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Arrêt
publié le 23 décembre 2014

Extrait de l'arrêt n° 145/2014 du 9 octobre 2014 Numéros du rôle : 5727 et 5805 En cause : les questions préjudicielles relatives à l'article 318 du Code civil, posées par le Tribunal de première instance de Namur. La Cour constitutionnell composée des présidents J. Spreutels et A. Alen, et des juges E. De Groot, T. Merckx-Van Goey, P. N(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 145/2014 du 9 octobre 2014 Numéros du rôle : 5727 et 5805 En cause : les questions préjudicielles relatives à l'article 318 du Code civil, posées par le Tribunal de première instance de Namur.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et A. Alen, et des juges E. De Groot, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, F. Daoût et T. Giet, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président J. Spreutels, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure a. Par jugement du 2 octobre 2013 en cause de J.G. contre M.M., R.M. et P.W., dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 11 octobre 2013, le Tribunal de première instance de Namur a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 318 du Code civil, en ce qu'il prescrit que l'action de celui qui revendique la paternité de l'enfant doit être intentée dans l'année de la découverte qu'il est le père de l'enfant, ne viole-t-il pas les articles 10 et 11 de la Constitution, voire d'autres dispositions légales supranationales telle la Convention européenne des droits de l'homme, en ce qu'il érige en fin de non-recevoir absolue l'action en contestation de paternité non intentée dans le délai légal, sans possibilité pour le juge saisi de pareille demande d'apprécier si, compte tenu des intérêts en présence et du comportement des parties, la vérité biologique ne doit pas coïncider avec la réalité socio-affective vécue manifestement par l'enfant concerné ? ». b. Par jugement du 18 décembre 2013 en cause de G.W. contre N.G. et I.C., dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 10 janvier 2014, le Tribunal de première instance de Namur a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 318 du Code civil, en ce qu'il prescrit que l'action de celui qui revendique la paternité de l'enfant doit être intentée dans l'année de la découverte qu'il est le père de l'enfant, ne viole-t-il pas les articles 10 et 11 de la Constitution, voire d'autres dispositions légales supranationales telle la Convention européenne des droits de l'homme, en ce qu'il érige en fin de non-recevoir absolue l'action en contestation de paternité non intentée dans le délai légal, sans possibilité pour le juge saisi de pareille demande d'apprécier si, compte tenu des intérêts en présence et du comportement des parties, la vérité biologique ne doit pas coïncider avec la réalité socio-affective vécue manifestement par l'enfant concerné ? Par ailleurs, la réponse à cette question est-elle susceptible de varier, sans créer de nouvelles discriminations, entre la situation de l'enfant dont la paternité n'est pas contestée (serait alors appliqué le strict délai d'un an) et la situation de celui dont la paternité est contestée (serait en ce cas appliqué non le strict délai d'un an, mais le résultat de l'expertise ADN ou sanguine) ? ».

Ces affaires, inscrites sous les numéros 5727 et 5805 du rôle de la Cour, ont été jointes. (...) III. En droit (...) B.1.1. Bien qu'elles visent l'article 318 du Code civil dans son intégralité, les questions préjudicielles portent sur le paragraphe 2 de cet article, qui dispose : « L'action de la mère doit être intentée dans l'année de la naissance.

L'action du mari doit être intentée dans l'année de la découverte du fait qu'il n'est pas le père de l'enfant, celle de celui qui revendique la paternité de l'enfant doit être intentée dans l'année de la découverte qu'il est le père de l'enfant et celle de l'enfant doit être intentée au plus tôt le jour où il a atteint l'âge de douze ans et au plus tard le jour où il atteint l'âge de vingt-deux ans ou dans l'année de la découverte du fait que le mari n'est pas son père.

Si le mari est décédé sans avoir agi, mais étant encore dans le délai utile pour le faire, sa paternité peut être contestée, dans l'année de son décès ou de la naissance, par ses ascendants et par ses descendants. [...] ».

B.1.2. La présomption de paternité a pour fondement l'article 315 du Code civil, qui dispose que l'enfant né pendant le mariage ou dans les 300 jours qui suivent la dissolution ou l'annulation du mariage a pour père le mari.

B.2.1. Dans les deux affaires, la Cour est interrogée sur la compatibilité de l'article 318, § 2, du Code civil avec les articles 10 et 11 de la Constitution, combinés ou non avec des dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce qu'« il érige en fin de non-recevoir absolue l'action en contestation de paternité non intentée dans le délai légal, sans possibilité pour le juge saisi de pareille demande d'apprécier si, compte tenu des intérêts en présence et du comportement des parties, la vérité biologique ne doit pas coïncider avec la réalité socio-affective vécue manifestement par l'enfant concerné ».

Dans l'affaire n° 5805, le juge a quo demande également à la Cour si une réponse différente pourrait être apportée à la question dans la situation où la paternité de l'enfant n'est pas contestée par rapport à la situation de l'enfant dont la paternité est contestée.

B.2.2. Il ressort des éléments des causes et de la motivation des décisions de renvoi que les litiges soumis au juge a quo portent sur une action intentée par l'homme qui revendique la paternité d'un enfant et qui conteste ainsi la présomption de paternité.

La Cour limite son examen à l'hypothèse réglée par l'article 318, § 2, alinéa 1er, deuxième membre de la deuxième phrase, du Code civil.

B.3. La loi du 31 mars 1987 a, comme son intitulé l'indique, modifié diverses dispositions légales relatives à la filiation.

Selon l'exposé des motifs, un des objectifs de cette loi était de « cerner le plus près possible la vérité », c'est-à-dire la filiation biologique (Doc. parl., Sénat, 1977-1978, n° 305/1, p. 3). S'agissant de l'établissement de la filiation paternelle, il a été indiqué que « la volonté de régler l'établissement de la filiation en cernant le plus possible la vérité [devait] avoir pour conséquence d'ouvrir largement les possibilités de contestation » (ibid., p. 12).

Toutefois, il ressort des mêmes travaux préparatoires que le législateur a également entendu prendre en considération et protéger « la paix des familles », en tempérant si nécessaire à cette fin la recherche de la vérité biologique (ibid., p. 15). Il a choisi de ne pas s'écarter de l'adage « pater is est quem nuptiae demonstrant » (ibid., p. 11).

Cependant, la présomption de paternité ne pouvait être contestée à l'époque que par le mari, par la mère et par l'enfant, conformément à l'ancien article 332 du Code civil.

B.4.1. Le droit de la filiation a ensuite fait l'objet d'une profonde réforme par l'adoption de la loi du 1er juillet 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 01/07/2006 pub. 29/12/2006 numac 2006009998 source service public federal justice Loi modifiant des dispositions du Code civil relatives à l'établissement de la filiation et aux effets de celle-ci fermer modifiant des dispositions du Code civil relatives à l'établissement de la filiation et aux effets de celle-ci.

Il ressort des travaux préparatoires de cette loi que le législateur a entendu procéder à une réforme des textes qui ont été censurés par la Cour en la matière et tenir compte de l'évolution sociologique en rapprochant la filiation dans le mariage et la filiation hors mariage : « La loi de 1987 a pratiquement gommé toutes les différences pour ce qui concerne les effets mais elle a conservé un mécanisme de présomption de paternité du mari qui aboutit à des conséquences choquantes pour ce qui concerne l'établissement de la filiation. [...] La présente proposition a donc également pour objet tout en conservant la présomption de paternité du mari de donner à celle-ci des effets à peu près équivalents à ceux d'une reconnaissance » (Doc. parl., Chambre, 2003-2004, DOC 51-0597/001, p. 6). « Enfin, l'action doit être introduite dans un délai d'un an (à dater de la découverte de la naissance ou de l'année de la découverte du fait par le mari ou l'auteur de la reconnaissance qu'il n'est pas le père de l'enfant) » (Doc. parl., Chambre, 2005-2006, DOC 51-0597/037, p. 5). B.4.2. A la suite de cette modification de la loi, la présomption de paternité peut actuellement être contestée par la mère, l'enfant, l'homme à l'égard duquel la filiation est établie et la personne qui revendique la paternité de l'enfant.

La situation du père biologique d'un enfant né d'une femme mariée, lequel n'avait pas le droit de contester la paternité établie à l'égard du mari de cette femme, était au coeur des préoccupations du législateur. Le père biologique était ainsi totalement dépendant de l'attitude adoptée par la mère. Les travaux préparatoires indiquent sur ce point : « Il s'agit de remédier à une situation considérée comme choquante par les auteurs de la proposition, qui empêche le père biologique d'un enfant né d'une femme mariée de contester la paternité du mari. Dans l'état actuel des textes, le père biologique est dépourvu de tout recours et tributaire de l'attitude de la mère » (Doc. parl., Chambre, 2004-2005, DOC 51-0597/024, p. 59).

B.4.3.1. Une première proposition de loi prévoyait que la paternité établie sur la base de la présomption de paternité puisse être contestée « par tout intéressé », à l'instar de la contestation de la reconnaissance de paternité (Doc. parl., Chambre, 2003-2004, DOC 51-0597/001, p. 14, et Doc. parl., Chambre, 2004-2005, DOC 51-0597/024, p. 59). Ces termes visaient en premier lieu le père biologique de l'enfant né d'une femme mariée (Doc. parl., Chambre, 2003-2004, DOC 51-0597/001, p. 10).

Cette proposition d'offrir à « tout intéressé » la possibilité de contester une paternité basée sur le mariage fut toutefois considérée comme déraisonnable : il était à craindre qu'elle perturberait par trop la paix familiale au sein du couple marié (Doc. parl., Chambre, 2004-2005, DOC 51-0597/024, p. 61).

B.4.3.2. Il fut décidé en fin de compte d'étendre le droit de contestation à « la personne qui revendique la paternité de l'enfant », tout en instaurant la possession d'état comme cause d'irrecevabilité de telles actions (Doc. parl., Chambre, 2004-2005, DOC 51-0597/026, amendement n° 112, et Doc. parl., Chambre, 2004-2005, DOC 51-0597/029, sous-amendement n° 134).

Le compromis obtenu visait, d'une part, à limiter le droit d'action aux personnes effectivement concernées, à savoir le mari, la mère, l'enfant et l'homme qui revendique la paternité, et, d'autre part, à protéger autant que possible la cellule familiale au sein de laquelle l'enfant grandit en disposant que la possession d'état de l'enfant fait obstacle à ce droit d'action et en prévoyant des délais stricts pour l'exercice de ce droit (Doc. parl., Chambre, 2004-2005, DOC 51-0597/026, p. 6; Doc. parl., Chambre, 2004-2005, DOC 51-0597/032, p. 31).

B.4.4.1. En ce qui concerne le délai prévu pour l'homme qui revendique la paternité de l'enfant, il fut proposé que le droit d'action nouvellement instauré soit exercé « dans l'année de la découverte de la naissance » (Doc. parl., Chambre, 2004-2005, DOC 51-0597/026; Doc. parl., Chambre, 2004-2005, DOC 51-0597/02; Doc. parl., Chambre, 2004-2005, DOC 51-0597/033, p. 8).

La proposition de loi précitée fut critiquée parce qu'elle était susceptible de prolonger inutilement l'insécurité juridique et le trouble au sein de la famille, dans tous les cas de filiation paternelle dans le mariage, par la menace d'une contestation de la paternité.

B.4.4.2. Il fut finalement décidé que l'action de celui qui revendique la paternité de l'enfant devait être intentée « dans l'année de la découverte qu'il est le père de l'enfant » (article 318, § 2, du Code civil).

B.5. La Cour doit contrôler l'article 318, § 2, alinéa 1er, deuxième membre de la deuxième phrase, du Code civil au regard de l'article 22 de la Constitution, combiné avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.

L'article 22 de la Constitution dispose : « Chacun a droit au respect de sa vie privée et familiale, sauf dans les cas et conditions fixés par la loi.

La loi, le décret ou la règle visée à l'article 134 garantissent la protection de ce droit ».

L'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme dispose : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ». Il ressort des travaux préparatoires de l'article 22 de la Constitution que le Constituant a recherché la plus grande concordance possible avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme (Doc. parl., Chambre, 1992-1993, n° 997/5, p. 2).

B.6. Le droit au respect de la vie privée et familiale, tel qu'il est garanti par les dispositions précitées, a pour but essentiel de protéger les personnes contre les ingérences dans leur vie privée et leur vie familiale.

L'article 22, alinéa 1er, de la Constitution et l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme n'excluent pas une ingérence d'une autorité publique dans le droit au respect de la vie privée mais ils exigent que cette ingérence soit prévue par une disposition législative suffisamment précise, qu'elle corresponde à un besoin social impérieux et qu'elle soit proportionnée à l'objectif légitime qu'elle poursuit. Ces dispositions engendrent de surcroît l'obligation positive pour l'autorité publique de prendre des mesures qui assurent le respect effectif de la vie privée et familiale, même dans la sphère des relations entre les individus (CEDH, 27 octobre 1994, Kroon et autres c. Pays-Bas, § 31; CEDH, grande chambre, 12 octobre 2013, Söderman c. Suède, § 78; 3 avril 2014, Konstantinidis c.

Grèce, § 42).

B.7. Les procédures relatives à l'établissement ou à la contestation de paternité concernent la vie privée du requérant, parce que la matière de la filiation englobe d'importants aspects de l'identité personnelle d'un individu (CEDH, 28 novembre 1984, Rasmussen c.

Danemark, § 33; 24 novembre 2005, Shofman c. Russie, § 30; 12 janvier 2006, Mizzi c. Malte, § 102; 16 juin 2011, Pascaud c. France, § § 48-49; 21 juin 2011, Krushovic c. Croatie, § 20; 22 mars 2012, Ahrens c. Allemagne, § 60;12 février 2013, Krisztiàn Barnabàs Tóth c.

Hongrie, § 28).

Le régime en cause de contestation de la présomption de paternité relève donc de l'application de l'article 22 de la Constitution et de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.

B.8.1. Le législateur, lorsqu'il élabore un régime qui entraîne une ingérence de l'autorité publique dans la vie privée, jouit d'une marge d'appréciation pour tenir compte du juste équilibre à ménager entre les intérêts concurrents de l'individu et de la société dans son ensemble (CEDH, 26 mai 1994, Keegan c. Irlande, § 49; 27 octobre 1994, Kroon et autres c. Pays-Bas, § 31; 2 juin 2005, Znamenskaya c. Russie, § 28; 24 novembre 2005, Shofman c. Russie, § 34; 20 décembre 2007, Phinikaridou c. Chypre, §§ 51 à 53; 25 février 2014, Ostace c.

Roumanie, § 33).

Cette marge d'appréciation du législateur n'est toutefois pas illimitée : pour apprécier si une règle législative est compatible avec le droit au respect de la vie privée, il convient de vérifier si le législateur a trouvé un juste équilibre entre tous les droits et intérêts en cause. Pour cela, il ne suffit pas que le législateur ménage un équilibre entre les intérêts concurrents de l'individu et de la société dans son ensemble mais il doit également ménager un équilibre entre les intérêts contradictoires des personnes concernées (CEDH, 6 juillet 2010, Backlund c. Finlande, § 46; 15 janvier 2013, Laakso c. Finlande, § 46; 29 janvier 2013, Röman c. Finlande, § 51).

Lorsqu'il élabore un régime légal en matière de filiation, le législateur doit en principe permettre aux autorités compétentes de procéder in concreto à la mise en balance des intérêts des différentes personnes concernées, sous peine de prendre une mesure qui ne serait pas proportionnée aux objectifs légitimes poursuivis.

Tant l'article 22bis, alinéa 4, de la Constitution que l'article 3, paragraphe 1, de la Convention relative aux droits de l'enfant imposent aux juridictions de prendre en compte, de manière primordiale, l'intérêt de l'enfant dans les procédures le concernant.

La Cour européenne des droits de l'homme a précisé que, dans la balance des intérêts en jeu, il y a lieu de faire prévaloir les intérêts de l'enfant (CEDH, 5 novembre 2002, Yousef c. Pays-Bas, § 73; 26 juin 2003, Maire c. Portugal, §§ 71 et 77; 8 juillet 2003, Sommerfeld c. Allemagne, §§ 64 et 66; 28 juin 2007, Wagner et J.M.W.L. c. Luxembourg, § 119;6 juillet 2010, Neulinger et Shuruk c. Suisse, § 135; 22 mars 2012, Ahrens c. Allemagne, § 63).

Si l'intérêt de l'enfant doit être une considération primordiale, il n'a pas un caractère absolu. Dans la mise en balance des différents intérêts en jeu, l'intérêt de l'enfant occupe une place particulière du fait qu'il représente la partie faible dans la relation familiale.

Il ne ressort pas de cette place particulière que les intérêts des autres parties en présence ne pourraient pas être pris en compte.

B.8.2. En ce qui concerne en particulier les délais dans le droit de la filiation, la Cour européenne des droits de l'homme n'a pas estimé que l'instauration de délais était en soi contraire à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme; seule la nature d'un tel délai peut être considérée comme contraire au droit au respect de la vie privée (CEDH, 6 juillet 2010, Backlund c. Finlande, § 45; 15 janvier 2013, Laakso c. Finlande, § 45; 29 janvier 2013, Röman c.

Finlande, § 50; 3 avril 2014, Konstantinidis c. Grèce, § 46).

B.8.3. La Cour européenne des droits de l'homme admet en outre que la marge d'appréciation du législateur national est plus grande lorsqu'il n'existe pas de consensus au sein des Etats membres du Conseil de l'Europe concernant l'intérêt en cause ou la manière dont cet intérêt doit être protégé (CEDH, 22 mars 2012, Ahrens c. Allemagne, § 68). De plus, la Cour européenne souligne qu'il ne lui incombe pas de prendre des décisions à la place des autorités nationales (CEDH, 15 janvier 2013, Laakso c. Finlande, § 41).

B.9.1. La paix des familles et la sécurité juridique des liens familiaux, d'une part, et l'intérêt de l'enfant, d'autre part, constituent des buts légitimes dont le législateur peut tenir compte pour empêcher que la contestation de paternité puisse être exercée sans limitation, de sorte que le législateur a pu prévoir des délais de déchéance (voir CEDH, 28 novembre 1984, Rasmussen c. Danemark, § 41; 12 janvier 2006, Mizzi c. Malte, § 88; 6 juillet 2010, Backlund c.

Finlande, § 45; 15 janvier 2013, Laakso c. Finlande, § 45; 29 janvier 2013, Röman c. Finlande, § 50).

B.9.2. Dans cette optique, il est pertinent de ne pas faire primer a priori la réalité biologique sur la réalité socio-affective de la paternité.

B.10. Il est dès lors raisonnablement justifié que l'homme qui revendique la paternité de l'enfant ne dispose que d'un bref délai pour contester la présomption de paternité du mari de la mère.

B.11. La question préjudicielle posée dans l'affaire n° 5727 et la première question préjudicielle posée dans l'affaire n° 5805 appellent une réponse négative.

B.12. La circonstance que la paternité biologique de celui qui revendique la paternité de l'enfant ne soit pas contestée ne modifie rien au constat opéré en B.10. Pour des motifs identiques à ceux qui ont été exposés en B.3 à B.10, la deuxième question préjudicielle posée dans l'affaire n° 5805 appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 318, § 2, alinéa 1er, du Code civil ne viole pas les articles 10, 11 et 22 de la Constitution, combinés ou non avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce que l'homme qui revendique la paternité de l'enfant doit intenter l'action en contestation de paternité dans l'année de la découverte du fait qu'il est le père de l'enfant.

Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 9 octobre 2014.

Le greffier, F. Meersschaut Le président, J. Spreutels

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