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Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 10 octobre 2001

Arrêt n° 109/2001 du 20 septembre 2001 Numéros du rôle : 1928, 1929, 1930, 1937 et 1940 En cause : les recours en annulation des articles 2, 19, 22, 24, 38, 50 et 58, alinéa 2, de la loi du 4 mai 1999 modifiant la loi du 25 ventôse an XI cont La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, des juges L. François, P. M(...)

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Arrêt n° 109/2001 du 20 septembre 2001 Numéros du rôle : 1928, 1929, 1930, 1937 et 1940 En cause : les recours en annulation des articles 2, 19, 22, 24, 38, 50 et 58, alinéa 2, de la loi du 4 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/05/1999 pub. 01/10/1999 numac 1999009663 source ministere de la justice Loi modifiant la loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat fermer modifiant la loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat, introduits par A. Aerts et autres.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, des juges L. François, P. Martens, R. Henneuse et E. De Groot, et, conformément à l'article 60bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, du président émérite H. Boel, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des recours Par requêtes adressées à la Cour par lettres recommandées à la poste les 29, 30, 31 mars et 3 avril 2000 et parvenues au greffe les 30, 31 mars, 3 et 4 avril 2000, des recours en annulation totale ou partielle ayant pour objet, selon le cas, les articles 2, 19, 22, 24, 38, 50 ou 58, alinéa 2, de la loi du 4 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/05/1999 pub. 01/10/1999 numac 1999009663 source ministere de la justice Loi modifiant la loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat fermer modifiant la loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat (publiée au Moniteur belge du 1er octobre 1999) ont été respectivement introduits par : 1. Affaire n° 1928 : A.Aerts, demeurant à 7110 Houdeng-Aimeries, chaussée du Pont du Sart 12; 2. Affaire n° 1929 : G.Hertogen, demeurant à 3510 Hasselt, Nachtegalenstraat 1, boîte 4; 3. Affaire n° 1930 : - J.-P. Lagae, demeurant à 1000 Bruxelles, rue Royale 55; - A. Philips, demeurant à 1081 Bruxelles, avenue de Jette 45/47; - la société civile ayant emprunté la forme d'une société privée à responsabilité limitée « Jean-Philippe Lagae, Notaire », dont le siège social est établi à 1000 Bruxelles, rue Royale 55; - la société civile ayant emprunté la forme d'une société privée à responsabilité limitée « André Philips, Notaire », dont le siège social est établi à 1081 Bruxelles, avenue de Jette 45/47; 4. Affaire n° 1937 : - S.Michel, demeurant à 1080 Bruxelles, boulevard Léopold II 92; - la société civile ayant emprunté la forme d'une société privée à responsabilité limitée « Stanislas Michel, Notaire », dont le siège social est établi à 1080 Bruxelles, boulevard Léopold II 92; 5. Affaire n° 1940 : T.Binard, demeurant à 7090 Braine-le-Comte, chemin du Gaillard 14.

II. La procédure Par ordonnances des 30 et 31 mars 2000 et des 3 et 4 avril 2000, le président en exercice a désigné les juges des sièges respectifs conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application dans ces affaires des articles 71 ou 72 de la loi organique.

Par ordonnances du 5 avril 2000 et du 24 mai 2000, la Cour a joint les affaires.

Les recours ont été notifiés conformément à l'article 76 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 26 mai 2000.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 3 juin 2000.

Des mémoires ont été introduits par : - F. Babusiaux, demeurant à 7130 Binche, avenue Charles Deliège 120, par lettre recommandée à la poste le 30 juin 2000; - S. Linker, demeurant à 6040 Jumet, chaussée de Gilly 65, et la société civile « S. Linker, notaire », dont le siège social est établi à 6040 Jumet, chaussée de Gilly 65, par lettre recommandée à la poste le 30 juin 2000; - E. Verbeeck, demeurant à 2000 Anvers, Britselei 44, par lettre recommandée à la poste le 3 juillet 2000; - le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 13 juillet 2000.

Ces mémoires ont été notifiés conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 18 janvier 2001.

Des mémoires en réponse ont été introduits par : - la partie requérante dans l'affaire n° 1929, par lettre recommandée à la poste le 5 février 2001; - E. Verbeeck, par lettre recommandée à la poste le 13 février 2001; - les parties requérantes dans l'affaire n° 1930, par lettre recommandée à la poste le 16 février 2001; - les parties requérantes dans l'affaire n° 1937, par lettre recommandée à la poste le 16 février 2001; - F. Babusiaux, par lettre recommandée à la poste le 16 février 2001; - S. Linker et la société civile « S. Linker, notaire », par lettre recommandée à la poste le 16 février 2001; - la partie requérante dans l'affaire n° 1928, par lettre recommandée à la poste le 19 février 2001; - le Conseil des ministres, par lettre recommandée à la poste le 19 février 2001.

Par ordonnances du 29 juin 2000 et du 28 février 2001, la Cour a prorogé respectivement jusqu'aux 29 mars 2001 et 29 septembre 2001 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.

Par ordonnance du 24 avril 2001, la Cour a déclaré les affaires en état et fixé l'audience au 16 mai 2001.

Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats, par lettres recommandées à la poste le 26 avril 2001.

A l'audience publique du 16 mai 2001 : - ont comparu : . Me N. Van Laer, avocat au barreau de Bruxelles, pour la partie requérante dans l'affaire n° 1928; . Me D. Goetry loco Me L. Brewaeys, avocats au barreau de Bruxelles, pour la partie requérante dans l'affaire n° 1929; . Me T. Frankin, avocat au barreau de Bruxelles, pour les parties requérantes dans les affaires nos 1930 et 1937, et pour F. Babusiaux, S. Linker et la société civile « S. Linker, notaire »; . T. Binard, en son nom propre; . E. Verbeeck, en son nom propre; - les juges-rapporteurs L. François et E. De Groot ont fait rapport; - les parties précitées ont été entendues; - les affaires ont été mises en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

III. En droit - A - Quant à l'intérêt aux recours et aux interventions Dans l'affaire n° 1928 A.1.1. Le requérant, notaire, a repris une étude auprès de laquelle le précédent titulaire, devenu notaire honoraire, continua à exercer des fonctions en tant que premier clerc, avant qu'un différend l'oppose au requérant. Conformément à la loi attaquée, le notaire honoraire a été désigné comme notaire suppléant dans une étude située à proximité de celle du requérant, ce dont celui-ci souffre à un double titre, sa clientèle étant partiellement détournée vers l'autre étude et sa candidature à la suppléance de l'étude vacante n'ayant pu être posée.

A.1.2. Indépendamment de cette situation particulière exposée à la seule fin de démontrer que les dispositions attaquées ont déjà emporté des conséquences défavorables, le requérant estime que ses qualités de notaire et de candidat potentiel à toute suppléance lui confèrent l'intérêt requis pour agir puisqu'il remplit la seule condition requise par l'article 64, § 1er, de la loi du 25 ventôse an XI et que cet article 64 ne lui permet pas de poser sa candidature pour une des études dont il conviendrait de suppléer le titulaire.

A.1.3. Le Conseil des ministres estime que les faits exposés par le requérant ne lui permettent pas de justifier de l'intérêt à agir devant la Cour puisqu'il s'agit d'un litige relevant des cours et tribunaux et que ces faits ne sont ni provoqués ni influencés par la loi attaquée, qui leur est postérieure. L'appréciation personnelle subjective du requérant - à savoir la rancoeur qu'il éprouve envers un autre notaire - ne constitue pas l'intérêt à demander l'annulation de cette loi.

Dans l'affaire n° 1929 A.2. Le requérant, titulaire d'une licence en droit et d'une licence en notariat, expose qu'il a occupé des fonctions de premier clerc dans une étude de notaire et que les candidatures qu'il a introduites en vue d'une nomination à des emplois vacants n'ont pas été retenues. Il a introduit au Conseil d'Etat un recours en annulation contre la nomination d'un autre notaire; il peut obtenir, sur la base de la disposition transitoire inscrite à l'article 51 de la loi, un certificat de stage; il ajoute en être titulaire dans son deuxième mémoire en réponse où il expose que, faute d'être actif dans le notariat proprement dit, il perd en fait la qualité de candidat-notaire.

Dans les affaires nos 1930 et 1937 A.3.1. Les requérants exposent qu'ils sont des notaires et des personnes morales constituées en vue de l'exercice de l'activité professionnelle du notaire concerné, à laquelle leur situation patrimoniale et leur viabilité économique sont directement liées. Tous sont directement et défavorablement atteints par des dispositions qui prévoient l'établissement d'une limite d'âge à la fonction notariale.

Les requérants notaires ajoutent qu'ils sont âgés respectivement de 52, 54 et 66 ans, nommés respectivement en 1982, 1977 et 1962 et qu'ils ont consenti et consentent encore des investissements importants pour leur établissement, la bibliothèque et l'informatisation de l'étude.

A.3.2. Mutatis mutandis, les intervenants Babusiaux et Linker justifient de la même manière leur intérêt à l'intervention.

A.3.3. Le Conseil des ministres estime que la loi n'affecte pas les activités des personnalités morales requérantes, qui disposent d'une personnalité juridique distincte de celle des deux premiers requérants.

A.3.4. Les requérants et les intervenants estiment que les personnes morales requérantes voient leurs choix économiques entravés par les dispositions attaquées, qui supposent une modification des règles comptables concernant les évaluations, les amortissements et les provisions et qui ont une incidence défavorable sur l'évaluation des actifs, sur la solvabilité des personnes morales, sur leur capacité à recourir à l'emprunt bancaire, en particulier lorsque, prêt d'atteindre l'âge limite, le notaire en exercice n'aura pas eu le temps d'organiser sa succession de manière optimale et que, faute d'information sur le successeur, la clientèle s'adressera ailleurs.

Dans l'affaire n° 1940 A.4. Le requérant expose qu'il est ancien candidat-notaire.

Quant au fond Dans l'affaire n° 1928 Quant au premier moyen A.5.1. Selon le requérant, les articles 63 et 64 de la loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat, dans la rédaction qui leur a été donnée par la loi du 4 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/05/1999 pub. 01/10/1999 numac 1999009663 source ministere de la justice Loi modifiant la loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat fermer « modifiant la loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat », violent les articles 10 et 11 de la Constitution combinés avec le principe général de droit imposant l'examen des titres et mérites des candidats à un emploi public, en ce qu'ils prévoient que la suppléance d'un notaire est assurée par une décision du président du tribunal de première instance statuant sur requête unilatérale signée par le notaire et par le candidat à la suppléance, alors que la collation des emplois publics se situe en dehors des tractations contractuelles et ne peut, par conséquent, résulter d'un accord entre le notaire démissionnaire et le candidat-notaire, et que l'examen des titres et mérites des candidats constitue une application particulière du principe d'égalité et de non-discrimination.

A.5.2. Le requérant estime que la loi ne permet pas au juge d'exercer le moindre pouvoir d'appréciation et ne permet pas qu'un autre candidat soit désigné, faute d'appel aux candidatures. Même lorsqu'en cas d'absence de requête ou de vacance, le président du tribunal est habilité à désigner un suppléant, la loi ne prévoit ni possibilité de candidature, ni information quant à la suppléance à pourvoir. Or, l'appel aux candidats permet seul la comparaison de leurs titres et mérites, le principe de cette comparaison trouvant son fondement dans le principe d'égalité.

A.5.3. La loi attaquée crée, selon le requérant, une différence de traitement entre, d'une part, le notaire (ou le candidat-notaire) proposé par le notaire à suppléer ou, dans la procédure subsidiaire, par le procureur du Roi ou la Chambre des notaires et, d'autre part, les notaires qui, faute d'être informés de la vacance et de pouvoir faire état de leurs titres et mérites, ne peuvent poser leur candidature.

A.5.4. Selon le requérant, cette différence de traitement ne se justifie pas au regard de l'objectif des dispositions attaquées puisque la continuité du service public qu'elles visent ne requiert pas une telle distinction. Celle-ci est, plus fondamentalement, contraire à l'objectif général de la réforme, qui vise notamment à élargir la pratique de la fonction notariale à un grand nombre de candidats. Or, le notaire qui bénéficie de la préférence critiquée ne rencontre peut-être pas les exigences d'aptitude qui constituent légalement un des objectifs de la réforme visant à mettre fin à l'hérédité de la fonction, de telle sorte que le système héréditaire resurgit à cette occasion.

A.5.5. Selon le requérant, la différence de traitement critiquée ne se fonde pas sur un critère objectif, la préférence donnée au candidat résultant du choix du notaire, du procureur du Roi ou de la Chambre des notaires. L'absence de publicité revêt un caractère disproportionné et la rupture d'égalité se traduit, en outre, par une inégalité sur le plan de la liberté de la concurrence et procure un avantage indu à celui qui a été désigné tant en ce qui concerne la possibilité de faire fructifier une clientèle dans une étude dans laquelle il n'a pas été désigné à titre définitif qu'en ce qui concerne l'expérience supplémentaire qu'il peut ainsi acquérir en vue d'une éventuelle désignation future en qualité de notaire.

A.5.6. Le Conseil des ministres rappelle que les lignes de force de la loi attaquée portent sur : - l'accès à la profession de notaire (objectivation de la nomination à la fonction de notaire et limite d'âge); - les statuts du candidat-notaire agréé et du notaire associé (amélioration de la qualité des prestations des études, élargissement de l'accès à la profession et augmentation de la disponibilité des notaires pour les citoyens); - la discipline (exercice meilleur et correct de la fonction); - les structures professionnelles (création de la Chambre nationale).

A.5.7. Il estime que les notaires et les notaires suppléants ne sont pas des catégories suffisamment comparables. L'activité exceptionnelle et temporaire que constitue la suppléance n'influe aucunement sur la procédure de nomination de candidats-notaires qui l'ont assumée. Il ne s'agit nullement d'un procédé contractuel et le procédé retenu - qui ne prévoit effectivement pas d'appel de candidatures et permet au notaire effectif concluant un accord avec le candidat suppléant de son choix de poursuivre sa désignation - répond à une situation exceptionnelle. La suppléance n'implique pas la cession de l'étude : le notaire effectif est appelé à en reprendre la gestion et le législateur a estimé que, lors de la désignation d'un suppléant, l'aspect du "remplacement" est plus important que la personne du candidat (ce dernier aspect étant, par contre, plus important pour une nomination définitive) et qu'il était légitime que le notaire qui est remplacé puisse manifester une préférence pour un candidat.

Le président du tribunal peut, quant à lui, désigner ou ne pas désigner le suppléant mais ne dispose pas du pouvoir discrétionnaire de désigner un autre suppléant : s'il ne désigne personne, le dossier sera renvoyé au notaire, qui peut éventuellement proposer un nouveau suppléant. En aucun cas, le président n'est lié par la convention conclue par le notaire et le candidat suppléant (celle-ci ne porte que sur la répartition des profits et des charges de la profession, conformément à l'article 64, § 2, alinéa 2, de la loi de ventôse), ni d'avantage par la proposition du notaire, ni par les avis du procureur du Roi et de la Chambre des notaires qui visent à la sauvegarde de l'intérêt général et de l'intérêt de la profession. Dès lors, le caractère exceptionnel de la suppléance, la durée déterminée de la suppléance, l'intérêt du notaire quant à la gestion de son étude lors de la période de suppléance, l'instruction du président du tribunal de première instance, du procureur du Roi, ainsi que de la Chambre des notaires, ne justifient pas qu'il soit procédé à un appel à des candidats, ni l'examen des titres et mérites des candidats.

A.5.8. Le Conseil des ministres estime aussi que cette situation est comparable à celle des magistrats suppléants, dispensés de l'examen d'aptitude professionnelle, dont l'arrêt n° 29/99 a admis la constitutionnalité. En l'espèce, il y a lieu de remarquer que le notaire suppléant doit remplir les mêmes conditions qu'un notaire effectif pour pouvoir être nommé : en effet, la seule distinction entre les deux réside dans le fait que le notaire suppléant n'est pas classé par la commission de nomination; cette distinction se justifie par l'intérêt des justiciables, lequel s'oppose à ce que la continuité de l'étude et du service public soit menacée par la procédure ordinaire, trop longue en cas d'empêchement inopiné et dès lors légitimement remplacée par celle prévue à l'article 38 dans le but, non pas de créer la possibilité de contourner la loi, mais, comme dans le cas des conseillers suppléants, de pourvoir à une tâche limitée dans le temps et de garantir ainsi la continuité du service public.

A.5.9. Le Conseil des ministres rappelle en outre que, si les notaires exercent une profession libérale, ils sont aussi des officiers ministériels, ce qui justifie la procédure en cause, visant à garantir la continuité du service public.

A.5.10. Il fait enfin valoir que la loi attaquée garantit aussi l'intérêt du notaire à suppléer (que le requérant semble ignorer) et que les droits des autres notaires ou candidats-notaires sont préservés dans le cas de la désignation du notaire successeur.

A.5.11. Le requérant réplique que l'argumentation du Conseil des ministres, réfutant une discrimination entre notaires et notaires suppléants, est dépourvue de pertinence puisque la discrimination dénoncée est faite entre, d'une part, les notaires candidats suppléants proposés par le notaire à suppléer ou le procureur du Roi ou encore la Chambre des notaires et, d'autre part, les autres notaires qui souhaiteraient obtenir une suppléance, mais qui ne peuvent faire acte de candidature.

Une procédure d'appel aux candidats ne menace nullement la continuité du service notarial puisque, au contraire, le président du tribunal qui refuserait le suppléant proposé par le notaire pourra trouver plus facilement un candidat compétent et ne sera pas tenu de renvoyer le dossier au notaire en chargeant celui-ci de lui proposer un autre suppléant. La procédure de nomination d'un notaire effectif doit elle-même garantir la continuité de l'étude et est pourtant bien plus longue que ce que requiert un appel aux candidats et un examen par le président du tribunal. Ceux-ci ne seraient de nature à porter atteinte ni aux intérêts des justiciables qui, en tout état de cause, ont la possibilité de s'adresser à un autre notaire du ressort concerné, ni à ceux du notaire à suppléer puisque ces intérêts doivent être pris en compte par le président du tribunal de première instance.

Quant au second moyen A.6.1. Dans un second moyen, pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, le requérant estime que le candidat qui n'a pu poser acte de candidature ne dispose d'aucun recours contre la désignation du notaire suppléant par le président du tribunal de première instance (que celui-ci agisse sur requête unilatérale ou sur proposition du procureur du Roi ou de la Chambre des notaires), ni devant les tribunaux de l'ordre judiciaire, ni devant le Conseil d'Etat, sans que l'objectif d'assurer la continuité du service public notarial le justifie. Or, la Cour a déjà décidé que l'absence de garantie juridictionnelle pour une catégorie d'agents, alors qu'elle est reconnue aux autres, est contraire au principe constitutionnel d'égalité et de non-discrimination.

A.6.2. Selon le requérant, la décision prise par le président du tribunal de première instance n'est pas susceptible de recours devant le Conseil d'Etat puisque cette mesure n'est pas l'oeuvre d'une autorité administrative au sens de l'article 14 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, contrairement, notamment, aux actes de nomination pris par le ministre de la Justice ou aux nominations à un emploi statutaire dans la fonction publique. Les notaires candidats à la suppléance sont donc placés dans une situation différente des notaires candidats à une nomination et des agents de la fonction publique.

A.6.3. Selon le requérant, les candidats à une suppléance ne peuvent davantage s'adresser aux juridictions judiciaires : la procédure de désignation par le président du tribunal de première instance étant en effet introduite par requête unilatérale, ces candidats ne peuvent s'opposer à la désignation de quelque manière que ce soit, sauf par la voie d'une procédure en tierce opposition qui, à la supposer recevable, n'a pas les effets d'un arrêt d'annulation du Conseil d'Etat puisque la décision ne vaut qu'entre parties.

A.6.4. Selon le Conseil des ministres, l'ordonnance du président du tribunal de première instance échappe à la compétence du Conseil d'Etat mais est susceptible de recours devant les juridictions judiciaires, s'agissant d'une ordonnance rendue sur requête unilatérale ouvrant aux tiers - dont le requérant, même s'il s'est, en l'espèce, abstenu d'agir - la possibilité d'y faire opposition. Or, la tierce opposition a les mêmes effets qu'un arrêt d'annulation puisque la décision faisant l'objet de la tierce opposition est présumée n'avoir jamais existé et que l'annulation a lieu à l'égard de toutes les parties (ce qui équivaut à un effet erga omnes) dans la mesure où l'exécution de la décision attaquée serait incompatible avec l'exécution de la décision d'annulation. Or, tel sera le cas si l'opposition est accueillie : il serait en effet impossible sur tierce opposition de maintenir un notaire comme notaire suppléant et, en même temps, d'annuler la décision qui l'a désigné; dans ce cas, l'ordonnance serait annulée à l'égard de tout le monde dès lors qu'elle serait intégralement rétractée et la suppléance n'aurait pas eu lieu, ce qui aurait été l'effet d'un recours en annulation devant le Conseil d'Etat.

A.6.5. A titre subsidiaire, le Conseil des ministres soutient que si la Cour estimait qu'aucun recours n'est ouvert aux intéressés - quod non -, la disposition attaquée ne violerait pas les articles 10 et 11 de la Constitution : les exigences de la continuité du service public et l'intérêt du notaire à suppléer ont pu permettre au législateur de juger qu'un examen de mérite des candidats suppléants n'était pas opportun et sont tels que le mécanisme de la suppléance repose sur des critères objectifs et pertinents qui sont en outre proportionnels au but poursuivi.

A.6.6. Selon le requérant, le recours à la tierce opposition n'est pas praticable, les articles 1033 et 1122 du Code judiciaire supposant qu'il ait un intérêt à la tierce opposition. Or, en matière d'emploi public, il est de jurisprudence constante qu'un tiers ne justifie de l'intérêt requis pour attaquer la nomination d'une personne que s'il remplit lui-même les conditions exigées pour être nommé et s'il a posé sa candidature à l'emploi litigieux. Tel ne serait pas le cas du requérant s'il introduisait une tierce opposition à l'encontre de la décision désignant un notaire suppléant. En effet, le requérant ne remplirait, par définition, pas la condition de présentation par le notaire à suppléer, le procureur du Roi ou la Chambre des notaires, exigée par les dispositions attaquées.

De plus, la tierce opposition n'a, selon l'article 1130, alinéa 1er, du même Code, d'effet qu'à l'égard du tiers opposant et non à l'égard des autres personnes, vis-à-vis desquelles le notaire suppléant peut valablement exercer sa mission. Le requérant ne retirerait donc aucun avantage de la tierce opposition puisqu'il ne retrouverait pas une chance d'être désigné pour exercer les fonctions à suppléer, contrairement à ce qui se passe à la suite d'un arrêt d'annulation du Conseil d'Etat.

Dans l'affaire n° 1929 A.7.1. Dans sa requête initiale, le requérant dirige trois moyens contre les articles 35, §§ 1er et 2, alinéa 1er, 37, §§ 1er et 3 (partim), 39, §§ 2, 3 (partim), 5 et 6 (partim), 41, § 1er, alinéa 1er, et 43, § 1er (partim), de la loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat, dans la rédaction qui leur a été donnée par la loi du 4 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/05/1999 pub. 01/10/1999 numac 1999009663 source ministere de la justice Loi modifiant la loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat fermer précitée.

A.7.2. Dans le premier moyen, il soutient que l'article 43, § 1er, nouveau, qui limite aux candidats-notaires - donc à ceux qui justifient de fonctions juridiques au sein du notariat - la possibilité d'être nommés notaires, est contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il les prive de la possibilité réelle d'être nommés notaires (tout en n'exerçant pas de fonction au sein du notariat) dont ils disposaient sous l'ancienne loi, et en ce qu'ils sont discriminés par rapport à ceux qui exercent une telle fonction.

A.8.1. Dans le deuxième moyen, il soutient que les dispositions attaquées violent les articles 10 et 11 de la Constitution combinés avec l'article 23, alinéa 3, 1°, de celle-ci et avec l'article 6.1 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels en ce qu'elles réservent la possibilité d'être nommé notaire à ceux exerçant une fonction au sein du notariat (les candidats-notaires), à l'exclusion de ceux travaillant dans le secteur des assurances, dans le secteur financier, au barreau, dans un bureau de l'enregistrement ou des hypothèques ou dans une université. Ceux appartenant à ces quatre dernières catégories ont la possibilité d'obtenir un certificat de stage, mais n'ont pas la possibilité d'être nommés directement notaires.

A.8.2. Le Conseil des ministres, répondant aux premier et second moyens, estime que le requérant ne prouve pas l'existence de deux catégories différentes; le législateur n'a pas créé, d'une part, la catégorie de juristes actifs dans le secteur du notariat et, d'autre part, la catégorie de ceux qui sont actifs dans les autres secteurs du droit, mais s'est limité à organiser le notariat en fonction des nécessités et des objectifs recherchés. Il s'agit incontestablement de situations différentes qui ne sont pas comparables.

Il soutient que le législateur n'a pas porté atteinte au choix des licenciés en notariat qui, souhaitant devenir notaire, doivent accomplir un stage afin d'obtenir un certificat de stage; ce stage doit être accompli dans une ou plusieurs études notariales (article 21) ou, pour une période maximale d'une année, dans une ou plusieurs études notariales situées à l'étranger, dans un bureau de l'enregistrement en Belgique, dans une conservation des hypothèques en Belgique, en qualité d'assistant auprès d'une faculté de droit d'une université ou au barreau. La loi attaquée visant à objectiver les nominations de notaire et à garantir l'aptitude des candidats, elle ne limite pas les options professionnelles des licenciés en notariat qui, s'ils souhaitent devenir notaires, devront cependant faire preuve de leur aptitude et devront se conformer aux principes et critères adoptés par le législateur.

A.9.1. Dans un troisième moyen, le requérant soutient que les dispositions attaquées, qui règlent une formation professionnelle sanctionnée par des examens, violent l'article 127, § 1er, 1° (matières culturelles) et 2° (enseignement), de la Constitution et l'article 4, 12° et 16°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles.

Il ajoute, dans son mémoire en réponse, que le législateur fédéral ne pouvait pas porter fondamentalement atteinte à un système dans lequel l'appréciation de la capacité professionnelle du notaire relevait des autorités académiques relevant elles-mêmes des communautés. La nouvelle loi prive de toute valeur le diplôme de candidat-notaire.

A.9.2. Selon le Conseil des ministres, la loi attaquée réforme l'organisation du notariat; elle n'organise ni l'enseignement, ni l'organisation des examens, ni l'accès à la profession moyennant la participation à des examens : le législateur a souhaité mieux organiser l'évaluation des candidats-notaires et a procédé à l'élaboration d'un système de classement des candidats les plus aptes en fonction de leurs capacités et de leurs aptitudes sur la base d'un concours; en aucune façon, il ne peut s'agir de tester les connaissances théoriques des candidats, l'obtention du diplôme de licencié en ayant déjà apporté la preuve.

A.9.3. Dans son second mémoire en réponse, le requérant estime que le Conseil des ministres n'a pas indiqué la ratio legis de la modification critiquée. L'on peut douter que des conditions de nomination plus sévères qui aboutissent à ce que les notaires jugent de l'accès au notariat correspondent à une nécessité dans une société démocratique et soient requises par l'intérêt de la population.

A.10.1. Dans sa requête complémentaire, le même requérant étend l'objet de sa requête aux articles 35, § 3, 3°, 38, § 2, 39, §§ 2 et 5, et 44, § 2, de la loi du 25 ventôse an XI précitée et à l'article 58, alinéa 2, de la loi du 4 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/05/1999 pub. 01/10/1999 numac 1999009663 source ministere de la justice Loi modifiant la loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat fermer précitée. Cette dernière disposition, qui permet de procéder à des nominations de notaires conformément aux dispositions anciennes lorsque les places ont été déclarées vacantes avant le 3 mai 1999, n'a été publiée au Moniteur belge que le 1er octobre 1999, de telle sorte que le requérant ne peut plus bénéficier de l'exception prévue par cette disposition et est discriminé par rapport à ceux qui ont pu ou ont été nommés aux places déclarées vacantes avant le 3 mai 1999. L'exception prévue doit avoir une portée générale, s'appliquer à tous les candidats intéressés et ne pas être fonction d'une date arbitraire. Le législateur doit en outre savoir qu'un délai assez long peut s'écouler entre la sanction et la promulgation d'une loi et sa publication au Moniteur belge.

A.10.2. Le Conseil des ministres estime que l'article 58, alinéa 2, attaqué n'enlève pas au requérant la possibilité de présenter sa candidature, mais prévoit que cette candidature doit être relative aux places déclarées vacantes au Moniteur belge avant le 3 mai 1999; cette date permet incontestablement de faire succéder la nouvelle organisation du notariat, régie par la loi du 4 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/05/1999 pub. 01/10/1999 numac 1999009663 source ministere de la justice Loi modifiant la loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat fermer, à l'ancienne; la publication de cette nouvelle loi n'affecte ni l'intention du législateur de ne pas créer d'hiatus entre les deux manières d'organiser le notariat ni la préoccupation de mettre en oeuvre sans délai les nouvelles dispositions légales.

Il ajoute que le moyen omet d'indiquer en quoi la Constitution serait violée et ne peut être retenu. Le requérant réplique à cet égard que le second moyen vise clairement les personnes qui, antérieurement, ont travaillé ailleurs que dans le secteur du notariat.

Dans les affaires nos 1930 et 1937.

A.11.1. Les requérants rappellent les rétroactes de la loi et indiquent que les dispositions relatives à la limite d'âge qu'ils attaquent concernent tout au plus des aspects réputés techniques.

Selon eux, le statut du notaire découle directement des exigences morales auxquelles il doit répondre et implique une indépendance dont découle une pratique libérale et à laquelle était rattachée l'inamovibilité et la nomination à vie.

A.11.2. Les notaires nommés - à vie - avant l'entrée en vigueur de la loi ont, selon les requérants, planifié en conséquence leur carrière et la gestion de leur entreprise. Une mise à la retraite obligatoire, inédite pour un titulaire de profession libérale, est un élément imprévisible qui n'est atténué que très légèrement par le régime transitoire et n'est compensé par aucun mécanisme d'indemnisation, alors qu'un tel mécanisme fut prévu à la révolution française (lors de la suppression des offices notariaux existants) et à l'entrée en vigueur du Code judiciaire (qui supprima la fonction des avoués) et alors que la mise en cause de la responsabilité aquilienne de l'Etat paraît aléatoire et que l'indemnisation sur la base de l'article 11 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat est exclue.

A.11.3. Les requérants indiquent que le contexte concurrentiel dans lequel s'exerce la pratique notariale et l'impératif de service public qui est le sien justifient la stabilité et la continuité de la présence notariale, dans le temps comme dans l'espace. Le secteur économique du notariat est important et permet à l'Etat une économie de moyens en contrepartie de laquelle des fonctions sont exercées dans le cadre d'une profession libérale indépendante. Celle-ci ne bénéficie d'aucun budget et d'aucun subside et le barème prévu pour les actes "publics" n'a plus été revalorisé depuis 1976. L'atteinte portée par la loi attaquée a provoqué, depuis plusieurs années déjà, un mouvement de démissions anticipées.

A.11.4. Selon les requérants, la mesure critiquée - qui permet d'atteindre l'objectif à peine exposé dans les travaux préparatoires d'ouvrir la profession (alors que d'autres dispositions le garantissent déjà de manière générale), au besoin en anticipant la libération de places déjà attribuées par mise à la retraite forcée - n'a pas été justifiée puisque la référence faite à une comparaison avec les pays connaissant un notariat de type latin ne repose pas sur des données fiables et que celle faite à une comparaison avec la magistrature est dépourvue de fondement, tant les situations sont distinctes : un magistrat atteint par la limite d'âge peut, contrairement à un notaire, trouver des activités complémentaires dans des fonctions similaires aux siennes, bénéficie d'une pension et n'a pas à se soucier d'amortissement, de plan d'investissement et de cession de son "entreprise". Or, estiment les requérants, les professions libérales sont moins fonction d'une aptitude physique que de la compétence intellectuelle, de l'expérience, de la confiance, sur lesquelles l'âge n'a pas d'incidence.

A.12.1. Dans un premier moyen, pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, considérés tant de façon autonome qu'en relation avec le principe général de l'intangibilité des situations individuelles acquises, avec l'article 23, alinéa 3, 1°, de la Constitution et avec l'article 6 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 19 décembre 1966, les requérants font valoir que les dispositions attaquées créent une discrimination entre les notaires en fonction lors de leur entrée en vigueur et les autres métiers indépendants pour lesquels, conformément à l'arrêté royal n° 67 du 10 novembre 1967, l'âge de la pension est libre. Or, la loi attaquée a confirmé le caractère indépendant de la fonction notariale. Les dispositions attaquées donnent en outre une signification à la notion de carrière complète qui diffère suivant qu'il s'agit de notaires ou d'autres professions indépendantes puisque cette carrière semble plus courte pour les premiers.

A.12.2. Dans leur mémoire en réponse, les requérants écrivent que les dispositions attaquées ne permettent plus aux notaires de disposer de la liberté de demander leur pension de retraite.

Or, comme l'indique la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, l'article 8 de la Convention protège le droit au respect de la vie privée, y compris dans le domaine social et professionnel, et l'article 1er du Premier Protocole additionnel protège le droit au respect des biens, sans limiter ce droit à la propriété des biens corporels. La discrimination en cause ne repose sur aucune justification figurant dans les motifs de la loi et constitue une ingérence dans le droit au respect des biens.

Quant à la comparabilité, les requérants observent que les travaux préparatoires comparent plusieurs fois les notaires aux indépendants.

S'il ne s'agissait pas de catégories comparables, l'on ne verrait pas pourquoi les notaires ne bénéficieraient pas du statut du fonctionnaire.

Ils relèvent enfin que le dernier plan pour l'emploi aboutit à encourager celle des tranches les plus âgées de la population belge.

A.12.3. Le Conseil des ministres estime que la situation des notaires n'est pas comparable à celle des indépendants, les requérants semblant perdre de vue que les premiers remplissent également une fonction publique, ce qui contraint le législateur à prévoir une organisation de la fonction différant substantiellement de l'organisation professionnelle des "indépendants".

Le législateur s'est fixé des objectifs rendant l'âge limite indispensable et a fixé ce dernier de manière raisonnable, en s'inspirant des exemples étrangers (70 ans en Allemagne, 72 ans au Luxembourg, 65 ans aux Pays-Bas et en France) et de celui fixé pour les magistrats. Dès lors qu'un des principes fondamentaux de la réforme consiste à assurer une plus grande ouverture de la profession, il est évident que l'âge limite est un moyen essentiel pour assurer cette ouverture : tant que le notaire désigné à vie pourra décider du jour de la cessation de ses activités, il rendra l'accès à l'office exclu pendant le temps qu'il déterminera seul.

A.13.1. Dans un second moyen, pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, considérés tant de façon autonome qu'en relation avec le principe général de l'intangibilité des situations individuelles acquises, avec l'article 23, alinéa 3, 1°, de la Constitution et avec l'article 6 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 19 décembre 1966, les requérants font valoir que tous les notaires doivent, une fois nommés, être dans les mêmes conditions d'exercice de leurs fonctions et que seuls les notaires nouvellement nommés pourront planifier leur carrière et les investissements nécessaires à leur entreprise en tenant compte d'une limite d'âge fixée à 67 ans, alors que la situation des notaires en fonction à l'entrée en vigueur de la loi du 4 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/05/1999 pub. 01/10/1999 numac 1999009663 source ministere de la justice Loi modifiant la loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat fermer est traitée, sans justification, de manière distincte de celle des notaires qui seront nommés sous son empire.

Selon les requérants, le long parcours qui mène à l'exercice d'une profession notariale et à l'établissement de celle-ci requiert la stabilité et une évolution prévisible dont sont privés les notaires nommés avant l'entrée en vigueur de la loi attaquée, alors qu'aucune justification ne se trouve dans les objectifs du législateur : les situations d'autres pays et celles des magistrats ne sont pas comparables et se révèlent simplificatrices et approximatives.

A.13.2. Le Conseil des ministres juge que la comparaison n'est pas pertinente, la thèse des requérants privant le législateur de toute possibilité d'instaurer un âge limite dans toute profession.

S'il est vrai que la loi attaquée modifie la situation des notaires nommés sous le régime de l'ancienne loi, elle contient des dispositions transitoires qui garantissent leur intérêt (article 50).

L'âge des requérants prive de toute crédibilité l'argument des conditions de leur vie professionnelle et de la gestion de leur « entreprise » car toute gestion raisonnable d'une activité économique est conditionnée par la durée normale de l'activité déployée et celle-ci est déterminée par la durée moyenne d'une carrière professionnelle. Or, à l'âge de 67 ans, les requérants auront été notaires 33 et 36 ans respectivement et auront une carrière professionnelle dans le notariat de 43 et 41 ans.

A.14.1. Dans un troisième moyen, pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, considérés tant de façon autonome qu'en relation avec le principe général de l'intangibilité des situations individuelles acquises, avec l'article 23, alinéa 3, 1°, de la Constitution et avec l'article 6 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 19 décembre 1966, les requérants font valoir que la loi attaquée crée une distinction injustifiée entre les différentes professions libérales, en ce que les conditions d'exercice de toutes les professions libérales sont l'objet de réglementations strictes destinées à rencontrer des impératifs d'intérêt général dans un même contexte concurrentiel, alors que seule la profession de notaire voit son exercice limité dans le temps par un âge de retraite obligatoire. Or, comme l'ont montré les travaux préparatoires, il s'agit pourtant de catégories comparables et la tendance actuelle est d'occuper les travailleurs plus tard qu'auparavant.

Les requérants font valoir que l'accès aux professions libérales n'est pas libre et se réalise après une longue période d'étude et de pratique professionnelle et que l'établissement d'une clientèle lui-même suppose aussi une longue période.

Selon eux, la différence de traitement n'est pas fondée : elle est peu motivée par l'objectif de la loi attaquée et la responsabilité professionnelle des notaires est un risque susceptible d'être assuré : il existe un mécanisme de garantie collective permettant d'indemniser la victime d'un notaire indélicat ou défaillant. En tout état de cause, le respect des dispositions légales, réglementaires et déontologiques offre d'importantes garanties pour le professionnalisme du notaire et l'exécution diligente de ses missions. De plus, les notaires sont placés sous l'autorité d'un ordre professionnel et d'autres titulaires de professions libérales ont des missions de la même importance (médecins, architectes, avocats) dont l'Etat reconnaît un monopole fonctionnel qui profite à l'intérêt général.

A.14.2. Le Conseil des ministres estime que la situation des notaires et celle des autres professions libérales ne sont pas comparables, les premiers ayant une fonction certes libérale mais essentiellement publique, comportant notamment l'établissement d'actes authentiques et contribuant à assouplir le pouvoir judiciaire de l'Etat, ce qui rend pertinente la comparaison avec les magistrats faite lors des travaux parlementaires puisque la sécurité juridique découle des actes établis par les notaires et des jugements rendus par les juridictions.

A.15.1. Dans un quatrième moyen, pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, considérés tant de façon autonome qu'en relation avec le principe général de l'intangibilité des situations individuelles acquises, avec l'article 23, alinéa 3, 1°, de la Constitution et avec l'article 6 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 19 décembre 1966, les requérants font valoir que la loi du 4 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/05/1999 pub. 01/10/1999 numac 1999009663 source ministere de la justice Loi modifiant la loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat fermer modifiant la loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat crée une distinction injustifiée entre les huissiers de justice, les avocats à la Cour de cassation et les notaires alors que ces professions s'exercent dans le cadre libéral ensuite d'une nomination de la part de l'autorité publique et qu'elles impliquent qu'un traitement similaire leur soit appliqué.

Les titulaires de ces trois professions doivent être nommés par arrêté royal permettant la vérification de conditions d'accès et leur nombre est limité; une limite d'âge n'est prévue que pour les notaires, par l'effet de la loi attaquée; or, cette différence de traitement n'est pas évoquée dans les travaux préparatoires alors que les conditions d'exercice des trois fonctions sont similaires.

A.15.2. Le Conseil des ministres estime qu'il s'agit encore de situations qui ne sont pas comparables. La seule similitude - tenant à ce qu'il s'agit d'une profession libérale dépendant d'une nomination du pouvoir exécutif - ne permet pas d'exiger un traitement statutaire équivalent. Il ajoute que les requérants restent en défaut de démontrer en quoi l'âge fixé pour les notaires impliquerait à lui seul un traitement qui ne serait pas équivalent au niveau du statut.

A.15.3. Les requérants jugent contradictoire la réponse du Conseil des ministres.

Ainsi, à l'occasion de la réfutation du troisième moyen, il est soutenu que la différence de traitement des titulaires de professions libérales et des notaires serait justifiée par la fonction publique qui caractérise la profession de notaire, tandis que, lors de la réfutation du quatrième moyen, l'on prétend que la situation des notaires ne serait pas comparable à celle des huissiers de justice.

Or, la profession d'huissier de justice se caractérise également par la fonction publique, que celui-ci exerce sa mission en authentifiant des actes ou des faits, en rédigeant des actes ou en tant que mandataire de justice, de sorte que l'on n'aperçoit pas ce qui justifierait que les huissiers de justice bénéficient d'un meilleur traitement que les notaires.

A.16.1. Dans leurs mémoires en intervention et leurs mémoires en réponse, les parties Babusiaux, Linker et la société civile ayant emprunté la forme d'une s.p.r.l. « Silvain Linker, notaire » soutiennent une argumentation identique à celle des requérants dans les affaires nos 1930 et 1937 pour postuler, comme ces derniers, l'annulation des articles 2 et 50 de la loi du 4 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/05/1999 pub. 01/10/1999 numac 1999009663 source ministere de la justice Loi modifiant la loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat fermer. Le requérant Babusiaux étend en outre cette demande à l'article 58, alinéa 2, de la même loi. Le Conseil des ministres répond en se référant au mémoire portant sur les recours en annulation.

A.16.2. Dans son mémoire en intervention, E. Verbeeck expose qu'il a été nommé notaire en 1966, à l'âge de 36 ans; il fait l'historique de l'étude, expose en quoi consiste la fonction de notaire et indique qu'il souhaite exercer son métier aussi longtemps qu'il lui sera possible de le faire convenablement et comme l'ont fait d'autres membres de sa famille. Le principe de la nomination à vie - aussi prévue par la loi sur la Cour d'arbitrage - était inscrit dans la loi sur le notariat; le législateur a prévu que la fonction de notaire serait exercée en tant que profession libérale, c'est-à-dire par des personnes qui, sans compter leur temps, sont au service des gens et qui sont entièrement responsables d'elles-mêmes, notamment sur le plan financier. Le notaire doit donc pouvoir se prévaloir de tout ce qui relève d'une profession libérale. Or, la limite d'âge a une influence négative sur l'exercice de son activité professionnelle, sa clientèle hésitant à s'adresser à quelqu'un qui serait démissionnaire.

Il ajoute, dans son mémoire en réponse, que l'expérience acquise par l'âge constitue un atout considérable, que le droit de travailler aussi longtemps qu'on le souhaite est un droit naturel dont il n'y a aucune raison de priver le notaire, que la comparaison avec la magistrature et avec les autres pays, faite dans les travaux préparatoires, est irrelevante et que les fonctions en cause ne doivent pas être nivelées par le bas. Si la Cour ne suivait pas les requérants, elle devrait au moins considérer que la durée de la période transitoire (trois ans) est trop brève et qu'elle serait moins dommageable si elle était portée à cinq ans.

A.16.3. Le Conseil des ministres observe que l'intervenant, qui omet d'indiquer les dispositions qu'il critique, perd de vue que le notaire est certes indépendant, mais avant tout titulaire d'une fonction publique. L'intérêt public auquel le notaire est chargé de veiller requiert une organisation professionnelle substantiellement différente de celle des indépendants. Le Conseil des ministres se réfère pour le surplus au mémoire portant sur les recours en annulation, en indiquant que, contrairement à ce que soutient l'intervenant, les clients continueront à s'adresser à un notaire qui serait démissionnaire, dont ils apprécieront l'expérience et dont l'étude et les collaborateurs continueront d'exister. L'intervenant oublie d'ailleurs que les clients sont souvent tenus par la loi de s'adresser au notaire.

Dans l'affaire n° 1940.

A.17.1. Le requérant fait valoir que les articles 19 et 24 de la loi du 4 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/05/1999 pub. 01/10/1999 numac 1999009663 source ministere de la justice Loi modifiant la loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat fermer modifiant respectivement les articles 35 et 43, § 1er, de la loi de ventôse limitent à ceux qui ont réussi le concours qu'ils prévoient la possibilité de porter le titre de candidat-notaire et, par conséquent, celle d'accéder à la profession de notaire. Ils vont à l'encontre des articles 10 et 11 de la Constitution.

A.17.2. Le Conseil des ministres estime que le recours est irrecevable, sinon dépourvu de fondement, le requérant omettant d'indiquer en quoi les articles 10 et 11 de la Constitution seraient violés. Il se réfère à titre subsidiaire à l'argumentation exposée dans l'affaire n° 1929. - B - Quant à l'objet des recours.

B.1.1. Les dispositions attaquées de la loi du 4 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/05/1999 pub. 01/10/1999 numac 1999009663 source ministere de la justice Loi modifiant la loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat fermer modifiant la loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat ont trait aux conditions d'accès à la fonction de notaire (affaires nos 1929 et 1940), aux conditions auxquelles la suppléance de fonctions notariales est assurée (affaire n° 1928) et à la limite d'âge imposée aux notaires (affaires nos 1930 et 1937).

B.1.2. Les dispositions attaquées dans les affaires nos 1929 et 1940 énoncent : «

Art. 19.L'article 35 de la même loi, modifié par la loi du 9 avril 1980, est remplacé par la disposition suivante : '

Art. 35.§ 1er. Chaque année, le Roi nomme un certain nombre de candidats-notaires. § 2. Après avoir recueilli l'avis de chaque commission de nomination pour le notariat, le Roi arrête chaque année le nombre, par rôle linguistique, de candidats-notaires à nommer. Ce nombre est fixé par le Roi en fonction du nombre des notaires titulaires à nommer, du nombre des notaires suppléants désignés, du nombre de lauréats des sessions précédentes qui ne sont pas encore associés ou nommés ainsi qu'en fonction du besoin en associés. Le nombre total ne peut excéder 60. Le rôle linguistique est déterminé par la langue du diplôme de licencié en notariat. L'arrêté royal visé à l'alinéa 1er ainsi qu'un appel aux candidats sont publiés chaque année au Moniteur belge. § 3. Pour pouvoir être nommé candidat-notaire, l'intéressé doit : 1° être Belge et jouir des droits civils et politiques;2° être porteur du certificat de stage prévu à l'article 36, § 4;3° figurer à la liste définitive visée à l'article 39, § 5, quatrième alinéa. § 4. Pour pouvoir exercer la fonction de notaire, le candidat-notaire doit, soit être nommé notaire titulaire conformément à l'article 45, soit s'associer avec un notaire titulaire conformément à l'article 52, § 2.' » Le recours dans l'affaire n° 1929 ne porte que sur l'article 35, § 1er, § 2, alinéa 1er, et § 3, 3°, nouveaux, de la loi du 25 ventôse an XI. «

Art. 22.Les articles 37 à 41 de la même loi, abrogés par la loi du 16 avril 1927, sont rétablis dans la rédaction suivante : '

Art. 37.§ 1er. Les stagiaires et les détenteurs d'un certificat de stage qui exercent à titre d'activité professionnelle principale une fonction juridique dans une étude notariale ou dans un organisme notarial, sont évalués tous les trois ans par une commission d'évaluation de la compagnie des notaires où ils exercent leur activité professionnelle. Une première évaluation s'effectue après une année de stage. Les personnes concernées peuvent également demander une évaluation chaque fois qu'il est mis fin au stage ou à l'activité professionnelle dans une étude notariale ou dans un organisme notarial. Toutefois, le détenteur d'un certificat de stage qui en exprime le souhait, ne doit plus être soumis à une évaluation. [...] § 3. La commission d'évaluation procède à l'évaluation après avoir entendu le maître de stage ou l'employeur ainsi que la personne évaluée. [...] [...]

Art. 38.[...] § 2. Chaque commission compte huit membres effectifs et huit membres suppléants, tous de nationalité belge.

La commission de nomination de langue néerlandaise est compétente pour : 1° le classement des candidats les plus aptes à une nomination de candidat-notaire, dont la langue du diplôme de licencié en notariat est le néerlandais;2° le classement des candidats à une nomination de notaire titulaire dont la résidence est située dans les provinces d'Anvers, de Limbourg, de Flandre occidentale, de Flandre orientale et de Brabant flamand;3° les plaintes de particuliers concernant les études notariales situées dans les arrondissements judiciaires, visés au 2°. La commission de nomination de langue française est compétente pour : 1° le classement des candidats les plus aptes à une nomination de candidat-notaire, dont la langue du diplôme de licencié en notariat est le français;2° le classement des candidats à une nomination de notaire titulaire dont la résidence est située dans les arrondissements judiciaires qui font partie des provinces de Hainaut, de Liège, de Luxembourg, de Namur et du Brabant wallon;3° les plaintes de particuliers concernant les études notariales situées dans les arrondissements judiciaires, visés au 2°. [...]

Art. 39.[...] § 2. Chaque candidat qui répond aux conditions de l'article 35, § 3, 1° et 2°, est renvoyé selon son rôle linguistique à l'une ou l'autre commission de nomination visée à l'article 38, § 1er. Chaque commission de nomination doit évaluer la connaissance, la maturité et les aptitudes pratiques des candidats, requises pour l'exercice de la fonction notariale, et classer les candidats les plus aptes en fonction de leurs capacités et de leurs aptitudes. Le classement est établi sur la base d'un concours qui comporte une épreuve écrite et une épreuve orale et sur la base d'un examen des avis. Seuls les candidats ayant obtenu au moins 60 % des points à l'épreuve écrite sont admis à l'épreuve orale. L'épreuve orale a lieu avant que les membres de la commission de nomination aient pu prendre connaissance des avis. Le candidat doit avoir obtenu au moins 50 % des points à l'épreuve orale.

La partie écrite et la partie orale entrent en compte dans une même proportion pour le résultat final du concours.

Le programme des épreuves écrites et orales est établi par les commissions de nomination réunies. Il est approuvé par le ministre de la Justice par arrêté ministériel publié au Moniteur belge. § 3. Dans les septante-cinq jours à dater de la publication au Moniteur belge de l'arrêté royal visé à l'article 35, § 2, alinéa 2, la commission de nomination convoque les candidats admis à l'épreuve orale. [...] [...] § 5. Dans les soixante jours qui suivent l'appel aux candidats pour l'épreuve orale, la commission de nomination établit un classement provisoire des candidats les plus aptes sur la base des résultats obtenus aux épreuves écrite et orale.

Le ministre de la Justice envoie les avis requis au président de la commission de nomination après que celle-ci lui ait transmis le classement provisoire.

La commission de nomination peut décider de réentendre l'intéressé qui a adressé ses observations, en application du § 4.

Après examen des avis, la commission de nomination établit un classement définitif des candidats et envoie la liste des candidats classés en vue de la nomination au ministre de la Justice ainsi qu'un procès-verbal motivé signé par le président et par le secrétaire de la commission de nomination concernée. La commission de nomination y joint également les dossiers des candidats classés. Le nombre de candidats classés ne peut dépasser le nombre de places de candidats-notaires à pourvoir, tel que repris dans l'arrêté royal qui a été publié au Moniteur belge, conformément à l'article 35, § 2, avec l'appel aux candidats pour le concours dont il s'agit. § 6. Dans le mois de la transmission de la liste définitive des candidats classés, le Roi nomme ceux-ci candidats-notaires. [...] [...]

Art. 41.§ 1er. Lorsqu'un candidat-notaire n'exerce plus son activité professionnelle principale dans une étude notariale depuis au moins six mois, la chambre des notaires procède à l'omission de son inscription au tableau visé à l'article 77. Le candidat-notaire peut néanmoins, pour des motifs sérieux, demander le maintien de son inscription au tableau. Le candidat-notaire est entendu. [...] ' » Cet article 22 de la loi du 4 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/05/1999 pub. 01/10/1999 numac 1999009663 source ministere de la justice Loi modifiant la loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat fermer n'est attaqué que dans la requête n° 1929. «

Art. 24.Les articles 43 et 44 de la même loi, abrogés par la loi du 15 juillet 1849, sont rétablis dans la rédaction suivante : '

Art. 43.§ 1er. Pour être nommé notaire, l'intéressé doit avoir été nommé candidat-notaire. Le candidat-notaire qui postule pour une résidence vacante doit, à peine de déchéance, poser sa candidature par lettre recommandée à la poste auprès du ministre de la Justice dans un délai d'un mois à dater de la publication au Moniteur belge de l'avis visé à l'article 32, alinéa 3. A cette lettre doivent être jointes les annexes déterminées par le Roi. § 2. Avant qu'il soit procédé à la nomination, le ministre de la Justice demande dans les quarante-cinq jours à dater de la publication au Moniteur belge de l'avis visé à l'article 32, alinéa 3, l'avis motivé écrit sur les candidats : 1° au procureur du Roi de l'arrondissement dans lequel le candidat est domicilié, en vue de vérifier s'il a encouru des condamnations ou s'il fait l'objet d'une enquête pénale;2° au comité d'avis des notaires de la province dans laquelle le candidat exerce ou a exercé en dernier lieu son activité professionnelle dans le notariat. Les instances qui ont été appelées à rendre un avis doivent transmettre, dans les nonante jours à dater de ladite publication au Moniteur belge, ces avis en double exemplaire au ministre de la Justice, ainsi qu'une copie, par lettre recommandée à la poste, aux candidats concernés. Une copie de la preuve de cet envoi recommandé est envoyée au ministre de la Justice.

Dans un délai de cent jours à dater de ladite publication au Moniteur belge ou au plus tard dans un délai de quinze jours à dater de la notification de l'avis, les candidats peuvent transmettre, par lettre recommandée à la poste, leurs observations à l'instance qui a rendu l'avis et au ministre de la Justice.

Art. 44.[...] § 2. La commission de nomination entend les candidats et établit ensuite une liste des trois candidats les plus aptes. Si la commission de nomination est amenée à rendre un avis sur moins de trois candidats, la liste se limite au seul ou aux deux seuls candidats.

Le classement est établi sur la base de critères relatifs à la capacité et à l'aptitude des candidats pour l'exercice de la fonction de notaire. [...] ' » Le recours n° 1929 porte sur l'article 43, § 1er, première phrase, et sur l'article 44, § 2; le recours n° 1940 porte sur l'article 43. « TITRE V. - Dispositions interprétatives et finales [...]

Art. 58.[...] Pour les places déclarées vacantes au Moniteur belge avant le 3 mai 1999, la nomination peut encore être effectuée sur la base des dispositions en vigueur avant l'approbation de la présente loi. [...]" Cette disposition n'est attaquée que dans l'affaire n° 1929.

B.1.3. Les dispositions attaquées dans l'affaire n° 1928 énoncent : «

Art. 38.Au titre II de la même loi, est insérée une section V, comprenant les articles 63 à 67 qui sont remplacés comme suit : ' Section V. - De la suppléance

Art. 63.Lorsqu'un notaire ou un notaire associé est empêché temporairement de remplir ses fonctions ou lorsqu'une place est vacante, les fonctions de notaire peuvent être assurées par un suppléant.

Art 64. § 1er. Le suppléant est choisi parmi les candidats-notaires et les notaires. § 2. Sur requête unilatérale signée par le notaire et par le candidat à la suppléance, le président du tribunal de première instance de l'arrondissement dans lequel le notaire a sa résidence, désigne le suppléant. Cette désignation est valable pour la durée déterminée par le président, après avoir sollicité les avis du procureur du Roi et de la chambre des notaires, sans que cette durée puisse toutefois dépasser deux ans. Cette période peut être renouvelée, par décision expressément motivée et sans que la durée totale de la désignation puisse dépasser quatre années.

Avant le dépôt de la requête en désignation, le notaire soumet à l'approbation de la chambre des notaires le texte de la convention à intervenir avec le candidat à la suppléance quant à la répartition des profits et des charges de l'exercice de la profession. La chambre des notaires peut subordonner son approbation à certaines modifications. § 3. A défaut d'une requête telle que visée au § 2, ainsi qu'en cas de vacance, le président du tribunal de première instance de l'arrondissement dans lequel le notaire a sa résidence, peut désigner un suppléant à la requête du procureur du Roi ou de la chambre des notaires. Selon le cas, l'avis du procureur du Roi ou de la chambre des notaires est requis.

Dans ces cas, le président du tribunal de première instance fixe la rémunération du suppléant, après avoir sollicité l'avis de la chambre des notaires. [...] ' » B.1.4. Les dispositions attaquées dans les affaires nos 1930 et 1937 énoncent : «

Art. 2.L'article 2 de la loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat est remplacé par la disposition suivante : '

Art. 2.Les notaires sont désignés jusqu'à l'âge de soixante-sept ans. Un an avant d'atteindre cette limite d'âge, ils sont considérés comme démissionnaires pour que la procédure visant à leur remplacement puisse être engagée.

Un notaire qui donne sa démission plus tôt est considéré comme démissionnaire à partir de l'acceptation de sa démission. Ce notaire démissionnaire peut, s'il y est autorisé, exercer sa fonction jusqu'à la prestation de serment de son successeur ou jusqu'à la notification de l'arrêté royal portant suppression de sa résidence. ' » « TITRE IV. - Dispositions transitoires [...]

Art. 50.Les notaires qui, à l'entrée en vigueur de la présente loi ont atteint l'âge de soixante-quatre ans, peuvent continuer à exercer leurs fonctions durant trois années à compter de cette entrée en vigueur. Ils sont réputés démissionnaires un an avant l'expiration de ce délai maximum. Ils peuvent continuer à exercer leurs fonctions jusqu'à la prestation de serment de leur successeur ou la notification de l'arrêté royal supprimant leur place. En outre, les notaires qui ont été nommés avant l'entrée en vigueur de la présente loi, et qui, à l'âge de 67 ans ne totalisent pas 30 ans de fonctions, pourront continuer à exercer leurs activités jusqu'à ce qu'ils comptent 30 ans de fonctions. Ils seront en tout cas tenus de cesser leurs activités dès qu'ils atteindront l'âge de 75 ans accomplis. » Quant à la recevabilité et à la portée des recours et des interventions.

Dans l'affaire n° 1928.

B.2.1. En sa qualité de notaire et de candidat potentiel à une fonction de notaire suppléant, le requérant justifie de l'intérêt requis pour demander l'annulation de dispositions qui régissent la désignation des suppléants à des fonctions de notaire. Il en va ainsi indépendamment du différend, antérieur à la loi attaquée, qui l'oppose à un autre notaire à propos d'une suppléance déterminée.

B.2.2. Aucun grief n'étant dirigé contre les articles 63 et 64, § 1er, précités, l'examen du recours est limité à l'article 64, §§ 2 et 3.

Dans l'affaire n° 1929.

B.2.3. Le requérant est licencié en droit et en notariat. Il justifie de l'intérêt requis pour demander l'annulation de dispositions régissant les conditions de nomination des notaires.

Dans les affaires nos 1930 et 1937.

B.2.4. Ceux des requérants dans les affaires nos 1930 et 1937 qui sont des notaires justifient de l'intérêt requis pour demander l'annulation de dispositions fixant l'âge auquel l'exercice d'une activité notariale doit prendre fin. Il en va de même des personnes morales requérantes dans les mêmes affaires, dès lors qu'elles sont des sociétés civiles (ayant emprunté la forme d'une société privée à responsabilité limitée) constituées en vue de l'exercice de l'activité professionnelle des notaires requérants.

B.2.5. Il en va de même des intervenants Babusiaux, E. Verbeeck, Linker et de la société civile ayant emprunté la forme d'une s.p.r.l. « Silvain Linker, notaire ».

Dans l'affaire n° 1940.

B.2.6. Le requérant, agissant en tant qu'ancien candidat-notaire, demande l'annulation de dispositions régissant les conditions de nomination des notaires. Il invoque une violation des articles 10 et 11 de la Constitution mais n'indique pas en quoi ces dispositions seraient violées par celles qu'il attaque. Son recours n'est pas recevable.

Quant au fond.

Dans l'affaire n° 1929 (conditions de nomination des notaires) B.3.1. Le requérant prend, dans sa requête initiale, deux moyens de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution et un moyen de la violation des règles répartissant les compétences entre l'Etat, les communautés et les régions.

B.3.2. Le moyen dénonçant une violation des règles répartitrices de compétences entre l'Etat, les communautés et les régions est examiné avant ceux dénonçant une violation du principe d'égalité et de non-discrimination.

B.3.3. Le requérant fait grief aux dispositions qu'il attaque de violer les articles 127, § 1er, 1° et 2°, de la Constitution et l'article 4, 12° et 16°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles.

B.3.4. Ces dispositions énoncent : «

Art. 127.§ 1er. Les Conseils de la Communauté française et de la Communauté flamande, chacun pour ce qui le concerne, règlent par décret : 1° les matières culturelles;2° l'enseignement, à l'exception;a) de la fixation du début et de la fin de l'obligation scolaire;b) des conditions minimales pour la délivrance des diplômes;c) du régime des pensions;». «

Art. 4.Les matières culturelles visées à l'article 59bis, § 2, 1° [actuellement l'article 127, § 1er, 2°] de la Constitution sont : [...] 12° la formation postscolaire et parascolaire; [...] 16° la reconversion et le recyclage professionnels, à l'exception des règles relatives à l'intervention dans les dépenses inhérentes à la sélection, la formation professionnelle et la réinstallation du personnel recruté par un employeur en vue de la création d'une entreprise, de l'extension ou de la reconversion de son entreprise;».

B.3.5. Le requérant n'expose pas et la Cour n'aperçoit pas en quoi les dispositions attaquées, réglant les conditions de nomination des notaires, relèveraient des matières culturelles. En tant qu'elle subordonne la nomination des notaires à un stage de trois ans, à la délivrance d'un certificat de stage, à la réussite d'un concours et à l'inscription sur la liste des candidats-notaires (articles 35, 37, 38, 39, 43 et 44 de la loi du 25 ventôse an XI attaqués), la loi du 4 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/05/1999 pub. 01/10/1999 numac 1999009663 source ministere de la justice Loi modifiant la loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat fermer règle l'accès à la profession de notaire et ne concerne ni la matière de l'enseignement au sens de l'article 127, § 1er, 2°, de la Constitution ni celle de la formation professionnelle au sens de l'article 4, 12° et 16°, de la loi spéciale précitée; elle ne prétend ni organiser l'enseignement ou la formation professionnelle préalable à la nomination ni même prescrire que cette nomination devrait être précédée d'un enseignement.

B.4.1. Le requérant prend un moyen de ce que les dispositions qu'il attaque créeraient une discrimination entre ceux qui exercent une fonction au sein du notariat et ceux qui n'en exercent pas, seuls les premiers disposant de la possibilité d'être nommé notaire alors que les seconds disposaient de cette possibilité également sous le régime de l'ancienne loi.

B.4.2. Contrairement à ce que soutient le Conseil des ministres, il s'agit là, à l'évidence, de catégories suffisamment comparables pour que la différence de traitement indiquée doive être justifiée.

B.4.3. Les dispositions attaquées remplacent un régime dans lequel un stage de trois ans était nécessaire pour être nommé notaire par un régime dans lequel la nomination est subordonnée à la réussite d'un concours après un stage de trois ans - dont au moins deux se passeront dans une ou plusieurs études notariales (article 36, § 1er, nouveau) - au cours duquel des évaluations sont réalisées. Ce régime procède du souci du législateur de renforcer le contrôle des stages, de garantir la compétence professionnelle des candidats, d'accueillir un nombre accru de candidats à la fonction notariale tout en rendant les conditions d'accès plus rigoureuses (Doc. parl., Chambre, 1997-1998, nos 1432/1 et 1433/1, pp. 6, 7 et 47, et 1432/19, p. 126; Sénat, 1998-1999, n° 1-1276/3, pp. 3 et 22).

En réservant la nomination à la fonction de notaire à ceux qui ont exercé leur activité professionnelle dans ce secteur et ont démontré qu'ils avaient les capacités requises, le législateur a pris une mesure qui est dans un rapport raisonnable avec l'objectif de garantir la qualité professionnelle des notaires. Contrairement à ce que soutient le requérant, de telles exigences ne peuvent être entendues comme limitant la possibilité qu'il revendique d'être nommé notaire, s'il est capable de bien remplir la fonction.

B.4.4. La comparaison de la situation qui était celle du requérant sous la loi ancienne avec celle que lui fait la loi nouvelle n'est pas pertinente : le contrôle de la compatibilité d'une norme avec les articles 10 et 11 de la Constitution suppose en effet la comparaison de la situation faite par cette norme à des personnes différentes et au même moment.

B.5.1. Le requérant prend un moyen de ce que les dispositions qu'il attaque créeraient une discrimination contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution combinés avec l'article 23, alinéa 3, 1°, de la Constitution et avec l'article 6.1 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels entre ceux qui exercent une fonction au sein du notariat et ceux qui en exercent une dans le secteur des assurances, dans le secteur financier, au barreau, dans un bureau de l'enregistrement, dans une conservation des hypothèques ou dans une université, seuls les premiers disposant de la possibilité d'être nommés notaires alors que les seconds ne peuvent obtenir qu'un certificat de stage et ne peuvent être nommés notaires directement.

B.5.2. L'article 36, § 1er, de la loi du 25 ventôse an XI, modifié par la loi du 4 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/05/1999 pub. 01/10/1999 numac 1999009663 source ministere de la justice Loi modifiant la loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat fermer attaquée, dispose : «

Art. 36.§ 1er. Pour obtenir un certificat de stage, l'intéressé doit accomplir à titre d'activité principale un stage d'au moins trois années entières dans une ou plusieurs études notariales. Le stage ne peut être interrompu que pour une durée maximale d'un an.

Sans préjudice des dispositions de l'alinéa qui précède, le stage peut également être accompli pour une durée maximale d'une année : 1° dans une ou plusieurs études notariales situées à l'étranger;2° dans un bureau de l'enregistrement en Belgique;3° dans une conservation des hypothèques en Belgique;4° en qualité d'assistant auprès d'une faculté de droit d'une université;5° au barreau.» En tant qu'il ne tient compte ni de la durée maximale d'une année fixée par cette disposition, ni des fonctions désignées par celle-ci, le moyen ne peut être accueilli. Il se confond, pour le surplus, avec le moyen auquel il a été répondu en B.4.

B.6.1. Dans sa requête complémentaire, le requérant reproche aux articles 35, § 3, 3°, 38, § 2, 39, §§ 2 et 5, et 44, § 2, de la loi du 25 ventôse an XI précitée et à l'article 58, alinéa 2, de la loi du 4 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/05/1999 pub. 01/10/1999 numac 1999009663 source ministere de la justice Loi modifiant la loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat fermer de créer une discrimination entre ceux qui ont posé leur candidature à une place déclarée vacante selon que la déclaration de vacance est antérieure ou non au 3 mai 1999, seuls les premiers ayant pu, conformément à l'article 58, alinéa 2, précité, être nommés notaires conformément à la loi ancienne. La date ainsi fixée est antérieure de près de cinq mois à la date de la publication, au Moniteur belge, de la loi attaquée (1er octobre 1999).

B.6.2. Le développement du moyen fait apparaître que l'examen de la Cour doit être limité à l'article 58, alinéa 2, de la loi du 4 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/05/1999 pub. 01/10/1999 numac 1999009663 source ministere de la justice Loi modifiant la loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat fermer.

B.6.3. La modification d'une loi implique nécessairement que la situation de ceux qui étaient soumis à la loi ancienne soit différente de la situation de ceux qui sont soumis à la loi nouvelle. Des mesures transitoires permettent d'atténuer cette différence mais les articles 10 et 11 de la Constitution ne requièrent pas, en principe, qu'une loi nouvelle en soit assortie ni que le bénéfice de telles mesures soit assuré entre la promulgation et la publication de la loi nouvelle au Moniteur belge.

B.6.4. En l'espèce, la différence de traitement n'est pas critiquable dès lors que la disposition en cause peut être justifiée par le souci d'éviter que des nominations puissent intervenir in extremis, pendant le délai nécessaire pour faire publier la loi au Moniteur belge.

Dans l'affaire n° 1928 (suppléance) B.7.1. Selon le requérant (premier moyen), les dispositions attaquées créent une différence de traitement entre, d'une part, ceux des notaires (et candidats-notaires) désignés par le président du tribunal de première instance pour exercer des fonctions de notaire à titre suppléant - que cette désignation résulte d'une requête unilatérale signée par le notaire et par le candidat à la suppléance ou d'une requête du procureur du Roi ou de la Chambre des notaires - et, d'autre part, les autres notaires, qui ne sont pas informés de la vacance et ne peuvent dès lors faire valoir leurs titres et mérites.

Selon le requérant, ces derniers seraient traités de manière discriminatoire au regard du principe général de droit imposant l'examen des titres et mérites des candidats à un emploi public.

B.7.2. Contrairement à ce que soutient le Conseil des ministres, il s'agit là, à l'évidence, de catégories suffisamment comparables pour que la différence de traitement indiquée doive être justifiée.

B.7.3. Le législateur, en se fixant les objectifs exposés en B.4.3, plus précisément en posant des conditions d'accès rigoureuses, n'a pas entendu porter atteinte à la conception selon laquelle la fonction notariale revêt un double aspect. Le notaire est certes un officier ministériel, auxiliaire de l'autorité, chargé de garantir la fiabilité des actes pour lesquels son intervention est requise; il n'est pas pour autant un agent des services publics puisqu'il est titulaire d'une profession libérale : le législateur a indiqué à cet égard que « les particuliers [voient] en lui, non un fonctionnaire sous autorité administrative auquel ils pourraient hésiter à se confier, mais un représentant de la société et de ses sensibilités, conseiller pleinement indépendant » (Doc. parl., Chambre, 1997-1998, nos 1432 et 1433/1, p. 4) et que le notaire doit « posséder les aptitudes requises dans le domaine social et de la communication » (ibid., n° 1432/19, p. 6); il a relevé, par ailleurs, que "[le] caractère libéral de la profession est en quelque sorte compensé par l'ample responsabilité individuelle assumée par le notaire et garantie par le patrimoine de son étude" (ibid., p. 25). Ces spécificités de la fonction notariale ne permettent pas de l'assimiler aux emplois civils et militaires visés par l'article 10 de la Constitution.

B.7.4. Le législateur a certes entendu que la nomination des notaires, aujourd'hui subordonnée à un stage et à une épreuve d'aptitude, soit fonction d'une comparaison des titres et des mérites des candidats.

Mais, s'agissant d'une suppléance - et non de la création ou de la cession d'une étude - qui est prévue lorsqu'un notaire est temporairement empêché ou lorsque l'étude est vacante (article 63) et dont le législateur limite la durée à deux ans, renouvelable une fois, l'on peut admettre que le notaire dont la suppléance doit être assurée (article 64, § 2), le procureur du Roi ou la Chambre des notaires (article 64, § 3) sont particulièrement bien placés pour apprécier quel est, en fonction des situations particulières qu'ils connaissent, des exigences de la fonction indiquées en B.7.3 et des exigences de l'intérêt général ou de l'intérêt de la profession, le candidat le plus apte à assurer cette suppléance; l'on peut admettre aussi qu'une procédure prévoyant l'examen des titres et mérites des candidats à un emploi public ne serait pas conforme à un principe d'efficacité supposant qu'il soit pourvu de manière rapide, eu égard aux exigences de la continuité du service public, à la suppléance d'un notaire qui viendrait à être empêché.

Lors des travaux préparatoires, le ministre a en outre déclaré, sans être contredit, qu'il est « légitime que le notaire qui est remplacé puisse manifester une préférence » (Doc. parl., Chambre, 1997-1998, n° 1439/19, p. 111). Les dispositions attaquées tendent ainsi à ménager l'intérêt d'un notaire déterminé, ce qui peut se justifier par la circonstance particulière que celui-ci, au terme de la suppléance, est appelé à reprendre la direction de son étude.

Quant à l'argument du requérant selon lequel le juge habilité à désigner le suppléant ne disposerait d'aucun pouvoir d'appréciation, il n'est pas fondé. Il a en effet été relevé, lors des mêmes travaux préparatoires, que « le président du tribunal peut, quant à lui, désigner ou ne pas désigner le suppléant. Il ne dispose pas du pouvoir discrétionnaire de désigner un autre suppléant. S'il ne désigne personne, le dossier est renvoyé au notaire, qui peut éventuellement proposer un nouveau suppléant » (idem, p. 111).

B.8.1. Dans son deuxième moyen, le requérant estime que les dispositions attaquées créent une discrimination entre le notaire (ou le candidat-notaire) qui ne dispose d'aucun recours contre la décision par laquelle le président du tribunal de première instance désigne un notaire suppléant, d'une part, et les notaires candidats à une nomination et les candidats à des emplois statutaires dans la fonction publique qui disposent d'un recours au Conseil d'Etat contre les actes des autorités administratives qui leur font grief, d'autre part.

B.8.2. Le défaut de recours spécifique n'implique pas que les décisions concernées ne puissent faire l'objet d'aucun recours juridictionnel. A supposer que le Conseil d'Etat se déclarerait incompétent pour connaître de recours en annulation dont elles feraient l'objet, la simple circonstance que les intéressés seraient privés de la possibilité d'obtenir l'annulation erga omnes de l'acte qui leur fait grief ne suffirait pas à établir qu'ils seraient discriminés. La décision présidentielle, faisant droit à une requête unilatérale, est en effet susceptible de tierce opposition (articles 1033 et 1122 du Code judiciaire) qui, si elle aboutit, est suffisamment comparable, en l'espèce, aux effets d'un arrêt d'annulation du Conseil d'Etat pour permettre à la disposition attaquée de résister au contrôle de constitutionnalité.

Dans les affaires nos 1930 et 1937 (limite d'âge).

B.9.1. Les requérants prennent deux moyens de ce que les dispositions qu'ils attaquent créeraient une discrimination contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution (combinés avec le principe général de l'intangibilité des situations individuelles acquises, avec l'article 23, alinéa 3, 1°, de la Constitution et avec l'article 6 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels) entre les notaires, d'une part, et les travailleurs indépendants (premier moyen) et les titulaires de professions libérales (troisième moyen), d'autre part, en ce que seule l'activité professionnelle des premiers est soumise à une limite d'âge, en l'espèce de 67 ans.

B.9.2. Contrairement à ce que soutient le Conseil des ministres, il s'agit là, à l'évidence, de catégories suffisamment comparables pour que la différence de traitement indiquée doive être justifiée.

B.9.3. S'il est vrai que le notaire est à la fois titulaire d'une profession libérale et officier ministériel (voy. B.7.3), il reste qu'il est soumis, en cette dernière qualité, à des règles dérogeant largement à celles applicables aux professions indépendantes et aux autres professions libérales : il appartient à l'autorité, notamment, de fixer le nombre des études notariales, de nommer les notaires et d'établir les tarifs des actes qu'ils dressent.

Le législateur, qui entend réformer les règles applicables aux titulaires d'une fonction dont l'une des caractéristiques essentielles est de garantir la fiabilité des actes et qui souhaite mettre la fonction à la portée, dans les faits, d'un plus grand nombre de candidats, est dès lors fondé à limiter dans le temps l'exercice de celle-ci afin d'éviter, notamment, que l'exercice de l'activité soit poursuivi à un âge où la santé risque de compromettre son efficacité.

Les travaux préparatoires des dispositions attaquées montrent d'ailleurs qu'il l'a fait en tenant compte, à la fois, de l'expérience d'autres pays, des dispositions applicables aux magistrats et de la pratique (Doc. parl., Chambre, 1997-1998, n° 1432/19, pp. 52 à 54, 150 et 151, et Sénat, 1998-1999, n° 1-1276/3, p. 5), de telle sorte que l'appréciation qui a été faite ne peut être jugée manifestement déraisonnable.

Quant à l'argument tiré de ce qu'une indemnisation aurait été accordée aux avoués dont la fonction fut supprimée par le Code judiciaire, il est d'autant moins fondé que la loi attaquée ne supprime pas la fonction de notaire.

B.10.1. Les requérants prennent un deuxième moyen de ce que les dispositions qu'ils attaquent créeraient une différence de traitement contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution (combinés avec le principe général de l'intangibilité des situations individuelles acquises, avec l'article 23, alinéa 3, 1°, de la Constitution et avec l'article 6 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels) entre les notaires, suivant qu'ils ont été nommés sous le régime de la loi ancienne ou sous le régime de la loi nouvelle, seuls les seconds ayant la possibilité de prévoir une évolution de leur carrière en fonction de la limite d'âge imposée par la loi attaquée.

B.10.2. Le législateur, soucieux d'éviter que les notaires atteints par la limite d'âge soient tenus de cesser leurs fonctions du jour au lendemain (Doc. parl., Chambre, 1997-1998, nos 1432/1 et 1433/1, p. 82), a tempéré la différence de traitement pouvant résulter du changement de législation en prévoyant des mesures transitoires qui bénéficient à ceux aux attentes légitimes desquels il a été porté atteinte : l'article 50 de la loi du 4 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/05/1999 pub. 01/10/1999 numac 1999009663 source ministere de la justice Loi modifiant la loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat fermer, attaqué, prévoit en effet des mesures en faveur des notaires qui ont atteint l'âge de 64 ans lors de l'entrée en vigueur de cette loi et de ceux qui, nommés avant celle-ci, ne totalisent pas 30 ans de fonctions à l'âge de 67 ans : il a été fait expressément référence, à l'occasion de l'adoption de cette disposition, à la situation des notaires qui devraient « faire face aux emprunts parfois élevés nécessaires à la reprise de leur charge et à la modernisation de leur étude » (Doc. parl., Sénat, 1998-1999, n° 1-1276/3, p. 68). Dans de telles conditions, la disposition attaquée ne peut être jugée discriminatoire.

B.11.1. Les requérants prennent un quatrième moyen de ce que les dispositions qu'ils attaquent créeraient une discrimination contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution (combinés avec le principe général de l'intangibilité des situations individuelles acquises, avec l'article 23, alinéa 3, 1°, de la Constitution et avec l'article 6 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels) entre les notaires, d'une part, les avocats à la Cour de cassation et les huissiers de justice, d'autre part, en ce que seule l'activité professionnelle des premiers est soumise à une limite d'âge, en l'espèce de 67 ans.

B.11.2. Bien que leur nomination réponde à des critères qui les distinguent des autres avocats, les avocats à la Cour de cassation ne se trouvent pas dans une situation essentiellement différente de celles des professions libérales auxquelles il a été fait référence en B.9.3. En tant qu'il vise les avocats à la Cour de cassation, le moyen n'est pas fondé pour les motifs qui y sont énoncés.

B.11.3. En ce qui concerne les huissiers de justice, le législateur a pu considérer qu'il n'était pas opportun, à l'heure actuelle, de prendre des mesures afin d'accueillir un nombre accru de candidats comme il entendait le faire pour la fonction notariale : il s'agit de fonctions essentiellement différentes, l'huissier de justice ayant pour mission principale, non d'élaborer des actes juridiques portant sur les matières pour lesquelles les notaires sont compétents, mais de prêter son concours à l'exécution du service public de la Justice. La circonstance qu'il y a de part et d'autre une profession libérale dont les titulaires sont nommés par le pouvoir exécutif ne requiert pas une équivalence des statuts.

B.12. Les requêtes ne tirent pas des autres dispositions constitutionnelles et des dispositions de droit international qu'elles invoquent d'autres arguments que ceux auxquels il a été répondu; ceux tirés de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et de l'article 1er du Premier Protocole additionnel à cette Convention ne sont pas recevables, dès lors qu'ils sont invoqués non pas dans les requêtes, mais dans les mémoires en réponse des requérants.

B.13. Les moyens ne sont pas fondés.

Par ces motifs, la Cour rejette les recours.

Ainsi prononcé en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 20 septembre 2001.

Le greffier, L. Potoms Le président, M. Melchior

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