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Arrêt
publié le 01 mars 2011

Extrait de l'arrêt n° 6/2011 du 13 janvier 2011 Numéro du rôle : 5047 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 2277 du Code civil, posée par le Tribunal de première instance de Huy. La Cour constitutionnelle, composée après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procéd(...)

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01/03/2011
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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 6/2011 du 13 janvier 2011 Numéro du rôle : 5047 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 2277 du Code civil, posée par le Tribunal de première instance de Huy.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents R. Henneuse et M. Bossuyt, et des juges L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, E. Derycke et J. Spreutels, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président R. Henneuse, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par jugement du 13 octobre 2010 en cause de Marcel Smal et Marie-Paule Rosoux contre l'association des copropriétaires du centre commercial « Shopping Center Batta », dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 22 octobre 2010, le Tribunal de première instance de Huy a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 2277 du Code civil interprété en ce sens que ' tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courts ' doit s'apparenter aux dettes d'arrérages de rentes, de loyers et d'intérêts de sommes prêtées, sans pour autant que l'application de cette disposition à une demande comprenant des éléments autres que des intérêts ou des revenus ne soit exclue, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il crée une distinction qui n'est pas raisonnablement justifiée entre débiteurs tenus de dettes périodiques, plus spécifiquement celles relatives à la contribution aux charges communes d'une copropriété d'un immeuble faisant l'objet de relevés périodiques ? ».

Le 17 novembre 2010, en application de l'article 72, alinéa 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, les juges-rapporteurs J.-P. Snappe et L. Lavrysen ont informé la Cour qu'ils pourraient être amenés à proposer de rendre un arrêt de réponse immédiate. (...) III. En droit (...) B.1. L'article 2277 du Code civil dispose : « Les arrérages de rentes perpétuelles et viagères;

Ceux des pensions alimentaires;

Les loyers des maisons, et le prix de ferme des biens ruraux;

Les intérêts des sommes prêtées, et généralement tout ce qui est payable par année, ou à des termes périodiques plus courts, Se prescrivent par cinq ans ».

B.2. Il ressort du jugement a quo que la Cour est interrogée au sujet de la compatibilité de cette disposition avec les articles 10 et 11 de la Constitution, lorsqu'elle est interprétée en ce sens que la prescription abrégée qu'elle prévoit ne s'applique pas aux dettes relatives à la contribution aux charges communes d'une copropriété d'un immeuble faisant l'objet de relevés périodiques.

B.3. A la différence d'une dette de capital dont le montant serait déterminé dès l'origine, mais qui serait payable par tranches périodiques, et dont le montant global ne serait pas affecté par l'écoulement du temps, les dettes afférentes à la contribution aux charges communes d'une copropriété d'un immeuble, pour autant que l'on puisse considérer qu'il s'agit, au moins partiellement, d'une dette de capital, ont pour caractéristique de croître avec l'écoulement du temps.

B.4. Le critère sur lequel est fondée la distinction en cause, déduit du caractère de capital ou de revenu de la créance, n'est pas pertinent par rapport à l'objectif de l'article 2277 du Code civil, qui est à la fois d'inciter le créancier à la diligence et de protéger le débiteur contre l'accumulation de dettes périodiques sur une période trop importante. En effet, par rapport à cet objectif, les dettes relatives aux charges communes d'une copropriété d'un immeuble sont semblables aux dettes visées par l'article 2277 du Code civil, puisque dès lors qu'elles sont périodiques et que leur montant augmente avec l'écoulement du temps, elles risquent de se transformer, à terme, en une dette de capital à ce point importante qu'elle pourrait causer la ruine du débiteur.

B.5. Il s'ensuit qu'interprété comme ne s'appliquant pas aux dettes relatives aux charges communes d'une copropriété d'un immeuble, l'article 2277 du Code civil établit entre débiteurs de dettes périodiques une différence de traitement qui n'est pas susceptible de justification.

B.6. La Cour observe toutefois que le texte de l'article 2277 du Code civil n'exclut pas son application aux dettes périodiques relatives aux charges communes d'une copropriété d'un immeuble en ce qu'elles ont pour caractéristique d'augmenter avec le temps.

B.7. Dans cette interprétation, la différence de traitement alléguée par la question préjudicielle n'existe pas.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : - Interprété en ce sens que la prescription quinquennale qu'il prévoit ne s'applique pas aux dettes périodiques relatives aux charges communes d'une copropriété d'un immeuble, l'article 2277 du Code civil viole les articles 10 et 11 de la Constitution. - Interprétée en ce sens que la prescription quinquennale qu'elle prévoit s'applique aux dettes périodiques relatives aux charges communes d'une copropriété d'un immeuble, la même disposition ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, à l'audience publique du 13 janvier 2011.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, R. Henneuse.

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