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Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 04 décembre 2001

Arrêt n° 145/2001 du 20 novembre 2001 Numéros du rôle : 1971, 1972, 2006 et 2015 En cause : les recours en annulation de : - la division organique 11, programme 3, allocation de base 33.05, et de l'article 1 er , en tant qu'il por - la division organique 11, programme 3, allocation de base 33.05, et des articles 1 er e(...)

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COUR D'ARBITRAGE


Arrêt n° 145/2001 du 20 novembre 2001 Numéros du rôle : 1971, 1972, 2006 et 2015 En cause : les recours en annulation de : - la division organique 11, programme 3, allocation de base 33.05, et de l'article 1er, en tant qu'il porte sur cette allocation de base, du décret de la Communauté française du 17 juillet 1998 contenant le premier ajustement du budget général des dépenses de la Communauté française pour l'année budgétaire 1998; - la division organique 11, programme 3, allocation de base 33.05, et des articles 1er et 37, en tant qu'ils portent sur cette allocation de base, du décret de la Communauté française du 17 juillet 1998 contenant le budget général des dépenses de la Communauté française pour l'année budgétaire 1999; - la division organique 11, programme 3, allocation de base 33.05, et de l'article 1er, en tant qu'il porte sur cette allocation de base, du décret de la Communauté française du 30 novembre 1998 contenant le deuxième ajustement du budget général des dépenses de la Communauté française pour l'année budgétaire 1998; - la division organique 11, programme 3, allocation de base 33.05, et de l'article 1er, en tant qu'il porte sur cette allocation de base, du décret de la Communauté française du 23 décembre 1999 contenant l'ajustement du budget général des dépenses de la Communauté française pour l'année budgétaire 1999.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges L. François, P. Martens, R. Henneuse, M. Bossuyt, E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman et E. Derycke, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président A. Arts, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des recours a. Par requêtes adressées à la Cour par lettres recommandées à la poste les 24 et 25 mai 2000 et parvenues au greffe les 25 et 26 mai 2000, le président du Parlement flamand, Palais de la Nation, place de la Nation 2, 1011 Bruxelles, et le Gouvernement flamand, place des Martyrs 19, 1000 Bruxelles, ont introduit respectivement un recours en annulation : - de la division organique 11, programme 3, allocation de base 33.05, et de l'article 1er, en tant qu'il porte sur cette allocation de base, du décret de la Communauté française du 17 juillet 1998 contenant le premier ajustement du budget général des dépenses de la Communauté française pour l'année budgétaire 1998 (publié au Moniteur belge du 25 novembre 1999, deuxième édition); - et de la division organique 11, programme 3, allocation de base 33.05, et des articles 1er et 37, en tant qu'ils portent sur cette allocation de base, du décret de la Communauté française du 17 juillet 1998 contenant le budget général des dépenses de la Communauté française pour l'année budgétaire 1999 (publié au Moniteur belge du 12 janvier 2000, première édition).

Ces affaires sont inscrites sous les numéros 1971 et 1972 du rôle de la Cour. b. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 6 juillet 2000 et parvenue au greffe le 7 juillet 2000, le président du Parlement flamand a introduit un recours en annulation de la division organique 11, programme 3, allocation de base 33.05, et des articles 1er et 37, en tant qu'ils portent sur cette allocation de base, du décret de la Communauté française du 17 juillet 1998 contenant le budget général des dépenses de la Communauté française pour l'année budgétaire 1999 (publié au Moniteur belge du 12 janvier 2000, première édition).

Cette affaire est inscrite sous le numéro 2006 du rôle de la Cour. c. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 14 juillet 2000 et parvenue au greffe le 17 juillet 2000, le Gouvernement flamand a introduit un recours en annulation de : - la division organique 11, programme 3, allocation de base 33.05, et de l'article 1er, en tant qu'il porte sur cette allocation de base, du décret de la Communauté française du 30 novembre 1998 contenant le deuxième ajustement du budget général des dépenses de la Communauté française pour l'année budgétaire 1998 (publié au Moniteur belge du 11 mai 2000, première édition), - la division organique 11, programme 3, allocation de base 33.05, et de l'article 1er, en tant qu'il porte sur cette allocation de base, du décret de la Communauté française du 23 décembre 1999 contenant l'ajustement du budget général des dépenses de la Communauté française pour l'année budgétaire 1999 (publié au Moniteur belge du 18 mai 2000, deuxième édition).

Cette affaire est inscrite sous le numéro 2015 du rôle de la Cour.

II. La procédure a. Les affaires nos 1971 et 1972 Par ordonnance des 25 mai 2000 et 26 mai 2000, le président en exercice a désigné les juges des sièges respectifs conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage. Les juges-rapporteurs ont estimé qu'il n'y avait pas lieu de faire application dans ces affaires des articles 71 ou 72 de la loi organique.

Par ordonnance du 30 mai 2000, la Cour a joint les affaires.

Les recours ont été notifiés conformément à l'article 76 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 19 juin 2000.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 28 juin 2000.

Par ordonnance du 27 juillet 2000, le président en exercice a prorogé jusqu'au 15 septembre 2000 le délai pour l'introduction d'un mémoire, à la suite de la demande du Gouvernement de la Communauté française du 26 juillet 2000.

Cette ordonnance a été notifiée au Gouvernement de la Communauté française par lettre recommandée à la poste le 27 juillet 2000. b. L'affaire n° 2006 Par ordonnance du 7 juillet 2000, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage. Les juges-rapporteurs ont estimé qu'il n'y avait pas lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

Par ordonnance du 13 juillet 2000, la Cour a joint l'affaire n° 2006 et les affaires déjà jointes nos 1971 et 1972.

Le recours a été notifié conformément à l'article 76 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 16 août 2000.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 5 septembre 2000. c. L'affaire n° 2015 Par ordonnance du 17 juillet 2000, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage. Les juges-rapporteurs ont estimé qu'il n'y avait pas lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

Le recours a été notifié conformément à l'article 76 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 16 août 2000.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 5 septembre 2000.

Par ordonnance du 18 septembre 2000, le président en exercice a prorogé de 15 jours le délai pour l'introduction d'un mémoire, à la suite de la demande du Gouvernement de la Communauté française du 15 septembre 2000.

Cette ordonnance a été notifiée au Gouvernement de la Communauté française par lettre recommandée à la poste le 19 septembre 2000. d. Les affaires nos 1971, 1972, 2006 et 2015 Par ordonnance du 20 septembre 2000, la Cour a joint les affaires. Des mémoires ont été introduits par : - le président du Parlement flamand, par lettre recommandée à la poste le 13 juillet 2000; - le Gouvernement flamand, par lettre recommandée à la poste le 14 juillet 2000; - le Gouvernement de la Communauté française, place Surlet de Chokier 15-17, 1000 Bruxelles, par lettres recommandées à la poste le 15 septembre 2000 et le 13 octobre 2000.

Ces mémoires ont été notifiés conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 7 décembre 2000.

Des mémoires en réponse ont été introduits par : - le président du Parlement flamand, par lettre recommandée à la poste le 2 janvier 2001; - le Gouvernement flamand, par lettre recommandée à la poste le 2 janvier 2001.

Par ordonnances des 26 octobre 2000 et 26 avril 2001, la Cour a prorogé respectivement jusqu'aux 24 mai 2001 et 24 novembre 2001 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.

Par ordonnance du 13 juin 2001, le président H. Boel a soumis les affaires à la Cour réunie en séance plénière.

Par ordonnance du même jour, la Cour a déclaré les affaires en état et fixé l'audience au 12 juillet 2001.

Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats, par lettres recommandées à la poste le 14 juin 2001.

Par ordonnance du 4 juillet 2001, la Cour a remis les affaires à l'audience du 19 septembre 2001, à la suite de la demande du Gouvernement de la Communauté française du 27 juin 2001.

Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats, par lettres recommandées à la poste le 5 juillet 2001.

Par ordonnance du 19 septembre 2001, la Cour a remis les affaires à l'audience du 26 septembre 2001.

A l'audience publique du 26 septembre 2001 : - ont comparu : . Me R. Bützler et Me H. Geinger, avocats à la Cour de cassation, pour le président du Parlement flamand; . Me P. Van Orshoven, avocat au barreau de Bruxelles, pour le Gouvernement flamand; . Me A. Feyt loco Me M. Uyttendaele et Me N. Van Laer, avocats au barreau de Bruxelles, pour le Gouvernement de la Communauté française; - les juges-rapporteurs M. Bossuyt et J.-P. Moerman ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - les affaires ont été mises en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

III. En droit - A - Position du président du Parlement flamand A.1.1. Dans l'affaire n° 1971, le président du Parlement flamand dénonce la violation des règles répartitrices de compétences par les dispositions entreprises du décret du 17 juillet 1998 contenant le premier ajustement du budget général des dépenses de la Communauté française pour l'année budgétaire 1998. Dans l'affaire n° 2006, cette partie articule le même moyen contre le décret du 17 juillet 1998 contenant le budget général des dépenses de la Communauté française pour l'année budgétaire 1999.

A.1.2. Le moyen est pris de la violation des articles 4, 127, § 2, 128, § 2, et 129, § 2, de la Constitution.

Le président du Parlement flamand soutient que l'article 4 de la Constitution souligne sans équivoque l'importance accordée par le Constituant au principe de territorialité, en particulier lorsqu'on lit cette disposition conjointement avec les autres dispositions constitutionnelles précitées, en tant que critère de partage de la compétence des Conseils des Communautés française et flamande de régler par décret, chacun pour ce qui le concerne, les matières énumérées dans ces articles, c'est-à-dire la sphère d'application dans laquelle peuvent s'exercer les compétences des communautés comme il est précisé par la Cour dans son arrêt n° 26/90. Dans le même sens, la Cour a souligné à plusieurs reprises que les articles 127 à 129 de la Constitution ont déterminé une répartition exclusive de compétence territoriale, ce qui suppose que l'objet de toute norme adoptée par un législateur décrétal puisse être localisé dans le territoire de sa compétence, de sorte que toute relation et toute situation concrètes soient réglées par un seul législateur (arrêts nos 9, 10, 17 et 29).

A.1.3. Selon le président du Parlement flamand, la Cour reconnaît que le législateur décrétal peut, il est vrai, déterminer, dans le respect des dispositions constitutionnelles, le critère ou les critères en application desquels l'objet des normes qu'il adopte est localisé, selon lui, dans son aire de compétence, sans préjudice du contrôle que la Cour exerce sur les critères choisis. Ainsi qu'il est apparu lors de l'examen de la compétence concernant la réglementation de l'emploi des langues dans les relations sociales, la Cour opère ce contrôle de constitutionnalité au regard des dispositions qui attribuent la compétence matérielle et qui contiennent les éléments sur la base desquels la validité de ces critères peut s'apprécier. Les critères de localisation doivent permettre une réelle localisation, être cohérents avec la nature de la compétence matérielle et exclure toutes les situations qui sont localisées hors de l'aire de compétence territoriale de la communauté concernée.

A.1.4. La partie requérante rappelle l'arrêt n° 54/96 du 3 octobre 1996, dans lequel la Cour considère qu'il convient d'examiner en particulier si la disposition entreprise a pour objet la promotion de la culture par la Communauté française ou si elle a une autre finalité. La Cour a constaté à l'époque que la disposition entreprise permettait, entre autres, « de financer des associations francophones situées dans les communes périphériques, toutes situées dans la région de langue néerlandaise, et dans les communes de la frontière linguistique qui sont également situées dans cette région linguistique » (B.8.2) et que cette disposition « de par la définition de son champ d'application ratione loci, [...] ne peut pas être considérée comme visant la promotion de la culture par la Communauté française; elle s'analyse en revanche comme une mesure de protection de la minorité francophone établie dans ces communes » (B.8.2).

Afin de démontrer l'importance de l'affectation concrète du crédit attaqué, le président du Parlement flamand « souhaite rappeler que le conseil du Gouvernement de la Communauté française - à la demande expresse de la Cour lors d'audiences précédentes - a produit à la Cour les arrêtés dudit Gouvernement décidant de l'octroi et de l'affectation des subventions litigieuses ».

Pour la partie requérante, les dispositions présentement entreprises contiennent le même crédit que celui qui a été approuvé, alors que la finalité et l'affectation sont les mêmes. Elle demande à la Cour d'inviter à nouveau le Gouvernement de la Communauté française à produire les arrêtés en question.

A.1.5. Le président du Parlement flamand estime qu'il est impératif d'annuler les normes budgétaires entreprises étant donné que, comme dans les affaires antérieures, des indices suffisants établissent que l'intention d'utiliser les textes en cause pour permettre le subventionnement contesté est imputable au législateur décrétal lui-même. Il renvoie à cet égard à l'indéniable continuité - en dépit des adaptations purement formelles - entre le texte originaire du premier décret attaqué du 22 décembre 1994 et les dispositions décrétales présentement entreprises.

A.1.6. Dans son mémoire introduit dans l'affaire n° 1972, le président du Parlement flamand renvoie aux moyens d'annulation développés dans ses requêtes introduites dans les affaires nos 1971 et 2006.

Position du Gouvernement flamand A.2.1. Le Gouvernement flamand dénonce, dans un moyen unique, la violation des articles 127, § 2, et 175, alinéa 2, de la Constitution tant par les dispositions entreprises des décrets du 17 juillet 1998 contenant le premier ajustement du budget général des dépenses de la Communauté française pour l'année budgétaire 1998 et contenant le budget général des dépenses de la Communauté française pour l'année budgétaire 1999 (affaire n° 1972) que par le décret du 30 novembre 1998 contenant le deuxième ajustement du budget général des dépenses de la Communauté française pour l'année budgétaire 1998 et par le décret du 23 décembre 1999 contenant l'ajustement du budget général des dépenses de la Communauté française pour l'année budgétaire 1999 (affaire n° 2015).

A.2.2. Il soutient qu'aux termes de l'article 127, § 1er, alinéa 1er, 1°, de la Constitution, lu en combinaison avec l'article 175, alinéa 2, de la Constitution, la fixation des moyens financiers d'une politique culturelle relève de l'acte de régler les matières culturelles. Il observe que l'article 127, § 2, de la Constitution a déterminé une répartition exclusive de compétence territoriale, ce qui suppose que l'objet de toute norme adoptée par le législateur communautaire puisse être localisé dans le territoire pour lequel il est compétent.

Pour ce qui est de l'application de ces principes, le Gouvernement flamand renvoie à la jurisprudence de la Cour, et notamment à l'arrêt n° 54/96 du 3 octobre 1996, dans lequel la Cour a annulé, dans le décret de la Communauté française du 22 décembre 1994, la disposition visant à octroyer, pour l'année budgétaire 1995, un crédit de 10,5 millions de francs dans le cadre du programme « Aide aux associations francophones des communes à statut linguistique spécial », et ce pour cause de violation des articles 127, § 2, et 175 de la Constitution. A.2.3. Selon le Gouvernement flamand, les dispositions présentement entreprises sont aussi dictées par la volonté de financer des associations francophones dans les communes de la périphérie et dans les communes de la frontière linguistique situées dans la région de langue néerlandaise. Il est vrai que les dispositions budgétaires entreprises ne sont pas libellées de la même façon que les dispositions annulées par la Cour dans l'arrêt précité n° 54/96, en sorte qu'il y a lieu de rechercher l'objet réel desdites dispositions.

A cet égard, l'on peut présumer que le législateur décrétal se conforme aux règles répartitrices de compétences et qu'il ne se fixe pas unilatéralement pour but la protection d'une minorité linguistique, mais cette présomption n'est pas irréfragable : elle peut être démentie par la réalité. En l'espèce, à l'estime du Gouvernement flamand, des indices suffisants établissent que l'intention d'utiliser les textes en cause pour permettre le subventionnement contesté est imputable au législateur décrétal lui-même. La circonstance que le subventionnement a été exécuté ne constitue pas à elle seule un tel indice. Mais c'est bien cette intention qui apparaît des travaux préparatoires dont il ressort qu'une part indéterminée des crédits litigieux est destinée à la protection des minorités francophones dans les communes périphériques et les Fourons.

A.2.4. Dans son mémoire introduit dans l'affaire n° 2006, le Gouvernement flamand estime que le recours du président du Parlement flamand est fondé, ainsi qu'il ressort par ailleurs de son propre recours (affaire n° 1972) et demande d'annuler les dispositions entreprises.

Position du Gouvernement de la Communauté française A.3.1. Le Gouvernement de la Communauté française souligne que la Communauté française n'a pas défini la sphère d'application territoriale du décret litigieux. L'interprétation qui en est faite par les parties requérantes ne repose sur aucun élément contenu dans le texte des dispositions en cause. Lorsqu'un décret ne formule pas de critère de localisation, sa sphère d'application territoriale est régie par l'article 127, § 2, de la Constitution lui-même et le décret ne saurait violer cette disposition constitutionnelle.

A.3.2. Le Gouvernement de la Communauté française estime que les parties requérantes invoquent à tort l'arrêt n° 56/2000 de la Cour.

Selon le Gouvernement de la Communauté française, les travaux préparatoires des dispositions entreprises ne contiennent aucun élément permettant de confirmer que les crédits litigieux sont destinés à des associations des communes dites à facilités et il n'existe, en l'espèce, aucun indice permettant de renverser la présomption de conformité à la disposition constitutionnelle invoquée.

A.3.3. Le Gouvernement de la Communauté française soutient que le président du Parlement flamand demande à tort la production des arrêtés d'affectation afin de tenter de démontrer que les crédits litigieux sont destinés à des associations francophones situées en région de langue néerlandaise : en effet, la régularité d'un décret ne se mesure pas à l'aune de la régularité de ses arrêtés d'application.

Dans le débat devant la Cour, l'affectation concrète du crédit entrepris ne doit nullement être examinée. Seul le Conseil d'Etat est compétent pour connaître des actes et règlements des autorités administratives.

Réponse du président du Parlement flamand A.4.1. A la thèse du Gouvernement de la Communauté française selon laquelle les parties requérantes invoquent injustement l'arrêt n° 56/2000 de la Cour, le président du Parlement flamand répond que les décrets entrepris sont quasiment libellés de la même façon que ceux qui ont été annulés par cet arrêt. Il fait également référence à l'arrêt n° 22/98 du 10 mars 1998.

A.4.2. A la thèse du Gouvernement de la Communauté française selon laquelle les arrêtés d'exécution ne doivent pas être produits, le président du Parlement flamand réplique qu'il ne s'agit pas ici de la compétence du Conseil d'Etat pour contrôler les arrêtés au regard des textes législatifs, mais que les arrêtés d'exécution préciseront le but réel des dispositions budgétaires présentement entreprises, si la Cour devait avoir des doutes à ce sujet.

Réponse du Gouvernement flamand A.5. Selon le Gouvernement flamand, le Gouvernement de la Communauté française perd de vue qu'il s'agit en l'occurrence de crédits pour l'exercice budgétaire 1998 qui n'ont pas été institués par les dispositions décrétales présentement entreprises, mais par les dispositions du décret du 3 novembre 1997 qui ont été annulées par l'arrêt n° 56/2000. Les décrets présentement entrepris ont tout simplement confirmé ces crédits pour l'année budgétaire 1998 et les ont repris tels quels pour l'année budgétaire 1999, sans la moindre indication contraire.

Pour le surplus, selon le Gouvernement flamand, l'affectation des crédits entrepris pour l'année budgétaire 1998 ressort de l'exécution qui en a été faite, et qui n'a pas été mise à néant, par l'adoption d'au moins quatre arrêtés du Gouvernement de la Communauté française, tels qu'ils ont été déposés par le conseil du Gouvernement de la Communauté française à l'audience de la Cour du 29 mars 2000. La Communauté flamande a attaqué ces arrêtés devant le Conseil d'Etat.

Dans le cadre de cette procédure, le Gouvernement de la Communauté française ne soutient pas que les recours seraient sans objet, mais uniquement qu'il n'est pas prouvé que les subventions auraient pour but la protection de minorités en dehors de la région de langue française.

Pour ce qui est de l'année budgétaire 1999, le Gouvernement flamand estime qu'il « appartient au Gouvernement de la Communauté française de produire les preuves relatives à l'affectation des crédits budgétaires contestés. Il en ressortira incontestablement - comme d'un éventuel silence sur ce point de la part du Gouvernement de la Communauté française - que les subventionnements que la Cour d'arbitrage a, déjà à plusieurs reprises, jugés inconstitutionnels sont poursuivis sans restriction ». - B - B.1. Les recours tendent à l'annulation partielle des décrets de la Communauté française relatifs au budget général des dépenses respectivement pour les années 1998 (premier et deuxième ajustements) et 1999, en tant qu'ils prévoient des crédits pour des subventions allouées dans le cadre de l'information, de la promotion, du rayonnement de la langue française, de la culture française, de la Communauté française, de la démocratie et des droits de l'homme (article 1er et division organique 11, programme 3, allocation de base 33.05, des décrets de la Communauté française du 17 juillet 1998 et du 30 novembre 1998 contenant respectivement les premier et deuxième ajustements du budget général des dépenses de la Communauté française pour l'année budgétaire 1998, articles 1er et 37, division organique 11, programme 3, allocation de base 33.05, du décret de la Communauté française du 17 juillet 1998 contenant le budget général des dépenses de la Communauté française pour l'année budgétaire 1999 et article 1er et division organique 11, programme 3, allocation de base 33.05, du décret de la Communauté française du 23 décembre 1999 contenant l'ajustement du budget général des dépenses de la Communauté française pour l'année budgétaire 1999).

B.2. Dans un moyen unique, les parties requérantes font respectivement valoir que ces dispositions ont été adoptées en violation des articles 4, 127, § 2, 128, § 2, et 129, § 2, de la Constitution (président du Parlement flamand) et en violation des articles 127, § 2, et 175, alinéa 2, de la Constitution (Gouvernement flamand).

B.3.1. Par l'arrêt n° 54/96 du 3 octobre 1996, la Cour a annulé, pour cause de violation des articles 127, § 2, et 175, alinéa 2, de la Constitution, dans le décret de la Communauté française du 22 décembre 1994, la disposition qui visait à octroyer, pour l'année budgétaire 1995, un crédit de 10,5 millions de francs alloué dans le cadre du programme « Aide aux associations francophones des communes à statut linguistique spécial ».

B.3.2. Les éléments de la cause font apparaître la nécessité de rappeler que la Cour a, dans cet arrêt, considéré : « B.5. Aux termes de l'article 127, § 1er, alinéa 1er, 1°, de la Constitution, les Conseils de la Communauté française et de la Communauté flamande règlent par décret, chacun en ce qui le concerne, les matières culturelles.

De la lecture conjointe de cette disposition et de l'article 175, alinéa 2, de la Constitution, aux termes duquel les Conseils de la Communauté française et de la Communauté flamande règlent par décret, chacun en ce qui le concerne, l'affectation de leurs recettes, la fixation des moyens financiers d'une politique culturelle relève de l'acte de `régler' les matières culturelles.

B.6. En vertu de l'article 127, § 2, de la Constitution, les décrets qui règlent, notamment, les matières culturelles, ont `force de loi respectivement dans la région de langue française et dans la région de langue néerlandaise, ainsi qu'à l'égard des institutions établies dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale qui, en raison de leurs activités, doivent être considérées comme appartenant exclusivement à l'une ou à l'autre communauté'.

B.7.1. Dans le cadre de leur compétence en matière culturelle, les communautés peuvent prendre toute initiative pour la promotion de la culture et pour concrétiser le droit de chacun à l'épanouissement culturel défini à l'article 23, alinéa 3, 5°, de la Constitution.

Ce faisant, elles doivent avoir égard à la répartition exclusive de compétence territoriale que la Constitution établit, en Belgique, en matière culturelle (article 127, § 2, de la Constitution).

B.7.2. Cette délimitation ne signifie pas, en raison de la nature même de la promotion de la culture, que la compétence communautaire en cette matière cesse d'exister au seul motif que les initiatives prises peuvent produire des effets en dehors de la région qui, dans le domaine des matières culturelles, a été confiée aux soins de la communauté concernée conformément à l'article 127 de la Constitution.

Toutefois, ces effets extraterritoriaux potentiels des mesures de promotion de la culture ne peuvent contrarier la politique culturelle de l'autre communauté. La délimitation territoriale n'empêche pas davantage que chacun - indépendamment de la région linguistique où il se trouve - a le droit à l'épanouissement culturel qu'il choisit librement.

B.8.1. La question se pose néanmoins de déterminer si la disposition attaquée a pour objet la promotion de la culture par la Communauté française ou si elle a une autre finalité.

B.8.2. La première disposition budgétaire attaquée autorise le Gouvernement de la Communauté française à accorder une aide aux associations francophones des communes à statut linguistique spécial.

Telle qu'elle est conçue et rédigée, cette disposition permet, entre autres, de financer des associations francophones situées dans les communes périphériques, toutes situées dans la région de langue néerlandaise, et dans les communes de la frontière linguistique qui sont également situées dans cette région linguistique. Il s'agit de communes dans lesquelles l'article 129, § 2, de la Constitution reconnaît l'existence de minorités et pour lesquelles la législation contient des mesures de protection de ces minorités.

De par la définition de son champ d'application ratione loci, cette disposition ne peut pas être considérée comme visant la promotion de la culture par la Communauté française; elle s'analyse en revanche comme une mesure de protection de la minorité francophone établie dans ces communes.

B.9. Il appartient à chaque législateur, dans la limite de ses compétences, d'assurer la protection des minorités, garantie entre autres par l'article 27 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Ni la Constitution, ni les lois de réformes institutionnelles n'instituent les Communautés flamande, française et germanophone protectrices respectivement des néerlandophones, des francophones et des germanophones dans les régions linguistiques unilingues de Belgique dont la langue n'est pas la leur. Elles ne les autorisent pas à intervenir dans ces régions linguistiques, en ce domaine, de façon unilatérale ».

B.4. Les parties requérantes font valoir que les dispositions entreprises sont, elles aussi, dictées par la volonté de financer des associations francophones dans les communes de la périphérie et les communes de la frontière linguistique situées dans la région de langue néerlandaise.

Le Gouvernement de la Communauté française estime que les parties requérantes confèrent aux dispositions entreprises une portée qui ne trouve pas appui dans leur texte et qu'à défaut d'un critère de localisation quelconque, le champ d'application territorial est réglé par l'article 127, § 2, de la Constitution, en sorte que les dispositions susdites ne sauraient être contraires à cet article constitutionnel.

Quant aux dépenses relatives à l'année budgétaire 1998 B.5. Par son arrêt n° 56/2000, la Cour a annulé une disposition relative à un crédit de 12,5 millions de francs accordé, pour l'année budgétaire 1998, à titre de « subventions allouées dans le cadre de l'information, de la promotion, du rayonnement de la langue française, de la culture française, de la Communauté française, de la démocratie et des droits de l'homme ».

B.6. Cet arrêt était motivé par les considérations suivantes : « B.4.3. [...] La Cour doit rechercher l'objet réel des dispositions entreprises, qui sont rédigées en termes généraux.

B.5. Il ne peut être exigé du législateur décrétal qu'il rappelle expressément, dans chaque disposition, les règles répartitrices de compétences que les autorités d'exécution sont, autant que lui-même, censées respecter; il faut donc, même en cas de silence d'un décret d'une communauté sur ce point, présumer que le législateur décrétal se conforme auxdites règles répartitrices et, par conséquent, qu'il ne se fixe pas unilatéralement pour but la protection d'une minorité linguistique dans une région linguistique de Belgique dont la langue n'est pas celle de cette communauté.

B.6. Cette présomption n'est toutefois pas irréfragable. Elle peut être démentie par la réalité. En l'espèce, des indices suffisants établissent que l'intention d'utiliser les textes en cause pour permettre le subventionnement contesté est imputable au législateur décrétal lui-même. La circonstance que le subventionnement a été exécuté ne constitue pas à elle seule un tel indice. Mais c'est bien cette intention qui apparaît des travaux préparatoires dont il ressort qu'une part indéterminée des crédits litigieux est destinée à la protection des minorités de langue française dans les communes périphériques et les Fourons (Compte rendu intégral, Parlement de la Communauté française, 1996-1997, 8 juillet 1997, p. 47 et pp. 102 et suivantes, et ibid., 17 juillet 1997, pp. 123-124, et ibid., 1997-1998, 21 octobre 1997, p. 55, et 11 mars 1998, pp. 9-10). » B.7. Les dispositions présentement attaquées concernent également l'année budgétaire 1998 et elles accordent un crédit dont l'intitulé est le même que celui qui a été annulé par l'arrêt précité. Elles confirment, dans un premier ajustement, réalisé par le décret du 17 juillet 1998, le crédit initial de 12,5 millions de francs, auquel elles ajoutent un crédit supplémentaire de 4 millions de francs, tandis qu'un second ajustement, effectué par le décret du 30 novembre 1998, accorde des crédits supplémentaires qui portent le crédit total à 16,9 millions de francs.

B.8. Ces crédits - qui reprennent, en l'amplifiant, le crédit annulé de 12,5 millions de francs, sans indiquer qu'une autre affectation pourrait leur être donnée - participent, à l'évidence, de l'intention exprimée dans les documents parlementaires mentionnés dans l'arrêt n° 56/2000. Ils sont entachés de l'inconstitutionnalité constatée dans cet arrêt et doivent être annulés.

Quant aux dépenses relatives à l'année budgétaire 1999 B.9. Les dispositions attaquées relatives à l'année budgétaire 1999 accordent des crédits dont l'affectation est décrite dans les mêmes termes que ceux de l'année précédente. Ces crédits ont été accordés par un décret adopté le 17 juillet 1998, c'est-à-dire le même jour que le décret, relatif à l'année budgétaire 1998, qui a été examiné en B.5 à B.8. Cette coïncidence de date et l'absence de toute déclaration exprimant l'intention de donner à ces crédits une autre affectation que les crédits accordés pour l'année budgétaire 1998 indiquent qu'ils ont la même affectation que ceux de l'année budgétaire précédente.

B.10. Toutefois, ces crédits, dont le montant était initialement de 12 millions de francs dans le décret du 17 juillet 1998, ont fait l'objet, dans le décret du 23 décembre 1999, d'ajustements qui les ont augmentés de 4 et 7,1 millions, de telle sorte qu'ils atteignent au total 23,1 millions de francs. Les documents parlementaires contemporains de ces ajustements ne contiennent aucune déclaration expliquant les raisons de ces augmentations. Il ne peut être considéré en l'espèce que ces crédits sont destinés, en totalité, à des fins inconstitutionnelles. Les dispositions relatives à ces crédits doivent donc être annulées dans la mesure où ils sont destinés à des associations ayant pour objet de soutenir des francophones dans des communes à statut linguistique spécial situées dans la région de langue néerlandaise.

Par ces motifs, la Cour 1. annule : - la division organique 11, programme 3, allocation de base 33.05, et l'article 1er, en tant qu'il porte sur cette allocation de base, du décret de la Communauté française du 17 juillet 1998 contenant le premier ajustement du budget général des dépenses de la Communauté française pour l'année budgétaire 1998; - la division organique 11, programme 3, allocation de base 33.05, et l'article 1er, en tant qu'il porte sur cette allocation de base, du décret de la Communauté française du 30 novembre 1998 contenant le deuxième ajustement du budget général des dépenses de la Communauté française pour l'année budgétaire 1998; 2. annule, dans la mesure où ils sont destinés à des associations ayant pour objet de soutenir des francophones dans des communes à statut linguistique spécial situées dans la région de langue néerlandaise : - la division organique 11, programme 3, allocation de base 33.05, et les articles 1er et 37, en tant qu'ils portent sur cette allocation de base, du décret de la Communauté française du 17 juillet 1998 contenant le budget général des dépenses de la Communauté française pour l'année budgétaire 1999; - la division organique 11, programme 3, allocation de base 33.05, et l'article 1er, en tant qu'il porte sur cette allocation de base, du décret de la Communauté française du 23 décembre 1999 contenant l'ajustement du budget général des dépenses de la Communauté française pour l'année budgétaire 1999.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 20 novembre 2001.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, A. Arts.

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