéro du rôle : 1635 En cause : le recours en annulation des articles 2 et 4 du décret de la Région wallonne du 23 juillet 1998 portant modification du décret du 27 novembre 1997 modifiant le Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine, introduit par I. Ronsmans et autres.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et G. De Baets, et des juges H. Boel, E. Cerexhe, A. Arts, R. Henneuse et E. De Groot, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 4 mars 1999 et parvenue au greffe le 5 mars 1999, un recours en annulation des articles 2 et 4 du décret de la Région wallonne du 23 juillet 1998 portant modification du décret du 27 novembre 1997 modifiant le Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine (publié au Moniteur belge du 9 septembre 1998) a été introduit par I.Ronsmans, demeurant à 1470 Bousval, Drève Nantaise 5, C. Collignon, demeurant à 1490 Court-Saint-Etienne, rue de Mérivaux 53, et J. Martin, demeurant à 1490 Court-Saint-Etienne, rue des Fusillés 55.

II. La procédure Par ordonnance du 5 mars 1999, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

Le recours a été notifié conformément à l'article 76 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 29 mars 1999.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 9 avril 1999.

Des mémoires ont été introduits par : - H. Grégoire, demeurant à 1350 Orp-Jauche, rue du Paradis 9, par lettre recommandée à la poste le 10 mai 1999; - le Gouvernement wallon, rue Mazy 25-27, 5100 Namur, par lettre recommandée à la poste le 14 mai 1999.

Ces mémoires ont été notifiés conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 20 mai 1999.

Des mémoires en réponse ont été introduits par : - les parties requérantes, par lettre recommandée à la poste le 18 juin 1999; - H. Grégoire, par lettre recommandée à la poste le 18 juin 1999; - le Gouvernement wallon, par lettre recommandée à la poste le 18 juin 1999.

Par ordonnances du 29 juin 1999 et du 29 février 2000, la Cour a prorogé respectivement jusqu'aux 4 mars 2000 et 4 septembre 2000 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.

Par ordonnance du 1er mars 2000, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 21 mars 2000.

Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats par lettres recommandées à la poste le 3 mars 2000.

A l'audience publique du 21 mars 2000 : - ont comparu : . Me P. Bouillard, avocat au barreau de Namur, pour les parties requérantes; . Me F. Tulkens, avocat au barreau de Bruxelles, pour H. Grégoire; . Me B. Pâques, avocat au barreau de Nivelles, loco Me F. Haumont, avocat au barreau de Bruxelles, pour le Gouvernement wallon; - les juges-rapporteurs E. Cerexhe et H. Boel ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - l'affaire a été mise en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

III. Objet des dispositions entreprises Les dispositions entreprises du décret de la Région wallonne du 23 juillet 1998 portant modification du décret du 27 novembre 1997 modifiant le Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine (C.W.A.T.U.P.) s'énoncent comme suit : «

Art. 2.L'article 8 du décret du 27 novembre 1997 modifiant le Code wallon de l'Aménagement du Territoire, de l'Urbanisme et du Patrimoine est remplacé par la disposition suivante : `

Art. 8.Le plan directeur approuvé par le Gouvernement ou le schéma directeur adopté par le conseil communal, pour autant que l'approbation par le Gouvernement ou la commune soit intervenue avant la date d'entrée en vigueur du présent décret, reste d'application jusqu'au moment où lui est substitué et entre en vigueur un plan communal d'aménagement. ' » «

Art. 4.Un article 12bis, rédigé comme suit, est inséré dans le décret du 27 novembre 1997 modifiant le Code wallon de l'Aménagement du Territoire, de l'Urbanisme et du Patrimoine : `

Art. 12bis.Les dispositions des articles 33, alinéas 2, 3 et 4, 34, alinéas 2 et 3, et 140 du Code wallon de l'Aménagement du Territoire, de l'Urbanisme et du Patrimoine modifié par le décret du 27 novembre 1997 ne sont pas applicables aux zones d'extension mises en oeuvre avant l'entrée en vigueur du présent décret.

Par zone d'extension mise en oeuvre avant l'entrée en vigueur du présent décret, il y a lieu d'entendre la zone qui a fait l'objet avant la date d'entrée en vigueur du présent décret d'un plan communal d'aménagement ou d'un plan directeur, d'un schéma directeur adopté par le conseil communal, d'un permis de lotir ou d'un permis de bâtir couvrant tout ou partie de la zone. ' » IV. En droit - A - Quant à l'intérêt des parties requérantes A.1.1. Les parties requérantes sont propriétaires d'un immeuble sis en périphérie limitrophe de la vaste zone d'extension d'habitat située sur le territoire de la commune de Court-Saint-Etienne. Cette zone d'extension d'habitat n'a pas encore donné lieu à urbanisation; cependant, un schéma directeur couvrant une partie de la zone a été arrêté le 14 mars 1996 par le conseil communal de Court-Saint-Etienne en vertu de la circulaire n° 4bis du 23 mars 1981. Plusieurs demandes de permis de lotir ont été dès lors introduites avant l'entrée en vigueur du décret du 27 novembre 1997 modifiant le Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine. Elles sont toujours à l'instruction. La disposition transitoire nouvelle du décret du 27 novembre 1997 leur nuit particulièrement et de manière discriminatoire.

A.1.2. Le Gouvernement wallon soutient que les parties requérantes n'ont pas intérêt à agir dans la mesure où l'annulation demandée n'aura pas pour effet de les réinstaurer dans les garanties dont elles affirmaient pouvoir disposer à défaut d'avoir postulé l'annulation de l'article 3 du décret du 23 juillet 1998 modifiant l'article 12 du décret du 27 novembre 1997. Le résultat recherché par le recours en annulation des dispositions litigieuses, à savoir postposer la mise en oeuvre de la zone d'extension d'habitation, ne pourra être atteint, les demandes de permis de lotir en cours d'instruction pouvant être poursuivies sur la base de l'article 12 du décret du 27 novembre 1997.

De plus, les parties requérantes bénéficient de la protection de l'article 170.1.1 de l'ancien Code, cette disposition étant applicable aux demandes de permis de lotir en cours d'instruction en vertu de l'article 12 du décret du 27 novembre 1997.

Enfin, la suppression des dispositions litigieuses n'aura pas pour effet de placer les parties requérantes dans une situation plus favorable, l'article 33 ne s'appliquant qu'aux anciennes zones d'extension d'habitat non mises en oeuvre avant l'entrée en vigueur du décret du 27 novembre 1997. Quant à l'article 12bis, il n'établit nullement un régime transitoire. Il entend, au contraire, établir un régime spécifique de zonage pour une situation qui n'était pas appréhendée sous l'empire du C.W.A.T.U.P. mis en place par le décret du 27 novembre 1997.

A.1.3. Les parties requérantes répondent que ce n'est pas le maintien des anciennes règles de l'article 170 du Code wallon qui les lèse mais la validation et la perpétuation d'un schéma directeur d'aménagement en tant que procédé de mise en oeuvre de l'ancienne zone d'extension d'habitat.

Avant l'entrée en vigueur de l'article 2 du décret du 23 juillet 1998, elles disposaient de la possibilité de contester la légalité du schéma directeur mettant en oeuvre la zone d'extension d'habitat.

L'article 2 litigieux, en prorogeant et validant « le schéma directeur adopté par le conseil communal », pour les demandes de permis concernées en l'espèce, rend inopérante toute contestation devant le juge administratif ou judiciaire de la régularité du mécanisme du schéma directeur, en la matière, pour la mise en oeuvre de la zone d'extension d'habitat : elles ne bénéficient donc plus de la protection de l'article 170.1.1 de l'ancien Code wallon.

Quant à l'intérêt de la partie intervenante A.2.1. Le fait d'être voisine d'une zone d'extension d'habitat, requalifiée en zone d'aménagement différé, située dans la commune d'Orp-Jauche suffit à pouvoir postuler l'annulation des dispositions litigieuses, et en tous les cas, de l'article 4 du décret du 23 juillet 1998, dans la mesure où cet article modifie les règles de droit transitoire auparavant fixées dans le décret du 27 novembre 1997, et en particulier, les règles de fond permettant de considérer, par dérogation aux règles en vigueur depuis le 1er mars 1998, qu'une zone d'aménagement différé a été mise en oeuvre. Les dispositions entreprises assouplissent considérablement les règles applicables en n'y incluant plus les zones d'extension d'habitat mises en oeuvre, selon les critères excessivement larges, avant le 1er mars 1998 et notamment, comme en ce qui concerne la commune d'Orp-Jauche, en incluant dans le champ d'application de cette notion celles qui avaient fait l'objet d'un permis de lotir.

A.2.2. Le Gouvernement wallon soutient que dans aucune des procédures administratives ou judiciaires introduites par l'intervenante, l'annulation des dispositions attaquées ne servirait ses intérêts.

Tel est le cas, tout d'abord, dans le cadre du recours relatif au second permis délivré pour la construction de 25 maisons : pour l'appréciation de la validité de ce permis, l'annulation des articles 2 et 4 du décret du 23 juillet 1998 serait manifestement sans incidence. En effet, ce permis a été délivré avant l'entrée en vigueur du décret du 27 novembre 1997 modifiant le Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine, et sa validité doit donc être appréciée exclusivement en fonction des dispositions de l'ancien article 170 dudit Code.

Quant aux suites d'une éventuelle annulation de ce permis, la partie intervenante ne serait pas davantage affectée par l'annulation des dispositions litigieuses. En effet, à supposer que le permis litigieux soit annulé par le Conseil d'Etat, on devrait alors considérer que la zone n'a pas été mise en oeuvre, de sorte que l'article 12bis inséré dans le décret du 27 novembre 1997 par l'article 4 du décret du 23 juillet 1998 ne s'y appliquerait plus.

En ce qui concerne les recours contre la décision du conseil communal d'Orp-Jauche du 1er février 1999, l'annulation des dispositions attaquées serait également dénuée d'intérêt. Une telle annulation n'aboutirait pas davantage à rendre applicables les prescriptions de l'article 33 nouveau du C.W.A.T.U.P. L'annulation des dispositions attaquées aboutirait seulement à faire disparaître du C.W.A.T.U.P. toute disposition générale réglant l'utilisation des zones d'extension d'habitat déjà mises en oeuvre. L'absence d'une telle disposition confirmerait la liberté d'appréciation des autorités compétentes pour la délivrance des permis et, dans le cas d'espèce, n'apporterait aucun argument à l'appui des recours introduits par la partie intervenante auprès du Conseil d'Etat.

Quant au fond Quant au premier moyen d'annulation Position des parties requérantes A.3.1. Un premier moyen est pris de la violation des articles 10, 11, 146, 160 et 161 de la Constitution en ce que l'article 2 du décret du 23 juillet 1998 remplaçant l'article 8 du décret du 27 novembre 1997 modifiant le Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine a pour effet de valider la légalité des schémas directeurs adoptés avant le 1er mars 1998 alors que ce faisant, les parties requérantes sont privées de la possibilité d'invoquer l'illégalité du schéma directeur de la zone d'extension d'habitat devant les cours et tribunaux ou le Conseil d'Etat et, partant, des garanties juridictionnelles essentielles dont bénéficie tout citoyen.

A.3.2. Contrairement à ce que soutient le Gouvernement wallon, l'intérêt au moyen est bien établi. C'est la privation de la possibilité d'invoquer en l'espèce et de débattre devant une juridiction de la légalité de ce document qui constitue le fondement du moyen et non le caractère établi ou non de l'illégalité du schéma directeur des zones d'extension d'habitat. Ces permis de lotir, à eux seuls, ne répondent pas aux exigences de l'article 170.1.1 ancien du Code wallon, de sorte que le schéma directeur retrouve une importance déterminante d'harmonisation et d'intégration des demandes de permis.

L'affirmation du Gouvernement wallon selon laquelle il ne s'agirait pas d'une validation, le décret n'ajoutant qu'une valeur supplémentaire aux schémas directeurs, est inexacte. En effet, en consacrant le maintien en application d'un document dont le mécanisme présidant à la mise en oeuvre de la zone d'extension d'habitat est contesté et contestable, la disposition litigieuse emporte indéniablement validation de ce mécanisme.

D'autre part, si l'on peut considérer que le législateur a entendu conférer aux schémas directeurs certains « effets juridiques nouveaux », pour l'avenir, il faut bien constater que le législateur consacre, en même temps et en tout état de cause, les effets juridiques antérieurs contestables du schéma directeur, pour les situations antérieures. Si le but du législateur du 23 juillet 1998 était notamment d'éviter toute équivoque afin d'inclure les schémas directeurs arrêtés par le conseil communal pour les zones d'extension d'habitat, c'est bien qu'il s'est agi, en même temps, de « protéger » et donc de consacrer ces schémas directeurs au fondement légal inexistant ou à tout le moins incertain : en effet, est définitivement considérée comme mise en oeuvre l'ancienne zone d'extension d'habitat qui a fait l'objet d'un « schéma directeur adopté par le conseil communal ».

Cette validation ne peut se justifier. Si dans les travaux préparatoires du texte litigieux apparaît le souci de « préciser la portée des termes » et « d'assurer une meilleure sécurité juridique », encore faut-il que la validation n'ait pas pour objectif prépondérant d'empêcher toute contestation juridictionnelle du document faisant l'objet de la validation. Le souci légitime de sécurité juridique ne peut compromettre gravement, voire annihiler, ni les voies de recours juridictionnel, ni les objectifs du législateur pour l'aménagement de la zone d'extension d'habitat devenue la zone d'aménagement différé, tant dans ses dispositions antérieures que dans ses dispositions postérieures à la disposition transitoire.

La justification a posteriori, par le risque de conséquences financières extrêmement lourdes pour la Région ou les propriétaires, en cas de reconnaissance de l'irrégularité du mécanisme, est étrangère aux objectifs de bon aménagement du territoire qui doivent guider le législateur en cette matière et atteste de la volonté réelle d'empêcher l'introduction de recours qui seraient susceptibles de conduire à la condamnation du mécanisme et donc de l'autorité administrative qui l'aurait irrégulièrement institué.

Il ne s'agit pas là d'une justification objective et raisonnable au regard des objectifs que doit poursuivre une législation relative à l'aménagement du territoire et à l'urbanisme.

Position du Gouvernement wallon A.4.1. Les parties requérantes n'ont pas intérêt au moyen : le raisonnement tenu par les parties requérantes est étroitement dépendant de la question de la légalité du schéma directeur régissant l'urbanisation de la zone proche de la propriété de la partie requérante. Les demandes de permis de lotir en cause ont été introduites avant l'entrée en vigueur du décret du 27 mars 1997 et, en vertu de l'article 12 de ce décret, demeurent soumises à la réglementation en vigueur avant cette date. Puisque ces permis de lotir, à eux seuls et indépendamment du schéma directeur, répondent aux exigences de l'article 170.1.1 du Code wallon, l'illégalité éventuelle du schéma directeur est sans incidence sur les possibilités d'urbanisation de la zone.

A.4.2. Contrairement à ce que soutiennent les parties requérantes, le décret litigieux ne constitue pas une validation législative des schémas directeurs. La validation législative est un procédé qui, par définition, vise à couvrir l'illégalité potentielle ou avérée de dispositions mises en cause. En l'espèce, le contexte juridictionnel n'était nullement tel qu'il s'imposait d'intervenir par un texte à valeur décrétale. Il est inexact de soutenir que le Conseil d'Etat aurait consacré l'illégalité de tous les schémas directeurs.

L'intention n'était pas non plus de valider les schémas directeurs : il s'agissait uniquement de régler un problème de droit transitoire généré par la disparition du schéma directeur de l'arsenal juridique dans le décret du 27 novembre 1997. Il était effectivement opportun de régler le débat que n'aurait certes pas manqué de susciter cette situation à défaut de précision du législateur. Le décret du 27 novembre 1997 maintient les effets des schémas directeurs tels qu'ils existaient avant le 1er mars 1998 mais n'ajoute pas à ceux-ci une valeur complémentaire par l'effet d'une validation législative.

Quant à l'article 12bis, plus spécifiquement examiné dans le cadre du second moyen, il confère aux schémas directeurs une portée juridique qui ne leur était pas accordée précédemment, et il précise quels effets s'y attachent en relation avec le nouveau régime. Il ne s'agit pas de les faire échapper à une éventuelle sanction d'illégalité mais de leur reconnaître des effets juridiques nouveaux. On leur confère en quelque sorte, a posteriori, une valeur juridique nouvelle, mais cela sans effet rétroactif. Les termes « restent d'application », utilisés à l'article 8, confirment qu'il s'agit bien de maintenir les effets antérieurs, sans modification de la situation juridique de ces schémas.

Il n'y a donc aucune atteinte à l'autorité de chose jugée.

S'il fallait considérer que l'article 2 comporte validation des schémas directeurs, celle-ci ne serait pas contraire aux articles 10, 11, 146, 160 et 161 de la Constitution.

La Cour d'arbitrage confirma, à de nombreuses reprises, qu'une validation législative ou décrétale ne peut être admise que si elle repose sur des intentions considérées comme légitimes et non sur le seul souci de paralyser les recours juridictionnels introduits ou susceptibles d'être introduits. En l'espèce, une déclaration d'illégalité de tous les schémas directeurs aurait des conséquences importantes dans la mesure où cet outil d'aménagement a été très souvent utilisé pour mettre en oeuvre, notamment et principalement, les zones d'extension d'habitat. Ces dernières occupent une part importante du territoire wallon, comme le révèle l'examen des plans de secteur. Un blocage systématique et immédiat de la mise en oeuvre de ces zones aurait des répercussions financières considérables et pourrait peser lourdement sur la situation de propriétaires ayant investi pour les acquérir ou les mettre en oeuvre. Du reste, la Région wallonne et les communes pourraient voir leur responsabilité mise en cause par les mêmes promoteurs ou propriétaires en raison de la faute commise par l'adoption de schémas directeurs illégaux.

Par ailleurs, ces schémas directeurs approuvés sur la base de la circulaire 4bis du 23 mars 1981 ont été soumis à une enquête publique et les opposants éventuels ont pu s'exprimer. Il faut également observer que ces schémas ne peuvent faire l'objet de recours au Conseil d'Etat dans la mesure où il s'agit uniquement d'actes à valeur indicative.

Ainsi, l'impact d'une telle validation décrétale n'est pas disproportionné par rapport au but poursuivi.

Position de la partie intervenante A.5. Dans la mesure où l'article 2 du décret du 23 juillet 1998 ne lui cause pas grief, à défaut de schéma directeur adopté avant le 1er mars 1998 pour la zone d'extension d'habitat du quartier du Paradis, la partie intervenante se réfère à la justice quant au bien-fondé du premier moyen.

Quant au second moyen Position des parties requérantes A.6.1. Le second moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution en ce que l'article 4 du décret du 23 juillet 1998 dispense les zones d'extension d'habitat mises en oeuvre avant l'entrée en vigueur du décret du 27 novembre 1997, c'est-à-dire avant le 1er mars 1998, de toutes prescriptions relatives au zonage et en ce que la mise en oeuvre peut être réalisée par un permis de bâtir délivré avant le 1er mars 1998 alors que l'article 33 du nouveau C.W.A.T.U.P. et pour autant que de besoin l'article 170.1 de l'ancien C.W.A.T.U.P. imposaient des contraintes strictes pour pouvoir mettre en oeuvre une zone d'aménagement différé.

A.6.2. La critique d'atteinte au principe d'égalité porte non sur le principe du mécanisme transitoire, mais sur la teneur extrêmement laxiste du régime au regard des régimes ordinaires antérieurs et postérieurs institués par le législateur.

Il n'est pas exact de considérer, comme le fait la Région wallonne, que le législateur n'a fait que maintenir, pour le régime transitoire, la situation antérieure et le régime ancien applicable à la zone d'extension d'habitat.

En effet, dans le régime antérieur, quand bien même un ou des permis de bâtir auraient été délivrés, pour des logements groupés, la poursuite de la mise en oeuvre de la zone restait subordonnée, pour le reste de la zone, à une décision d'aménagement et d'engagement des dépenses d'équipement à l'ensemble non mis en oeuvre de la zone.

Tel n'est pas le cas, en vertu de l'article 4 litigieux du décret du 23 juillet 1998, des zones d'extension d'habitat dont la mise en oeuvre a été entamée, notamment par un permis de bâtir, un permis de lotir ou encore un document d'aménagement couvrant une partie de la zone : dans ces hypothèses, l'autorité administrative pourra continuer à mettre en oeuvre ladite zone et délivrer les permis au coup par coup, sans la moindre contrainte d'affectation ou d'option urbanistique.

On s'étonne, par ailleurs, de voir la Région wallonne banaliser, voire discréditer, indirectement, la procédure d'élaboration des plans communaux d'aménagement qui tendent précisément à affiner le zonage du plan de secteur. Cette procédure, qui implique une décision du conseil communal, après enquête publique et consultations diverses, emporte des garanties essentielles de légitimité et d'équité, totalement absentes, en l'espèce, dans le régime transitoire d'octroi des permis dans les zones d'extension d'habitat considérées comme mises en oeuvre.

Ensuite, le régime transitoire s'écarte notoirement des conditions de fond et de forme de mise en place du régime nouveau des zones d'aménagement différé. D'une part, dans le régime nouveau des zones d'aménagement différé, la mise en oeuvre de la zone n'est possible, mais pas certaine, qu'après approbation d'un plan communal d'aménagement élaboré au terme d'une procédure assortie des garanties déjà évoquées. D'autre part, pour la plupart des zones urbanisables prévues par le plan communal, la mise en oeuvre réelle est subordonnée à la production par la commune d'un document établissant que les zones urbanisables correspondantes dans la commune atteignent un coefficient d'occupation proche de la saturation (Code wallon, article 33).

La liberté d'affectation dans le régime nouveau est loin d'être totale. Par contre, pour le régime transitoire critiqué, aucune limitation, liée à un quelconque coefficient d'occupation, n'est imposée. L'affectation y est décidée, au cas par cas, au gré de la délivrance des permis par l'autorité administrative.

Enfin, il est totalement inadéquat de comparer, d'une part, l'obligation faite à l'autorité administrative dans l'ancien régime, par hypothèse pour toute la zone, soit de prendre une décision d'engagement des dépenses relatives aux équipements, soit d'imposer à ce propos un engagement accompagné de garanties de la part du promoteur, et, d'autre part, la simple possibilité offerte à l'autorité administrative d'imposer désormais des charges d'urbanisme à l'occasion de la délivrance des permis.

En ce qui concerne le caractère inadéquat du critère de mise en oeuvre de la zone, celui-ci apparaît dès lors que l'appréciation invoquée, ouvrant la voie au régime transitoire exceptionnellement favorable, n'est susceptible de n'avoir porté que sur une infime partie de la zone, à l'occasion de la délivrance d'un ou même de plusieurs permis de bâtir ou de lotir.

Il est donc abusif de parler d'un « aménagement qui a été parfois décidé depuis de longues années » alors que cette appréciation de l'aménagement ne porte que sur quelques parcelles de la zone.

La situation de riverains d'une zone qui n'a fait l'objet que d'une entame de mise en oeuvre, par la seule appréciation ne portant que sur quelques parcelles de la zone, sans aucune appréciation ni garantie d'aménagement homogène et équilibré, est différente et défavorable, par rapport à la situation de riverains d'une zone ayant fait l'objet d'un plan communal d'aménagement ou d'un ou plusieurs autres documents d'urbanisme régulièrement adoptés, couvrant l'ensemble de la zone.

Un régime transitoire uniforme, inadapté en raison d'un critère de mise en oeuvre inadéquat, est donc institué pour des situations extrêmement variables, ce qui est générateur de discriminations.

Position du Gouvernement wallon A.6.3. Le nouveau régime inscrit à l'article 33 du décret du 27 novembre 1997, article applicable aux zones d'aménagement différé, ne concernait que les zones d'extension d'habitat pas encore mises en oeuvre et ne tenait pas suffisamment compte des zones d'extension d'habitat mises en oeuvre avant l'entrée en vigueur du nouveau C.W.A.T.U.P., c'est-à-dire avant le 1er mars 1998. C'est un objectif de sécurité juridique qui a justifié la modification, par le décret litigieux, du décret du 27 novembre 1997 en introduisant désormais une définition de la « mise en oeuvre » de la zone d'extension d'habitat.

En réponse au caractère disproportionné du régime transitoire mis en place, il faut constater que le zonage existant avant l'entrée en vigueur du décret du 27 mars 1997 reste toujours d'application; que les affectations susceptibles de s'implanter dans les zones d'extension d'habitat sont celles prévues pour les zones d'habitation; que la garantie financière prévue à l'article 170.1.1 de l'ancien C.W.A.T.U.P. a été remplacée par une mesure équivalente, à savoir la faculté d'imposer des charges d'urbanisme (article 86 du nouveau C.W.A.T.U.P.); que les contraintes strictes de l'article 33 du nouveau C.W.A.T.U.P. ne s'appliquent qu'aux zones d'extension non mises en oeuvre, en sorte que ce point de comparaison serait non pertinent.

Enfin, en réponse aux griefs tirés du caractère discriminatoire du nouvel article 12bis du décret litigieux, toutes les personnes se trouvant dans des situations identiques ont été traitées de manière identique, selon que la zone d'extension d'habitat ait été mise en oeuvre avant le 1er mars 1998 ou, à défaut de l'avoir été, qu'elle soit devenue une zone d'aménagement différé.

A.6.4. Les alinéas 2, 3 et 4 de l'article 33 tendent exclusivement à définir les conditions requises pour la mise en oeuvre des zones d'exclusion d'habitat : d'une part, l'établissement d'un plan communal d'aménagement couvrant, selon le cas, tout ou partie de la zone, et d'autre part, en cas d'urbanisation, la preuve de la saturation des autres zones disponibles. Dès lors que ces conditions sont remplies, le C.W.A.T.U.P. reconnaît à la commune un pouvoir d'appréciation discrétionnaire quant à l'affectation de la zone.

Par définition et indépendamment de toute règle de droit transitoire, les alinéas 2, 3 et 4 de l'article 33 ne peuvent pas être appliqués à une zone qui est déjà « mise en oeuvre », par exemple à une zone déjà entièrement urbanisée, ces dispositions étant tout simplement dépourvues de sens dans une telle hypothèse. On ne conçoit pas, par exemple, que la délivrance d'un permis d'urbanisme pour une habitation individuelle dans une zone d'aménagement différé qui est déjà entièrement urbanisée soit subordonnée à l'adoption d'un plan communal d'aménagement et à la preuve de la saturation d'autres zones.

Par ailleurs, la partie intervenante ne démontre aucunement en quoi la distinction établie entre les zones déjà mises en oeuvre et les zones non encore mises en oeuvre serait discriminatoire.

Position de la partie intervenante A.7.1. La commune d'Orp-Jauche n'a pas, sous l'empire de l'ancien C.W.A.T.U.P., respecté la destination de la zone d'extension d'habitat ainsi que les règles permettant de mettre en oeuvre celle-ci. Par ailleurs, elle a profité de l'article 12bis du nouveau C.W.A.T.U.P., tel qu'inséré par le décret entrepris, et a considéré que la zone d'aménagement différé que constitue le quartier du Paradis avait été mise en oeuvre par la délivrance du permis de bâtir du 31 décembre 1997.

L'article 33 du nouveau C.W.A.T.U.P. requalifie en « zone d'aménagement différé » la « zone d'extension d'habitat » telle qu'elle figurait dans l'article 170.1 de l'ancien C.W.A.T.U.P. S'il est affirmé que cette zone « est destinée à recevoir toute affectation souhaitée par la commune », les alinéas suivants de l'article 33 précisent toutefois que la mise en oeuvre d'une telle zone est soumise à la double condition de faire l'objet d'un plan communal d'aménagement et d'avoir démontré la quasi-saturation des zones d'urbanisation correspondantes.

A titre transitoire, l'article 12 du décret de la Région wallonne du 27 novembre 1997 prévoyait que « la demande de permis de bâtir ou de lotir dont l'accusé de réception est antérieur à la date d'entrée en vigueur du présent décret peut poursuivre la procédure en vigueur avant cette date ». Cette disposition, combinée avec l'article 6 du même décret, signifiait que le nouveau zonage repris dans le décret du 27 novembre 1997 était d'application immédiate au 1er mars 1998, mais que les demandes de permis de bâtir ou de lotir introduites avant cette date suivaient les procédures de l'ancien C.W.A.T.U.P. Dans la mesure où le décret entrepris opère avec effet rétroactif au 1er mars 1998, les anciennes zones d'extension d'habitat ne sont plus soumises aux strictes nouvelles conditions de fond et de formes prévues aux alinéas 2, 3 et 4 de l'article 33 du nouveau C.W.A.T.U.P. si elles ont fait l'objet avant le 1er mars 1998 d'un plan communal d'aménagement, ou d'un plan directeur, d'un schéma directeur adopté par le conseil communal ou même d'un permis de lotir ou d'un permis de bâtir, couvrant tout ou partie de la zone.

Ces nouvelles conditions sont incompatibles avec les articles 10 et 11 de la Constitution, le cas échéant combinés avec l'article 23, alinéa 3, 4°, garantissant le droit à la protection d'un environnement sain.

A la lumière de l'objectif de protection du patrimoine culturel, naturel et paysager du territoire de la Région wallonne défini par l'article 1er du nouveau C.W.A.T.U.P., les zones d'aménagement différé sont toujours considérées comme des zones de réserve dont la mise en oeuvre a été soumise à des conditions encore plus strictes, non seulement de forme (l'obligation d'un plan communal d'aménagement) mais, surtout, de fond (le constat de quasi-saturation des autres zones). En 1997, le législateur wallon avait entendu donner un effet immédiat à ces nouvelles règles contraignantes, lesquelles étaient en vigueur depuis le 1er mars 1998.

En décidant de manière rétroactive de modifier ce système, la Région wallonne a pris une mesure qui va à rebours des objectifs poursuivis et qui, dans ses modalités, méconnaît les articles 10 et 11 de la Constitution, le cas échéant combinés avec l'article 23, alinéa 3, 4°, qui garantit le droit à la protection d'un environnement sain.

L'article 12bis nouveau du C.W.A.T.U.P., inséré par le décret litigieux, va en effet à rebours des objectifs poursuivis, puisque désormais, il rend inapplicables à un très grand nombre de zones d'habitat, les alinéas 2, 3 et 4 de l'article 33, en sorte qu'il crée des différenciations inadmissibles et donc inconstitutionnelles entre les régimes juridiques applicables aux zones d'aménagement différé selon la date ou les moyens qui ont été utilisés pour leur mise en oeuvre.

Ainsi cette disposition va-t-elle à l'encontre du concept même de zonage et du principe du standstill garanti par l'article 23, § 3, 4°, de la Constitution.

A.7.2. Il faut considérer, contrairement à ce que soutient le Gouvernement wallon, que le nouvel article 33 s'applique à toutes les zones d'aménagement différé qu'elles aient ou non été mises en oeuvre avant le 1er mars 1998. Alors que le législateur avait effectué un choix clair, l'article 4 entrepris modifie complètement le droit transitoire puisqu'il permet de considérer comme « mise en oeuvre » une zone d'aménagement différé pour laquelle, ne fût-ce qu'en partie, un permis de lotir ou de bâtir a été délivré avant le 1er mars 1998.

S'il n'y a pas, en soi, discrimination à se trouver, pour certains, sous l'empire d'un régime légal ancien, et pour d'autres, sous l'empire d'un régime légal nouveau, il apparaît qu'en l'espèce le critère de distinction manifeste une rupture totale entre les règles anciennes, qui n'autorisaient pas de considérer qu'une zone d'extension d'habitat était mise en oeuvre par un simple permis de bâtir, et le régime nouveau, qui prévoit des conditions de fond et de forme extrêmement strictes, telles qu'elles ont été précisées ci-avant. Dès lors qu'il a toujours été considéré qu'en vertu du principe de gestion parcimonieuse du sol, les zones d'aménagement différé constituent des réserves foncières, aucune règle de droit transitoire ne peut déroger de manière fondamentale aux règles anciennes ou nouvelles, applicables avant ou après le 1er mars 1998. - B - Quant à l'intérêt des parties requérantes B.1.1. Le Gouvernement wallon soutient que les parties requérantes n'auraient pas intérêt à agir dans la mesure où, à défaut d'avoir demandé l'annulation de l'article 3 du décret du 23 juillet 1998 portant modification du décret du 27 novembre 1997 modifiant le Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine (C.W.A.T.U.P.), l'annulation éventuelle des articles 2 et 4 qu'elles poursuivent n'aurait pas pour effet qu'elles retrouvent les garanties dont elles se prétendent privées. En outre, elles bénéficieraient de la protection de l'article 170.1.1 de l'ancien C.W.A.T.U.P., cette disposition étant applicable aux demandes de permis de lotir en cours d'instruction sur la base de l'article 12 du décret du 27 novembre 1997.

B.1.2. Les parties requérantes sont propriétaires d'un immeuble sis en périphérie d'une zone d'extension d'habitat située sur le territoire de la commune de Court-Saint-Etienne qui a adopté, le 14 mars 1996, un schéma directeur applicable à cette zone. Elles ont intérêt à attaquer l'article 2 du décret de la Région wallonne du 23 juillet 1998 précité dans la mesure où, en prévoyant que tous les schémas directeurs adoptés par un conseil communal avant le 1er mars 1998 restent d'application, l'article attaqué pourrait être interprété comme empêchant de contester la légalité du schéma directeur adopté par la commune en cause ou, à tout le moins, dans la mesure où l'article 2 doit être lu en combinaison avec l'article 4 lui aussi entrepris du décret, d'en contester la légalité selon les nouvelles règles établies par le décret de la Région wallonne du 27 novembre 1997 modifiant le C.W.A.T.U.P. Elles ont également intérêt à poursuivre l'annulation de l'article 4 du décret de la Région wallonne précité du 23 juillet 1998, lequel définit la « zone d'extension mise en oeuvre avant l'entrée en vigueur » comme celle qui a fait notamment l'objet d'un schéma directeur adopté par un conseil communal, ce qui est le cas de la commune de Court-Saint-Etienne en ce qui concerne la zone d'extension d'habitat en bordure de laquelle les parties requérantes sont propriétaires d'un immeuble.

B.2. L'exception d'irrecevabilité est rejetée.

Quant à l'intérêt de la partie intervenante et quant à la portée de l'intervention B.3.1. Le Gouvernement wallon soutient que la partie intervenante n'aurait pas d'intérêt à intervenir dans la mesure où l'annulation des dispositions attaquées ne servirait ses intérêts dans aucune des procédures administratives ou judiciaires introduites par elle. Cette annulation aurait pour seul effet de faire disparaître du C.W.A.T.U.P. toute disposition générale réglant l'utilisation des zones d'extension d'habitat déjà mises en oeuvre.

B.3.2. La partie intervenante - qui ne prétend pas soutenir la demande d'annulation de l'article 2 du décret entrepris du 23 juillet 1998, la commune sur le territoire de laquelle elle est propriétaire d'un immeuble n'ayant pas adopté de schéma directeur - a intérêt à soutenir la demande d'annulation de l'article 4 du même décret dans la mesure où cette disposition définit les zones d'extension mises en oeuvre comme celles qui ont, comme c'est notamment le cas pour la commune d'Orp-Jauche, fait l'objet d'un permis de lotir.

B.4. L'exception d'irrecevabilité est rejetée.

Quant au fond Sur le premier moyen B.5. Le premier moyen d'annulation est pris de la violation des articles 10, 11, 146, 160 et 161 de la Constitution en ce que l'article 2 du décret de la Région wallonne du 23 juillet 1998 portant modification du décret du 27 novembre 1997 modifiant le Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine aurait pour effet de valider les schémas directeurs adoptés avant le 1er mars 1998, privant ainsi les parties requérantes de la possibilité d'invoquer l'illégalité de ces schémas, notamment devant le Conseil d'Etat : en consacrant le maintien en application des schémas directeurs dont le mécanisme présidait à la mise en oeuvre de la zone d'extension d'habitat, l'article 2 litigieux du décret emporterait validation de ce mécanisme. Même si le législateur a entendu conférer aux schémas directeurs certains effets juridiques nouveaux pour l'avenir, il consacrerait en même temps les effets juridiques passés de ces schémas qui sont contestés et contestables. Cette validation ne serait pas justifiée dans la mesure où, loin d'avoir pour but d'assurer une meilleure sécurité juridique en précisant la portée de termes ambigus, elle aurait pour objectif essentiel d'empêcher toute contestation juridictionnelle des documents ainsi sauvés. La justification tirée, a posteriori, du risque des conséquences financières extrêmement lourdes ne serait ni objective ni raisonnable au regard des objectifs de bon aménagement du territoire qui sont les seuls qui doivent guider le législateur en cette matière.

B.6.1. Le décret du 27 novembre 1997 modifiant le C.W.A.T.U.P. a supprimé pour l'avenir l'instrument du schéma directeur d'aménagement, tel qu'il était défini par l'article 21quater inséré par le décret du 27 avril 1989 dans le Code wallon. En ce qui concerne les zones d'extension d'habitat, l'article 170.1.1 du Code wallon précité ne prévoyait pas que pareil schéma directeur devait être adopté par les communes avant que celles-ci décident de leur mise en oeuvre.

Cependant, la circulaire ministérielle n° 4bis du 23 mars 1981 relative à la mise en oeuvre des zones d'extension d'habitat en Région wallonne imposait que, pour la mise en oeuvre de toute autre destination que l'habitat groupé, soit dressé un « schéma directeur de la zone dans son ensemble ou par sous-zones ».

B.6.2. L'article 2 entrepris du décret du 23 juillet 1998 qui maintient en application les schémas directeurs établis par les conseils communaux avant le 1er mars 1998 pourrait paraître avoir pour effet implicite de « valider » les schémas directeurs, privant ainsi les personnes intéressées par la contestation d'un schéma directeur adopté avant le 1er mars 1998 de la possibilité d'en contester la légalité.

B.7.1. L'article 8 du décret de la Région wallonne du 27 novembre 1997 disposait en ces termes : « Le plan directeur ou le schéma directeur dûment approuvé avant la date d'entrée en vigueur du présent décret reste d'application jusqu'au moment où lui est substitué et entre en vigueur un plan communal d'aménagement. » Cette mesure transitoire s'imposait dans la mesure où le décret précité supprimait l'outil d'aménagement du territoire que constituait le schéma directeur.

L'article 2 entrepris du décret du 23 juillet 1998 modifie uniquement l'article 8 précité du décret du 27 novembre 1997 en ce qu'il remplace les termes « dûment approuvé » par ceux de « adopté par le conseil communal ».

B.7.2. Selon les travaux préparatoires du décret du 23 juillet 1998, l'objectif du législateur wallon était de supprimer une incertitude juridique relative à la notion d'approbation : « Cette disposition [l'article 2] précise la portée des termes ` dûment approuvé ' de l'article 8 du décret du 27 novembre 1997 en indiquant que seul le plan directeur, approuvé par le Gouvernement avant l'entrée en vigueur du décret du 27 novembre 1997, ou le schéma directeur, approuvé dans les mêmes conditions de délais par la commune, est susceptible de rester d'application jusqu'à ce qu'il soit remplacé par un plan communal d'aménagement » (Doc., Parlement wallon, 1997-1998, n° 395-1, p. 2). « Les modifications proposées au décret du 27 novembre 1997 ont pour objet d'assurer une meilleure sécurité juridique, notamment aux communes, en ce qui concerne l'application des mesures transitoires prévues par ces nouvelles dispositions décrétales. En effet, les autorités locales sont souvent confrontées à des difficultés sur le terrain en raison des interprétations du texte que donnent certains agents de l'Administration en méconnaissant la volonté du législateur » (Doc., Parlement wallon, 1997-1998, C.R.I. n° 23, p. 43).

Il n'y a aucune raison objective et il ne résulte d'ailleurs d'aucun élément des travaux préparatoires que le législateur wallon aurait poursuivi un autre objectif que celui d'assurer la sécurité juridique, en particulier qu'il aurait voulu valider des schémas directeurs illégaux.

B.7.3. Il résulte de ce qui précède que l'on ne peut considérer, contrairement à ce que les parties requérantes soutiennent, que l'article 2 entrepris du décret du 23 juillet 1998 a pour effet, même implicite, de valider les schémas directeurs, en particulier ceux issus de la circulaire n° 4bis précitée, pas plus d'ailleurs qu'il ne valide cette circulaire.

En maintenant en application les schémas directeurs adoptés avant l'entrée en vigueur du décret du 27 novembre 1997, l'article 2 entrepris a pour seul objet de prolonger dans le temps les effets des schémas directeurs définitivement adoptés avant le 1er mars 1998. A défaut de pareille mesure transitoire, une insécurité juridique aurait pesé sur le statut d'instruments d'aménagement du territoire dont la disparition était consacrée par le décret du 27 novembre 1997.

B.8. Le premier moyen n'est pas fondé.

Sur le second moyen B.9. Le second moyen d'annulation est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution en ce que l'article 4 entrepris du décret de la Région wallonne précité du 23 juillet 1998 dispenserait les zones d'extension d'habitat mises en oeuvre avant l'entrée en vigueur du décret du 27 novembre 1997, c'est-à-dire avant le 1er mars 1998, de toutes prescriptions relatives au zonage parce qu'il donnerait un champ d'application trop large à la notion de « zone d'extension mise en oeuvre ». Il en résulterait une différence de traitement injustifiée entre les régimes juridiques applicables aux propriétaires riverains d'une zone d'aménagement différé selon la date ou les moyens utilisés pour les mettre en oeuvre.

L'article 4 entrepris permettrait à l'autorité administrative, dans toutes les zones d'extension d'habitat dont la mise en oeuvre a été entamée notamment par un permis de bâtir, de lotir ou tout autre document d'aménagement couvrant cette zone, de continuer à poursuivre cette mise en oeuvre sans qu'aucune des contraintes urbanistiques nouvelles établies notamment par l'article 33, alinéas 2, 3 et 4, du décret du 27 novembre 1997 ne doive être respectée.

En s'écartant du nouveau régime institué par le décret du 27 novembre 1997, le régime transitoire traiterait différemment et sans justification objective les riverains des zones d'extension d'habitat, devenues zones d'aménagement différé, selon que cette zone aura ou non été mise en oeuvre avant le 1er mars 1998. Dans le premier cas, ils ne seront protégés par aucune des dispositions contraignantes nouvelles de l'article 33, alinéas 2, 3 et 4, du C.W.A.T.U.P. lors de la poursuite de la mise en oeuvre de la zone alors que, dans le second cas, les nouvelles dispositions plus contraignantes de l'article 33 seront aussitôt appliquées.

Le régime transitoire traiterait aussi différemment et sans justification objective les riverains des zones d'extension d'habitat entre eux puisqu'il soumet à un aléa dépendant de la volonté des communes le moment où ce régime transitoire cessera et où, partant, les nouvelles dispositions du décret du 27 novembre 1997 leur seront applicables, en sorte que tous les riverains des zones d'extension d'habitat ne relèveront pas, pendant la même période, du régime transitoire.

B.10.1. L'article 12 du décret du 27 novembre 1997 disposait que « la demande de permis de bâtir ou de lotir dont l'accusé de réception est antérieur à la date d'entrée en vigueur du présent décret peut poursuivre la procédure en vigueur avant cette date ». Cette disposition établissait ainsi un régime transitoire selon lequel seules les règles anciennes de procédure étaient applicables aux demandes en cours alors que les règles nouvelles de fond, et notamment celles relatives au respect du zonage, étaient d'application immédiate en ce qui concernait l'examen de ces demandes, conformément à l'article 6, § 1er, 3., du décret du 27 novembre 1997. Cette interprétation, qui est conforme au sens littéral du texte, est confirmée par les travaux préparatoires, notamment en ce qui concerne l'affectation des zones : « par contre, l'affectation de ces zones, c'est-à-dire leur destination et les prescriptions qui y sont attachées, est, dès l'entrée en vigueur du décret, remplacée par les nouveaux zonages de la manière indiquée par le présent article. Ces nouvelles affectations du sol déterminent de la sorte l'octroi des autorisations délivrées après l'entrée en vigueur du décret, quelle que soit la procédure de délivrance des permis qui est suivie » (Doc., Parlement wallon, 1996-1997, n° 233, p. 320).

B.10.2. L'article 4 entrepris du décret du 23 juillet 1998 a inséré, dans le décret du 27 novembre 1997, un article 12bis aux termes duquel les dispositions des articles 33, alinéas 2, 3 et 4, 34, alinéas 2 et 3, et 140 du C.W.A.T.U.P. ne sont pas applicables aux zones d'extension mises en oeuvre avant l'entrée en vigueur du décret du 27 novembre 1997.

Par zone d'extension mise en oeuvre avant l'entrée en vigueur dudit décret, il y a lieu d'entendre, selon l'article 12bis, alinéa 2, « la zone qui a fait l'objet avant la date d'entrée en vigueur du présent décret d'un plan communal d'aménagement ou d'un plan directeur, d'un schéma directeur adopté par le conseil communal, d'un permis de lotir ou d'un permis de bâtir couvrant tout ou partie de la zone ».

Il résulte de ceci que, pour les zones d'extension considérées comme ayant été mises en oeuvre avant le 1er mars 1998, un régime transitoire dérogatoire à celui qui est prévu par l'article 12 du décret du 27 novembre 1997 est instauré puisque seule la règle de fond contenue dans l'article 33, alinéa 1er, du C.W.A.T.U.P. sera applicable aux demandes en cours, à savoir la règle selon laquelle « la zone d'aménagement différé est destinée à recevoir toute affectation souhaitée par la commune ».

En revanche, ni l'exigence d'un plan communal d'aménagement requise par l'article 33, alinéa 2, ni celle de la démonstration que la zone d'habitat a atteint un coefficient de saturation justifiant qu'il soit empiété sur la zone de réserve que constitue la zone d'aménagement différé, exigence requise par l'article 33, alinéa 3, du même décret, ne sont requises pour poursuivre la mise en oeuvre de la zone, même si les demandes de permis sont introduites après le 1er mars 1998.

B.11.1. Ni l'exposé des motifs de la proposition de décret à l'origine de l'article 12bis précité inséré par l'article 4 du décret du 23 juillet 1998 ni les travaux préparatoires ne s'expliquent sur les raisons, les critères et le but qui ont justifié la modification de la disposition transitoire initiale de l'article 12 du décret du 27 novembre 1997.

B.11.2. La définition donnée par l'article entrepris de la « zone d'extension mise en oeuvre » est extrêmement large puisqu'il suffit qu'un plan communal d'aménagement, un plan directeur, un schéma directeur et même un permis de lotir ou un permis de bâtir aient été accordés pour qu'une zone d'extension soit considérée comme « mise en oeuvre » et, partant, ne soit, pour la poursuite de cette mise en oeuvre, c'est-à-dire y compris pour tous les nouveaux permis consentis, même après le 1er mars 1998, soumise qu'à la seule exigence de l'alinéa 1er de l'article 33. S'il peut être admis que l'on considère comme zone d'extension mise en oeuvre la zone qui, dans son ensemble, a fait l'objet d'un plan communal d'aménagement, d'un plan directeur ou d'un schéma directeur approuvé par le conseil communal, en revanche, la délivrance d'un permis de lotir ou d'un permis de bâtir couvrant tout ou partie d'une zone, sans qu'un des instruments précités n'ait été adopté, ne permet pas de considérer celle-ci comme une zone d'extension mise en oeuvre.

B.11.3. Rien n'empêche un législateur de modifier les règles de droit applicables jusque-là à une matière déterminée, ni, le cas échéant, d'établir un régime transitoire. Cependant, il ne pourrait, ce faisant, établir un régime discriminatoire.

A cet égard, la Cour constate que le maintien du régime transitoire est soumis à un aléa, savoir celui du moment où, la commune ayant adopté un plan communal d'aménagement, le régime nouveau institué par le décret du 27 novembre 1997 trouvera à s'appliquer. Toutefois, le décret peut valablement, dans le respect de l'autonomie communale, avoir laissé à la commune le choix du moment opportun pour adopter son plan communal d'aménagement.

B.12. Le second moyen est partiellement fondé.

B.13. L'article 4 du décret du 23 juillet 1998 insérant un nouvel article 12bis dans le décret du 27 novembre 1997 modifiant le Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine doit être partiellement annulé.

Toutefois, compte tenu de l'incidence que le caractère rétroactif de cette annulation aurait sur la situation juridique et matérielle des personnes qui auront bénéficié des permis accordés sur la base de la disposition annulée, il convient d'en maintenir les effets, pour les permis déjà accordés et qui sont toujours dans leur durée de validité, jusqu'à la date de la publication du présent arrêt.

Par ces motifs, la Cour - annule, dans l'article 12bis, alinéa 2, inséré dans le décret de la Région wallonne du 27 novembre 1997 modifiant le Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine par l'article 4 du décret de la Région wallonne du 23 juillet 1998, les mots « d'un permis de lotir ou d'un permis de bâtir couvrant tout ou partie de la zone »; - maintient les effets de la disposition annulée pour les permis accordés jusqu'à la date de la publication du présent arrêt; - rejette le recours pour le surplus.

Ainsi prononcé en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 30 mai 2000.

Le greffier, L. Potoms.

Le président, M. Melchior.

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