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Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 12 décembre 2002

Arrêt n° 169/2002 du 27 novembre 2002 Numéro du rôle : 2206 En cause : le recours en annulation des articles 70, 71 et 72 de la loi du 2 janvier 2001 portant des dispositions sociales, budgétaires et diverses, introduit par l'a.s.b.l. Ligue La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges L. François, P(...)

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COUR D'ARBITRAGE


Arrêt n° 169/2002 du 27 novembre 2002 Numéro du rôle : 2206 En cause : le recours en annulation des articles 70, 71 et 72 de la loi du 2 janvier 2001Documents pertinents retrouvés type loi prom. 02/01/2001 pub. 03/01/2001 numac 2000003794 source ministere des finances Loi portant des dispositions sociales, budgétaires et diverses fermer portant des dispositions sociales, budgétaires et diverses, introduit par l'a.s.b.l. Ligue des droits de l'homme.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges L. François, P. Martens, R. Henneuse, M. Bossuyt, E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman et E. Derycke, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 29 juin 2001 et parvenue au greffe le 2 juillet 2001, un recours en annulation des articles 70, 71 et 72 de la loi du 2 janvier 2001Documents pertinents retrouvés type loi prom. 02/01/2001 pub. 03/01/2001 numac 2000003794 source ministere des finances Loi portant des dispositions sociales, budgétaires et diverses fermer portant des dispositions sociales, budgétaires et diverses (publiée au Moniteur belge du 3 janvier 2001, deuxième édition) a été introduit par l'a.s.b.l. Ligue des droits de l'homme, dont le siège social est établi à 1000 Bruxelles, rue de l'Enseignement 91.

II. La procédure Par ordonnance du 2 juillet 2001, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Les juges-rapporteurs ont estimé qu'il n'y avait pas lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

Le recours a été notifié conformément à l'article 76 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 11 septembre 2001.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 18 septembre 2001.

Par ordonnance du 26 septembre 2001, la Cour a complété le siège par le juge E. Derycke.

Le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles, a introduit un mémoire, par lettre recommandée à la poste le 26 octobre 2001.

Ce mémoire a été notifié conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettre recommandée à la poste le 9 novembre 2001.

La partie requérante a introduit un mémoire en réponse, par lettre recommandée à la poste le 12 décembre 2001.

Par ordonnances des 29 novembre 2001 et 30 mai 2002, la Cour a prorogé respectivement jusqu'aux 29 juin 2002 et 29 décembre 2002 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.

Par ordonnance du 3 juillet 2002, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 25 septembre 2002.

Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats, par lettres recommandées à la poste le 4 juillet 2002.

Par ordonnance du 3 juillet 2002, le président M. Melchior a soumis l'affaire à la Cour réunie en séance plénière.

A l'audience publique du 25 septembre 2002 : - ont comparu : . Me M. Kaiser, avocat au barreau de Bruxelles, et Me S. Sarolea, avocat au barreau de Nivelles, pour la partie requérante; . Me N. Van Laer, avocat au barreau de Bruxelles, pour le Conseil des ministres; - les juges-rapporteurs R. Henneuse et E. Derycke ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - l'affaire a été mise en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

III. En droit - A - Quant au premier moyen La requête A.1.1. Après avoir exposé son intérêt à agir, l'évolution législative intervenue en matière d'aide sociale des étrangers et plusieurs arrêts (nos 51/94, 43/98, 25/99 et 80/99, 57/2000 et 17/2001) prononcés par la Cour en la matière, la requérante invoque un premier moyen, pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec l'article 23, alinéa 3, 2°, de la Constitution.

En ce que les dispositions en cause, pour deux catégories de candidats-réfugiés, remplacent par une aide sociale en nature l'aide sociale en espèces dont ils bénéficiaient antérieurement, elles les privent de façon discriminatoire de l'effet de standstill dont est assorti le droit à l'aide sociale garanti par l'article 23, alinéa 3, 2°, de la Constitution.

A.1.2. Commentant ensuite la portée de cette obligation de standstill, la requérante qualifie cette portée de très large, à la fois en ce qui concerne ses destinataires, son contenu - toute régression quantitative étant interdite - comme en ce qui concerne l'intensité de la protection conférée - interdisant toute exception ou « arbitrage de proportionnalité ».

A.1.3. La requérante compare ensuite la situation résultant des dispositions attaquées avec celle existant lors de l'entrée en vigueur de l'article 23 de la Constitution, en concluant à une réduction, par l'effet desdites dispositions, du niveau de protection. En imposant désormais, pour les seuls candidats-réfugiés visés à l'article 71 de la loi du 2 janvier 2001Documents pertinents retrouvés type loi prom. 02/01/2001 pub. 03/01/2001 numac 2000003794 source ministere des finances Loi portant des dispositions sociales, budgétaires et diverses fermer, l'octroi de l'aide sociale à la fois en nature et dans un centre - et non plus dans un C.P.A.S. -, les dispositions en cause induisent une « régression manifeste » par rapport à la situation antérieure, en particulier en ce qu'elle permettait à ces candidats de recevoir l'aide sociale en espèces.

Position du Conseil des ministres A.2.1. Après avoir observé que les moyens d'annulation soulevés par la requérante portent sur le seul article 71 de la loi du 2 janvier 2001Documents pertinents retrouvés type loi prom. 02/01/2001 pub. 03/01/2001 numac 2000003794 source ministere des finances Loi portant des dispositions sociales, budgétaires et diverses fermer - le recours devant dès lors être déclaré irrecevable en ce qui concerne les deux autres dispositions de cette loi qui sont attaquées -, le Conseil des ministres, s'agissant du premier moyen, expose tout d'abord que l'article 71, en distinguant les candidats-réfugiés dont la demande a déjà été jugée recevable de ceux pour lequel ce n'est pas le cas, se borne à reprendre, en la généralisant, une distinction déjà opérée par l'article 54, § 3, de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer, lequel prévoyait la désignation d'un lieu obligatoire d'inscription pour les seuls candidats dont la demande n'avait pas encore été jugée recevable. Il n'y aurait donc pas de modification défavorable de la situation de ces candidats, d'autant plus que le ministre peut, dans des circonstances exceptionnelles, déroger à l'obligation d'être inscrit dans un centre. En toute hypothèse, si discrimination il y a, elle trouverait sa source dans cet article 54, lequel ne peut plus être contrôlé par la Cour au contentieux de l'annulation.

A.2.2. Abordant ensuite le fond, le Conseil des ministres expose, travaux préparatoires à l'appui, les motifs ayant conduit le législateur à imposer à cette catégorie de réfugiés l'accueil par des centres : le souci de décharger les C.P.A.S. en leur réservant l'aide aux seuls candidats-réfugiés dont la demande a été jugée recevable et la protection de candidats récemment arrivés en Belgique contre un risque d'exploitation; il est par ailleurs précisé que cet accueil obligatoire dans les centres ne concerne pas les demandes déjà en cours lors de l'entrée en vigueur de l'article 71 en cause.

Réponse de la requérante A.3. Après avoir objecté au Conseil des ministres que le recours porte également sur l'article 70 de la loi du 2 janvier 2001Documents pertinents retrouvés type loi prom. 02/01/2001 pub. 03/01/2001 numac 2000003794 source ministere des finances Loi portant des dispositions sociales, budgétaires et diverses fermer, lequel est de toute façon indissolublement lié à l'article 71 de cette loi, la requérante confirme, par la reprise d'extraits de sa requête, que le premier moyen est bien pris de la combinaison de l'article 23 de la Constitution avec ses articles 10 et 11. Par ailleurs, après avoir relevé que le recul qualitatif serait reconnu « implicitement et explicitement par le Conseil des ministres » et que la violation de l'effet de standstill implique le caractère injustifiable de la différence de traitement au regard du principe d'égalité, la requérante conteste chacune des justifications avancées par le Conseil des ministres (cf. A.2). L'objectif réel des dispositions en cause consisterait à instituer « une législation épouvantail ' afin de limiter le nombre de demandes d'asile ».

Quant au deuxième moyen A.4.1. Le deuxième moyen est pris de la violation des articles 10, 11, 12 et 23 de la Constitution, de l'article 2 du Protocole additionnel n° 4 à la Convention européenne des droits de l'homme, de l'article 12 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ainsi que de l'article 8 de la Convention précitée. En étendant les hypothèses dans lesquelles l'aide sociale est octroyée en nature dans un centre ouvert ainsi que la durée de séjour dans ce type de centre, les dispositions en cause portent atteinte au droit au respect de la dignité humaine protégé par l'article 23 de la Constitution ainsi qu'à plusieurs droits fondamentaux, trois de ceux-ci étant développés dans le cadre de chacune des trois branches de ce deuxième moyen.

A.4.2. A titre principal, le Conseil des ministres estime globalement irrecevable le deuxième moyen - dès lors qu'il ne précise pas les catégories auxquelles sont comparés les candidats-réfugiés concernés et invite la Cour « à contrôler la régularité de la disposition querellée au regard de normes internationales et non au regard des articles 10 et 11 de la Constitution ». Il répond ensuite toutefois, à titre subsidiaire, à chacune des trois branches de ce moyen.

A.4.3. La partie requérante réplique, d'une part, que les personnes avec lesquelles une comparaison est opérée sont celles, y compris de nationalité étrangère, auxquelles ne s'appliquent pas les dispositions en cause et, d'autre part, que le moyen est également pris de la violation de l'article 23 de la Constitution.

Quant à la première branche du deuxième moyen La requête A.5. Le fait d'étendre la durée durant laquelle certains candidats-réfugiés reçoivent l'aide sociale en nature dans les seuls centres ouverts affecte le droit à la libre circulation et au libre choix de sa résidence, garanti par certaines des dispositions constitutionnelles et internationales visées au moyen.

Cette entrave ne peut être justifiée au regard des conditions de légalité, de nécessité et de proportionnalité auxquelles est subordonnée l'admissibilité d'une telle entrave, aucune de ces conditions n'étant, selon la requête, respectée en l'espèce. Il est en particulier souligné que l'objectif réel de l'extension de la durée de résidence en centre ouvert est de pouvoir « localiser » les étrangers concernés, afin éventuellement de pouvoir les éloigner, objectif qui est contraire au droit à l'effectivité du recours qu'ils auraient, le cas échéant, introduit devant le Conseil d'Etat. Par ailleurs, au regard de l'objectif consistant à éviter des recours dilatoires, le moyen est disproportionné, dès lors que la loi du 18 avril 2000Documents pertinents retrouvés type loi prom. 18/04/2000 pub. 20/05/2000 numac 2000000351 source ministere de l'interieur Loi modifiant les lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973 ainsi que la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers fermer modifiant les lois coordonnées sur le Conseil d'Etat et l'arrêté royal du 9 juillet 2000 tendent déjà à et permettent d'atteindre cet objectif.

Position du Conseil des ministres A.6. Celui-ci relève tout d'abord que la requérante ne conteste pas l'inscription obligatoire dans un centre ouvert en ce qui concerne les candidats-réfugiés dont la première demande est à l'examen et que, dès lors, l'accepter pour ces derniers en refusant cette inscription obligatoire pour ceux qui ont fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité serait discriminatoire, puisque que cela aboutirait à retenir un régime plus avantageux pour des candidats-réfugiés qui sont dans une situation administrative plus précaire. Le Conseil des ministres relève ensuite que le bénéfice des dispositions internationales alléguées présuppose que le bénéficiaire se trouve « régulièrement » ou « légalement » sur le territoire, ce qui n'est pas le cas des candidats en cause, vu l'absence d'effet suspensif des recours devant le Conseil d'Etat. Enfin, il est relevé que l'arrêt de la Cour n° 61/94, transposable en l'espèce, a considéré comme compatible avec le principe d'égalité le fait d'imposer au candidat-réfugié un lieu d'inscription obligatoire. En exposant que le législateur a voulu réaliser un équilibre entre la situation de séjour précaire des candidats-réfugiés concernés, leur droit à une assistance leur garantissant un recours effectif et les possibilités d'assistance effective des C.P.A.S., le Conseil des ministres souligne que ces candidats conservent leur liberté de mouvement.

Réponse de la partie requérante A.7. Celle-ci précise que c'est la longueur de la vie dans le centre qui est au centre de sa critique, tout en soulignant la différence entre la véritable « assignation à résidence » en cause en l'espèce et les effets de la mesure d'inscription administrative qu'a validée l'arrêt de la Cour n° 61/94.

Quant à la deuxième branche du deuxième moyen A.8. Cette deuxième branche du moyen invoque la violation discriminatoire du droit au respect de la dignité humaine et de la vie privée garanti par l'article 8 de la Convention européenne, en ce que, s'agissant des candidats-réfugiés concernés, des restrictions sont apportées à leur droit de nouer librement des contacts sociaux ainsi qu'à leur vie familiale. Par ailleurs, il n'est pas satisfait aux conditions (légalité, caractère nécessaire dans une société démocratique et proportionnalité) auxquelles l'article 8 subordonne les restrictions à la liberté qu'il institue, en particulier en raison du caractère illimité dans le temps de l'assignation à résidence.

A.9. Le Conseil des ministres conteste tout d'abord que le candidat-réfugié résidant en centre ouvert doive vivre à l'écart de sa famille : non seulement, il est relevé qu'il peut la rencontrer, mais, bien plus, la nécessité de préserver la vie familiale a été expressément évoquée, durant les travaux préparatoires, comme étant un des motifs permettant au ministre de déroger à l'inscription obligatoire. Le mémoire souligne ensuite le fait que le droit à la vie privée garanti par l'article 8 invoqué n'est pas un droit absolu, le système d'accueil en cause devant être considéré comme adapté à la situation particulière des candidats-réfugiés auxquels il s'applique.

A.10. En réponse, la requérante expose que les avantages auxquels se réfère le Conseil des ministres sont exclusivement d'ordre administratif, mais ne concernent ni la vie privée, ni la vie familiale.

Quant à la troisième branche du deuxième moyen A.11. Selon cette branche, les dispositions en cause, en entravant le libre choix, par les candidats-réfugiés concernés, d'un conseil juridique et en les obligeant, s'ils veulent choisir ce conseil en dehors du centre, à exposer auprès de celui-ci des éléments qui relèvent de leur vie privée, violent l'article 23 de la Constitution, lequel « élève le droit à l'aide juridique au rang de droit constitutionnel »; la requérante invoque en outre plusieurs arrêts de la Cour (nos 41/91, 19/95 et 43/98) dont il résulterait que le principe d'égalité impose des « obligations positives en matière d'accès à la justice ».

A.12. Le Conseil des ministres répond que chaque candidat-réfugié peut recourir gratuitement à l'assistance d'avocats spécialisés en droit des étrangers et que les éventuels frais de traduction comme ceux de déplacement sont pris en charge par l'Etat.

A.13. La requérante réplique en qualifiant de « théorique » la réponse du Conseil des ministres, dès lors qu' « aucun texte légal ne régit les conditions de vie dans les centres et n'offre des garanties à ce niveau aux candidats-réfugiés ».

Quant au troisième moyen A.14. Le troisième moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, en ce que les dispositions en cause traitent de façon discriminatoire, sur le plan de la nature de l'aide sociale octroyée, deux catégories d'étrangers qui sont comparables.

Selon la requérante, il résulterait de l'arrêt de la Cour n° 43/98 que celle-ci place « sur strict pied d'égalité » les candidats-réfugiés qui attaquent devant le Conseil d'Etat une décision négative, que celle-ci porte sur la recevabilité ou sur le fond de la demande d'asile. Les dispositions en cause, en désolidarisant ces deux catégories de candidats-réfugiés, auraient « en réalité, pour seul objectif de contourner le dispositif et les enseignements » de l'arrêt précité, affirmation qu'étayerait d'ailleurs l'exposé des motifs de la loi du 2 janvier 2001Documents pertinents retrouvés type loi prom. 02/01/2001 pub. 03/01/2001 numac 2000003794 source ministere des finances Loi portant des dispositions sociales, budgétaires et diverses fermer. Aucune des justifications avancées par le législateur ne pourrait être admise au regard du principe d'égalité.

A.15. Selon le Conseil des ministres, ces deux catégories de candidats-réfugiés seraient objectivement différentes, dès lors que leur demande d'asile, dans un cas, a été déclarée recevable, mais ne l'a pas été dans l'autre. Le mémoire rappelle en outre les justifications avancées relativement à d'autres moyens (cf. A.2.2 et A.6). - B - Quant aux dispositions en cause B.1.1. La partie requérante demande l'annulation des articles 70, 71 et 72 de la loi du 2 janvier 2001Documents pertinents retrouvés type loi prom. 02/01/2001 pub. 03/01/2001 numac 2000003794 source ministere des finances Loi portant des dispositions sociales, budgétaires et diverses fermer portant des dispositions sociales, budgétaires et diverses.

B.1.2. Le Conseil des ministres conteste la recevabilité du recours en ce qu'il est dirigé contre les articles 70 et 72 de cette loi, dès lors que les moyens soulevés par la requérante porteraient exclusivement sur l'article 71.

B.1.3. La partie requérante critique le fait que les deux catégories de candidats-réfugiés visées à l'article 71 se voient désormais imposer l'octroi de l'aide sociale en nature et dans un centre.

Ces deux catégories de candidats seraient de ce fait privées, de façon discriminatoire par rapport aux autres bénéficiaires de l'aide sociale, de l'effet de standstill garanti en la matière par l'article 23 de la Constitution (premier moyen) ainsi que du droit au respect de la dignité humaine et d'autres droits qui y sont liés, garantis par les articles 12 et 23 de la Constitution et diverses dispositions internationales (deuxième moyen, subdivisé en trois branches). Enfin, une discrimination serait opérée, parmi les candidats-réfugiés ayant saisi le Conseil d'Etat d'un recours, entre ceux qui contestent une décision relative à la recevabilité de la demande d'asile et ceux qui contestent une décision prise quant au fond de cette demande, les premiers étant seuls visés par l'imposition de l'aide sociale en nature.

B.1.4. La Cour constate, en considération tant de la mesure critiquée par la requérante que des moyens invoqués à l'appui de la requête, que le recours est dirigé exclusivement contre l'article 71 de la loi du 2 janvier 2001Documents pertinents retrouvés type loi prom. 02/01/2001 pub. 03/01/2001 numac 2000003794 source ministere des finances Loi portant des dispositions sociales, budgétaires et diverses fermer. Il est dès lors irrecevable en ce qui concerne les articles 70 et 72 de cette loi.

B.2.1. L'article 71 de la loi du 2 janvier 2001Documents pertinents retrouvés type loi prom. 02/01/2001 pub. 03/01/2001 numac 2000003794 source ministere des finances Loi portant des dispositions sociales, budgétaires et diverses fermer insère, dans la loi du 8 juillet 1976Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/07/1976 pub. 18/04/2016 numac 2016000231 source service public federal interieur Loi organique des centres publics d'action sociale. - Coordination officieuse en langue allemande de la version applicable aux habitants de la région de langue allemande fermer organique des centres publics d'aide sociale, un article 57ter 1, lequel dispose : « § 1er. A un étranger qui s'est déclaré réfugié et qui a demandé d'être reconnu comme tel, est désigné comme lieu obligatoire d'inscription, en application de l'article 54 de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer sur l'accès du territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, un centre que l'Etat, une autre autorité ou un ou plusieurs pouvoirs publics organise ou un lieu où une aide est fournie à la demande de l'Etat et à ses frais : 1° tant que le ministre de l'Intérieur ou son délégué, ou le Commissaire général aux Réfugiés et aux Apatrides ou un de ses adjoints n'ont pas décidé qu'un examen au fond de la demande d'asile est nécessaire;2° si l'étranger a contesté devant le Conseil d'Etat la décision du Commissaire général aux Réfugiés et aux Apatrides ou d'un de ses adjoints, prise en application de l'article 63/3 de la loi précitée. Dans des circonstances particulières le ministre ou son délégué peut déroger aux dispositions de l'alinéa précédent. La désignation visée à l'alinéa 1er produit ses effets aussi longtemps que le recours est pendant devant le Conseil d'Etat. § 2. Les dispositions du § 1er s'appliquent : 1° à l'étranger qui s'est déclaré réfugié après la date à laquelle la loi-programme du 2 janvier 2001 a été publiée au Moniteur belge et qui a demandé d'être reconnu comme tel;2° à l'étranger qui, après la date visée au 1°, a contesté devant le Conseil d'Etat la décision du Commissaire général aux Réfugiés et aux Apatrides ou d'un de ses adjoints, prise en application de l'article 63/3.» B.2.2. Les objectifs poursuivis par le législateur, par l'adoption de cette disposition, ont été exposés comme suit lors des travaux préparatoires : « Actuellement la législation prévoit déjà qu'un centre organisé ou agréé par l'Etat est désigné aux candidats réfugiés comme lieu d'inscription obligatoire pour la durée de la recevabilité de leur demande d'asile. Il est généralement admis que la préférence absolue va à un premier accueil dans un centre d'accueil. Cette forme d'accueil offre en outre des garanties pour un accueil adéquat de qualité surtout au début de la procédure d'asile, quand les demandeurs d'asile ne sont pas habitués à la langue, aux conditions de vie et de logement, aux acquis sociaux, aux droits et aux devoirs liés à leur statut et autres. En plus cette forme d'accueil protège contre les abus des exploiteurs et des trafiquants d'êtres humains qui profitent de la situation vulnérable dans laquelle se trouvent beaucoup de candidats-réfugiés et empêche que l'aide financière qu'obtiennent certains candidats réfugiés soit récupérée par ces personnes plutôt malveillantes.

Afin de pouvoir garantir cette forme d'accueil à tout demandeur d'asile nouvellement arrivé, il est déterminé en matière d'aide sociale que chaque demandeur d'asile doit être désigné à un centre d'accueil pour la durée de l'examen de la recevabilité de la demande d'asile. Ceci implique que cette personne peut obtenir l'aide sociale dans ce centre uniquement et que pour la durée de l'examen de la recevabilité, les CPAS sont déchargés de l'aide sociale. Ainsi les CPAS peuvent mieux s'appliquer à l'aide sociale aux candidats réfugiés démunis dont la demande d'asile a été déclarée recevable. [...] Conformément à l'arrêt de la Cour d'Arbitrage n° 43/98 du 22 avril 1998, les candidats réfugiés qui ont introduit un recours devant le Conseil d'Etat contre une décision confirmative de non-recevabilité du commissaire général continuent à avoir droit à une aide sociale, même si stricto sensu ils ne détiennent plus de titre de séjour. Suite à cet arrêt, il a déjà été constaté que plus de candidats réfugiés introduisent un recours devant le Conseil d'Etat contre les décisions précitées du commissaire général, dans certains cas uniquement pour obtenir plus longtemps une prestation d'aide financière. » (Doc. parl., Chambre, 2000-2001, Doc. 50 0950/001, pp. 37-39) Quant aux autres exceptions soulevées par le Conseil des ministres B.3.1. Le Conseil des ministres conteste tout d'abord que la Cour soit compétente pour connaître des deux premiers moyens, dès lors qu'ils sont pris de la violation de dispositions - selon le cas constitutionnelles ou internationales - qui ne relèvent pas du contrôle direct de la Cour. Il allègue en outre que le deuxième moyen ne précise pas à quelles catégories de personnes doivent être comparés les candidats-réfugiés visés par l'article 71.

Ces deux moyens seraient dès lors irrecevables.

B.3.2. Il ressort tant de l'intitulé des deux premiers moyens que des développements qui y sont consacrés dans la requête qu'est alléguée la violation des articles 10 et 11, combinés avec les articles 12 et 23, de la Constitution et avec les dispositions internationales visées au deuxième moyen.

Par ailleurs, il ressort des mêmes développements que la partie requérante compare la situation des candidats-réfugiés visés à l'article 71 avec celle des autres bénéficiaires d'une aide sociale - parmi lesquels les autres catégories de candidats-réfugiés -, seuls les premiers étant privés, du fait de la mesure en cause, du bénéfice des droits garantis par les dispositions constitutionnelles et conventionnelles invoquées aux deux premiers moyens.

B.3.3. Les exceptions sont rejetées.

B.4.1. Le Conseil des ministres conteste également la recevabilité des deux premiers moyens au motif qu'ils critiqueraient, en réalité, des dispositions antérieures à l'article 71 en cause, en particulier l'article 54, § 3, de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer, tel qu'il a été modifié par la loi du 15 juillet 1996; ces moyens seraient dès lors irrecevables.

B.4.2. L'article 54, § 3, de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer prévoit la possibilité, pour le ministre ou son délégué, de désigner comme lieu obligatoire d'inscription, pour les étrangers qui font la déclaration ou la demande visée aux articles 50 et 51 de la même loi, un centre organisé ou agréé par l'Etat. L'article 71 de la loi du 2 janvier 2001Documents pertinents retrouvés type loi prom. 02/01/2001 pub. 03/01/2001 numac 2000003794 source ministere des finances Loi portant des dispositions sociales, budgétaires et diverses fermer prévoit que, pour les candidats-réfugiés qu'ils visent, un centre est désigné comme lieu obligatoire d'inscription, dans lequel une aide leur sera fournie.

Même si la mesure attaquée peut être considérée comme n'étant pas nouvelle, son annulation par la Cour, en tant qu'expression renouvelée de la volonté du législateur, peut être demandée.

B.4.3. L'exception est rejetée.

Quant au premier moyen, pris de la violation des articles 10 et 11, combinés avec l'article 23, de la Constitution B.5. Selon la partie requérante, l'article 71 de la loi du 2 janvier 2001Documents pertinents retrouvés type loi prom. 02/01/2001 pub. 03/01/2001 numac 2000003794 source ministere des finances Loi portant des dispositions sociales, budgétaires et diverses fermer, en prévoyant désormais que, pour les candidats-réfugiés qu'il vise, est désigné comme lieu obligatoire d'inscription un centre où leur est fournie une aide en nature, prive de façon discriminatoire ces catégories de candidats- réfugiés de l'effet de standstill garanti, en la matière, par l'article 23 de la Constitution, en particulier en son troisième alinéa, 2°. La disposition entreprise irait à rebours des droits garantis, diminuant le niveau de protection acquis de la catégorie susmentionnée des candidats-réfugiés.

B.6.1. L'article 23 de la Constitution dispose : « Chacun a le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine.

A cette fin, la loi, le décret ou la règle visée à l'article 134 garantissent, en tenant compte des obligations correspondantes, les droits économiques, sociaux et culturels, et déterminent les conditions de leur exercice.

Ces droits comprennent notamment : 1° [...] 2° le droit à la sécurité sociale, à la protection de la santé et à l'aide sociale, médicale et juridique; [...]. » B.6.2. L'article 23, alinéa 1er, de la Constitution dispose que chacun a le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine et l'alinéa 3, 2°, inscrit, parmi les droits économiques, sociaux et culturels, « le droit à l'aide sociale ». Ces dispositions ne précisent pas ce qu'impliquent ces droits dont seul le principe est exprimé, chaque législateur étant chargé de les garantir, conformément à l'article 23, alinéa 2, « en tenant compte des obligations correspondantes ».

B.6.3. Toutefois, lorsque l'article 23 de la Constitution est entré en vigueur, le législateur fédéral avait déjà pris les mesures propres à garantir le droit à l'aide sociale désormais inscrit à l'article 23, alinéa 1er et alinéa 3, 2° : l'article 1er de la loi du 8 juillet 1976Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/07/1976 pub. 18/04/2016 numac 2016000231 source service public federal interieur Loi organique des centres publics d'action sociale. - Coordination officieuse en langue allemande de la version applicable aux habitants de la région de langue allemande fermer organique des centres publics d'aide sociale dispose en effet que « toute personne a droit à l'aide sociale » et que « celle-ci a pour but de permettre à chacun de mener une vie conforme à la dignité humaine ».

B.6.4. Il ressort des travaux préparatoires de l'article 23, d'une part, qu'en garantissant le droit à l'aide sociale, le Constituant avait en vue le droit garanti par la loi organique des C.P.A.S. (Doc. parl., Sénat, S.E., 1991-1992, n° 100-2/4°, pp. 99 et 100), d'autre part, que l'adoption de l'article 23 entraînerait l'obligation, sans pour autant conférer des droits subjectifs précis, de maintenir le bénéfice des normes en vigueur en interdisant d'aller à l'encontre des objectifs poursuivis (obligation dite de standstill) (ibid., p. 85).

B.6.5. Il s'ensuit, sans qu'il soit nécessaire de s'interroger sur la portée normative de l'article 23 dans son ensemble, qu'en matière d'aide sociale, cette disposition constitutionnelle impose aux législateurs de ne pas porter atteinte au droit garanti par la législation qui était applicable le jour où l'article 23 est entré en vigueur.

B.6.6. Cette obligation ne peut toutefois s'entendre comme imposant à chaque législateur, dans le cadre de ses compétences, de ne pas toucher aux modalités de l'aide sociale prévues par la loi. Elle leur interdit d'adopter des mesures qui marqueraient un recul significatif du droit garanti par l'article 23, alinéa 1er et alinéa 3, 2°, de la Constitution, mais elle ne les prive pas du pouvoir d'apprécier de quelle manière ce droit sera le plus adéquatement assuré.

B.7.1. L'article 71 en cause prévoit que les candidats-réfugiés auxquels il s'applique doivent s'inscrire dans un centre, où ils reçoivent une aide en nature.

Lors de l'adoption de cette disposition, l'article 54, § 3, de la loi précitée du 15 décembre 1980, modifié par la loi du 15 juillet 1996, disposait déjà : « § 3. Le Ministre ou son délégué peut désigner un centre organisé ou agréé par l'Etat comme lieu obligatoire d'inscription à chaque étranger qui a fait la déclaration ou la demande visées aux articles 50 et 51, à l'exception de l'étranger qui, au moment de cette déclaration ou demande, était admis ou autorisé à l'établissement ou au séjour pour une période de plus de trois mois.

La désignation de ce lieu obligatoire d'inscription prend fin lorsque l'intéressé donne suite à l'ordre de quitter le territoire, pris conformément à l'article 51/8, alinéa 2, ou à l'article 52, ou lorsque le Ministre ou son délégué, ou le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides ou un de ses adjoints décident qu'un examen au fond de la demande d'asile s'impose. » B.7.2. La Cour observe tout d'abord qu'il résulte de cet article 54, § 3, que l'inscription obligatoire de certains candidats-réfugiés - les mêmes que ceux visés par l'article 71 - dans un centre ne constitue pas une mesure instituée par cette dernière disposition; l'article 54, § 3, prévoyait déjà la faculté de décider cette mesure - alors que l'article 71 de la loi du 2 janvier 2001Documents pertinents retrouvés type loi prom. 02/01/2001 pub. 03/01/2001 numac 2000003794 source ministere des finances Loi portant des dispositions sociales, budgétaires et diverses fermer lui confère un caractère obligatoire. Cette faculté n'était assortie d'aucune restriction, de telle sorte qu'elle était, déjà, susceptible d'être appliquée à l'ensemble des candidats-réfugiés visés par l'alinéa 1er de cet article.

La Cour observe ensuite que l'article 71 maintient l'octroi d'une aide et que son exécution en nature est une des formes de l'aide sociale autorisées par la loi du 8 juillet 1976Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/07/1976 pub. 18/04/2016 numac 2016000231 source service public federal interieur Loi organique des centres publics d'action sociale. - Coordination officieuse en langue allemande de la version applicable aux habitants de la région de langue allemande fermer, l'article 57, § 1er, de cette loi prévoyant que l'aide sociale peut être « matérielle, sociale, médicale, médico-sociale ou psychologique ».

B.7.3. Dès lors que l'octroi en nature est une des formes d'aide sociale prévues par la loi du 8 juillet 1976Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/07/1976 pub. 18/04/2016 numac 2016000231 source service public federal interieur Loi organique des centres publics d'action sociale. - Coordination officieuse en langue allemande de la version applicable aux habitants de la région de langue allemande fermer, la disposition attaquée ne porte pas atteinte au droit à l'aide sociale.

Le moyen tiré de la violation des articles 10 et 11, combinés avec l'article 23, de la Constitution n'est pas fondé.

Quant au deuxième moyen Quant à la première branche du deuxième moyen, où est alléguée la violation des articles 10 et 11 combinés avec l'article 12 de la Constitution, avec l'article 2 du Protocole additionnel n° 4 à la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 12 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques B.8. Selon la première branche du deuxième moyen, dès lors que l'article 71 de la loi du 2 janvier 2001Documents pertinents retrouvés type loi prom. 02/01/2001 pub. 03/01/2001 numac 2000003794 source ministere des finances Loi portant des dispositions sociales, budgétaires et diverses fermer « étend la durée de résidence dans un centre ouvert, sans possibilité de percevoir une aide sociale autre que l'aide en nature dans le centre », il porte atteinte à la « liberté d'aller et de venir et de choisir sa résidence » des candidats-réfugiés concernés.

B.9.1. L'inscription obligatoire de ces candidats-réfugiés dans un centre d'accueil a pour effet que ceux-ci peuvent « obtenir l'aide sociale dans ce centre uniquement et que pour la durée de l'examen de la recevabilité, les CPAS sont déchargés de l'aide sociale » (Doc. parl., Chambre, 2000-2001, Doc. 50 0950/001, p. 38). Cet objet limité et le fait qu'il s'agit de centres ouverts, impliquent que la liberté d'aller et de venir des candidats-réfugiés concernés n'est pas affectée.

B.9.2. Selon la partie requérante, l'octroi d'une aide sociale en nature et dans un centre, est de nature à affecter le droit pour les candidats-réfugiés de choisir librement leur résidence, dès lors que la substitution d'une aide en nature à une aide financière les prive des moyens financiers leur permettant de choisir le lieu où ils entendent résider.

A supposer qu'une telle limitation puisse être considérée comme une ingérence dans les droits et libertés visés par les dispositions internationales invoquées au moyen, il y a lieu d'observer que tant l'article 2 du Protocole additionnel n° 4 à la Convention européenne des droits de l'homme que l'article 12 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques permettent au législateur de limiter l'exercice du droit de choisir librement sa résidence, si cette limitation est nécessaire, dans une société démocratique, à la poursuite de divers objectifs, parmi lesquels la sécurité nationale et le maintien de l'ordre public.

En considération, d'une part, des objectifs poursuivis par le législateur (B.2.2) et, d'autre part, des modalités du régime d'inscription en cause (B.7.2), l'article 71 de la loi du 2 janvier 2001Documents pertinents retrouvés type loi prom. 02/01/2001 pub. 03/01/2001 numac 2000003794 source ministere des finances Loi portant des dispositions sociales, budgétaires et diverses fermer n'est pas contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec les dispositions internationales citées ci-dessus.

B.9.3. Le deuxième moyen en sa première branche ne peut être retenu.

Quant à la deuxième branche du deuxième moyen, où est alléguée la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme B.10. Selon la deuxième branche du deuxième moyen, il serait porté atteinte au droit au respect de la dignité humaine et au droit au respect de la vie privée et familiale garantis par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme dès lors que le régime de vie en centre ouvert « porte atteinte au droit de l'individu de nouer des contacts sociaux librement et selon ses affinités personnelles » et lui impose de vivre « à l'écart des éventuels membres de sa famille vivant sur le territoire belge, des membres de sa communauté, le cas échéant, des personnes parlant sa langue ou pratiquant sa religion ».

B.11. L'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme dispose : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.» B.12. En ce qu'il est allégué que la disposition en cause porte atteinte au droit des candidats réfugiés concernés de nouer librement les contacts sociaux de leur choix, notamment avec des membres de leur communauté ou avec des personnes parlant leur langue ou pratiquant leur religion, le moyen manque en fait : l'objet limité, relevé en B.9.1, de la mesure d'inscription dans un centre, comme le fait que la mesure d'inscription a lieu dans un centre ouvert impliquent que les candidats-réfugiés auxquels elle s'applique sont en mesure de nouer les contacts sociaux de leur choix.

B.13.1. Il est également allégué que l'inscription obligatoire dans un centre dans lequel est octroyée une aide en nature oblige les candidats réfugiés à vivre à l'écart des membres de leur famille résidant déjà, le cas échéant, sur le territoire belge.

B.13.2. La disposition attaquée ne concerne pas les étrangers visés par l'article 74/6 de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer. Elle ne concerne pas non plus des personnes de nationalité étrangère qui demanderaient à entrer en Belgique pour y vivre avec leur famille. Elle impose une obligation d'inscription des étrangers qui séjournent déjà en fait sur le territoire et qui se sont déclarés réfugiés. Cette obligation pourrait les empêcher de vivre avec une ou plusieurs personnes avec lesquelles ils forment une famille et qui ont droit à l'aide sociale en Belgique ou qui ont été autorisées à y séjourner. Il convient d'examiner si l'obligation en cause ne risque pas de porter, de manière discriminatoire, une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale de cette catégorie de personnes, en méconnaissance du droit garanti par l'article 22 de la Constitution et par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.

B.13.3. Cette situation, ainsi que le souligne le Conseil des ministres, n'a pas échappé aux auteurs de la loi attaquée en projet, qui écrivaient : « Dans des circonstances exceptionnellement graves, le ministre ou son délégué peut négliger l'obligation de désigner un centre d'accueil. On songe ici par exemple à la situation où l'épouse d'un candidat réfugié arrive après son époux tandis que ce dernier s'est déjà établi dans une certaine commune. Dans de telles circonstances exceptionnelles, il est plus qu'équitable qu'un centre d'accueil ne sera pas désigné comme lieu d'inscription obligatoire à l'épouse, mais qu'elle rejoindra son époux dans son domicile, avec éventuellement le même lieu d'inscription obligatoire que son époux. » (Doc. parl., Chambre, 2000-2001, Doc. 050 0950/001, p. 38) B.13.4. Bien que le législateur ait prévu que le ministre ou son délégué peut, dans des « circonstances particulières », déroger à l'application obligatoire de l'article 71 attaqué, il n'est pas précisé qu'il est tenu d'y déroger dans les « circonstances exceptionnellement graves » décrites ci-dessus. Il s'ensuit qu'un étranger qui s'est déclaré réfugié pourrait se voir désigner un lieu obligatoire d'inscription où lui serait fournie une aide en nature, ce qui pourrait l'empêcher de vivre avec une ou plusieurs personnes avec lesquelles il forme une famille et qui ont droit à l'aide sociale en Belgique ou qui ont été autorisées à y séjourner.

B.13.5. A défaut d'avoir prévu une exception en faveur de cette catégorie d'étrangers, la mesure attaquée va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l'objectif décrit en B.2.2 et est de nature à porter atteinte de manière disproportionnée au droit au respect de la vie familiale.

B.13.6. Le législateur a cependant prévu, à l'article 57ter 1 nouveau, en son paragraphe 1er, alinéa 2, que, « dans des circonstances particulières, le ministre ou son délégué peut déroger aux dispositions de l'alinéa précédent ».

Cette disposition doit se lire, à la lumière des travaux préparatoires précités, comme faisant obligation d'accorder la dérogation qu'elle prévoit dans le cas où il apparaît, sauf si des circonstances particulières s'y opposent, que l'application de la règle empêcherait que des personnes qui se trouvent dans la situation décrite au 1° et au 2° de l'article 57ter 1 nouveau, § 1er, puissent vivre avec une ou plusieurs personnes avec lesquelles elles forment une famille et qui ont droit à l'aide sociale en Belgique ou qui ont été autorisées à y séjourner.

B.13.7. Sous cette réserve d'interprétation, l'article 71 de la loi du 2 janvier 2001Documents pertinents retrouvés type loi prom. 02/01/2001 pub. 03/01/2001 numac 2000003794 source ministere des finances Loi portant des dispositions sociales, budgétaires et diverses fermer n'est pas discriminatoire.

Quant à la troisième branche du deuxième moyen, pris de la violation des articles 10 et 11, lus en combinaison avec l'article 23, de la Constitution B.14.1. Selon la troisième branche du deuxième moyen, en entravant le libre accès des candidats-réfugiés concernés au conseil juridique de leur choix, l'article 71 porte atteinte, de façon discriminatoire, au droit au respect de la dignité humaine et au droit à bénéficier d'une protection juridictionnelle effective.

B.14.2. Il n'apparaît pas que les candidats-réfugiés hébergés dans les centres ouverts ne bénéficieraient pas de l'assistance effective et gratuite d'un avocat.

Le deuxième moyen en sa troisième branche ne peut être retenu.

Quant au troisième moyen, pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution B.15. Le moyen critique la différence de traitement - estimée discriminatoire - opérée entre candidats-réfugiés, selon que leur demande d'asile a ou non déjà été déclarée recevable, dès lors que seuls ceux se trouvant dans le second cas reçoivent, par l'effet de l'article 71 en cause, une aide en nature et non en espèces.

B.16.1. En considération des objectifs poursuivis par le législateur, exposés en B.2.2, cette différence de traitement est justifiée. Par ailleurs, eu égard aux modalités retenues par le législateur - et en particulier le maintien d'une aide, fût-elle octroyée en nature, le caractère limité dans le temps de cette forme d'octroi ainsi que la possibilité de dérogation -, elle n'affecte pas de façon disproportionnée les droits des candidats-réfugiés qui n'ont pas encore obtenu l'autorisation de séjour en vue d'un examen du fond de leur demande de reconnaissance.

B.16.2. Le troisième moyen ne peut être accueilli.

Par ces motifs, la Cour, sous la réserve que l'article 57ter 1, § 1er, alinéa 2, de la loi du 8 juillet 1976Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/07/1976 pub. 18/04/2016 numac 2016000231 source service public federal interieur Loi organique des centres publics d'action sociale. - Coordination officieuse en langue allemande de la version applicable aux habitants de la région de langue allemande fermer organique des centres publics d'aide sociale, introduit par l'article 71 de la loi du 2 janvier 2001Documents pertinents retrouvés type loi prom. 02/01/2001 pub. 03/01/2001 numac 2000003794 source ministere des finances Loi portant des dispositions sociales, budgétaires et diverses fermer portant des dispositions sociales, budgétaires et diverses, doit s'interpréter comme il est indiqué au B.13.6, rejette le recours.

Ainsi prononcé en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 27 novembre 2002.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, M. Melchior

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