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Arrêt
publié le 12 mai 2017

Extrait de l'arrêt n° 35/2017 du 16 mars 2017 Numéros du rôle : 6375 et 6376 En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 63, 165 et 167 du Code civil, posées par le Tribunal de première instance de Namur, division Namur.

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Extrait de l'arrêt n° 35/2017 du 16 mars 2017 Numéros du rôle : 6375 et 6376 En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 63, 165 et 167 du Code civil, posées par le Tribunal de première instance de Namur, division Namur.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et E. De Groot, et des juges J.-P. Snappe, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet et R. Leysen, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président J. Spreutels, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure Par deux jugements du 24 février 2016 en cause respectivement de M.A. et K. N'G. contre l'officier de l'état civil de la ville de Namur et de L.V.D. et K.D. contre l'officier de l'état civil de la commune de Sambreville, dont les expéditions sont parvenues au greffe de la Cour le 7 mars 2016, le Tribunal de première instance de Namur, division Namur, a posé les questions préjudicielles suivantes : « Les articles 63, 165 et 167 du Code civil, pris isolément ou ensemble, en ce qu'ils font dépendre, selon l'interprétation qui leur est donnée, de la date de mariage choisie par les candidats au mariage et/ou de l'existence d'une surséance, de deux mois, éventuellement prolongée de trois mois, l'effectivité du recours contre la décision de refus célébrer le mariage émanant de l'Officier de l'état civil, ne violent-ils pas notamment les articles 10 et 11 de la Constitution, combinés ou non avec d'autres dispositions légales supranationales telle la Convention européenne des droits de l'homme et notamment l'article 12 de cette dernière, constituant de ce fait une entrave au droit du mariage, puisque privant lesdits candidats du droit effectif au mariage et les contraignant à la réintroduction quasi systématique d'une déclaration de mariage, sauf à considérer que, conscients ou devant l'être des délais, soit (1) ils peuvent saisir en amont le Procureur du Roi d'une demande de prolongation, l'expiration du délai de 6 mois et 14 jours avant même la décision de surséance ou avant l'expiration du délai de recours d'un mois constituant des raisons graves, soit (2) qu'en cas de surséance de la célébration du mariage décidée par l'Officier de l'état civil, et depuis cette date, le délai de célébration de mariage est, à tout le moins, suspendu, jusqu'à ce que ce dernier accepte de célébrer le mariage, explicitement ou implicitement par absence de refus dans le délai de deux mois, ou jusqu'à ce que le juge soit saisi dans les délais prévus ? Par ailleurs, n'y a-t-il pas une violation identique des mêmes dispositions légales en ce que, dans ce cas de figure, les candidats au mariage qui font l'objet d'une décision de surséance sont purement et simplement privés du droit effectif d'obtenir une prolongation judiciaire du délai en cas de refus de célébration de la part de l'officier de l'état civil, le délai originaire étant déjà expiré au moment de ladite décision de refus ? ».

Ces affaires, inscrites sous les numéros 6375 et 6376 du rôle de la Cour, ont été jointes. (...) III. En droit (...) Quant aux dispositions en cause et à leur contexte B.1. Les questions préjudicielles portent sur les articles 63, 165 et 167 du Code civil, qui disposent : «

Art. 63.§ 1er. Ceux qui désirent contracter mariage sont tenus d'en faire la déclaration, moyennant le dépôt des documents visés à l'article 64, à l'officier de l'état civil de la commune où l'un des futurs époux est inscrit dans les registres de la population, le registre des étrangers ou le registre d'attente à la date de l'établissement de l'acte de déclaration. [...] § 2. La déclaration est faite par l'un des futurs époux ou par les deux.

L'officier de l'état civil dresse acte de cette déclaration dans le mois de la délivrance de l'accusé de réception visé à l'article 64, § 1er, alinéa 1er, sauf s'il a des doutes sur la validité ou l'authenticité des documents remis visés à l'article 64. Dans ce cas, il en informe les futurs époux et il se prononce sur la validité ou l'authenticité des documents remis et décide si l'acte peut être établi, au plus tard trois mois après la délivrance de l'accusé de réception visé à l'article 64, § 1er, alinéa 1er. S'il n'a pas pris de décision dans ce délai, l'officier de l'état civil doit établir l'acte sans délai.

Il est inscrit dans un registre unique déposé à la fin de chaque année au greffe du Tribunal de première instance. [...] ». «

Art. 165.§ 1er. Le mariage ne peut être célébré avant le 14e jour qui suit la date de l'établissement de l'acte de déclaration de mariage, visé à l'article 63. § 2. Le procureur du Roi près le tribunal de première instance de l'arrondissement dans lequel les requérants ont l'intention de contracter mariage, peut, pour raisons graves, dispenser de la déclaration et de tout délai d'attente, et accorder une prolongation du délai de six mois visé au § 3. § 3. Si le mariage n'a pas été célébré dans les six mois à compter de l'expiration du délai de 14 jours visé au § 1er, il ne peut plus être célébré qu'après une nouvelle déclaration de mariage faite dans la forme prévue à l'article 63.

Lorsque l'officier de l'état civil refuse de célébrer le mariage, une prolongation de ce délai de six mois peut être demandée au juge qui se prononce sur le recours contre le refus ». «

Art. 167.L'officier de l'état civil refuse de célébrer le mariage lorsqu'il apparaît qu'il n'est pas satisfait aux qualités et conditions prescrites pour contracter mariage, ou s'il est d'avis que la célébration est contraire aux principes de l'ordre public.

S'il existe une présomption sérieuse qu'il n'est pas satisfait aux conditions visées à l'alinéa précédent, l'officier de l'état civil peut surseoir à la célébration du mariage, le cas échéant après avoir recueilli l'avis du procureur du Roi de l'arrondissement judiciaire dans lequel les requérants ont l'intention de contracter mariage, pendant un délai de deux mois au plus à partir de la date de mariage choisie par les parties intéressées, afin de procéder à une enquête complémentaire. Le procureur du Roi peut prolonger ce délai de trois mois au maximum. Dans ce cas, il en informe l'officier de l'état civil qui en informe les parties intéressées.

S'il n'a pas pris de décision définitive dans le délai prévu à l'alinéa précédent, l'officier de l'état civil doit célébrer le mariage sans délai, même dans les cas où le délai de six mois visé à l'article 165, § 3, est expiré.

Dans le cas d'un refus visé à l'alinéa premier, l'officier de l'état civil notifie sans délai sa décision motivée aux parties intéressées.

Une copie, accompagnée d'une copie de tous documents utiles en est, en même temps, transmise au procureur du Roi de l'arrondissement judiciaire dans lequel le refus a été exprimé et à l'Office des étrangers dans le cas où sa décision est motivée sur la base de l'article 146bis.

Si l'un des futurs époux ou les deux ne sont pas inscrits, au jour du refus, dans les registres de la population, le registre des étrangers ou le registre d'attente de la commune, ou n'y ont pas leur résidence actuelle, la décision de refus est également immédiatement notifiée à l'officier de l'état civil de la commune où ce futur époux ou ces futurs époux sont inscrits dans l'un de ces registres ou ont leur résidence actuelle.

Le refus de l'officier de l'état civil de célébrer le mariage est susceptible de recours par les parties intéressées pendant un délai d'un mois suivant la notification de sa décision, devant le tribunal de la famille ».

B.2. Ces dispositions ont été introduites dans le Code civil par la loi du 4 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/05/1999 pub. 01/07/1999 numac 1999009647 source ministere de la justice Loi modifiant certaines dispositions relatives au mariage fermer « modifiant certaines dispositions relatives au mariage », entrée en vigueur le 1er janvier 2000, qui a modernisé certaines formalités préalables au mariage et renforcé le rôle actif et préventif des officiers de l'état civil dans la lutte contre les mariages simulés (Doc. parl., Sénat, 1998-1999, n° 1-512/4, pp. 9 et 13; Doc. parl., Chambre, 1998-1999, n° 1788/3, pp. 9, 13 et 14).

B.3.1. L'article 165, §§ 1er et 3, alinéa 1er, du Code civil prévoit que les futurs époux peuvent choisir le jour de la célébration de leur mariage, dans une période située entre, au plus tôt, le quatorzième jour qui suit la date de l'établissement de l'acte de déclaration et, au plus tard, le dernier jour du délai de six mois à compter de l'expiration du délai de quatorze jours.

Il en résulte que le délai de célébration du mariage est de six mois maximum à partir du quatorzième jour qui suit la date de l'établissement de l'acte de déclaration. A défaut de célébration du mariage dans ce délai, une nouvelle déclaration de mariage et la rédaction d'un nouvel acte de déclaration sont requis.

Le législateur a conçu le délai d'attente minimal de quatorze jours comme un « moratoire » durant lequel l'officier de l'état civil peut recueillir les informations utiles et exercer son pouvoir de contrôle (Doc. parl., Sénat, 1998-1999, n° 1-512/6, pp. 9 et 15).

Lorsque l'officier de l'état civil refuse de célébrer le mariage, une prolongation du délai maximum dans lequel le mariage doit être célébré peut être demandée au juge qui se prononce sur le recours contre ce refus (article 165, § 3, alinéa 2, du Code civil). Selon l'article 167, dernier alinéa, du Code civil, le juge compétent pour connaître du recours contre le refus de célébrer le mariage est le tribunal de la famille, lequel peut être saisi d'un recours par les candidats au mariage dans le délai d'un mois suivant la notification de la décision de refus.

Une prolongation du même délai peut aussi être accordée par le procureur du Roi « pour raisons graves » en vertu de l'article 165, § 2, du Code civil.

B.3.2. L'article 167, alinéa 1er, du Code civil prévoit que l'officier de l'état civil doit refuser de célébrer le mariage lorsqu'il apparaît qu'il n'est pas satisfait aux qualités et conditions prescrites pour contracter mariage ou s'il est d'avis que la célébration est contraire aux principes de l'ordre public, notamment parce qu'il s'agirait d'un mariage simulé tel qu'il est défini à l'article 146bis du Code civil (Doc. parl., Sénat, 1998-1999, n° 1-512/6, p. 15).

S'il existe une présomption sérieuse que les conditions requises pour se marier ne sont pas remplies, l'officier de l'état civil peut surseoir à la célébration du mariage pendant un délai de deux mois à partir de la date de mariage choisie par les futurs époux, afin de procéder à une enquête complémentaire, en vertu de l'article 167, alinéa 2, du Code civil. Selon les travaux préparatoires, « le report du mariage doit permettre à l'officier de l'état civil de procéder à une enquête complémentaire pour vérifier s'il s'agit d'un possible mariage simulé (par exemple lorsque le délai prévu entre la déclaration et la date de mariage prévue serait, autrement, trop court) » (Doc. parl., Sénat, 1998-1999, n° 1-512/4, p. 12; Doc. parl., Chambre, 1998-1999, n° 1788/3, p. 13).

La loi du 2 juin 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 02/06/2013 pub. 23/09/2013 numac 2013009405 source service public federal justice Loi modifiant le Code civil, la loi du 31 décembre 1851 sur les consulats et la juridiction consulaire, le Code pénal, le Code judiciaire et la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, en vue de la lutte contre les mariages de complaisance et les cohabitations légales de complaisance fermer « modifiant le Code civil, la loi du 31 décembre 1851 sur les consulats et la juridiction consulaire, le Code pénal, le Code judiciaire et la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, en vue de la lutte contre les mariages de complaisance et les cohabitations légales de complaisance » a modifié l'article 167, alinéa 2, du Code civil pour donner la possibilité au procureur du Roi de prolonger d'un nouveau délai de trois mois le délai initial de surséance de deux mois décidé par l'officier de l'état civil. Selon les travaux préparatoires, la faculté pour le procureur du Roi de porter le délai de surséance à cinq mois maximum a été motivée par la volonté de « donner suffisamment de temps au procureur du Roi pour procéder à une enquête et formuler son avis » (Doc. parl., Chambre, 2012-2013, DOC 53-2673/001, p. 6), la pratique ayant démontré que « le délai de deux mois s'est souvent avéré insuffisant pour pouvoir effectuer une enquête approfondie et fournir un avis motivé » (ibid., p. 9). Quant aux questions préjudicielles B.4.1. La Cour est invitée à examiner la compatibilité des articles 63, 165 et 167 du Code civil, pris ensemble ou séparément, avec « les articles 10 et 11 de la Constitution, combinés ou non avec d'autres dispositions légales supranationales telle la Convention européenne des droits de l'homme et notamment l'article 12 de cette dernière », en ce que ces dispositions feraient dépendre l'effectivité du recours contre la décision de refus de l'officier de l'état civil de célébrer le mariage de la date de mariage choisie par les candidats au mariage « et/ou » de l'existence d'une surséance de deux mois, éventuellement prolongée de trois mois, et constitueraient ainsi une entrave au droit au mariage, en contraignant les candidats au mariage à la réintroduction quasi systématique d'une déclaration de mariage.

Il est également demandé à la Cour d'examiner si les dispositions en cause ne violent pas ces mêmes dispositions en privant les candidats au mariage qui font l'objet d'une décision de surséance, du droit effectif d'obtenir une prolongation judiciaire du délai de célébration du mariage, lorsque le délai initial était déjà expiré au moment de la notification de la décision de refus de célébrer le mariage.

B.4.2. Il ressort de la formulation des questions préjudicielles et de la motivation des décisions de renvoi que les litiges au fond portent sur une situation dans laquelle, successivement, l'officier de l'état civil a sursis à la célébration du mariage pendant un délai de deux mois (article 167, alinéa 2, du Code civil), le procureur du Roi a prolongé ce délai de trois mois supplémentaires (article 167, alinéa 2, du Code civil), l'officier de l'état civil a refusé de célébrer le mariage à l'expiration du délai de surséance (article 167, alinéa 4) et, enfin, les candidats au mariage ont introduit un recours contre la décision de refus devant le tribunal de la famille, dans le délai de recours (article 167, dernier alinéa). Les litiges au fond ont pour particularité que la décision de refus de l'officier de l'état civil de célébrer le mariage a été notifiée aux candidats au mariage à une date à laquelle le délai de six mois et quatorze jours pour célébrer le mariage était déjà écoulé (article 165, § 3, alinéa 1er).

La Cour limite son examen à cette hypothèse.

B.4.3. Il ressort des motifs des décisions de renvoi que le juge a quo interroge la Cour à propos des conséquences du dépassement du délai de six mois et quatorze jours pour célébrer le mariage visé à l'article 165, § 3, alinéa 1er, du Code civil, sur le sort à réserver au recours formé contre la décision de refus, en vertu de l'article 167, dernier alinéa, du même Code, et à la demande de prolongation du délai de six mois visée à l'article 165, § 3, alinéa 2, du même Code, en cas de surséance à la célébration du mariage, en vertu de l'article 167, alinéa 2, du même Code.

L'article 63 du Code civil, qui concerne la déclaration de mariage, n'est pas directement concerné par les questions préjudicielles.

La Cour limite par conséquent son examen aux articles 165, § 3, et 167, alinéas 2 et 6, du Code civil.

B.4.4. Il ressort par ailleurs des motifs des décisions de renvoi que le juge a quo compare la situation de candidats au mariage qui ont choisi de se marier à une date proche du point de départ du délai de six mois et quatorze jours pour célébrer le mariage, d'une part, et celle des candidats au mariage qui choisissent de se marier à une date éloignée du point de départ du même délai, d'autre part.

Les questions préjudicielles invitent la Cour à se prononcer sur une éventuelle discrimination, en ce que la seconde catégorie de personnes serait privée, sans justification objective et raisonnable, d'un accès effectif au tribunal de la famille, dans les circonstances décrites en B.4.2, à la fois pour contester la décision de refus et pour demander une prolongation du délai de célébration du mariage. La question préjudicielle doit ainsi être interprétée en ce sens que la Cour est interrogée sur la compatibilité des dispositions en cause avec les articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec le droit d'accès au juge, garanti par l'article 13 de la Constitution et par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, et avec le droit au mariage, garanti par l'article 12 de la même Convention.

B.5.1. Le droit d'accès au juge, qui constitue un aspect du droit à un procès équitable, peut être soumis à des conditions de recevabilité, notamment en ce qui concerne l'introduction d'une voie de recours. Ces conditions ne peuvent cependant aboutir à restreindre le droit de manière telle que celui-ci s'en trouve atteint dans sa substance même.

Tel serait le cas si les restrictions imposées ne tendaient pas vers un but légitime et s'il n'existait pas un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

La compatibilité de ces limitations avec le droit d'accès à un tribunal dépend des particularités de la procédure en cause et s'apprécie au regard de l'ensemble du procès (CEDH, 24 février 2009, L'Erablière c. Belgique, § 36; 29 mars 2011, R.T.B.F. c. Belgique, § 69; 18 octobre 2016, Miessen c. Belgique, § 64).

B.5.2. Plus particulièrement, les règles relatives aux formalités et délais fixés pour former un recours visent à assurer une bonne administration de la justice et à écarter les risques d'insécurité juridique. Toutefois, ces règles ne peuvent empêcher les justiciables de se prévaloir des voies de recours disponibles.

De surcroît, « les tribunaux doivent, en appliquant des règles de procédure, éviter à la fois un excès de formalisme qui porterait atteinte à l'équité de la procédure, et une souplesse excessive qui aboutirait à supprimer les conditions de procédure établies par la loi » (CEDH, 26 juillet 2007, Walchli c. France, § 29; 25 mai 2004, Kadlec et autres c. République tchèque, § 26). « En effet, le droit d'accès à un tribunal se trouve atteint lorsque sa réglementation cesse de servir les buts de la sécurité juridique et de la bonne administration de la justice et constitue une sorte de barrière qui empêche le justiciable de voir son litige tranché au fond par la juridiction compétente » (CEDH, 24 mai 2011, Sabri Gunes c. Turquie, § 58; 13 janvier 2011, Evaggelou c. Grèce, § 19; 18 octobre 2016, Miessen c.

Belgique, § 66).

Le droit d'accès au juge est notamment violé s'il est imposé à une partie au procès un formalisme excessif sous la forme d'un délai dont le respect est tributaire de circonstances échappant à son pouvoir (CEDH, 22 juillet 2010, Melis c. Grèce, §§ 27-28).

B.6. La Cour examine, en règle, les dispositions en cause dans l'interprétation qu'en donne le juge a quo.

B.7.1. Dans l'interprétation retenue par le juge a quo, le recours contre la décision de refus devrait être considéré comme dépourvu d'objet, dans les circonstances décrites en B.4.2, au motif que le délai de célébration du mariage serait dépassé et qu'une nouvelle déclaration de mariage serait nécessaire. La demande de prolongation du délai de célébration du mariage formulée dans le cadre du recours ne pourrait pas non plus être accueillie, dès lors qu'elle serait introduite après l'expiration du délai originaire.

B.7.2. Le respect du délai de célébration du mariage échappe toutefois à la maîtrise des candidats au mariage, en cas de surséance. En effet, plus les candidats au mariage ont choisi une date éloignée du point de départ du délai de six mois et quatorze jours visé à l'article 165, § 3, alinéa 1er, du Code civil et plus le délai de surséance est long, plus les chances sont élevées que la décision de refus intervienne à un moment où le délai de célébration du mariage est dépassé, dès lors que le délai de surséance prend cours à la date de mariage choisie par les futurs époux et qu'il peut durer jusqu'à cinq mois, soit un délai fort proche du délai de six mois pour célébrer le mariage.

Les candidats au mariage ne maîtrisent ni la décision de surseoir à la célébration du mariage, ni le délai de cette surséance, tandis que l'article 165, §§ 1er et 3, alinéa 1er, du Code civil leur donne la possibilité de choisir la date de leur mariage.

Partant, dans cette interprétation, les dispositions en cause privent de manière disproportionnée les candidats qui ont choisi de se marier à une date éloignée du point de départ du délai de six mois et quatorze jours mentionné à l'article 165, § 3, alinéa 1er, du Code civil, d'un accès effectif au tribunal de la famille, dans les circonstances décrites en B.4.2.

B.8. Dans cette interprétation, les questions préjudicielles appellent une réponse affirmative.

B.9. Les articles 165, § 3, et 167, alinéas 2 et 6, du Code civil peuvent toutefois être interprétés autrement.

B.10.1. Les dispositions en cause n'indiquent en effet pas les conséquences du dépassement du délai de six mois et quatorze jours sur le sort à réserver au recours contre la décision de refus et à la demande de prolongation judiciaire de ce délai formulée dans le cadre de ce recours.

Les dispositions en cause peuvent être interprétées en ce sens que lorsque l'officier de l'état civil et, le cas échéant, le procureur du Roi décident de surseoir au mariage, le délai maximum pour célébrer le mariage est prorogé d'office jusqu'à ce que l'officier de l'état civil accepte de célébrer le mariage ou, s'il refuse, jusqu'à ce que le juge saisi valablement d'un recours contre cette décision se prononce sur l'action et, le cas échéant, sur une prorogation du délai précité.

B.10.2. Les dispositions en cause, dans cette interprétation, correspondent à l'intention du législateur, qui a indiqué lors des travaux préparatoires que la faculté pour le juge saisi du recours contre la décision de refus de prolonger le délai de six mois permettait « d'éviter, par ce biais, que les parties doivent, une deuxième fois, faire une déclaration » (Doc. parl., Sénat, 1998-1999, n° 1-512/4, p.12).

Pour le surplus, les dispositions en cause ainsi interprétées rencontrent l'objectif d'éviter de pénaliser les candidats au mariage en cas de surséance, qui est également à la base de l'article 167, alinéa 3, du Code civil. En vertu de cette disposition, lorsque l'officier de l'état civil n'a pas pris de décision refusant ou accordant la célébration du mariage dans le délai de surséance de cinq mois maximum prévu à l'article 167, alinéa 2, du même Code, celui-ci doit célébrer le mariage sans délai, « même dans les cas où le délai de six mois visé à l'article 165, § 3, est expiré ». De la même manière, les candidats au mariage doivent disposer d'un accès effectif au tribunal de la famille afin de contester la décision de refus de célébrer leur mariage consécutive à une décision de surséance, même lorsque le délai de célébration du mariage est dépassé pour des raisons indépendantes de leur volonté.

B.11. Dans cette interprétation, les questions préjudicielles appellent une réponse négative.

B.12. Le contrôle au regard des articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec l'article 12 de la Convention européenne des droits de l'homme, ne conduit pas à une autre conclusion.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : - Les articles 165, § 3, et 167, alinéas 2 et 6, du Code civil violent les articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec le droit d'accès au juge, dans l'interprétation selon laquelle, lorsque l'officier de l'état civil et, le cas échéant, le procureur du Roi décident de surseoir au mariage, que l'officier de l'état civil refuse ensuite de célébrer le mariage et que cette décision est notifiée après l'expiration du délai maximum dans lequel le mariage doit être célébré, le recours valablement introduit contre cette décision est considéré comme étant sans objet et une prorogation de ce délai ne peut plus être accordée. - Les mêmes dispositions ne violent pas les articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec le droit d'accès au juge, dans l'interprétation selon laquelle, lorsque l'officier de l'état civil et, le cas échéant, le procureur du Roi décident de surseoir au mariage, le délai maximum pour célébrer le mariage est prorogé d'office jusqu'à ce que l'officier de l'état civil accepte de célébrer le mariage ou, s'il refuse, jusqu'à ce que le juge saisi valablement d'un recours contre cette décision se prononce sur l'action et, le cas échéant, sur une prorogation du délai précité.

Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 16 mars 2017.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, J. Spreutels

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