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Arrêt
publié le 17 décembre 2010

Extrait de l'arrêt n° 112/2010 du 14 octobre 2010 Numéro du rôle : 4965 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 488bis, h), § 2, alinéa 1 er , du Code civil, tel qu'il a été remplacé par l'article 8 de la lo La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Melchior et M. Bossuyt, et des juges R. He(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 112/2010 du 14 octobre 2010 Numéro du rôle : 4965 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 488bis, h), § 2, alinéa 1er, du Code civil, tel qu'il a été remplacé par l'article 8 de la loi du 3 mai 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/05/2003 pub. 31/12/2003 numac 2003009448 source service public federal justice Loi modifiant la législation relative à la protection des biens des personnes totalement ou partiellement incapables d'en assumer la gestion en raison de leur état physique ou mental fermer modifiant la législation relative à la protection des biens des personnes totalement ou partiellement incapables d'en assumer la gestion en raison de leur état physique ou mental, posée par le Tribunal de première instance de Bruxelles.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Melchior et M. Bossuyt, et des juges R. Henneuse, L. Lavrysen, J.-P. Moerman, E. Derycke et P. Nihoul, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par jugement du 18 septembre 2009 en cause de A.B. contre C.V.G. et M.V.B., dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 17 juin 2010, le Tribunal de première instance de Bruxelles a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 488bis - H), § 2, alinéa 1er, du Code civil viole-t-il l'article 11 de la Constitution en ce qu'il impose à toute personne placée sous le régime de l'administration provisoire de solliciter l'autorisation du juge de paix pour pouvoir valablement arrêter des dispositions de dernières volontés ? ».

Le 8 juillet 2010, en application de l'article 72, alinéa 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, les juges-rapporteurs R. Henneuse et E. Derycke ont informé la Cour qu'ils pourraient être amenés à proposer de rendre un arrêt de réponse immédiate. (...) III. En droit (...) B.1. L'article 488bis, h), § 2, du Code civil, tel qu'il a été inséré par l'article 8 de la loi du 3 mai 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/05/2003 pub. 31/12/2003 numac 2003009448 source service public federal justice Loi modifiant la législation relative à la protection des biens des personnes totalement ou partiellement incapables d'en assumer la gestion en raison de leur état physique ou mental fermer « modifiant la législation relative à la protection des biens des personnes totalement ou partiellement incapables d'en assumer la gestion en raison de leur état physique ou mental », dispose : « La personne protégée ne peut disposer valablement par donations entre vifs ou par dispositions de dernières volontés qu'après autorisation par le juge de paix à sa requête. Le juge de paix juge de l'aptitude de la volonté de la personne protégée.

Le juge de paix peut refuser l'autorisation à disposer par donations si la personne protégée ou ses créanciers d'aliments sont menacés d'indigence par la donation.

Les dispositions des articles 1026 à 1034 du Code judiciaire sont d'application. Conformément à l'article 1026, 5°, du même Code, la signature du requérant est suffisante.

Le juge de paix peut désigner un expert médical qui doit rendre son avis sur l'état de santé de la personne à protéger [lire : protégée].

Le juge de paix rassemble toutes les informations utiles et peut convoquer tous ceux qu'il pense pouvoir l'éclairer, par pli judiciaire afin de les entendre en chambre du conseil. Dans tous les cas, il appelle à la cause l'administrateur provisoire en cas de donation.

La procédure de l'article 488bis, b), § 6, est applicable par analogie ».

B.2. Il ressort des faits de la cause soumise au juge a quo, de la motivation de sa décision et des termes de la question préjudicielle que la Cour est invitée à statuer sur la compatibilité, avec l'article 11 de la Constitution, de l'article 488bis, h), § 2, alinéa 1er, première phrase, du Code civil, en ce qu'il s'applique au testament.

B.3.1. L'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme dispose : « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens.

Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ».

B.3.2. Le droit de disposer de ses biens constitue un élément fondamental du droit de propriété (CEDH, 13 juin 1979, Marckx c.

Belgique, § 63).

B.4. L'article 488bis, h), § 2, alinéa 1er, première phrase, du Code civil interdit à une catégorie de personnes de disposer de leurs biens par testament sans autorisation préalable d'un juge.

Il constitue dès lors une réglementation de l'usage des biens au sens de l'alinéa 2 de l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme.

B.5. Il y a lieu de vérifier si l'atteinte au droit de propriété est raisonnablement proportionnée à un objectif d'intérêt général.

La disposition en cause ne satisferait pas à cette condition si elle rompait le juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu, en faisant peser sur les personnes concernées « une charge spéciale et exorbitante » (CEDH, 27 novembre 2007, Hamer c. Belgique, § 77).

B.6.1. La personne protégée visée par la disposition en cause est une personne majeure « qui, en raison de son état de santé », est considérée comme « totalement ou partiellement hors d'état de gérer ses biens » (article 488bis, a), du Code civil), et qui, en vue de la protection de ceux-ci, est pourvue d'un administrateur provisoire dont la mission est « de gérer, en bon père de famille, les biens de la personne protégée, ou d'assister la personne protégée dans cette gestion » (article 488bis, f), § 1er, alinéa 1er, du Code civil).

Un testament est un acte par lequel une personne dispose de ses biens à titre gratuit (article 893 du Code civil). Il s'agit d'un « acte par lequel le testateur dispose, pour le temps où il n'existera plus, de tout ou partie de ses biens, et qu'il peut révoquer » (article 895 du Code civil).

La disposition en cause, qui a pour objectif de protéger une personne qui se trouve dans une situation de faiblesse, relève de l'intérêt général.

B.6.2. La disposition en cause n'interdit pas aux personnes qu'elle vise de disposer de leurs biens par testament, mais elle subordonne la validité de cet acte à l'obtention d'une autorisation préalable du juge de paix.

La demande d'autorisation est déposée ou adressée au greffe sous la forme d'une requête unilatérale qui ne doit pas être signée par un avocat (article 488bis, h), § 2, alinéa 3, du Code civil combiné avec l'article 1027 du Code judiciaire). La procédure d'autorisation n'est pas publique (article 488bis, h), § 2, alinéa 3, première phrase, du Code civil combiné avec les articles 1028 et 1029, alinéa 1er, du Code judiciaire; article 488bis, h), § 2, alinéa 5, première phrase, du Code civil) et l'ordonnance d'autorisation est, en principe, exécutoire par provision (article 1029, alinéa 2, du Code judiciaire).

Le juge de paix ne peut refuser l'autorisation de tester que si la personne protégée ne dispose pas de l'« aptitude de la volonté » requise, c'est-à-dire une « aptitude à émettre une volonté juridique valable [...], à apprécier à la lumière des facultés mentales » (Doc. parl., Sénat, 2002-2003, n° 2-1087/6, p. 11).

Il statue sur la base d'un « certificat médical circonstancié » récent, établi par un médecin indépendant, et qui doit être produit par la personne protégée qui demande l'autorisation de tester (article 488bis, h), § 2, alinéa 6, combiné avec l'article 488bis, b), § 6, du Code civil) et après avoir rassemblé toutes les informations utiles (article 488bis, h), § 2, alinéa 5, du Code civil). Il peut, en outre, demander l'avis d'un expert médical sur l'état de santé de la personne protégée et entendre tous ceux qui, selon lui, peuvent l'éclairer (article 488bis, h), § 2, alinéas 4 et 5, du Code civil).

B.6.3. Pour le surplus, il n'y a pas lieu de distinguer, en ce qui concerne l'exigence d'une autorisation préalable du juge de paix pour les dispositions testamentaires des personnes placées sous le régime de l'administration provisoire, selon que la personne protégée serait partiellement ou totalement incapable de gérer ses biens, dès lors que l'autorisation préalable du juge a précisément pour objet de vérifier et d'établir si la personne protégée est apte à disposer de ses biens par testament.

B.7. Par conséquent, la mesure en cause est raisonnablement proportionnée à l'objectif poursuivi et ne crée pas de différence de traitement injustifiée.

La question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : En ce qu'il s'applique au testament, l'article 488bis, h), § 2, alinéa 1er, première phrase, du Code civil ne viole pas l'article 11 de la Constitution.

Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, à l'audience publique du 14 octobre 2010.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, M. Melchior

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