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Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 03 octobre 2001

Arrêt n° 114/2001 du 20 septembre 2001 Numéro du rôle : 1990 En cause : le recours en annulation de l'article 29 de la loi du 7 mai 1999 sur les jeux de hasard, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs, introduit par La Cour d'arbitrage, composée du président M. Melchior, des juges P. Martens, R. Henneuse, E. De(...)

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COUR D'ARBITRAGE


Arrêt n° 114/2001 du 20 septembre 2001 Numéro du rôle : 1990 En cause : le recours en annulation de l'article 29 de la loi du 7 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/1999 pub. 30/12/1999 numac 1999010222 source ministere de la justice Loi sur les jeux de hasard, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs fermer sur les jeux de hasard, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs, introduit par la commune de Lontzen.

La Cour d'arbitrage, composée du président M. Melchior, des juges P. Martens, R. Henneuse, E. De Groot et L. Lavrysen, et, conformément à l'article 60bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, du président émérite H. Boel et du juge émérite E. Cerexhe, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 27 juin 2000 et parvenue au greffe le 28 juin 2000, la commune de Lontzen, maison communale, 4710 Lontzen, a introduit un recours en annulation de l'article 29 de la loi du 7 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/1999 pub. 30/12/1999 numac 1999010222 source ministere de la justice Loi sur les jeux de hasard, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs fermer sur les jeux de hasard, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs (publiée au Moniteur belge du 30 décembre 1999).

II. La procédure Par ordonnance du 28 juin 2000, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Les juges-rapporteurs ont estimé qu'il n'y avait pas lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

Par ordonnance du 12 juillet 2000, la Cour a décidé que l'instruction aurait lieu en français.

Le recours a été notifié conformément à l'article 76 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 28 août 2000.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 5 septembre 2000.

Le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles, a introduit un mémoire par lettre recommandée à la poste le 9 octobre 2000.

Ce mémoire a été notifié conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettre recommandée à la poste le 21 novembre 2000.

La partie requérante a introduit un mémoire en réponse par lettre recommandée à la poste le 20 décembre 2000.

Par ordonnances des 29 novembre 2000 et 29 mai 2001, la Cour a prorogé respectivement jusqu'aux 27 juin 2001 et 27 décembre 2001 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.

Par ordonnance du 6 février 2001, la Cour a complété le siège par le juge L. Lavrysen.

Par ordonnance du 7 mars 2001, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 28 mars 2001.

Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats, par lettres recommandées à la poste le 8 mars 2001.

A l'audience publique du 28 mars 2001 : - ont comparu : . Me G. Zians, avocat au barreau d'Eupen, pour la partie requérante; . Me O. Vanhulst, qui plaide également loco Me P. Hofströssler, avocats au barreau de Bruxelles, pour le Conseil des ministres; - les juges-rapporteurs E. Cerexhe et L. Lavrysen ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - l'affaire a été mise en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

III. En droit - A - Quant à l'intérêt A.1. A l'appui de sa requête, la commune de Lontzen fait valoir qu'il n'a pas été tenu compte d'elle pour attribuer les neuf casinos alors qu'un casino était établi sur son territoire de 1935 à 1947.

L'intérêt de la commune de Lontzen est aussi légitime, compte tenu de la loi du 7 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/1999 pub. 30/12/1999 numac 1999010222 source ministere de la justice Loi sur les jeux de hasard, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs fermer. Il n'est pas exact que le principe de l'existence de droits historiques ne pourrait pas entrer en ligne de compte pour assurer la légitimité de son intérêt.

A.2. Le Conseil des ministres conteste l'intérêt à agir de la partie requérante à défaut de l'existence d'un intérêt licite et suffisant.

La commune de Lontzen n'accueillant pas à ce jour de casino, le fait que la disposition litigieuse lui interdise d'en accueillir un ne l'affecte pas de façon directe et certaine dans sa situation.

L'intérêt dont se prévaut la partie requérante est par ailleurs illicite compte tenu d'une série de dispositions législatives qui interdisent les jeux de hasard et l'ouverture d'un casino. La partie requérante admet d'ailleurs que le casino établi sur son territoire ne faisait l'objet que d'une tolérance qui lui fut enlevée par une décision du procureur général de Liège, le 7 juillet 1947.

A.3. Au Conseil des ministres qui fait valoir qu'elle n'a pas d'intérêt concret, la partie requérante réplique qu'elle est située à un endroit géographique (les "trois frontières") propice pour attirer du public. Plusieurs démarches témoignent d'ailleurs de l'intérêt des investisseurs et des responsables politiques locaux pour la réouverture d'un casino.

Quant au premier moyen A.4.1. Le premier moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution ainsi que des articles 52 et suivants du Traité C.E. A.4.2. Le choix des neuf communes autorisées à exploiter un casino n'a pas été dicté par des considérations historiques et l'on n'a pas tenu compte du passé de Lontzen : à cet égard, Bruxelles n'a aucun passé en la matière alors qu'elle pourra exploiter un casino.

La légitimation a posteriori par le législateur de situations jusque-là illégales a pour conséquence de réserver un traitement plus favorable aux communes qui étaient dans ces situations illégales. On aurait pu fixer des critères objectifs sur la base desquels n'importe quelle commune belge aurait pu obtenir une licence d'exploitation par arrêté royal.

Par ailleurs, le fait que l'attribution d'un casino sur la base de critères objectifs n'est envisagée que par rapport aux dix-neuf communes de la Région de Bruxelles-Capitale et non pas par rapport aux autres communes du Royaume cause préjudice à ces dernières. Même si l'on pouvait, à juste titre, estimer qu'il fallait limiter le nombre de communes pouvant exploiter un casino, on aurait dû faire les choix sur la base de critères objectifs applicables à toutes les communes.

Le législateur n'a pas tenu compte non plus de l'éventualité de la fermeture d'un casino : on a donc en ce sens créé une discrimination à l'égard de la situation actuelle comme à l'égard de la situation future.

A.5.1. Le Conseil des ministres tient d'abord à constater que le premier moyen est irrecevable en tant qu'il invoque la violation des articles 52 et suivants du Traité de Rome à défaut d'indiquer en quoi ces articles seraient violés.

A.5.2. Il faut rappeler les deux principes de la loi du 7 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/1999 pub. 30/12/1999 numac 1999010222 source ministere de la justice Loi sur les jeux de hasard, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs fermer.

D'abord, l'exploitation de jeux de hasard reste a priori interdite. La seule exception, ensuite, concerne les jeux ou établissements autorisés par la loi ou ses arrêtés d'exécution, moyennant une licence écrite préalable.

Les objectifs recherchés par la loi relèvent tous de l'intérêt général et de la protection de la santé publique (Doc. parl., Sénat, 1997-1998, n° 1-419/4, pp. 24-25). En ce qui concerne plus particulièrement les casinos, le législateur a estimé que "la limitation du nombre de casinos doit permettre d'endiguer de manière raisonnable le danger social que peuvent représenter ces établissements de jeux de hasard par rapport à l'importance de la population nationale" (Doc. parl., ibid., p. 26). La Cour a d'ailleurs rappelé ces objectifs dans son arrêt n° 52/2000.

C'est par la voie d'un consensus avec les communautés et les régions que le nombre de casinos a été fixé à neuf (Doc. parl., Chambre, 1998-1999, n° 1795/8, p. 52). Par ailleurs, le législateur a estimé devoir accorder aux communes qui avaient déjà un casino sur leur territoire la possibilité de régulariser leur situation (Doc. parl., Sénat, 1997-1998, n° 1-419/4, p. 35).

A.5.3. Le moyen manque en droit en tant qu'il reproche à la loi de ne retenir que neuf communes qui peuvent accueillir un casino sur leur territoire. Le législateur s'est expliqué sur la nécessité d'une limitation, d'une part, et sur le fait, d'autre part, que les communes qui bénéficiaient d'une tolérance auraient un privilège dans la législation compte tenu de ce qu'elles disposaient déjà de l'infrastructure nécessaire ainsi que du personnel compétent.

A.5.4. En ce qui concerne l'illégitimité invoquée d'une légalisation a posteriori d'une situation tolérée, il faut considérer que le législateur peut abroger les lois et les remplacer par d'autres.

A.5.5. Le législateur n'a pas voulu prendre de risque en permettant à n'importe quelle commune de solliciter l'ouverture d'un casino : c'est pourquoi il a retenu les huit communes qui accueillent déjà un casino.

En ce qui concerne le casino qui peut voir le jour à Bruxelles, la disposition entreprise prescrit des avis et études afin d'éviter les effets non désirés.

De manière plus précise, non seulement le législateur a retenu des critères objectifs aux termes desquels une des dix-neuf communes de la Région de Bruxelles-Capitale pourra être éventuellement retenue - ce que reconnaît d'ailleurs la partie requérante -, mais en outre, la commune de Lontzen et celle de la Région de Bruxelles-Capitale qui pourra accueillir un casino ne se trouvent pas dans une situation comparable. La loi entreprise prévoit expressément que les casinos exercent des activités socioculturelles pour lesquelles il est nécessaire de pouvoir s'adresser à un large public.

A.5.6. Le reproche qui est fait à la loi de ne pas tenir compte de la fermeture d'un casino est irrecevable à défaut de l'existence d'un intérêt né et actuel, aucun casino visé n'étant aujourd'hui fermé. Il manque aussi en droit dans la mesure où, en cas de fermeture d'un établissement, il est prévu que la commune puisse conclure avec un autre candidat une nouvelle convention d'exploitation.

Quant au second moyen A.6.1. Le second moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution combinés avec les articles 48, 52, 66, 85, 86 et 90 du Traité C.E. A.6.2. La disposition entreprise viole les dispositions du Traité, puisqu'elle interdit à tous les citoyens de l'Union européenne de s'établir librement sur son territoire pour y exploiter un casino.

Ainsi, aucun citoyen d'un autre Etat membre ne pourrait-il venir ouvrir un casino sur le territoire de la commune de Lontzen.

A.6.3. La disposition entreprise a aussi pour effet de faire naître des positions monopolistiques inadmissibles au regard des articles 85 et 86 du Traité C.E. A.6.4. Dans son mémoire en réponse, la partie requérante suggère de poser une question préjudicielle à la Cour de justice des Communautés européennes.

A.7.1. Le Conseil des ministres tient d'abord à relever que le moyen est irrecevable en tant qu'il invoque l'interdiction pour un ressortissant de l'Union européenne de s'établir sur son territoire.

La requérante ne démontre pas, en effet, en quoi la disposition entreprise lui causerait un préjudice; elle n'établit pas qu'un ressortissant de l'Union européenne souhaite s'établir sur le territoire de la commune.

A titre subsidiaire, le moyen manque en droit : la partie requérante ne démontre pas, en effet, en quoi la mesure violerait le Traité C.E. La disposition entreprise ne contient en effet aucune discrimination directe ou indirecte sur la base de la nationalité du candidat-exploitant d'un établissement de jeux de hasard. La liberté d'établissement garantie par le Traité n'est d'ailleurs pas absolue : l'article 39 prévoit que des limitations peuvent être justifiées à des fins d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique, ce que le Conseil des ministres a démontré dans l'examen du premier moyen.

A.7.2. Pour les mêmes motifs, le moyen est également irrecevable en tant qu'il invoque la violation du principe de la liberté d'établissement.

A titre subsidiaire, il est non fondé puisque l'objectif de santé publique recherché par le législateur justifie qu'on limite le nombre de casinos.

A.7.3. Sur la naissance de positions monopolistiques liées à l'application de la disposition entreprise, non seulement le moyen est irrecevable en cette branche pour les mêmes motifs que pour les deux autres "branches" précédentes, mais il est également non fondé dans la mesure où la loi entreprise ne constitue nullement une mesure qui entend favoriser de quelque façon que ce soit les établissements de jeux de hasard. - B - La disposition en cause B.1. L'article 29 attaqué de la loi du 7 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/1999 pub. 30/12/1999 numac 1999010222 source ministere de la justice Loi sur les jeux de hasard, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs fermer sur les jeux de hasard, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs dispose : « Le nombre total des établissements de jeux de hasard de classe I autorisés est limité à 9.

Un établissement de jeux de hasard de classe I ne peut être exploité que sur le territoire des communes de Blankenberge, Chaudfontaine, Dinant, Knokke-Heist, Middelkerke, Namur, Ostende, Spa ainsi que sur le territoire d'une des 19 communes de la Région de Bruxelles-Capitale. Après avis du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale et sur la base des possibilités d'implantation et d'infrastructure ainsi que sur la base de l'impact social de l'implantation d'un établissement de jeux de hasard de classe I, le Roi désigne, par un arrêté délibéré en Conseil des ministres, la commune, parmi les communes de la Région de Bruxelles-Capitale qui ont posé leur candidature par lettre recommandée à la poste adressée au ministre de la Justice dans les trois mois à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi.

Un seul établissement de jeux de hasard de classe I peut être exploité par commune. A cette fin, chaque commune conclut une convention de concession avec le candidat exploitant.

Le Roi peut déterminer par arrêté délibéré en Conseil des ministres les conditions auxquelles doit répondre la convention de concession. » Quant à la recevabilité B.2.1. Le Conseil des ministres considère que la requérante ne justifie pas d'un intérêt concret à agir. N'accueillant pas, à ce jour, de casino, elle ne serait pas affectée directement et de façon certaine par la disposition attaquée. Par ailleurs, l'intérêt dont se prévaut la requérante serait illicite, l'exploitation des jeux de hasard étant passible de sanctions pénales conformément à la loi du 24 octobre 1902 concernant le jeu.

B.2.2. La disposition attaquée par la partie requérante énumère de manière limitative les neuf communes sur le territoire desquelles un casino pourra être exploité. La partie requérante est une commune qui ne figure pas sur un des neuf territoires définis par la loi. Elle a donc un intérêt suffisant pour attaquer la disposition litigieuse.

Quant à la licéité de l'intérêt, la Cour constate que la loi du 7 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/1999 pub. 30/12/1999 numac 1999010222 source ministere de la justice Loi sur les jeux de hasard, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs fermer précitée dont l'article 29 est en l'espèce attaqué maintient le principe de l'interdiction des jeux de hasard mais l'assortit de dérogations, parmi lesquelles l'article 29 attaqué autorise neuf communes à exploiter un casino sur leur territoire. Dès lors que le législateur admet de telles dérogations, l'intérêt de la partie requérante ne peut être tenu pour illicite.

L'exception n'est pas fondée.

Quant au premier moyen B.3. Le premier moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution ainsi que "des articles 52 et suivants du Traité C.E. » .

Non seulement le choix des neuf communes autorisées à exploiter un casino n'aurait pas été dicté par des considérations historiques mais, en outre, la légitimation a posteriori par le législateur de situations jusque-là illégales aurait pour conséquence de réserver un traitement plus favorable aux communes qui étaient dans des situations illégales. La partie requérante considère aussi que le fait que le choix d'une commune pouvant accueillir un casino n'est envisagé sur la base de critères objectifs qu'en ce qui concerne les dix-neuf communes de la Région de Bruxelles-Capitale et non en ce qui concerne les autres communes du Royaume lui causerait préjudice alors que cette manière de faire aurait pu et dû être décidée pour la désignation de l'ensemble des casinos. Enfin, le législateur n'aurait pas tenu compte de l'éventualité de la fermeture d'un casino, ce qui aurait pour effet de permettre une discrimination dans l'avenir.

B.4. En tant que le moyen est pris de la violation directe de dispositions du Traité C.E., la Cour n'est pas compétente pour en connaître.

B.5.1. L'article 29 attaqué de la loi du 7 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/1999 pub. 30/12/1999 numac 1999010222 source ministere de la justice Loi sur les jeux de hasard, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs fermer vise à endiguer de manière raisonnable par rapport à l'importance de la population nationale, le danger social que peuvent représenter les établissements de jeux de hasard. Outre cet objectif de protection sociale, le législateur a souhaité, par la voie d'un contrôle efficace, identifier, éviter et combattre "[les] possibles effets secondaires indésirables [des jeux de hasard] (dépendance, blanchiment d'argent, criminalité, fraude fiscale et financière)" (Doc. parl., Sénat, 1997-1998, n° 1-419/4, pp. 25, 26 et 36; id., n° 1-419/7, pp. 5 et 6;

Doc. parl., Chambre, 1998-1999, n° 1795/8, p. 4).

B.5.2. A la lumière de tels objectifs, la limitation à neuf du nombre de casinos procède d'une appréciation qui n'est pas déraisonnable, fondée à la fois sur un rapport au nombre de la population, sur une répartition géographique des casinos sur tout le territoire du Royaume, répartition établie en consensus avec les communautés et les régions (Doc. parl., Chambre, op. cit., p. 52), et sur des considérations historiques et de rentabilité justifiées notamment en ces termes : "Le Gouvernement a choisi d'énumérer dans la loi les communes où un casino peut être exploité. Le choix des 8 communes citées dans cet article et d'une seule commune pour la Région de Bruxelles-Capitale s'explique de manière objective par les droits historiques nés à l'égard d'un certain nombre de communes ainsi qu'à l'égard de la capitale du Royaume (cf. exposé général). Ces droits sont d'ailleurs étroitement liés à la situation géographique ou à la fonction de ces communes, ainsi qu'à une forme particulière de tourisme qui agit comme une force d'attraction sur la clientèle des casinos, ce qui entraîne la présence d'une infrastructure adaptée et d'un personnel compétent. » (Doc. parl., Sénat, 1997-1998, n° 1-419/4, p. 35) B.5.3. Il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que soutient la partie requérante, le législateur a tenu compte de considérations historiques pour déterminer les huit communes sur le territoire desquelles il autorise l'exploitation d'un casino, et qu'il a raisonnablement pu avoir égard à d'autres considérations tenant notamment à la rentabilité, à l'existence de l'infrastructure nécessaire et à celle d'un personnel compétent.

B.5.4. En ce qui concerne le choix de la neuvième commune, celle qui, pour des raisons d'équilibre sociologique et géographique, devait se situer dans la Région de Bruxelles-Capitale, le législateur a pu raisonnablement retenir un autre mode de choix que pour les huit communes expressément énumérées dans l'article 29 attaqué de la loi précitée dans la mesure où il ne pouvait, en l'occurrence, être fait référence, en ce qui concerne l'existence de casinos sur le territoire de cette Région, à des considérations historiques de même nature (B.5.2). En revanche, la Cour constate, ce que la partie requérante ne conteste d'ailleurs pas, que le législateur a retenu des critères objectifs sur la base desquels serait déterminée laquelle des dix-neuf communes bruxelloises serait retenue, prescrivant de surcroît que soient rendus des avis et que soient faites des études d'incidence afin d'éviter les effets particuliers non désirés par l'établissement d'un casino.

B.5.5. En ce qui concerne la critique selon laquelle les critères qui sont employés pour choisir la commune de la Région de Bruxelles-Capitale où un casino peut être exploité ne sont pas applicables en dehors de cette Région, il faut observer que, contrairement aux autres régions, aucun casino n'était jusqu'à présent exploité dans la Région de Bruxelles-Capitale.

Le législateur, qui a entendu limiter à neuf le nombre total de casinos en Belgique, pouvait, sans violer les articles 10 et 11 de la Constitution, fonder le choix des huit communes des deux autres régions sur la situation de fait, qui est le résultat d'une évolution historique, et faire dépendre d'autres critères la désignation de la commune de la Région de Bruxelles-Capitale, puisqu'aucun casino n'avait jusqu'à présent été exploité dans cette Région.

Le premier moyen n'est pas fondé.

Quant au second moyen B.6. Le second moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution combinés avec les articles 39, 43, 55, 81, 82 et 86 (ex-articles 48, 52, 66, 85, 86 et 90) du Traité C.E. L'article 29 attaqué établirait des discriminations prohibées par les articles précités du Traité C.E., parce qu'il interdirait à tous les citoyens de l'Union européenne de s'établir librement sur le territoire de la commune de la partie requérante pour y exploiter un casino et parce qu'il ferait naître des positions monopolistiques contraires aux articles 85 et 86 du Traité précité.

La partie requérante demande aussi qu'une question préjudicielle soit posée à la Cour européenne de justice de Luxembourg.

B.7. L'article 39 (ex-article 48) du Traité C.E. porte sur la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté. La Cour n'aperçoit pas en quoi la disposition entreprise - qui se borne à limiter à neuf le nombre de casinos pouvant être exploités en Belgique, à indiquer les communes où ceux-ci peuvent être exploités et à habiliter les administrations communales concernées à conclure les conventions de concession requises - porterait atteinte de manière directe ou indirecte aux droits garantis par cette disposition, en particulier l'interdiction de discrimination fondée sur la nationalité des travailleurs des Etats membres en ce qui concerne l'emploi, la rémunération et les autres conditions de travail.

Dès lors que la disposition entreprise n'implique nullement que les casinos en question ne puissent être exploités que par des Belges ou par des entreprises belges, l'on n'aperçoit pas davantage en quoi l'article 43 (ex-article 52) du Traité C.E., relatif au droit d'établissement, et l'article 55 (ex-article 66), relatif à la libre prestation des services, seraient violés.

Les articles 81 (ex-article 85) et 82 (ex-article 86) du Traité C.E., dans la mesure où ils visent des accords entre entreprises ou un comportement abusif d'une ou de plusieurs entreprises en position dominante, sont aussi entièrement étrangers au régime entrepris.

L'article 86 (ex-article 90) du Traité C.E., qui concerne les entreprises auxquelles sont accordés des droits spéciaux ou exclusifs, pourrait quant à lui s'appliquer en l'espèce, mais la partie requérante n'indiquant pas en quoi cette disposition, combinée avec les articles 10 et 11 de la Constitution, serait violée, le second moyen sous cet aspect est irrecevable.

Il n'y a donc pas lieu de poser une question préjudicielle à la Cour de justice des Communautés européennes.

B.8. Le moyen ne peut être accueilli.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi prononcé en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 20 septembre 2001, par le siège précité, dans lequel le juge émérite E. Cerexhe est remplacé, pour le prononcé, par le juge L. François, conformément à l'article 110 de la même loi.

Le greffier, Le président, L. Potoms M. Melchior

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