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Arrêt
publié le 24 février 2020

Extrait de l'arrêt n° 95/2019 du 6 juin 2019 Numéros du rôle : 6925 et 6926 En cause : les questions préjudicielles relatives à l'article 335, § 3, du Code civil, posées par le tribunal de la famille du Tribunal de première instance fran La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et A. Alen, et des juges L. Lavrysen(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 95/2019 du 6 juin 2019 Numéros du rôle : 6925 et 6926 En cause : les questions préjudicielles relatives à l'article 335, § 3, du Code civil, posées par le tribunal de la famille du Tribunal de première instance francophone de Bruxelles.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et A. Alen, et des juges L. Lavrysen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke et P. Nihoul, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président F. Daoût, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure a. Par jugement du 6 mars 2018 en cause de X.V. contre S.M., dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 14 mai 2018, le tribunal de la famille du Tribunal de première instance francophone de Bruxelles a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 335, § 3, du Code civil viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution combinés ou non avec l'article 2.2. de la Convention internationale des droits de l'enfant et crée-t-il une discrimination en ce qu'il instaure, une règle patronymique différenciée en l'absence d'accord entre les parents, en fonction du fait que les deux liens de filiation ont été ou non établis simultanément, et en ce que si les deux liens de filiation ne l'ont pas été, le parent qui a vu son lien reconnu le premier a un pouvoir souverain de refuser le changement de nom, créant ainsi une distinction fondée uniquement sur le moment de l'établissement de la seconde filiation et alors que la loi du 8 mai 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/05/2014 pub. 26/05/2014 numac 2014009293 source service public federal justice Loi modifiant le Code civil en vue d'instaurer l'égalité de l'homme et de la femme dans le mode de transmission du nom à l'enfant et à l'adopté type loi prom. 08/05/2014 pub. 19/02/2015 numac 2015000081 source service public federal interieur Loi modifiant le Code civil en vue d'instaurer l'égalité de l'homme et de la femme dans le mode de transmission du nom à l'enfant et à l'adopté. - Traduction allemande type loi prom. 08/05/2014 pub. 14/05/2014 numac 2014009238 source service public federal justice Loi portant modification et coordination de diverses lois en matière de Justice type loi prom. 08/05/2014 pub. 28/05/2014 numac 2014003239 source service public federal finances Loi modifiant le Code des impôts sur les revenus 1992 à la suite de l'introduction de la taxe additionnelle régionale sur l'impôt des personnes physiques visée au titre III/1 de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des Communautés et des Régions, modifiant les règles en matière d'impôt des non-résidents et modifiant la loi du 6 janvier 2014 relative à la Sixième Réforme de l'Etat concernant les matières visées à l'article 78 de la Constitution type loi prom. 08/05/2014 pub. 04/06/2014 numac 2014011326 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie Loi portant des dispositions diverses en matière d'énergie fermer visait dans son intitulé ' l'égalité de l'homme et de la femme dans le mode de transmission du nom ' ? ». b. Par jugement du 27 février 2018 en cause de K.R. contre A. A.M., dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 14 mai 2018, le tribunal de la famille du Tribunal de première instance francophone de Bruxelles a posé les questions préjudicielles suivantes : « - L'article 335, § 3, du Code civil viole-t-il les articles 10, 11 et 22 de la Constitution, lus de manière isolée ou combinée avec les articles 8, 14 de la CEDH, l'article 5 du Protocole n° 7 de cette convention, les articles 7, 20, 21 et 23 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne et l'article 7 de la convention relative aux droits de l'enfant, en ce qu'il n'autorise le changement de nom de l'enfant que si les deux parents sont d'accord de cette modification sauf décès d'un des deux parents et en ce qu'il ne prévoit pas la même règle que celle préconisée à l'article 335, § 1er, du Code civil, en cas de désaccord, créant ainsi une distinction fondée sur le seul critère du moment auquel les 2 filiations sont établies ? - L'article 335, § 3, du Code civil, ne viole-t-il pas les articles 10, 11 et 22 et 22bis de la Constitution, lus de manière isolée ou combinée avec les articles 8 et 14 de la CEDH, l'article 5 du Protocole n° 7 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, les articles 7, 20, 21 et 23 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne et l'article 7 de la convention relative aux droits de l'enfant en ce qu'il ne permet pas au parent qui détient l'autorité parentale exclusive le droit de modifier le nom de l'enfant après l'établissement de la seconde filiation alors que ce droit lui est reconnu en cas de décès de l'autre parent ? ».

Ces affaires, inscrites sous les numéros 6925 et 6926 du rôle de la Cour, ont été jointes. (...) III. En droit (...) Quant à la disposition en cause B.1.1. Les trois questions préjudicielles portent sur l'article 335, § 3, du Code civil.

Tel qu'il était applicable devant le juge a quo lorsque les questions ont été posées, l'article 335 du Code civil disposait : « § 1er. L'enfant dont la filiation paternelle et la filiation maternelle sont établies simultanément porte soit le nom de son père, soit le nom de sa mère, soit leurs deux noms accolés dans l'ordre choisi par eux dans la limite d'un nom pour chacun d'eux.

Les père et mère choisissent le nom de l'enfant lors de la déclaration de naissance. L'officier de l'état civil prend acte de ce choix. [...] En cas de désaccord, l'enfant porte les noms du père et de la mère accolés par ordre alphabétique dans la limite d'un nom pour chacun d'eux. Lorsque le père et la mère, ou l'un d'entre eux, portent un double nom, la partie du nom transmise à l'enfant est choisie par l'intéressé. En l'absence de choix, la partie du double nom transmise est déterminée selon l'ordre alphabétique.

Le refus d'effectuer un choix est considéré comme un cas de désaccord.

Lorsque les père et mère déclarent conjointement la naissance de l'enfant, l'officier de l'état civil constate le nom choisi par eux ou le désaccord entre eux, conformément à l'alinéa 2.

Si le père ou la mère déclare seul la naissance de l'enfant, il ou elle déclare à l'officier de l'état civil le nom choisi par eux ou le désaccord entre eux. § 2. L'enfant dont seule la filiation maternelle est établie, porte le nom de sa mère.

L'enfant dont seule la filiation paternelle est établie, porte le nom de son père. § 3. Si la filiation paternelle est établie après la filiation maternelle, aucune modification n'est apportée au nom de l'enfant. Il en va de même si la filiation maternelle est établie après la filiation paternelle.

Toutefois, les père et mère ensemble, ou l'un d'eux si l'autre est décédé peuvent déclarer, dans un acte dressé par l'officier de l'état civil, que l'enfant portera soit le nom de la personne à l'égard de laquelle la filiation est établie en second lieu, soit leurs deux noms accolés dans l'ordre choisi par eux dans la limite d'un nom pour chacun d'eux.

Cette déclaration est faite dans un délai d'un an à dater de la reconnaissance ou du jour où une décision établissant la filiation paternelle ou maternelle est coulée en force de chose jugée et avant la majorité ou l'émancipation de l'enfant. Le délai d'un an prend cours le jour suivant la notification ou la signification visées aux articles 313, § 3, alinéa 2, 319bis, alinéa 2, ou 322, alinéa 2.

En cas de modification de la filiation paternelle ou maternelle durant la minorité de l'enfant en suite d'une action en contestation sur la base des articles 312, § 2, 318, § § 5 et 6, ou 330, § § 3 et 4, le juge acte le nouveau nom de l'enfant, choisi, le cas échéant, par les parents selon les règles énoncées au § 1er ou à l'article 335ter, § 1er.

Mention de la déclaration visée à l'alinéa 2 ou du dispositif du jugement visé à l'alinéa 4 est faite en marge de l'acte de naissance et des autres actes concernant l'enfant. § 4. Si la filiation d'un enfant est modifiée alors que celui-ci a atteint l'âge de la majorité, aucune modification n'est apportée à son nom sans son accord ».

B.1.2. L'article 335 du Code civil a été modifié par l'article 42 de la loi du 18 juin 2018Documents pertinents retrouvés type loi prom. 18/06/2018 pub. 02/07/2018 numac 2018012858 source service public federal justice Loi portant dispositions diverses en matière de droit civil et des dispositions en vue de promouvoir des formes alternatives de résolution des litiges fermer « portant dispositions diverses en matière de droit civil et des dispositions en vue de promouvoir des formes alternatives de résolution des litiges », lequel a été à son tour remplacé par l'article 168 de la loi du 21 décembre 2018 « portant des dispositions diverses en matière de justice », ainsi que par l'article 114 de la même loi du 21 décembre 2018.

Ces modifications, qui sont entrées en vigueur le 31 mars 2019, n'ont toutefois pas d'incidence sur la pertinence des questions préjudicielles.

B.2.1. L'article 335 du Code civil fait partie du chapitre relatif aux effets de la filiation. Il fixe de manière générale les règles relatives à l'attribution du nom considérée comme effet de la filiation.

Ces règles ont été modifiées de façon substantielle par la loi du 8 mai 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/05/2014 pub. 26/05/2014 numac 2014009293 source service public federal justice Loi modifiant le Code civil en vue d'instaurer l'égalité de l'homme et de la femme dans le mode de transmission du nom à l'enfant et à l'adopté type loi prom. 08/05/2014 pub. 19/02/2015 numac 2015000081 source service public federal interieur Loi modifiant le Code civil en vue d'instaurer l'égalité de l'homme et de la femme dans le mode de transmission du nom à l'enfant et à l'adopté. - Traduction allemande type loi prom. 08/05/2014 pub. 14/05/2014 numac 2014009238 source service public federal justice Loi portant modification et coordination de diverses lois en matière de Justice type loi prom. 08/05/2014 pub. 28/05/2014 numac 2014003239 source service public federal finances Loi modifiant le Code des impôts sur les revenus 1992 à la suite de l'introduction de la taxe additionnelle régionale sur l'impôt des personnes physiques visée au titre III/1 de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des Communautés et des Régions, modifiant les règles en matière d'impôt des non-résidents et modifiant la loi du 6 janvier 2014 relative à la Sixième Réforme de l'Etat concernant les matières visées à l'article 78 de la Constitution type loi prom. 08/05/2014 pub. 04/06/2014 numac 2014011326 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie Loi portant des dispositions diverses en matière d'énergie fermer « modifiant le Code civil en vue d'instaurer l'égalité de l'homme et de la femme dans le mode de transmission du nom à l'enfant et à l'adopté » (ci-après : la loi du 8 mai 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/05/2014 pub. 26/05/2014 numac 2014009293 source service public federal justice Loi modifiant le Code civil en vue d'instaurer l'égalité de l'homme et de la femme dans le mode de transmission du nom à l'enfant et à l'adopté type loi prom. 08/05/2014 pub. 19/02/2015 numac 2015000081 source service public federal interieur Loi modifiant le Code civil en vue d'instaurer l'égalité de l'homme et de la femme dans le mode de transmission du nom à l'enfant et à l'adopté. - Traduction allemande type loi prom. 08/05/2014 pub. 14/05/2014 numac 2014009238 source service public federal justice Loi portant modification et coordination de diverses lois en matière de Justice type loi prom. 08/05/2014 pub. 28/05/2014 numac 2014003239 source service public federal finances Loi modifiant le Code des impôts sur les revenus 1992 à la suite de l'introduction de la taxe additionnelle régionale sur l'impôt des personnes physiques visée au titre III/1 de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des Communautés et des Régions, modifiant les règles en matière d'impôt des non-résidents et modifiant la loi du 6 janvier 2014 relative à la Sixième Réforme de l'Etat concernant les matières visées à l'article 78 de la Constitution type loi prom. 08/05/2014 pub. 04/06/2014 numac 2014011326 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie Loi portant des dispositions diverses en matière d'énergie fermer). Il ressort de l'intitulé et des travaux préparatoires de cette loi que le législateur a voulu instaurer l'égalité de l'homme et de la femme dans le mode de transmission du nom (Doc. parl., Chambre, 2013-2014, DOC 53-3145/001, p. 10).

B.2.2. Pour atteindre cet objectif d'égalité entre les hommes et les femmes, le législateur a, dans l'hypothèse de l'établissement simultané de la filiation paternelle et de la filiation maternelle, permis aux parents de choisir un double nom composé des noms du père et de la mère dans l'ordre qu'ils déterminent ou d'opter pour le nom du père ou celui de la mère (article 335, § 1er, alinéa 1er, du Code civil).

Le législateur a donc opté pour l'autonomie de la volonté des parents, dans les limites fixées par la loi, plutôt que pour un système d'attribution du nom fixé par la loi. Le législateur a limité le choix des parents pour garantir « une unité de nom entre enfants nés des mêmes parents. Le nom ne peut donc varier au sein d'une même fratrie et l'ordre des familles se voit ainsi ménagé » (ibid., p. 14).

B.2.3. Le législateur a aussi envisagé l'hypothèse du désaccord entre parents et de l'absence de choix. En pareil cas, l'article 335, § 1er, alinéa 2, troisième phrase, du Code civil, tel qu'il avait été remplacé par l'article 2 de la loi du 8 mai 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/05/2014 pub. 26/05/2014 numac 2014009293 source service public federal justice Loi modifiant le Code civil en vue d'instaurer l'égalité de l'homme et de la femme dans le mode de transmission du nom à l'enfant et à l'adopté type loi prom. 08/05/2014 pub. 19/02/2015 numac 2015000081 source service public federal interieur Loi modifiant le Code civil en vue d'instaurer l'égalité de l'homme et de la femme dans le mode de transmission du nom à l'enfant et à l'adopté. - Traduction allemande type loi prom. 08/05/2014 pub. 14/05/2014 numac 2014009238 source service public federal justice Loi portant modification et coordination de diverses lois en matière de Justice type loi prom. 08/05/2014 pub. 28/05/2014 numac 2014003239 source service public federal finances Loi modifiant le Code des impôts sur les revenus 1992 à la suite de l'introduction de la taxe additionnelle régionale sur l'impôt des personnes physiques visée au titre III/1 de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des Communautés et des Régions, modifiant les règles en matière d'impôt des non-résidents et modifiant la loi du 6 janvier 2014 relative à la Sixième Réforme de l'Etat concernant les matières visées à l'article 78 de la Constitution type loi prom. 08/05/2014 pub. 04/06/2014 numac 2014011326 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie Loi portant des dispositions diverses en matière d'énergie fermer, prévoyait au départ l'attribution du nom du père pour les enfants dont la filiation paternelle et la filiation maternelle étaient établies simultanément.

Par son arrêt n° 2/2016 du 14 janvier 2016, la Cour a annulé cette disposition : « B.8.5. Puisqu'il privilégie l'autonomie de la volonté des parents pour le choix du nom de famille, le législateur doit aussi déterminer la manière d'attribuer le nom de famille dans l'hypothèse où les parents sont en désaccord ou n'opèrent pas de choix, même s'il a par ailleurs veillé à limiter les cas de désaccord en permettant aux parents d'opter pour l'un ou l'autre nom de famille ou pour les deux noms dans l'ordre qu'ils déterminent. Il peut se justifier qu'il fixe lui-même le nom que portera l'enfant, lorsqu'il y a désaccord ou absence de choix, plutôt que d'accorder à cet égard un pouvoir d'appréciation au juge. Il importe en effet en cette matière de fixer de manière simple, rapide et uniforme le nom d'un enfant dès sa naissance. L'article 7 de la Convention relative aux droits de l'enfant dispose, à cet égard, que l'enfant est enregistré aussitôt sa naissance et a dès celle-ci le droit à un nom.

B.8.6. La disposition attaquée traite, cependant, de manière différente des personnes se trouvant dans des situations similaires, à savoir les pères et les mères d'un enfant, dès lors qu'en cas de désaccord entre parents ou en cas d'absence de choix, l'enfant porte obligatoirement le seul nom de son père. Les mères sont ainsi traitées autrement que les pères dans leur droit de transmettre leur nom de famille à leur enfant.

B.8.7. La différence de traitement contenue dans la disposition attaquée est fondée sur le critère du sexe des parents. Seules des considérations très fortes peuvent justifier une différence de traitement exclusivement fondée sur le sexe.

Il ressort des travaux préparatoires cités en B.2 que le législateur a justifié le choix du nom du père par la tradition et par la volonté de faire aboutir la réforme de manière progressive. Ni la tradition, ni la volonté d'avancer progressivement ne peuvent être tenues pour des considérations très fortes justifiant une différence entre les pères et les mères lorsqu'il y a désaccord entre parents ou absence de choix, alors que l'objectif de la loi est de réaliser l'égalité entre les hommes et les femmes. Par ailleurs, la disposition attaquée peut avoir pour effet de donner ainsi un droit de veto au père d'un enfant dans l'hypothèse où la mère de l'enfant manifeste la volonté de donner à cet enfant son propre nom ou un double nom et où le père n'est pas d'accord avec ce choix.

B.9. L'article 335, § 1er, alinéa 2, troisième phrase, du Code civil, tel qu'il a été remplacé par l'article 2 de la loi du 8 mai 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/05/2014 pub. 26/05/2014 numac 2014009293 source service public federal justice Loi modifiant le Code civil en vue d'instaurer l'égalité de l'homme et de la femme dans le mode de transmission du nom à l'enfant et à l'adopté type loi prom. 08/05/2014 pub. 19/02/2015 numac 2015000081 source service public federal interieur Loi modifiant le Code civil en vue d'instaurer l'égalité de l'homme et de la femme dans le mode de transmission du nom à l'enfant et à l'adopté. - Traduction allemande type loi prom. 08/05/2014 pub. 14/05/2014 numac 2014009238 source service public federal justice Loi portant modification et coordination de diverses lois en matière de Justice type loi prom. 08/05/2014 pub. 28/05/2014 numac 2014003239 source service public federal finances Loi modifiant le Code des impôts sur les revenus 1992 à la suite de l'introduction de la taxe additionnelle régionale sur l'impôt des personnes physiques visée au titre III/1 de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des Communautés et des Régions, modifiant les règles en matière d'impôt des non-résidents et modifiant la loi du 6 janvier 2014 relative à la Sixième Réforme de l'Etat concernant les matières visées à l'article 78 de la Constitution type loi prom. 08/05/2014 pub. 04/06/2014 numac 2014011326 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie Loi portant des dispositions diverses en matière d'énergie fermer, viole les articles 10, 11 et 11bis, alinéa 1er, de la Constitution et doit être annulé.

Afin d'éviter une insécurité juridique, en particulier vu la nécessité de déterminer le nom de l'enfant dès sa naissance, et afin de permettre au législateur d'adopter une nouvelle réglementation, il y a lieu de maintenir les effets de la disposition annulée jusqu'au 31 décembre 2016 ».

B.2.4. A la suite de cet arrêt, le législateur a adopté la loi du 25 décembre 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 25/12/2016 pub. 30/12/2016 numac 2016009653 source service public federal justice Loi modifiant les articles 335 et 335ter du Code civil relatifs au mode de transmission du nom à l'enfant type loi prom. 25/12/2016 pub. 05/05/2017 numac 2017040278 source service public federal interieur Loi modifiant les articles 335 et 335ter du Code civil relatifs au mode de transmission du nom à l'enfant. - Traduction allemande fermer « modifiant les articles 335 et 335ter du Code civil relatifs au mode de transmission du nom à l'enfant », qui prévoit un nouveau régime en cas de désaccord entre les parents ou en cas d'absence de choix, pour les enfants dont la filiation paternelle et la filiation maternelle sont établies simultanément. Conformément au texte actuel de l'article 335, § 1er, alinéa 2, du Code civil, l'enfant porte dans ce cas les noms du père et de la mère accolés par ordre alphabétique, dans la limite d'un nom pour chacun d'eux.

B.3.1. L'article 335, § 3, en cause, du Code civil, tel qu'il a été remplacé par l'article 2 de la loi du 8 mai 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/05/2014 pub. 26/05/2014 numac 2014009293 source service public federal justice Loi modifiant le Code civil en vue d'instaurer l'égalité de l'homme et de la femme dans le mode de transmission du nom à l'enfant et à l'adopté type loi prom. 08/05/2014 pub. 19/02/2015 numac 2015000081 source service public federal interieur Loi modifiant le Code civil en vue d'instaurer l'égalité de l'homme et de la femme dans le mode de transmission du nom à l'enfant et à l'adopté. - Traduction allemande type loi prom. 08/05/2014 pub. 14/05/2014 numac 2014009238 source service public federal justice Loi portant modification et coordination de diverses lois en matière de Justice type loi prom. 08/05/2014 pub. 28/05/2014 numac 2014003239 source service public federal finances Loi modifiant le Code des impôts sur les revenus 1992 à la suite de l'introduction de la taxe additionnelle régionale sur l'impôt des personnes physiques visée au titre III/1 de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des Communautés et des Régions, modifiant les règles en matière d'impôt des non-résidents et modifiant la loi du 6 janvier 2014 relative à la Sixième Réforme de l'Etat concernant les matières visées à l'article 78 de la Constitution type loi prom. 08/05/2014 pub. 04/06/2014 numac 2014011326 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie Loi portant des dispositions diverses en matière d'énergie fermer, règle les conséquences de la modification de la filiation d'un enfant sur son nom. Comme cela a également été souligné lors des travaux préparatoires, le régime mis en place par la disposition en cause est calqué « sur le régime actuellement en vigueur, compte tenu du principe de l'égalité de droits instaurée entre parties », la modification insérant le « principe de l'autonomie de la volonté, dans les limites fixées par la loi » (Doc. parl., Chambre, 2013-2014, DOC 53-3145/001, pp. 14 et 19-20).

B.3.2. La disposition en cause prévoit donc que lorsque la filiation de l'enfant est établie vis-à-vis de l'un des deux parents après la filiation vis-à-vis de l'autre parent, le nom demeure en principe inchangé. Le législateur a toutefois maintenu la possibilité, qui était déjà inscrite dans l'ancien article 335, § 3, alinéa 2, du Code civil, d'encore modifier le nom de l'enfant, en optant soit pour le nom de la personne à l'égard de laquelle la filiation est établie en second lieu, soit pour un double nom. Ce changement de nom nécessite qu'une déclaration soit faite auprès de l'officier de l'état civil par les deux parents conjointement, ou par l'un d'eux si l'autre est décédé, dans un délai d'un an à dater de la reconnaissance ou du jour où une décision établissant la filiation paternelle ou maternelle est coulée en force de chose jugée et avant la majorité ou l'émancipation de l'enfant.

Quant aux deux premières questions préjudicielles B.4.1. La première question préjudicielle porte sur la compatibilité de l'article 335, § 3, du Code civil avec les articles 10 et 11 de la Constitution, lus ou non en combinaison avec l'article 2, paragraphe 2, de la Convention relative aux droits de l'enfant, en ce qu'il ne prévoit pas, en l'absence d'accord entre les parents quant au nom de famille, que les enfants dont la filiation paternelle est établie après la filiation maternelle se voient attribuer un double nom dans l'ordre alphabétique, alors que l'article 335, § 1er, alinéa 2, du même Code, prévoit, en l'absence d'accord entre les parents quant au nom de famille, l'attribution d'un double nom dans l'ordre alphabétique pour les enfants dont la filiation paternelle et la filiation maternelle sont établies simultanément.

B.4.2. La deuxième question préjudicielle porte sur la compatibilité de la même disposition avec les articles 10, 11 et 22 de la Constitution, lus ou non en combinaison avec les articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, avec l'article 5 du Septième Protocole additionnel à cette Convention, avec les articles 7, 20, 21 et 23 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et avec l'article 7 de la Convention relative aux droits de l'enfant, pour les mêmes motifs.

B.5.1. L'article 22 de la Constitution dispose : « Chacun a droit au respect de sa vie privée et familiale, sauf dans les cas et conditions fixés par la loi.

La loi, le décret ou la règle visée à l'article 134 garantissent la protection de ce droit ».

L'article 2, paragraphe 2, de la Convention relative aux droits de l'enfant dispose : « Les Etats parties prennent toutes les mesures appropriées pour que l'enfant soit effectivement protégé contre toutes formes de discrimination ou de sanction motivées par la situation juridique, les activités, les opinions déclarées ou les convictions de ses parents, de ses représentants légaux ou des membres de sa famille ».

L'article 7 de la même Convention dispose : « 1. L'enfant est enregistré aussitôt sa naissance et a dès celle-ci le droit à un nom, le droit d'acquérir une nationalité et, dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d'être élevé par eux. 2. Les Etats parties veillent à mettre ces droits en oeuvre conformément à leur législation nationale et aux obligations que leur imposent les instruments internationaux applicables en la matière, en particulier dans les cas où faute de cela l'enfant se trouverait apatride ». L'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme dispose : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ». L'article 14 de la même Convention dispose : « La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ».

L'article 5 du Septième Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme dispose : « Les époux jouissent de l'égalité de droits et de responsabilités de caractère civil entre eux et dans leurs relations avec leurs enfants au regard du mariage, durant le mariage et lors de sa dissolution. Le présent article n'empêche pas les Etats de prendre les mesures nécessaires dans l'intérêt des enfants ».

B.5.2. La compatibilité d'une disposition législative avec les articles 7, 20, 21 et 23 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, lus en combinaison avec les articles 10, 11 et 22 de la Constitution, ne peut être examinée par la Cour qu'en ce que la disposition en cause met en oeuvre le droit de l'Union, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

B.6. Les questions préjudicielles invitent la Cour à comparer la situation d'un enfant à l'égard duquel la filiation paternelle et la filiation maternelle sont établies simultanément et la situation d'un enfant à l'égard duquel la filiation vis-à-vis de l'un des deux parents est établie après que la filiation a été établie vis-à-vis de l'autre parent. En l'absence d'accord entre les parents sur le choix du nom, la première catégorie se voit attribuer le double nom par ordre alphabétique, alors que la deuxième catégorie conserve le nom du parent vis-à-vis duquel la filiation a été établie en premier lieu, étant donné que le changement de nom requiert une déclaration faite conjointement par les deux parents devant l'officier de l'état civil, ou par l'un d'eux si l'autre est décédé.

B.7.1. La partie demanderesse devant le juge a quo dans l'affaire n° 6926 fait valoir que, dans l'hypothèse de la modification de la filiation d'un enfant durant sa minorité, la règle supplétive prévue à l'article 335, § 1er, du Code civil en l'absence d'accord des parents quant au nom à donner à l'enfant s'applique (article 335, § 3, alinéa 4). Ainsi, le père à l'égard duquel la filiation est établie à la suite d'une action en contestation de paternité menée avec fruit pourrait se prévaloir de la règle selon laquelle, en l'absence d'accord entre les parents, l'enfant portera les noms des deux parents, selon l'ordre alphabétique. La partie demanderesse devant le juge a quo dans l'affaire n° 6926 en conclut que la différence de traitement dénoncée dans les questions préjudicielles ne peut être justifiée par la permanence du nom de l'enfant.

B.7.2. Un tel argument revient à comparer des catégories de personnes qui diffèrent des catégories visées dans les deux premières questions préjudicielles, à savoir, d'une part, un enfant dont les filiations sont établies à des moments différents (article 335, § 3, alinéas 1er et 2, du Code civil) et, d'autre part, un enfant dont la filiation est modifiée à la suite d'une action en contestation sur la base des articles 312, § 2, 318, § § 5 et 6, ou 330, § § 3 et 4 (article 335, § 3, alinéa 4).

Il n'appartient pas aux parties de modifier le contenu d'une question préjudicielle. Dès lors, la Cour limite son examen aux questions telles qu'elles ont été posées par le juge a quo.

B.8. Contrairement à ce que soutient le Conseil des ministres, les catégories de personnes visées dans les questions préjudicielles sont suffisamment comparables, dans la mesure où il s'agit dans les deux cas d'un enfant dont les parents ne s'accordent pas sur l'attribution du nom.

B.9. L'attribution d'un nom de famille repose principalement sur des considérations d'utilité sociale. Elle est, contrairement à l'attribution du prénom, déterminée par la loi. Celle-ci vise, d'une part, à déterminer le nom de famille de manière simple, rapide et uniforme et, d'autre part, à conférer à ce nom de famille une certaine fixité.

B.10.1. Contrairement au droit de porter un nom, celui de donner son nom de famille à son enfant ne peut être considéré comme un droit fondamental. En matière de réglementation de l'attribution du nom, le législateur dispose par conséquent d'un pouvoir d'appréciation étendu, pour autant qu'il respecte le principe d'égalité et de non-discrimination, lu en combinaison avec le droit au respect de la vie privée et familiale.

B.10.2. La Cour européenne des droits de l'homme a jugé : « L'article 8 de la Convention ne contient pas de disposition explicite en matière de nom, mais [...] en tant que moyen déterminant d'identification personnelle (Johansson c. Finlande, n° 10163/02, § 37, 6 septembre 2007, et Daróczy c. Hongrie, n° 44378/05, § 26, 1er juillet 2008) et de rattachement à une famille, le nom d'une personne n'en concerne pas moins la vie privée et familiale de celle-ci. Que l'Etat et la société aient intérêt à en réglementer l'usage ne suffit pas pour exclure la question du nom des personnes du domaine de la vie privée et familiale, conçue comme englobant, dans une certaine mesure, le droit pour l'individu de nouer des relations avec ses semblables (Burghartz, précité, § 24; Stjerna, précité, § 37; Ünal Tekeli, précité, § 42, CEDH 2004-X; Losonci Rose et Rose c. Suisse, n° 664/06, § 26, 9 novembre 2010; Garnaga c. Ukraine, n° 20390/07, § 36, 16 mai 2013) » (CEDH, 7 janvier 2014, Cusan et Fazzo c.Italie, § 55).

B.10.3. Même si le droit de donner son nom de famille ne peut être considéré comme un droit fondamental, les parents ont quand même un intérêt clair et personnel à intervenir dans le processus de détermination du nom de famille de leur enfant.

B.11.1. La Cour s'est déjà prononcée à plusieurs reprises sur la compatibilité, avec les articles 10 et 11 de la Constitution, de l'article 335, § 3, du Code civil, tel qu'il était applicable avant son remplacement par l'article 2 de la loi du 8 mai 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/05/2014 pub. 26/05/2014 numac 2014009293 source service public federal justice Loi modifiant le Code civil en vue d'instaurer l'égalité de l'homme et de la femme dans le mode de transmission du nom à l'enfant et à l'adopté type loi prom. 08/05/2014 pub. 19/02/2015 numac 2015000081 source service public federal interieur Loi modifiant le Code civil en vue d'instaurer l'égalité de l'homme et de la femme dans le mode de transmission du nom à l'enfant et à l'adopté. - Traduction allemande type loi prom. 08/05/2014 pub. 14/05/2014 numac 2014009238 source service public federal justice Loi portant modification et coordination de diverses lois en matière de Justice type loi prom. 08/05/2014 pub. 28/05/2014 numac 2014003239 source service public federal finances Loi modifiant le Code des impôts sur les revenus 1992 à la suite de l'introduction de la taxe additionnelle régionale sur l'impôt des personnes physiques visée au titre III/1 de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des Communautés et des Régions, modifiant les règles en matière d'impôt des non-résidents et modifiant la loi du 6 janvier 2014 relative à la Sixième Réforme de l'Etat concernant les matières visées à l'article 78 de la Constitution type loi prom. 08/05/2014 pub. 04/06/2014 numac 2014011326 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie Loi portant des dispositions diverses en matière d'énergie fermer. Comme dans sa version actuelle, cette disposition prévoyait que lorsque la filiation paternelle est établie après la filiation maternelle, le nom de l'enfant demeure en principe inchangé, sauf si les parents font tous deux, ou l'un d'eux si l'autre parent est décédé, une déclaration de changement de nom auprès de l'officier de l'état civil.

Par son arrêt n° 64/96 du 7 novembre 1996, la Cour a jugé, en ce qui concerne l'ancien article 335, § 3, du Code civil : « B.3.2. Il ressort des travaux préparatoires de la disposition en cause que le législateur a considéré que la modification du nom de l'enfant dont la filiation paternelle a été établie après la filiation maternelle peut être contraire à ses intérêts (Doc. parl., Chambre, 1983-1984, n° 305/1, pp. 17-18, et Doc. parl., Sénat, 1984-1985, n° 904-2, pp. 125-126). Sur la base de cette considération, il a disposé que le nom de l'enfant dont la filiation maternelle est déjà établie reste en principe inchangé lorsque la filiation paternelle est établie à son tour. Le législateur a néanmoins prévu la possibilité de procéder à un changement de nom, moyennant une déclaration devant l'officier de l'état civil.

B.3.3. Le législateur, usant du pouvoir d'appréciation qui lui appartient, a, en matière de filiation, réglé l'attribution du nom en ayant égard, à la fois, à l'utilité sociale d'assurer à ce nom une certaine fixité et à l'intérêt de celui qui le porte.

Il n'est pas déraisonnable de prévoir que, lorsque l'enfant porte le nom de sa mère parce que la filiation maternelle a été d'abord établie, la substitution à ce nom de celui du père n'est possible qu'à la condition que tant le père que la mère, ou l'un d'eux si l'autre est décédé, fassent une déclaration à cet effet auprès de l'officier de l'état civil. Le législateur a pu partir du principe que les parents sont le mieux placés pour apprécier l'intérêt de l'enfant, jusqu'à la majorité ou l'émancipation de celui-ci. Il n'est pas déraisonnable non plus, compte tenu de l'utilité sociale de la fixité du nom, que le législateur ait prévu qu'en cas de désaccord (entre le père et la mère), le nom attribué à l'enfant sera maintenu, plutôt que d'accorder un pouvoir d'appréciation au juge.

B.4. Il n'apparaît pas qu'en adoptant les dispositions de l'article 335, § 3, alinéa 1er, du Code civil, le législateur ait pris une mesure qui ne reposerait pas sur un critère objectif et qui ne serait pas adéquate. Il n'apparaît pas davantage que les droits des intéressés soient affectés de manière disproportionnée ».

La Cour a statué dans le même sens par ses arrêts nos 79/95, 68/97, 82/2004 et 114/2010. Par son arrêt n° 82/2004, la Cour ajoute à cet égard : « B.6. Les effets de la règle en cause risquent d'autant moins d'être disproportionnés que la loi du 15 mai 1987Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/05/1987 pub. 06/07/2011 numac 2011000402 source service public federal interieur Loi relative aux noms et prénoms fermer relative aux noms et prénoms permet d'obtenir un changement de nom et que l'autorité de qui ce changement dépend ne pourrait manquer de considérer comme sérieuse la demande que quelqu'un lui ferait de porter le nom de son père ».

Par son arrêt n° 50/2017 du 27 avril 2017, la Cour a également jugé que ce choix du législateur « n'est pas déraisonnable, le législateur ayant pu estimer que les deux parents sont les mieux placés pour apprécier l'intérêt de l'enfant ».

B.11.2. Les motifs qui ont amené la Cour à juger dans le sens indiqué ci-avant sont également valables pour l'actuel article 335, § 3, alinéas 1er et 2, du Code civil, qui prévoit, comme dans sa version précédente, que le nom de l'enfant demeure en principe inchangé en cas d'établissement ultérieur de la filiation vis-à-vis de l'un des deux parents, sauf en cas de déclaration de changement de nom, auprès de l'officier de l'état civil, par les deux parents conjointement, ou par l'un d'eux si l'autre est décédé. Etant donné la liberté de choix dont les parents bénéficient aujourd'hui en vertu de l'article 335, § 1er, du Code civil, pour attribuer le nom de la mère, celui du père ou un double nom, le législateur a explicitement prévu que ce régime s'applique en cas d'établissement ultérieur de la filiation tant maternelle que paternelle.

B.11.3. Le fait que la législation relative à l'attribution du nom dans l'hypothèse de l'établissement simultané de la filiation paternelle et de la filiation maternelle a été modifiée depuis cette jurisprudence récente, le législateur ayant privilégié, dans un tel cas, l'autonomie de la volonté des parents, tout en prévoyant qu'en l'absence d'accord, l'enfant se verrait attribuer un double nom dans l'ordre alphabétique, ne permet pas d'aboutir à une autre conclusion.

Dans ce cas, l'absence d'accord sur l'attribution du nom se produit en effet au moment où l'enfant ne s'est encore vu attribuer aucun nom. Il importe en cette matière de fixer de manière simple, rapide et uniforme le nom d'un enfant dès sa naissance. L'article 7 de la Convention relative aux droits de l'enfant dispose, à cet égard, que l'enfant est enregistré aussitôt sa naissance et a dès celle-ci le droit à un nom.

Il peut dès lors se justifier qu'en l'absence d'un accord entre les parents sur le nom de l'enfant au moment où l'enfant ne s'est encore vu attribuer aucun nom, le législateur ait défini lui-même le nom que l'enfant portera. Compte tenu de l'objectif, poursuivi par la loi du 8 mai 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/05/2014 pub. 26/05/2014 numac 2014009293 source service public federal justice Loi modifiant le Code civil en vue d'instaurer l'égalité de l'homme et de la femme dans le mode de transmission du nom à l'enfant et à l'adopté type loi prom. 08/05/2014 pub. 19/02/2015 numac 2015000081 source service public federal interieur Loi modifiant le Code civil en vue d'instaurer l'égalité de l'homme et de la femme dans le mode de transmission du nom à l'enfant et à l'adopté. - Traduction allemande type loi prom. 08/05/2014 pub. 14/05/2014 numac 2014009238 source service public federal justice Loi portant modification et coordination de diverses lois en matière de Justice type loi prom. 08/05/2014 pub. 28/05/2014 numac 2014003239 source service public federal finances Loi modifiant le Code des impôts sur les revenus 1992 à la suite de l'introduction de la taxe additionnelle régionale sur l'impôt des personnes physiques visée au titre III/1 de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des Communautés et des Régions, modifiant les règles en matière d'impôt des non-résidents et modifiant la loi du 6 janvier 2014 relative à la Sixième Réforme de l'Etat concernant les matières visées à l'article 78 de la Constitution type loi prom. 08/05/2014 pub. 04/06/2014 numac 2014011326 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie Loi portant des dispositions diverses en matière d'énergie fermer, d'instaurer l'égalité de l'homme et de la femme dans le mode de transmission du nom et, vu l'arrêt n° 2/2016 cité en B.2.3, le législateur pouvait prévoir qu'en pareil cas, l'enfant se verrait attribuer le double nom dans l'ordre alphabétique.

B.11.4. Il n'en va pas de même pour l'enfant dont la filiation est établie en premier lieu vis-à-vis de l'un des deux parents, et seulement ultérieurement vis-à-vis de l'autre parent. Dans ce cas, l'enfant s'est déjà vu attribuer le nom du premier parent et le désaccord ou l'absence d'accord sur le nom n'intervient qu'ultérieurement, lorsque la filiation est établie vis-à-vis du second parent. Dans ce cas, l'enfant peut avoir déjà porté depuis longtemps le nom du parent vis-à-vis duquel la filiation a été établie en premier lieu. Il est raisonnablement justifié, compte tenu de l'utilité sociale de la fixité du nom et de l'intérêt de l'enfant, que le législateur ait prévu que, dans ce cas, le nom déjà attribué ne puisse être modifié qu'avec l'accord des deux parents, qui peuvent ensemble être considérés comme étant les mieux placés pour pouvoir apprécier l'intérêt de l'enfant, si bien que ce nom demeure inchangé en cas de désaccord.

D'ailleurs, la disposition en cause s'applique de manière égale à la mère et au père. Ils sont donc traités de manière égale par la disposition attaquée dans leur droit de transmettre leur nom de famille à leur enfant.

Enfin, contrairement à ce que soutient la partie demanderesse devant le juge a quo dans l'affaire n° 6925, la différence de traitement n'est pas fondée sur la situation juridique des parents, au sens de l'article 2, paragraphe 2, de la Convention relative aux droits de l'enfant, mais sur l'établissement simultané ou non de la filiation paternelle et de la filiation maternelle.

B.12. Compte tenu de ce qui précède, la différence de traitement mentionnée dans les deux premières questions préjudicielles n'est pas dénuée de justification raisonnable.

B.13. L'examen de la disposition en cause au regard des dispositions visées au B.5.1, au sujet desquelles ni le juge a quo ni les parties n'exposent en quoi elles seraient violées, ne conduit pas à une autre conclusion.

B.14. Les deux premières questions préjudicielles appellent une réponse négative.

Quant à la troisième question préjudicielle B.15. La troisième question préjudicielle porte sur la compatibilité de la disposition en cause avec les articles 10, 11, 22 et 22bis de la Constitution, lus ou non en combinaison avec les articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, avec l'article 5 du Septième Protocole additionnel à cette Convention, avec les articles 7, 20, 21 et 23 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et avec l'article 7 de la Convention relative aux droits de l'enfant, en ce qu'elle ne permet pas au parent qui exerce l'autorité parentale à titre exclusif de modifier seul le nom de l'enfant après l'établissement de la seconde filiation, en l'absence d'accord en ce sens de la part de l'autre parent, alors que ce droit lui est reconnu lorsque l'autre parent est décédé.

B.16. La question concerne donc la différence de traitement entre, d'une part, le parent qui exerce l'autorité parentale exclusive et, d'autre part, le parent survivant, en cas de décès de l'autre parent.

B.17. L'article 22bis de la Constitution dispose : « Chaque enfant a droit au respect de son intégrité morale, physique, psychique et sexuelle.

Chaque enfant a le droit de s'exprimer sur toute question qui le concerne; son opinion est prise en considération, eu égard à son âge et à son discernement.

Chaque enfant a le droit de bénéficier des mesures et services qui concourent à son développement.

Dans toute décision qui le concerne, l'intérêt de l'enfant est pris en considération de manière primordiale.

La loi, le décret ou la règle visée à l'article 134 garantissent ces droits de l'enfant ».

B.18. Pour les mêmes motifs que ceux qui sont mentionnés en B.5.2, la disposition en cause ne saurait être contrôlée au regard des articles 7, 20, 21 et 23 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, lus en combinaison avec les articles 10, 11, 22 et 22bis de la Constitution.

B.19. Contrairement à ce que soutient le Conseil des ministres, les deux catégories de personnes visées dans la troisième question préjudicielle sont suffisamment comparables dès lors que, dans un cas comme dans l'autre, il est question d'un parent qui élève seul son enfant et qui souhaite faire modifier le nom de celui-ci.

B.20. La différence de traitement repose sur un critère objectif, à savoir la circonstance que sont encore en vie les deux parents ou seulement l'un d'entre eux.

B.21.1. Telle qu'elle est prévue au chapitre Ier du titre IX du livre premier du Code civil, l'autorité parentale concerne les décisions relatives à certains aspects de la vie de l'enfant concerné, à savoir son éducation, son hébergement, sa santé, ou encore son orientation religieuse ou philosophique (article 374, § 1er, alinéa 2, du Code civil), ainsi que l'administration de ses biens et sa représentation (article 376).

L'autorité parentale est exercée en principe par les deux parents conjointement (articles 373, alinéa 1er, et 374, § 1er, alinéa 1er, du Code civil). A titre d'exception, lorsque les parents ne vivent pas ensemble, le tribunal de la famille peut confier l'exercice exclusif de l'autorité parentale à l'un des parents, l'autre parent conservant, en principe, le droit à des relations personnelles et le droit de surveiller l'éducation de l'enfant (article 374, § 1er, alinéas 2 et 3). Le tribunal peut également fixer les décisions d'éducation qui ne pourront être prises que moyennant le consentement des deux parents (article 374, § 1er, alinéa 4).

B.21.2. Le législateur n'a pas repris parmi les décisions qui relèvent de l'autorité parentale la décision relative à la modification du nom de l'enfant dans l'hypothèse de l'établissement ultérieur de la filiation paternelle. En raison de l'importance que revêt la modification du nom de l'enfant, le législateur a considéré que celle-ci doit recueillir l'accord des deux parents. Ce n'est que si l'un des deux parents est décédé que l'autre parent peut faire, seul, une déclaration en ce sens auprès de l'officier de l'état civil. Ceci n'est pas sans justification raisonnable, compte tenu des liens que le parent qui n'exerce pas l'autorité parentale est encore susceptible d'entretenir avec son enfant.

B.22. La disposition en cause est compatible avec les articles 10, 11, 22 et 22bis de la Constitution.

Une lecture combinée de ces dispositions constitutionnelles et des dispositions conventionnelles mentionnées en B.15, au sujet desquelles ni le juge a quo ni les parties n'exposent en quoi elles seraient violées, ne conduit pas à une autre conclusion.

B.23. La troisième question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 335, § 3, du Code civil ne viole pas les articles 10, 11, 22 et 22bis de la Constitution, lus ou non en combinaison avec les articles 2, paragraphe 2, et 7 de la Convention relative aux droits de l'enfant, avec les articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 5 du Septième Protocole additionnel à cette Convention.

Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 6 juin 2019.

Le greffier, Le président, F. Meersschaut F. Daoût

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