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Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 13 juillet 2000

Arrêt n° 52/2000 du 3 mai 2000 Numéro du rôle : 1903 En cause : la demande de suspension des articles 8, 15, § 1 er , 20, alinéa 3, 21, 27, alinéa 1 er , 34, 36, 4., 54, § 1 er , 58, alinéa 3, 62 et 71, al La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et G. De Baets, et des juges L. Françoi(...)

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Arrêt n° 52/2000 du 3 mai 2000 Numéro du rôle : 1903 En cause : la demande de suspension des articles 8, 15, § 1er, 20, alinéa 3, 21, 27, alinéa 1er, 34, 36, 4., 54, § 1er, 58, alinéa 3, 62 et 71, alinéa 4, 4., de la loi du 7 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/1999 pub. 30/12/1999 numac 1999010222 source ministere de la justice Loi sur les jeux de hasard, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs fermer sur les jeux de hasard, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs, introduite par la s.p.r.l. Ramses et la s.p.r.l. Talis.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et G. De Baets, et des juges L. François, P. Martens, E. Cerexhe, A. Arts et E. De Groot, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la demande Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 8 mars 2000 et parvenue au greffe le 9 mars 2000, une demande de suspension des articles 8, 15, § 1er, 20, alinéa 3, 21, 27, alinéa 1er, 34, 36, 4., 54, § 1er, 58, alinéa 3, 62 et 71, alinéa 4, 4., de la loi du 7 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/1999 pub. 30/12/1999 numac 1999010222 source ministere de la justice Loi sur les jeux de hasard, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs fermer sur les jeux de hasard, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs (publiée au Moniteur belge du 30 décembre 1999) a été introduite par la s.p.r.l. Ramses, dont le siège social est établi à 1800 Vilvorde, Stationsplein 1, et par la s.p.r.l.

Talis, dont le siège social est établi à 1070 Bruxelles, chaussée de Mons 814.

Par requête séparée du même jour, les parties requérantes demandent également l'annulation des mêmes dispositions légales.

II. La procédure Par ordonnance du 9 mars 2000, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

Par ordonnance du 22 mars 2000, la Cour a fixé l'audience au 29 mars 2000.

Cette ordonnance a été notifiée aux autorités mentionnées à l'article 76 de la loi organique ainsi qu'aux parties requérantes et à leur avocat, par lettres recommandées à la poste le 23 mars 2000.

A l'audience publique du 29 mars 2000 : - ont comparu : . Me G. Generet loco Me P. Coenraets, avocats au barreau de Bruxelles, pour les parties requérantes; . Me Y. Vuillard, avocat au barreau de Bruxelles, pour le Conseil des ministres; - les juges-rapporteurs L. François et E. De Groot ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - l'affaire a été mise en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

III. En droit - A - Quant à l'intérêt à agir A.1. Les requérantes exposent qu'elles ont pour objet social, notamment, l'exploitation de salles de jeux et de luna-parks ainsi que l'exploitation, la vente, la location, l'importation et l'exportation, l'entretien et la fabrication d'appareils de jeux automatiques (article 3 des statuts) et que la limitation de cet objet social qu'impliquent l'adoption et la mise en oeuvre des dispositions attaquées justifie leur intérêt à agir.

Quant aux moyens sérieux Quant au premier moyen A.2. Un premier moyen est pris de la violation des articles 10, 11, 12 et 23 de la Constitution, de l'article 52 du Traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté européenne, du principe de proportionnalité, du principe de la liberté du commerce et de l'industrie, du principe général d'égalité et de non-discrimination, du principe de libre concurrence au sein de l'Union européenne et de l'excès de pouvoir, en vertu desquels le libre choix et l'exercice sans entrave d'une activité professionnelle sont garantis dans le respect des principes d'égalité et de non-discrimination entre agents économiques.

A.3.1. En sa première branche, le moyen reproche à l'article 34 de la loi attaquée d'instaurer, en fixant le nombre total de salles de jeux automatiques autorisées à cent quatre-vingts, un numerus clausus des salles de jeux automatiques, lequel constitue une entrave discriminatoire et disproportionnée à la liberté de commerce et d'industrie ainsi qu'à la liberté d'établissement.

A.3.2. Selon les requérantes, l'article 34 de la loi attaquée, qui fixe cette limitation et subordonne l'exploitation des établissements en cause à la conclusion d'une convention entre l'exploitant et les autorités communales, constitue une mesure disproportionnée portant atteinte au principe d'égalité et à la liberté de commerce et d'industrie partiellement consacrée par l'article 23 de la Constitution : la disposition attaquée condamne un certain nombre de salles de jeux à la fermeture (il en existe approximativement deux cents actuellement), empêche l'ouverture de nouvelles salles et constitue une forme larvée de prohibition - une réglementation analogue relative aux débits de boissons serait incontestablement inconstitutionnelle -, alors que l'objectif poursuivi par le législateur (la protection du citoyen/consommateur) pouvait être atteint par une série de mesures tendant à la protection du citoyen et que les joueurs - qui, s'adonnant à leur passion de manière clandestine, ne diminueront pas en nombre - sont déjà protégés par les articles 54 à 62 de la loi.

A.3.3. Selon les requérantes, les dispositions attaquées ne sont pas conformes à l'article 52 du Traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté européenne, qui est une disposition de droit international ayant des effets directs dans l'ordre juridique interne et sur la base de laquelle, à ce titre, la Cour exerce un contrôle indirect. La limitation en cause empêche désormais un ressortissant de l'Union européenne de s'établir en Belgique en vue de l'exploitation d'une salle de jeux automatiques dès lors que le nombre maximal autorisé est déjà inférieur aux salles existantes et est donc contraire à la liberté d'établissement garantie par l'article 52 précité.

A.3.4. Selon les requérantes, la faculté reconnue aux autorités communales - outre qu'elle vide de leur substance la liberté de commerce et d'industrie et la liberté d'établissement - rend les exploitants tributaires de leur bonne ou de leur mauvaise volonté, la convention qu'ils doivent conclure en vertu de l'article 34 étant en réalité un règlement déguisé qui permet aux premières d'imposer aux seconds les heures d'ouverture et de fermeture et les modalités d'organisation de l'activité commerciale concernée et qui est pris sur la base d'une disposition législative visant à contourner, par conséquent, la jurisprudence du Conseil d'Etat interdisant de telles limitations.

En outre, sous le couvert contractuel, le législateur confie, en réalité, à une autorité administrative le soin de conclure des conventions en matière de police administrative; celle-ci concerne notamment les heures d'ouverture et les modalités d'organisation d'un établissement (de même, par exemple, que les permis de bâtir, actes unilatéraux) et ne s'accommode pas de mécanismes contractuels; cette contractualisation viole le principe d'égalité à l'égard des exploitants de salles de jeux dans la mesure où elle prive ceux-ci des garanties et des recours administratifs dont disposent tous les demandeurs d'autorisations d'exploiter un établissement quelconque.

A.4. En sa seconde branche, le moyen reproche à l'article 27 de la loi attaquée de porter atteinte à des droits économiques acquis en interdisant le cumul d'une licence de classe B (exploitation d'une salle de jeux automatiques) avec une licence de classe E (vente, location, importation, exportation, entretien d'équipements de jeux de hasard).

L'objet social des requérantes, portant sur ces deux activités, est rendu illégal par la disposition attaquée alors qu'il n'existe pas de justification raisonnable et proportionnée à un objectif quelconque et que l'article 23 de la Constitution a instauré une obligation de standstill en matière de liberté d'accès à une profession indépendante. La disposition incriminée méconnaît une telle obligation de standstill dès lors qu'elle prive les requérantes du droit de poursuivre leurs activités, lesquelles ne sont pourtant ni illégales, ni contraires à l'ordre public et aux bonnes moeurs. Une disposition qui priverait les entreprises brassicoles du droit d'exploiter elles-mêmes les débits de boissons serait inconstitutionnelle.

A.5. En sa troisième branche, le moyen reproche à l'article 8 de la loi attaquée de créer une discrimination entre établissements de jeux de hasard de classes différentes et de porter atteinte au principe de libre concurrence au sein de l'Union européenne en interdisant dans les seuls établissements de classe II et de classe III les jeux de hasard dont il est établi que le joueur peut subir en moyenne une perte supérieure à 500 francs par heure.

En confiant au Roi le soin de déterminer s'il convient également de limiter la perte horaire potentielle par joueur par jeu de hasard dans les casinos (classe I), la loi méconnaît le principe d'égalité puisque le même appareil sera soumis à la limite en cause suivant le type d'établissement où il se situe.

La loi crée aussi une discrimination entre établissements suivant qu'ils se situent en Belgique ou dans les autres pays de l'Union européenne puisque les limitations de perte horaire potentielle par joueur sont différentes aux Pays-Bas ou en Allemagne, de telle sorte que les établissements belges subiront une concurrence déloyale.

A.6. En sa quatrième branche, le moyen reproche à l'article 58, alinéa 3, de la loi attaquée de porter atteinte à la liberté de commerce et de méconnaître le principe constitutionnel d'égalité en interdisant d'installer des distributeurs automatiques de billets de banque dans les salles de jeux automatiques.

Les cartes magnétiques étant en effet largement répandues, la loi prive les exploitants de la clientèle qui en fait usage et multiplie les risques d'agression.

A.7. En sa cinquième branche, le moyen reproche à l'article 62 de la loi attaquée d'imposer aux seuls établissements de classes I et II de conserver un registre identifiant précisément les personnes accédant à ces établissements. Cette différence de traitement n'est pas justifiée.

La disposition attaquée est par ailleurs contradictoire en ce qu'elle impose la tenue du registre aux seuls établissements de classes I et II et sanctionne les seuls établissements de classes II et III en cas de mauvaise tenue dudit registre.

A.8. Le moyen reproche encore à l'article 54, § 1er, de la loi attaquée, en instaurant une majorité spéciale (21 ans) applicable exclusivement aux établissements de classes I et II, de traiter ceux-ci de manière discriminatoire par rapport aux établissements de classe III ainsi que par rapport à un ensemble hétérogène d'établissements commerciaux menaçant la moralité ou le patrimoine de majeurs de 18 ans (établissements où sont projetés des films pornographiques, établissements de crédit peu scrupuleux accordant à un jeune un emprunt qu'il n'est pas en mesure de rembourser). En réalité, dès lors que le législateur a entendu fixer la majorité civile et pénale à 18 ans, il n'est pas justifiable de moduler celle-ci en fonction d'activités qui seraient jugées plus critiquables que d'autres, sauf à méconnaître précisément le principe d'égalité et de non-discrimination.

Quant au second moyen A.9. Le moyen est pris de la violation des articles 10, 11, 39 et 143, § 1er, de la Constitution, de l'article 6, § 1er, I et II, 3°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles et de l'excès de pouvoir.

A.10. En sa première branche, le moyen est pris de ce que le législateur fédéral se reconnaît le droit de réglementer l'octroi des licences d'exploitation des salles de jeux automatiques alors que la police des établissements classés relève de la compétence exclusive des régions.

Il est en effet incontestable que les salles de jeux automatiques constituent un exemple d'établissements classés; ainsi l'ordonnance bruxelloise du 5 juin 1997 relative aux permis d'environnement vise-t-elle les luna-parks où sont installés plus de dix appareils de jeux automatiques. La loi menace la sécurité juridique en créant un risque de conflit entre l'autorité compétente pour accorder un permis d'environnement ou l'autorité statuant sur recours, d'une part, et la commune habilitée à conclure la convention prévue par l'article 34 de la loi attaquée ou la commission des jeux de hasard habilitée à délivrer une licence, d'autre part, qu'il s'agisse des autorisations mêmes ou des modalités d'exploitation, tels les horaires d'ouverture.

A.11. En sa seconde branche, le moyen est pris de ce que le législateur fédéral, en délimitant les zones dans lesquelles il est permis d'exploiter un établissement de jeux de hasard, se reconnaît le droit de fixer des règles concernant l'aménagement du territoire, alors que celles-ci relèvent de la compétence exclusive des régions.

En précisant qu'un établissement de jeux de hasard ne peut être implanté à proximité (expression vague) d'établissements d'enseignement, d'hôpitaux, de lieux de culte, de prisons et d'endroits fréquentés par des jeunes (ce qui laisse peu de possibilités), le législateur fédéral règle directement l'aménagement du territoire, c'est-à-dire l'expression spatiale des politiques économique, sociale, culturelle et écologique de toute société.

Dès lors qu'il semble que la commission des jeux de hasard appréciera l'opportunité de l'exploitation d'un établissement de jeux de hasard à un endroit donné en fonction du principe de bon aménagement des lieux et accordera la licence d'exploitation en fonction de l'intégration du projet dans l'environnement bâti et ce, sur la base des critères fixés à l'article 36, 4., attaqué, elle exercera manifestement une appréciation portant directement sur l'aménagement du territoire.

Quant au préjudice grave difficilement réparable A.12.1. Les requérantes ont pour activités non seulement l'exploitation de salles de jeux automatiques mais également la vente, la location, l'importation, l'exportation, l'entretien de machines de jeux automatiques. Or, la mise en oeuvre de l'article 27 attaqué aurait pour effet de priver les requérantes d'une partie de leurs activités commerciales en les contraignant à choisir entre l'exploitation de salles de jeux et la commercialisation des appareils de jeux sans plus pouvoir cumuler les deux activités. Un tel choix aurait également des répercussions en termes d'emplois, les requérantes ne pouvant conserver le personnel affecté à l'activité supprimée.

A.12.2. Les requérantes s'estiment en outre privées par les dispositions attaquées de toute garantie et de toute sécurité sur le plan juridique quant à la poursuite de leurs activités. Alors qu'aujourd'hui, elles disposent des autorisations administratives requises pour l'exploitation des salles de jeux, la mise en oeuvre de la nouvelle loi pourrait avoir pour effet de priver les requérantes du droit d'exploiter leurs établissements en cas d'opposition de la commission des jeux de hasard ou des communes; ces dernières, refusant régulièrement les permis d'urbanisme et les permis d'environnement requis (lesquels ne sont alors délivrés que sur recours), auront désormais les pleins pouvoirs pour mettre leur veto à la poursuite de l'exploitation d'une salle de jeux à laquelle elles s'étaient opposées. - B - B.1. Les requérantes demandent l'annulation et la suspension des articles 8, 15, § 1er, 20, alinéa 1er, 21, 27, alinéa 1er, 34, 36, 4., 54, § 1er, 58, alinéa 3, 62 et 71, alinéa 4, 4., de la loi du 7 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/1999 pub. 30/12/1999 numac 1999010222 source ministere de la justice Loi sur les jeux de hasard, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs fermer sur les jeux de hasard, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs. Ces dispositions énoncent : «

Art. 8.Pour chaque jeu de hasard exploité dans un établissement de jeux de hasard de classe II et III, le Roi fixe, par possibilité de jeu, le montant maximum de la mise, de la perte et du gain dans le chef des joueurs et des parieurs. Il peut en outre fixer le montant maximum de la perte que peut subir un joueur ou un parieur par période de jeu à déterminer par Lui.

Seuls demeurent autorisés dans les établissements de classe II et III, les jeux de hasard dont il est établi que le joueur ou le parieur ne peut subir en moyenne une perte supérieure à 500 francs par heure.

Le Roi peut également déterminer ces éléments pour les jeux de hasard exploités dans un établissement de jeux de hasard de classe I. Il est toujours interdit de connecter deux ou plusieurs appareils entre eux en vue d'octroyer un prix unique. » «

Art. 15.§ 1er. Pour l'accomplissement de toutes ses missions, la commission peut requérir le concours d'experts.

Elle peut charger un ou plusieurs de ses membres ainsi qu'un ou plusieurs des membres de son secrétariat, de procéder à une enquête sur place. Le président, ainsi que les membres de la commission et du secrétariat, ayant la qualité d'agent de l'Etat et désignés à cet effet par le Roi, ont la qualité d'officier de police judiciaire, officier auxiliaire du procureur du Roi, après avoir prêté le serment suivant : 'Je jure fidélité au Roi, obéissance à la Constitution et aux lois du peuple belge. ' Dans l'exercice de leurs fonctions, ils peuvent : 1. pénétrer à toute heure du jour ou de la nuit dans les établissements, locaux et pièces dont l'accès est nécessaire à l'accomplissement de leur mission;toutefois, ils n'ont accès aux locaux habités que s'ils ont des raisons de croire à l'existence d'une infraction à la présente loi et à ses arrêtés d'exécution et moyennant une autorisation préalable du juge du tribunal de police; 2. procéder à tous examens, contrôles et auditions ainsi qu'à toutes les constatations utiles et exiger la communication de tous les documents pouvant être utiles à leur enquête;3. se procurer tous les renseignements complémentaires qu'ils jugent utiles auprès des exploitants et de leur personnel, ainsi qu'auprès des services de police et des services administratifs de l'Etat;4. saisir tous les objets, et plus particulièrement les documents, les pièces, les livres et les jeux de hasard qui peuvent servir de pièce à conviction concernant une infraction à la présente loi ou à ses arrêtés d'exécution ou qui sont nécessaires à la recherche des coauteurs ou des complices;5. requérir l'assistance des services de police.» «

Art. 20.[...] La commission octroie les licences de classe A, B, C, D et E. «

Art. 21.La commission peut : 1. par décision motivée et selon les modalités définies ci-après, octroyer une licence d'exploitation ou autre à la personne qui sollicite une telle licence;2. par décision motivée et selon les modalités définies par le Roi, prononcer les avertissements, suspendre pour une durée déterminée ou retirer la licence et interdire provisoirement ou définitivement l'exploitation d'un ou de plusieurs jeux de hasard en cas de non-respect des dispositions de la présente loi et de ses arrêtés d'exécution. L'intéressé, qui peut être assisté par son conseil, doit être entendu préalablement par la commission. » «

Art. 27.Il est interdit de cumuler les licences des classes A, B, C et D, d'une part, et la licence de classe E, d'autre part, dans le chef de la même personne physique ou morale, que ce soit directement ou indirectement, personnellement ou par l'intermédiaire d'une autre personne physique ou morale. «

Art. 34.Les établissements de jeux de hasard de classe II sont des établissements dans lesquels sont exploités exclusivement les jeux de hasard autorisés par le Roi.

Le nombre total des établissements de jeux de hasard de classe II autorisés est limité à 180.

L'exploitation d'un établissement de jeux de hasard de classe II doit s'effectuer en vertu d'une convention à conclure entre la commune du lieu de l'établissement et l'exploitant. La décision de conclure une telle convention relève du pouvoir discrétionnaire de la commune. La convention détermine où l'établissement de jeux de hasard est établi ainsi que les modalités, jours et heures d'ouverture et de fermeture des établissements de jeux de hasard de classe II et qui exerce le contrôle de la commune. » «

Art. 36.Pour pouvoir obtenir une licence de classe B, le demandeur doit : 4. veiller à ne pas établir l'emplacement de l'établissement de jeux de hasard de classe II à proximité d'établissements d'enseignement, d'hôpitaux, d'endroits fréquentés par des jeunes, de lieux de culte et de prisons; «

Art. 54.§ 1er. L'accès aux salles de jeux des établissements de jeux de hasard des classes I et II est interdit aux personnes de moins de 21 ans à l'exception du personnel majeur des établissements de jeux de hasard sur leur lieu de travail. La pratique des jeux de hasard dans les établissements de jeux de hasard de classe III est interdite aux mineurs. » «

Art. 58.[...] La présence de distributeurs automatiques de billets de banque est interdite dans les établissements de jeux de hasard des classes I, II et III. » «

Art. 62.Complémentairement à ce qui est prévu à l'article 54, l'accès aux salles de jeux des établissements de jeux de hasard des classes I et II n'est autorisé que sur présentation, par la personne concernée, d'un document d'identité et moyennant l'inscription, par l'exploitant, des nom complet, prénoms, date de naissance, lieu de naissance, profession et de l'adresse de cette personne dans un registre.

L'exploitant fait signer ce registre par la personne concernée.

Une copie de la pièce ayant servi à l'identification du joueur doit être conservée pendant au moins dix ans à dater de la dernière activité de jeu de celui-ci.

Le Roi détermine les modalités pratiques d'admission et d'enregistrement des joueurs.

Il arrête les conditions d'accès aux registres.

L'absence de tenue ou la tenue incorrecte de ce registre de même que sa non-communication aux autorités, son altération ou sa disparition peut entraîner le retrait de la licence de classe II ou III par la commission. » «

Art. 71.[...] La garantie réelle est fixée à : 4. la somme de 1 million de francs pour les détenteurs d'une licence de classe E qui prestent exclusivement des services d'entretien, de réparation ou d'équipement de jeux de hasard; Quant à l'étendue du recours et de la demande de suspension B.2. La Cour constate que les requérantes n'indiquent pas en quoi les articles 15, § 1er, et 71, alinéa 4, 4., violeraient les dispositions qu'elles invoquent. La demande n'est pas recevable en ce qui les concerne.

Quant à la suspension B.3. Aux termes de l'article 20, 1°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, deux conditions de fond doivent être remplies pour que la suspension puisse être décidée : - des moyens sérieux doivent être invoqués; - l'exécution immédiate de la règle attaquée doit risquer de causer un préjudice grave difficilement réparable.

Les deux conditions étant cumulatives, la constatation que l'une de ces deux conditions n'est pas remplie entraîne le rejet de la demande de suspension.

En ce qui concerne le caractère sérieux des moyens B.4.1. Le premier moyen est pris de la violation des articles 10, 11, 12 et 23 de la Constitution, de l'article 43 du Traité instituant la Communauté européenne (ancien article 52 du Traité C.E.), du principe de proportionnalité, du principe de la liberté du commerce et de l'industrie, du principe général d'égalité et de non-discrimination, du principe de libre concurrence au sein de l'Union européenne et de l'excès de pouvoir.

Le second moyen est pris de la violation des articles 10, 11, 39 et 143, § 1er, de la Constitution, de l'article 6, § 1er, I et II, 3°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles et de l'excès de pouvoir.

B.4.2. En tant qu'ils invoquent directement les articles 12 et 23 de la Constitution, l'article 43 du Traité instituant la Communauté européenne (ancien article 52 du Traité C.E.), le principe de proportionnalité, le principe de la liberté du commerce et de l'industrie, le principe de libre concurrence au sein de l'Union européenne et l'excès de pouvoir, les moyens ne sont pas recevables, en ce qu'ils se réfèrent à des normes dont la Cour n'est pas habilitée à assurer le respect.

B.4.3. La Cour examine la conformité des dispositions attaquées aux règles répartitrices de compétences avant d'examiner la compatibilité desdites dispositions avec le principe d'égalité et de non-discrimination.

Quant aux règles répartitrices de compétences B.5.1. Les requérantes font valoir qu'en adoptant les dispositions attaquées qui réglementent l'octroi des licences d'exploitation des salles de jeux automatiques, le législateur fédéral a porté atteinte aux compétences des régions en matière de police des établissements classés.

B.5.2. L'article 6, § 1er, II, 3°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, auquel le moyen se réfère, dispose : « § 1er. Les matières visées à l'article 107quater de la Constitution sont : II. En ce qui concerne l'environnement et la politique de l'eau : 3° La police des établissements dangereux, insalubres et incommodes sous réserve des mesures de police interne qui concernent la protection du travail; B.5.3. Cette disposition définit les compétences des régions en matière d'environnement et les habilite à assurer la protection des riverains et de l'environnement contre les nuisances et les incommodités; la réglementation des jeux de hasard est trop éloignée de la protection de l'environnement pour que le moyen puisse être regardé comme sérieux.

B.6.1. Les requérantes font aussi valoir que les dispositions attaquées violeraient la compétence des régions en matière d'urbanisme et d'aménagement du territoire, en particulier en ce qu'elles disposent que, pour pouvoir obtenir une licence de classe B, le demandeur doit veiller « à ne pas établir l'emplacement de l'établissement de jeux de hasard de classe II à proximité d'établissements d'enseignement, d'hôpitaux, d'endroits fréquentés par des jeunes, de lieux de culte et de prisons » (article 36, 4., attaqué).

B.6.2. L'article 6, § 1er, I, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles dispose : « § 1er. Les matières visées à l'article 107quater de la Constitution sont : I. En ce qui concerne l'aménagement du territoire : 1° L'urbanisme et l'aménagement du territoire;2° Les plans d'alignement de la voirie communale;3° L'acquisition, l'aménagement, l'équipement de terrains à l'usage de l'industrie, de l'artisanat et des services, ou d'autres infrastructures d'accueil aux investisseurs, y compris les investissements pour l'équipement des zones industrielles avoisinant les ports et leur mise à la disposition des utilisateurs;4° La rénovation urbaine;5° La rénovation des sites d'activité économique désaffectés;6° La politique foncière;7° Les monuments et les sites.» B.6.3. Les dispositions attaquées n'ont pas pour objet essentiel de régler l'urbanisme et l'aménagement du territoire. La disposition par laquelle le législateur fédéral subordonne l'octroi, par l'autorité qu'il désigne, d'une licence d'exploitation de salles de jeux automatiques, à des conditions permettant d'éviter que des personnes qu'il entend protéger particulièrement (écoliers, jeunes gens, détenus autorisés à sortir d'une prison) soient incitées à s'y rendre ou visant à épargner un voisinage frivole aux hôpitaux et aux lieux de culte, par égard pour l'état d'esprit de ceux qui assistent à la souffrance ou éprouvent le besoin de se recueillir, relève de sa compétence de régler les établissements de jeux de hasard, laquelle implique celle de tenir compte des inconvénients que le voisinage de ceux-ci peut comporter. Cette disposition n'est pas conçue de manière telle qu'il serait impraticable pour la région de conduire une politique efficace dans les matières qui relèvent de sa compétence; de plus, les décisions que l'autorité désignée par cette disposition est habilitée à prendre sont soumises au contrôle des juridictions.

Le moyen n'est pas sérieux au sens de l'article 20, 1°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Quant au principe d'égalité et de non-discrimination B.7.1. Les requérantes reprochent à l'article 34 de la loi attaquée de limiter à cent quatre-vingts le nombre de salles de jeux automatiques en Belgique, portant ainsi une atteinte discriminatoire à la liberté de commerce et d'industrie et à la liberté d'établissement.

B.7.2. La liberté de commerce et d'industrie ne peut pas être conçue comme une liberté absolue. Elle ne fait pas obstacle à ce que la loi règle l'activité économique des personnes et des entreprises. Le législateur ne violerait la liberté de commerce et d'industrie que s'il limitait celle-ci sans qu'existe une quelconque nécessité pour ce faire ou si cette limitation était manifestement disproportionnée au but poursuivi.

Les jeux de hasard qui aboutissent à un gain ou à une perte pécuniaire étant l'exploitation d'une faiblesse humaine pouvant entraîner des conséquences très graves pour certaines personnes et leur famille, ils constituent un danger social tel qu'en cette matière, ce sont les mesures restrictives et non les permissives qui sont les plus aisées à justifier.

B.7.3. Les dispositions invoquées du Traité instituant la Communauté européenne, notamment l'article 43 (ancien article 52 du Traité C.E.), ne s'opposent pas à ce que, pour des motifs d'intérêt général, des règles soient fixées concernant l'organisation, la compétence, l'éthique professionnelle et le contrôle, pour autant que ces règles professionnelles soient applicables à tous ceux qui sont établis sur le territoire de l'Etat où le service est institué.

B.7.4. Les dispositions en cause visent à permettre d'endiguer, de manière raisonnable par rapport à l'importance de la population nationale, le danger social que peuvent représenter les établissements de jeux de hasard. Etant entendu qu'une prohibition pure et simple lui paraît excessive, le législateur a assorti l'interdiction de principe qu'il maintenait (l'article 305 du Code pénal punissait la tenue d'une maison de jeux de hasard et l'article 1er de la loi du 24 octobre 1902 interdisait l'exploitation des jeux de hasard) d'une exception, fondée sur un régime de licences, tout en veillant à ne pas permettre à l'avenir un développement inconsidéré de ce type d'établissements.

Outre cet objectif de protection sociale, le législateur a souhaité, par la voie d'un contrôle efficace, identifier, éviter et combattre « [les] possibles effets secondaires indésirables [des jeux de hasard] (dépendance, blanchiment d'argent, criminalité, fraude fiscale et financière) » (Doc. parl., Sénat, 1997-1998, n° 1-419/4, pp. 25, 26 et 36; idem, n° 1-419/7, pp. 5 et 6; Doc. parl., Chambre, 1998-1999, n° 1795/8, p. 4).

B.7.5. A la lumière de tels objectifs, la limitation à cent quatre-vingts du nombre de salles de jeux automatiques procède d'une appréciation qui n'apparaît pas comme déraisonnable, fondée à la fois sur un rapport d'une salle de jeux automatiques par cinquante mille habitants et sur des considérations de rentabilité (Doc. parl., Sénat, 1997-1998, n° 419/7, pp. 22 et 23). Si, comme le font observer les requérantes, le projet initial fixait effectivement la limite à deux cents établissements, la Cour observe que c'est à la suite d'une opération de police que la limite fut ramenée à cent quatre-vingts : « L'opération judiciaire 'Indian Summer' menée en novembre 1998, au cours de laquelle tous les luna-parks ont été contrôlés, a permis de constater qu'en fait, ceux-ci n'étaient pas au nombre de 200 (ainsi qu'on le supposait), mais au nombre de 180. Il paraît dès lors opportun de geler cette situation. » (Doc. parl., Chambre, 1998-1999, n° 1795/8, p.54) Au demeurant, s'il faut prendre en considération la situation antérieure à l'entrée en vigueur de la loi en cause, il ne faut pas perdre de vue que la tenue de maisons de jeux de hasard n'était que tolérée en dépit d'une interdiction légale.

B.7.6. Les requérantes critiquent aussi l'article 34 précité qui, en prévoyant la conclusion d'une convention entre l'exploitant et la commune, convention portant notamment sur l'emplacement des salles de jeux automatiques et sur les modalités, jours et heures d'ouverture et de fermeture de ces établissements, déguiserait en convention une mesure de police administrative visant à contrôler une activité commerciale.

B.7.7. Dès lors qu'une activité représente un danger pour la société si elle n'est pas soumise à des conditions, le législateur prend une mesure qui paraît adéquate en la soumettant à des règles dérogeant au régime applicable aux activités commerciales ordinaires. Dans son examen portant sur les dispositions en cause, le Conseil d'Etat fit observer que le régime de licences prévu par celles-ci « n'a pas pour effet de porter atteinte à l'autonomie communale, dès l'instant où le législateur entend assumer lui-même, en cette matière, une police des activités des jeux de hasard. Le projet de loi ne porte pas préjudice au pouvoir des autorités communales, par exemple celui en matière de police générale et d'urbanisme » (Doc. parl., Sénat, 1998-1999, n° 1-419/7, p. 251).

Les exigences des articles 10 et 11 de la Constitution ne sont pas telles que le législateur ne puisse confier certaines tâches aux communes même lorsqu'il entend assumer lui-même la police des activités en cause.

La disposition attaquée, qui procède tout à la fois du souci de « renforcer [par le biais de l'intervention de la commune] l'effet de contrôle qui est exercé » (Doc. parl., Sénat, 1998-1999, n° 1-419/17, p. 138) et de celui de laisser aux communes « une certaine liberté en ce qui concerne l'implantation de tels établissements » (Doc.parl., Chambre, 1998-1999, n° 1795/5, p. 12) et leurs périodes d'ouverture (idem, n° 1795/8, p. 55), constitue une mesure apparemment adéquate pour atteindre l'objectif poursuivi. La disposition en cause ne peut être censurée sur la seule base d'une application irrégulière qui pourrait en être faite; les requérantes disposent des garanties juridictionnelles adéquates vis-à-vis des décisions prises par l'autorité compétente.

La Cour constate en particulier que, contrairement à ce qui a été déclaré dans les travaux préparatoires (Sénat, Ann., 27 avril 1999, p. 7713; Chambre, Ann., 31 mars 1999), le « pouvoir discrétionnaire » de la commune concernant la convention à conclure pour l'exploitation d'un établissement de jeux de hasard de classe II demeure soumis aux règles de la tutelle et ses décisions ou son refus sont attaquables devant les juridictions.

B.7.8. Les requérantes estiment enfin que d'autres moyens pouvaient contribuer à atteindre l'objectif poursuivi. Elles ne démontrent cependant pas que ces moyens auraient, à moindres frais, la même efficacité que ceux choisis par le législateur.

Au premier examen du moyen, dans le cadre de la demande de suspension, il peut être admis que la mesure attaquée n'est pas manifestement disproportionnée à l'objectif poursuivi.

B.8.1. Les requérantes reprochent à l'article 27 de la loi attaquée d'interdire le cumul d'une licence de classe B (exploitation de salle de jeux automatiques) avec une licence de classe E (vente, importation, location, exportation et équipements de jeux de hasard) et de porter ainsi une atteinte discriminatoire à la liberté d'accès à une profession indépendante garantie par l'article 23 de la Constitution.

B.8.2. Certes, l'article 23 de la Constitution dispose, d'une part, que « la loi, le décret ou la règle visée à l'article 134 garantissent, en tenant compte des obligations correspondantes, les droits économiques, sociaux et culturels, et déterminent les conditions de leur exercice » et, d'autre part, que ces droits comprennent « le droit au travail et au libre choix d'une activité professionnelle dans le cadre d'une politique générale de l'emploi, visant entre autres à assurer un niveau d'emploi aussi stable et élevé que possible ». Mais il ne peut se déduire de ces dispositions que le législateur, lorsqu'il entend réglementer une activité représentant un danger pour la société si elle n'est pas soumise à des conditions, ne pourrait imposer des limites à ceux qui l'exercent.

En l'espèce, l'interdiction en cause procède du souci de soumettre l'octroi des licences à des conditions très sévères, de manière que les établissements de jeux de hasard et les activités qui s'y rapportent puissent être distingués les uns des autres avec précision (Doc. parl., Sénat, 1997-1998, n° 419/4, p. 34).

La disposition en cause établit une mesure qui ne semble pas disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi, rappelé sous B.7.4.

B.9.1. Les requérantes font grief à l'article 8 de la loi attaquée d'interdire dans les établissements de classe II (salles de jeux automatiques) et de classe III (débits de boissons) l'usage des jeux de hasard dont il est établi que le joueur peut subir une perte supérieure à 500 francs par heure, alors que la loi ne fixe pas une telle interdiction pour les établissements de classe I (casinos) et qu'une telle limite n'existe pas dans les autres pays de l'Union européenne.

B.9.2. La disposition attaquée est issue d'une discussion parlementaire portant sur plusieurs amendements dont l'un considérait que « la perte que peut subir un joueur de par l'utilisation, ou la participation à, des jeux de hasard exploités dans les établissements de jeux de hasard de classe II doit être nettement inférieure à celle qu'il peut encourir suite à l'utilisation, ou à la participation à, des jeux de hasard exploités dans les établissements de classe I » (Doc. parl., Chambre, 1998-1999, n° 1795/8, p. 32). En relevant par ailleurs que « le seuil d'accessibilité des jeux de hasard automatiques est assez bas en comparaison avec celui des casinos », ce seuil d'accessibilité étant considéré comme l'un des facteurs, inhérents aux jeux de hasard, qui favorisent la dépendance (Doc. parl., Sénat, 1997-1998, n° 1-419/7, pp. 6 et 7), le législateur a pu estimer que les casinos et ceux qui les fréquentent se trouvent dans une situation différente de celle des autres établissements et de leurs clients et que cette situation justifiait la différence de traitement en cause.

B.9.3. Quant au grief tiré de la comparaison avec les établissements situés dans les autres pays de l'Union européenne, il est dépourvu de pertinence puisqu'il s'agit d'ordres juridiques différents qui, au regard de la matière en cause, ne font pas l'objet d'une réglementation communautaire.

B.10.1. Les requérantes reprochent à l'article 58, alinéa 3, de la loi attaquée d'interdire l'installation de distributeurs automatiques de billets de banque dans les salles de jeux automatiques et de porter ainsi une atteinte discriminatoire à la liberté de commerce et d'industrie.

B.10.2. La Cour constate que l'article 58, alinéa 3, interdit l'installation des appareils en cause dans tous les établissements visés par la loi attaquée, de telle sorte que le grief est supposé comparer ces établissements à tous ceux dans lesquels il est permis d'installer ces appareils.

B.10.3. En interdisant l'installation de distributeurs automatiques de billets de banque afin d'empêcher que l'argent ne soit instantanément accessible aux joueurs (Doc. parl., Sénat, 1998-1999, n° 1-419/17, p. 164), le législateur a pris une mesure qui paraît adéquate au regard de l'objectif qu'il poursuivait, rappelé sous B.7.4; mesure qui n'est d'ailleurs ressentie comme très pénible que par ceux chez qui le jeu est une passion, et que pour cette raison le législateur entend défendre.

B.11.1. Les requérantes reprochent à l'article 62 de la loi attaquée de traiter les casinos et les salles de jeux automatiques (établissement de classes I et II), d'une part, et les débits de boissons (établissements de classe III), d'autre part, d'une manière discriminatoire en obligeant les premiers et non les seconds à tenir un registre identifiant précisément les personnes accédant à ces établissements.

B.11.2. En adoptant une mesure « tendant à renforcer le contrôle de l'accès aux salles de jeux des casinos et [aux salles de jeux automatiques] » (Doc. parl., Chambre 1998-1999, n° 1795/8, pp. 61-62), le législateur a pris une mesure qui paraît conforme à l'objectif rappelé sous B.7.4. Il a raisonnablement pu écarter une telle mesure en ce qui concerne les débits de boissons eu égard, non seulement, à la difficulté pratique de la mettre en oeuvre, mais surtout à la circonstance que la fréquentation des débits de boissons n'est pas principalement motivée par les jeux dont l'exploitation constitue la raison d'être des établissements des deux autres catégories.

B.11.3. Il est certes exact, comme l'observent les requérantes, qu'en imposant, en son alinéa 1er, l'obligation critiquée aux établissements de classe I et de classe II, et en la sanctionnant, en son alinéa 6, par « le retrait de la licence de classe II ou III », la disposition attaquée comporte une incohérence qui apparaissait déjà dans le texte de l'amendement parlementaire dont cette disposition est issue (Doc. parl., Chambre, 1998-1999, n° 1795/7, p. 5) et qui résulte probablement d'une erreur matérielle (cette erreur fut corrigée en tant que « correction de texte » par la commission du Sénat qui examina le projet à la suite de la Chambre (Doc. parl., Sénat, 1998-1999, n° 1-419/23, pp. 17 et 19) mais l'erreur ne fut pas corrigée dans le texte lui-même du projet adopté par ladite commission (idem, n° 1-419/23, p. 23). Une telle négligence, que le sens commun suffit à corriger dans l'interprétation du texte, ne permet pas d'établir le bien-fondé du grief examiné.

B.12.1. Le moyen fait grief à l'article 54, § 1er, de la loi attaquée de traiter les casinos et les salles de jeux automatiques, d'une part, et les débits de boissons, d'autre part, d'une manière discriminatoire, en interdisant aux personnes de moins de 21 ans de fréquenter les premiers alors qu'une fois atteint l'âge de 18 ans, elles peuvent fréquenter, notamment, les seconds.

B.12.2. Le Conseil d'Etat ayant invité le législateur à apprécier si cette disposition - ne tenant pas compte de la majorité civile - n'était pas disproportionnée par rapport au but poursuivi (Doc. parl., Sénat, 1998-1999, n° 1-419/17, p. 245), le législateur s'est fondé, pour la maintenir, sur la constatation que la catégorie d'âge située entre 18 et 21 ans « constitue le groupe le plus à risques en ce qui concerne l'asservissement » et les abus, qu'elle requiert une protection (Doc. parl., Sénat, 1998-1999, n° 1-419/17, p. 151) et que l'âge précité « correspond environ à celui où les jeunes deviennent économiquement indépendants ainsi qu'à la fin de la post-adolescence » (ibid., p. 31).

Le législateur, en limitant l'interdiction en cause aux établissements de classes I et II, ne s'est pas conformé au voeu du ministre de la Justice (qui souhaitait l'étendre aux établissements de classe III, ibid., p. 151) en se référant à des considérations pratiques : « En ce qui concerne les établissements de jeux de hasard des classes I et II, le contrôle de l'âge ne pose en soi aucun problème. En effet, conformément à l'article 53 du texte en discussion, l'accès aux salles de jeux des établissements de jeux de hasard des classes I et II n'est autorisé que sur présentation, par la personne concernée, d'un document d'identité et moyennant l'inscription, par l'exploitant, de l'identité complète et de l'adresse de cette personne dans un registre.

En revanche, pour l'exploitant d'un établissement de jeux de hasard de classe III, les choses ne sont pas aussi simples. Un patron de café n'est pas habilité à demander à ses clients majeurs de lui présenter leur carte d'identité et on peut difficilement attendre de lui qu'il ne se trompe jamais en évaluant leur âge, s'il ne peut se baser que sur le seul aspect physique. C'est d'autant plus injuste que la violation de cette règle est sanctionnée, notamment, par le retrait de la licence. L'on propose donc, en ce qui concerne les établissements de jeux de hasard de classe III, de maintenir la situation actuelle et d'interdire aux mineurs la pratique des jeux de hasard dans les cafés. » (ibid., p. 151) Ces considérations paraissent justifier la différence de traitement en cause.

B.13. Il ressort de ce qui précède que les moyens ne sont pas sérieux, au sens de l'article 20, 1°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Par ces motifs, la Cour rejette la demande de suspension.

Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 3 mai 2000.

Le greffier, L. Potoms.

Le président, M. Melchior.

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