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Arrêt
publié le 09 juin 2021

Extrait de l'arrêt n° 21/2021 du 11 février 2021 Numéro du rôle : 7123 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 2244, § 1 er , alinéa 3, de l'ancien Code civil, posée par la Cour d'appel de Bruxelles. La Cour composée des présidents F. Daoût et L. Lavrysen, et des juges J.-P. Moerman, T. Merckx-Van Goey, P.(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 21/2021 du 11 février 2021 Numéro du rôle : 7123 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 2244, § 1er, alinéa 3, de l'ancien Code civil, posée par la Cour d'appel de Bruxelles.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et L. Lavrysen, et des juges J.-P. Moerman, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet, R. Leysen, J. Moerman, Y. Kherbache et T. Detienne, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président F. Daoût, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt du 24 janvier 2019, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 11 février 2019, la Cour d'appel de Bruxelles a posé la question préjudicielle suivante : « Dans l'interprétation selon laquelle l'effet interruptif du recours en annulation visé par l'article 2244, § 1er, du Code civil ne bénéficie qu'à la partie requérante, l'article 2244, § 1er, du Code civil n'est-il pas contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il crée une différence de traitement entre : - les personnes qui ont formé ce recours en annulation et peuvent bénéficier du caractère interruptif de ce recours pour leur action en réparation du dommage causé par l'acte administratif attaqué et - les personnes qui n'ont pas formé ce recours, qui ne sont pas non plus intervenues à la procédure et sont préjudiciées par l'arrêt d'annulation qui a un effet erga omnes et rétroactif ? ». (...) III. En droit (...) B.1.1. La question préjudicielle porte sur l'article 2244, § 1er, de l'ancien Code civil, tel qu'il a été modifié par l'article 2 de la loi du 25 juillet 2008Documents pertinents retrouvés type loi prom. 25/07/2008 pub. 22/08/2008 numac 2008009714 source service public federal justice Loi modifiant le Code civil et les lois coordonnées du 17 juillet 1991 sur la comptabilité de l'Etat en vue d'interrompre la prescription de l'action en dommages et intérêts à la suite d'un recours en annulation devant le Conseil d'Etat fermer « modifiant le Code civil et les lois coordonnées du 17 juillet 1991 sur la comptabilité de l'Etat en vue d'interrompre la prescription de l'action en dommages et intérêts à la suite d'un recours en annulation devant le Conseil d'Etat » (ci-après : la loi du 25 juillet 2008Documents pertinents retrouvés type loi prom. 25/07/2008 pub. 22/08/2008 numac 2008009714 source service public federal justice Loi modifiant le Code civil et les lois coordonnées du 17 juillet 1991 sur la comptabilité de l'Etat en vue d'interrompre la prescription de l'action en dommages et intérêts à la suite d'un recours en annulation devant le Conseil d'Etat fermer), qui disposait : « Une citation en justice, un commandement, une sommation de payer visée à l'article 1394/21 du Code judiciaire ou une saisie, signifiés à celui qu'on veut empêcher de prescrire, forment l'interruption civile.

Une citation en justice interrompt la prescription jusqu'au prononcé d'une décision définitive.

Pour l'application de la présente section, un recours en annulation d'un acte administratif devant le Conseil d'Etat a, à l'égard de l'action en réparation du dommage causé par l'acte administratif annulé, les mêmes effets qu'une citation en justice ».

Par son arrêt n° 40/2019 du 28 février 2019, la Cour a annulé le mot « annulé » dans l'alinéa 3 de cette disposition. Cet arrêt n'a pas d'incidence sur la portée de la question préjudicielle.

Il ressort de la décision de renvoi que n'est en cause que l'alinéa 3 de cette disposition.

B.1.2. La Cour est invitée à se prononcer sur la compatibilité de l'article 2244, § 1er, alinéa 3, de l'ancien Code civil avec les articles 10 et 11 de la Constitution, dans l'interprétation selon laquelle il confère le bénéfice de l'effet interruptif de la prescription aux personnes qui introduisent un recours en annulation devant le Conseil d'Etat, alors qu'il ne confère pas ce bénéfice aux personnes qui ne sont pas parties à la procédure devant le Conseil d'Etat mais qui subissent les conséquences de l'annulation.

B.2. Il ressort de la décision de renvoi que plus de cinq années se sont écoulées entre la date de la prise de connaissance du dommage pour lequel la réparation est demandée et la date d'introduction de l'action en réparation devant le tribunal de première instance. En raison de l'écoulement de ce délai, la demande d'indemnisation doit être déclarée prescrite en vertu de l'article 100 des lois sur la comptabilité de l'Etat, coordonnées le 17 juillet 1991 (ci-après : les lois sur la comptabilité de l'Etat). Cet article dispose : « Sont prescrites et définitivement éteintes au profit de l'Etat, sans préjudice des déchéances prononcées par d'autres dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles sur la matière : 1° les créances qui, devant être produites selon les modalités fixées par la loi ou le règlement, ne l'ont pas été dans le délai de cinq ans à partir du premier janvier de l'année budgétaire au cours de laquelle elles sont nées;2° les créances qui, ayant été produites dans le délai visé au 1°, n'ont pas été ordonnancées par les Ministres dans le délai de cinq ans à partir du premier janvier de l'année pendant laquelle elles ont été produites;3° toutes autres créances qui n'ont pas été ordonnancées dans le délai de dix ans à partir du premier janvier de l'année pendant laquelle elles sont nées. Toutefois, les créances résultant de jugements restent soumises à la prescription décennale; elles doivent être payées à l'intervention de la Caisse des dépôts et consignations ».

L'article 101 des lois sur la comptabilité de l'Etat renvoie aux règles du droit commun pour l'interruption de la prescription.

B.3. La modification de l'article 2244, § 1er, alinéa 3, de l'ancien Code civil par la loi du 25 juillet 2008Documents pertinents retrouvés type loi prom. 25/07/2008 pub. 22/08/2008 numac 2008009714 source service public federal justice Loi modifiant le Code civil et les lois coordonnées du 17 juillet 1991 sur la comptabilité de l'Etat en vue d'interrompre la prescription de l'action en dommages et intérêts à la suite d'un recours en annulation devant le Conseil d'Etat fermer, qui visait à interrompre la prescription de l'action en dommages et intérêts à la suite d'un recours en annulation devant le Conseil d'Etat, a fait l'objet du commentaire suivant, dans les travaux préparatoires : « L'arriéré au Conseil d'Etat est un problème qui ne date pas d'hier et qui s'est amplifié, au cours de ces dix dernières années, au point d'en devenir intenable. [...] [...] les citoyens ordinaires, qui sont confrontés à une décision des pouvoirs publics qu'ils considèrent comme illégale, [...] ont [...] la faculté d'introduire des recours en suspension et en annulation devant le Conseil d'Etat.

Malheureusement, l'ampleur de l'arriéré les condamne à rester des années durant dans l'incertitude à propos de leur statut juridique.

Si, après une annulation, les citoyens en question entendent obtenir des dommages et intérêts, il leur faut intenter une action devant le tribunal civil, puisque le Conseil d'Etat n'est pas habilité à accorder des dommages et intérêts.

Cinq années s'écoulent en moyenne avant que les citoyens concernés soient fixés sur l'annulation ou non d'une décision pour cause d'infraction à la loi, et puissent, en conséquence, prétendre à des dommages et intérêts.

Or, conformément à l'article 2262bis du Code civil, toutes les actions en réparation d'un dommage fondées sur une responsabilité extracontractuelle se prescrivent par cinq ans à partir du jour qui suit celui où la personne lésée a eu connaissance du dommage ou de son aggravation et de l'identité de la personne responsable. [...] Vu la procédure de recours administratif susceptible de s'intercaler, une partie du délai de prescription s'est souvent déjà écoulée avant que le recours en annulation soit introduit devant le Conseil d'Etat. [...] Il y a donc une forte probabilité que l'action en réclamation de dommages et intérêts se prescrive au cours de la procédure en annulation. Beaucoup d'avocats conseilleront par conséquent à leurs clients d'engager une action civile immédiatement après l'introduction du recours en annulation ou au cours de la procédure devant le Conseil d'Etat, et de demander le renvoi de cette action au rôle.

En effet, aux termes de l'article 2244 du Code civil, une citation en justice forme une interruption civile. Conformément à une jurisprudence constante, cette interruption subsiste d'ailleurs tant que l'affaire reste pendante, si bien que le nouveau délai de prescription ne commence à courir qu'après la fin de l'instance en question.

Cette pratique juridique née du mauvais fonctionnement de l'institution n'est cependant pas une bonne chose, dans la mesure où elle rejette entièrement sur le citoyen le risque de la perte du droit à des dommages et intérêts : c'est le citoyen qui devient une victime potentielle de la lenteur anormale de la justice. Par ailleurs, cette façon de faire encombre les rôles des tribunaux civils d'affaires qui ne sont pas en état d'être jugées pendant des années, créant ainsi un surcroît inutile de la charge administrative.

Cela représente en outre un coût supplémentaire inutile à charge du citoyen qui doit constater au bout du compte que la décision contestée des pouvoirs publics n'a pas été annulée » (Doc. parl., Sénat, S.E. 2007, n° 4-10/1, pp. 1-3).

Le ministre de la Justice a encore exposé ce qui suit, au sein de la commission compétente du Sénat : « Il y a tout d'abord un problème d'interprétation lié au fait que toute action en réparation d'un dommage fondée sur une responsabilité extracontractuelle se prescrit par cinq ans. Ensuite et surtout, il y a l'interprétation des articles 100 et 101 des lois sur la comptabilité de l'Etat, coordonnées par l'arrêté royal du 17 juillet 1971, qui reprennent le texte de l'article 1er de la loi du 6 février 1970 relative à la prescription des créances à charge ou au profit de l'Etat et des provinces, lequel instaure un délai de prescription de 5 ans sans fixer d'autres conditions. Par arrêt du 16 février 2006, la Cour de cassation a considéré qu'une requête devant le Conseil d'Etat n'a pas d'effet suspensif. Compte tenu de l'arriéré du Conseil d'Etat, il y a donc de fortes chances que le droit de réclamer des dommages et intérêts soit frappé de prescription alors que la procédure d'annulation est encore en cours. Le justiciable se voit donc contraint d'intenter une action au civil immédiatement après avoir introduit son recours en annulation.

Il est peu probable que ce problème soit résolu par la loi du 15 septembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000704 source service public federal interieur Loi réformant le Conseil d'Etat et créant un Conseil du Contentieux des Etrangers fermer réformant le Conseil d'Etat, qui renvoie le contentieux des étrangers devant une autre instance.

A cela vient s'ajouter qu'un arrêt de la Cour de cassation du 16 février 2006 est venu infirmer la thèse admise jusqu'alors selon laquelle une procédure administrative devant le Conseil d'Etat interrompait la prescription du dédommagement civil, par analogie avec l'article 2244 du Code civil. La Cour a estimé que la requête en annulation d'un acte administratif devant le Conseil d'Etat n'interrompt ni ne suspend la prescription du droit de réclamer, devant un tribunal civil, une réparation pour acte public illicite. En effet, le recours devant le Conseil d'Etat a un effet objectif.

L'intervenant considère toutefois à cet égard qu'une décision sur un contentieux objectif peut avoir des effets juridiques portant atteinte à des droits subjectifs. En effet, selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation, l'arrêt d'annulation apporte la preuve de l'illicéité d'un acte. En ce sens, pareil arrêt a en réalité une portée multiple » (Doc. parl., Sénat, 2007-2008, n° 4-10/3, pp. 2-3).

B.4. A la suite de l'avis émis par la section de législation du Conseil d'Etat, un amendement a été déposé dans le but d'instaurer un mécanisme d'interruption de la prescription en lieu et place du mécanisme de suspension prévu pour simplifier le décompte du délai de prescription. Cet amendement était justifié comme suit : « Il est dès lors nécessaire d'apporter la précision, déjà consacrée par la Cour de Cassation dans son arrêt du 11 janvier 1957 (Pas. 1957, p. 523) ainsi que par l'article 101 des lois coordonnées du 17 juillet 1991 sur la comptabilité de l'Etat, selon laquelle l'interruption de la prescription par une citation en justice se prolonge jusqu'à la clôture de l'instance. Il est stipulé qu'un recours en annulation a les mêmes effets juridiques qu'une citation en justice en ce qui concerne l'interruption de la prescription de l'action en réparation d'un dommage formée au motif de l'illégalité de l'acte administratif attaqué.

Il en découle notamment que, comme pour une citation, l'interruption par un recours en annulation se prolongera jusqu'à la clôture de l'instance, c'est-à-dire jusqu'au prononcé de l'arrêt, et qu'elle ne profitera qu'à celui qui a accompli l'acte interruptif » (Doc. parl., Chambre, 2007-2008, DOC 52-0832/005, p. 2).

B.5. Il appartient en règle au juge a quo d'interpréter les dispositions qu'il applique, sous réserve d'une lecture manifestement erronée de la disposition en cause. Il ressort de la décision de renvoi que le juge a quo part de l'hypothèse que la disposition en cause ne bénéficie qu'à la partie requérante devant le Conseil d'Etat.

La Cour répond à la question préjudicielle dans cette interprétation, qui n'est pas manifestement erronée.

B.6. La question préjudicielle concerne la différence de traitement entre, d'une part, les parties qui ont formé un recours en annulation devant le Conseil d'Etat et, d'autre part, les personnes pour lesquelles le préjudice causé par l'acte administratif attaqué apparaît à l'issue de ce recours. Tandis que la prescription de l'action civile en réparation du dommage causé par l'acte administratif attaqué est, à l'égard des premières, interrompue jusqu'au prononcé de l'arrêt du Conseil d'Etat, une telle interruption n'est pas applicable à l'action en réparation du dommage causé par l'acte administratif attaqué, à l'égard des secondes.

B.7. Le principe d'égalité et de non-discrimination n'exclut pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité et de non-discrimination est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

B.8. Dans le cadre d'un recours au Conseil d'Etat, les deux catégories de personnes visées en B.6 sont susceptibles d'introduire une action civile en réparation du dommage causé par l'acte administratif annulé, en raison de l'autorité de la chose jugée qui doit être reconnue erga omnes aux arrêts d'annulation de la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat.

B.9. La différence de traitement repose sur un critère objectif, à savoir le fait de poser un acte introductif d'instance sous la forme d'un recours devant le Conseil d'Etat.

B.10. Ainsi qu'il ressort des travaux préparatoires mentionnés en B.3, l'objectif du législateur était de ne pas faire peser sur le justiciable les conséquences liées à l'arriéré du Conseil d'Etat. Il entendait éviter, d'une part, la prescription de l'action devant le juge civil en réparation du dommage causé par un acte administratif annulé lorsque l'annulation de l'acte administratif attaqué intervient plus de cinq ans après l'introduction du recours devant le Conseil d'Etat, et, d'autre part, l'introduction d'une action conservatoire devant le juge civil en prévention de cette prescription, impliquant des coûts supplémentaires liés à l'engagement de cette procédure, qui peut par la suite s'avérer inutile. Enfin, le législateur entendait mettre un terme à une pratique qui encombre les rôles des tribunaux civils d'affaires qui ne sont pas prêtes à être traitées. La disposition en cause poursuit donc un but légitime d'intérêt général.

B.11.1. Compte tenu de sa préoccupation d'éviter l'introduction de procédures conservatoires devant le juge civil en prévention de la prescription, le législateur aurait raisonnablement dû estimer qu'il fallait tenir compte de l'effet erga omnes des arrêts d'annulation du Conseil d'Etat et que le dommage causé par un acte administratif illégal peut donner lieu à l'introduction d'une action devant le juge civil par des personnes autres que la partie requérante.

B.11.2. Le Conseil des ministres souligne la faculté d'intervention à la cause devant le Conseil d'Etat en vertu des articles 6, § 4, et 52 et suivants de l'arrêté du Régent du 23 août 1948 « déterminant la procédure devant la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat ». Toutefois, dans l'interprétation selon laquelle l'effet interruptif du recours en annulation visé à l'article 2244, § 1er, alinéa 3, de l'ancien Code civil ne bénéficie qu'à la partie requérante, une telle intervention n'est d'aucune utilité pour la personne pour laquelle le préjudice causé par l'acte administratif attaqué apparaît à l'issue de ce recours. Par ailleurs, le bénéficiaire d'un acte administratif peut en présumer la légalité.

B.11.3. Le seul moyen dont la personne concernée par un acte administratif attaqué devant le Conseil d'Etat dispose pour préserver son droit à la réparation du dommage causé par l'acte attaqué en cas d'annulation de celui-ci est d'introduire une action devant le juge civil, parallèlement à la procédure en annulation devant le Conseil d'Etat, ce qui ferait toutefois échec à l'économie procédurale précisément recherchée par le législateur.

B.11.4. Contrairement à ce que le Conseil des ministres soutient, l'absence d'effet interruptif de la prescription de l'action devant le juge civil en réparation du dommage causé par un acte administratif annulé à l'égard d'une personne autre que la partie requérante devant le Conseil d'Etat ne saurait être justifiée par le souci d'harmoniser le régime en cause avec le régime prévu, en matière de citation en justice, à l'article 2247 de l'ancien Code civil, et ce, en raison de la différence fondamentale qui existe entre les deux formes de contentieux (voy. l'arrêt de la Cour n° 148/2018 du 8 novembre 2018).

B.12. Il résulte de ce qui précède qu'en ce que l'effet interruptif de la prescription qui est attaché aux recours introduits devant le Conseil d'Etat ne bénéficie qu'aux personnes qui ont formé le recours, à l'exclusion des personnes dont le préjudice causé par l'annulation de l'acte administratif attaqué n'apparaît qu'à l'issue de ce recours, la disposition en cause repose sur un critère qui n'est pas pertinent eu égard aux objectifs mentionnés en B.10, dès lors qu'elle oblige toujours ces personnes à introduire une action en réparation du dommage devant le juge civil, à titre conservatoire, pour éviter la prescription de leur action.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 2244, § 1er, alinéa 3, de l'ancien Code civil viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce que l'effet interruptif de la prescription attaché aux recours introduits devant le Conseil d'Etat ne bénéficie pas aux personnes qui sont préjudiciées par l'annulation de l'acte administratif attaqué.

Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 11 février 2021.

Le greffier, Le président, F. Meersschaut F. Daoût

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