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Arrêt
publié le 20 mars 2009

Extrait de l'arrêt n° 15/2009 du 5 février 2009 Numéro du rôle : 4434 En cause : les questions préjudicielles concernant l'article 1022 du Code judiciaire, tel qu'il a été remplacé par l'article 7 de la loi du 21 avril 2007 relative à la ré La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et M. Melchior, et des juges P. Ma(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 15/2009 du 5 février 2009 Numéro du rôle : 4434 En cause : les questions préjudicielles concernant l'article 1022 du Code judiciaire, tel qu'il a été remplacé par l'article 7 de la loi du 21 avril 2007Documents pertinents retrouvés type loi prom. 21/04/2007 pub. 31/05/2007 numac 2007009497 source service public federal justice Loi relative à la répétibilité des honoraires et des frais d'avocat type loi prom. 21/04/2007 pub. 11/10/2007 numac 2007000845 source service public federal interieur Loi relative à la répétibilité des honoraires et des frais d'avocat fermer relative à la répétibilité des honoraires et des frais d'avocat, posées par le Tribunal de commerce de Turnhout.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et M. Melchior, et des juges P. Martens, R. Henneuse, E. De Groot, L. Lavrysen et J.-P. Snappe, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Bossuyt, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure Par jugement du 1er février 2008 en cause de la SPRL « Vissers Eddy » contre la SA « De Clercq Aannemingen Bouw en Wegenbouw », dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 21 février 2008, le Tribunal de commerce de Turnhout a posé les questions préjudicielles suivantes : 1. « L'article 1022 du Code judiciaire viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution s'il est interprété et appliqué en ce sens que, pour déterminer la base de calcul de l'indemnité de procédure, il est, d'une part, tenu compte seulement des montants réclamés dans la demande principale et non de ceux réclamés dans une demande incidente ou dans une demande en intervention et il n'est, d'autre part, pas tenu compte de la mesure dans laquelle la demande est ou non accueillie ? »;2. « L'article 1022, dernier alinéa, du Code judiciaire viole-t-il les articles 10, 11 et/ou 16 de la Constitution, combinés ou non avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, lorsqu'il prive une partie du droit d'obtenir l'indemnisation de l'intégralité du dommage réellement subi, qui se traduit (tout au moins partiellement) par des frais d'assistance juridique ? ». (...) III. En droit (...) B.1. Les questions préjudicielles portent sur l'article 1022 du Code judiciaire, tel qu'il a été remplacé par l'article 7 de la loi du 21 avril 2007Documents pertinents retrouvés type loi prom. 21/04/2007 pub. 31/05/2007 numac 2007009497 source service public federal justice Loi relative à la répétibilité des honoraires et des frais d'avocat type loi prom. 21/04/2007 pub. 11/10/2007 numac 2007000845 source service public federal interieur Loi relative à la répétibilité des honoraires et des frais d'avocat fermer relative à la répétibilité des honoraires et des frais d'avocat. L'article 1022 du Code judiciaire dispose : « L'indemnité de procédure est une intervention forfaitaire dans les frais et honoraires d'avocat de la partie ayant obtenu gain de cause.

Après avoir pris l'avis de l'Ordre des barreaux francophones et germanophone et de l'Orde van Vlaamse Balies, le Roi établit par arrêté délibéré en Conseil des ministres, les montants de base, minima et maxima de l'indemnité de procédure, en fonction notamment de la nature de l'affaire et de l'importance du litige.

A la demande d'une des parties, et sur décision spécialement motivée, le juge peut soit réduire l'indemnité soit l'augmenter, sans pour autant dépasser les montants maxima et minima prévus par le Roi. Dans son appréciation, le juge tient compte : - de la capacité financière de la partie succombante, pour diminuer le montant de l'indemnité; - de la complexité de l'affaire; - des indemnités contractuelles convenues pour la partie qui obtient gain de cause; - du caractère manifestement déraisonnable de la situation.

Si la partie succombante bénéficie de l'aide juridique de deuxième ligne, l'indemnité de procédure est fixée au minimum établi par le Roi, sauf en cas de situation manifestement déraisonnable. Le juge motive spécialement sa décision sur ce point.

Lorsque plusieurs parties bénéficient de l'indemnité de procédure à charge d'une même partie succombante, son montant est au maximum le double de l'indemnité de procédure maximale à laquelle peut prétendre le bénéficiaire qui est fondé à réclamer l'indemnité la plus élevée.

Elle est répartie entre les parties par le juge.

Aucune partie ne peut être tenue au paiement d'une indemnité pour l'intervention de l'avocat d'une autre partie au-delà du montant de l'indemnité de procédure ».

Quant à la première question préjudicielle B.2. Dans la première question préjudicielle, le juge a quo interroge la Cour sur le point de savoir si l'article 1022 du Code judiciaire viole les articles 10 et 11 de la Constitution, dès lors que, pour déterminer la base de calcul de l'indemnité de procédure, il est seulement tenu compte des montants réclamés dans la demande principale et non de ceux réclamés dans une demande incidente ou dans une demande en intervention (première branche), et qu'il n'est pas tenu compte de la mesure dans laquelle la demande est ou non accueillie (seconde branche).

B.3. Le Conseil des ministres objecte que ce n'est pas l'article 1022 du Code judiciaire qui fait l'objet de la première question préjudicielle, mais l'article 2 de l'arrêté royal du 26 octobre 2007 fixant le tarif des indemnités de procédure visées à l'article 1022 du Code judiciaire et fixant la date d'entrée en vigueur des articles 1er à 13 de la loi du 21 avril 2007Documents pertinents retrouvés type loi prom. 21/04/2007 pub. 31/05/2007 numac 2007009497 source service public federal justice Loi relative à la répétibilité des honoraires et des frais d'avocat type loi prom. 21/04/2007 pub. 11/10/2007 numac 2007000845 source service public federal interieur Loi relative à la répétibilité des honoraires et des frais d'avocat fermer relative à la répétibilité des honoraires et des frais d'avocat. Or, la Cour serait incompétente pour se prononcer sur la violation éventuelle des articles 10 et 11 de la Constitution par un arrêté royal.

B.4.1. La Cour ne peut se prononcer sur une prétendue violation de la Constitution que si cette violation est imputable à une norme législative. Ni l'article 26, § 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 ni aucune autre disposition constitutionnelle ou légale ne confèrent à la Cour le pouvoir de statuer, à titre préjudiciel, sur la question de savoir si un arrêté royal est compatible ou non avec les dispositions de la Constitution.

B.4.2. L'arrêté royal du 26 octobre 2007 fixant le tarif des indemnités de procédure visées à l'article 1022 du Code judiciaire et fixant la date d'entrée en vigueur des articles 1er à 13 de la loi du 21 avril 2007Documents pertinents retrouvés type loi prom. 21/04/2007 pub. 31/05/2007 numac 2007009497 source service public federal justice Loi relative à la répétibilité des honoraires et des frais d'avocat type loi prom. 21/04/2007 pub. 11/10/2007 numac 2007000845 source service public federal interieur Loi relative à la répétibilité des honoraires et des frais d'avocat fermer relative à la répétibilité des honoraires et des frais d'avocat a été pris en exécution de l'article 1022, alinéa 2, du Code judiciaire. Conformément à l'article 2, alinéa premier, de l'arrêté royal précité, l'indemnité de procédure pour les actions portant sur des demandes évaluables en argent est fixée sur la base du montant de ces actions. L'alinéa 2 dispose par ailleurs : « Pour l'application du présent article, le montant de la demande est fixé conformément aux articles 557 à 562 et 618 du Code judiciaire relatifs à la détermination de la compétence et du ressort. [...] ».

B.5. La manière dont est fixée l'indemnité de procédure est déterminée à l'article 2, alinéas 1er et 2, de l'arrêté royal du 26 octobre 2007 et non à l'article 1022 du Code judiciaire.

La Cour n'est pas compétente pour contrôler cette disposition au regard des articles 10 et 11 de la Constitution.

Quant à la seconde question préjudicielle B.6. En ce qui concerne la seconde question préjudicielle, le juge a quo interroge la Cour sur le point de savoir si l'article 1022, dernier alinéa, du Code judiciaire viole les articles 10, 11 et 16 de la Constitution, combinés ou non avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, dès lors qu'il prive une partie du droit de récupérer l'intégralité de ses frais réels d'assistance juridique, alors qu'une partie dont le dommage consiste en d'autres éléments que des frais d'avocats peut obtenir une indemnisation intégrale des frais qu'elle a exposés.

B.7. Le Conseil des ministres objecte que la seconde question préjudicielle appelle une réponse négative au motif que les catégories de personnes et de frais désignées dans la question préjudicielle ne sont pas comparables. En effet, les frais d'assistance d'un conseil technique concernent les rapports de droit matériel qui unissent les parties, alors que les frais d'assistance d'un avocat ont pour cadre le lien de droit procédural entre les parties. L'intervention d'un avocat aurait pour seul but d'assister une victime dans sa demande en dommages-intérêts, de sorte que son intervention ne constituerait pas un élément du dommage, alors que les frais d'intervention d'un expert seraient des frais exposés à la suite d'un sinistre.

B.8.1. Pour apprécier la compatibilité d'une norme avec les articles 10 et 11 de la Constitution, la Cour examine en premier lieu si les catégories de personnes entre lesquelles une inégalité est alléguée sont suffisamment comparables.

B.8.2. Les frais de procédure exposés par les parties l'ont été en vue d'exercer leur droit de défense et ils sont récupérables auprès de la partie perdante sur la base et dans les limites des articles 1017 et suivants du Code judiciaire. Les frais exposés pour l'assistance d'un conseil technique sont, par contre, des frais exposés dans le but de déterminer le dommage et son ampleur et ils sont récupérables, depuis les arrêts de la Cour de cassation des 2 septembre 2004 (C010186F) et 16 novembre 2006 (C050124F), auprès de la partie perdante, sur la base de l'article 1151 du Code civil ou de l'article 1382 du Code civil, en tant qu'élément du dommage que la partie perdante doit indemniser sur la base de sa responsabilité contractuelle ou extracontractuelle.

La loi du 21 avril 2007Documents pertinents retrouvés type loi prom. 21/04/2007 pub. 31/05/2007 numac 2007009497 source service public federal justice Loi relative à la répétibilité des honoraires et des frais d'avocat type loi prom. 21/04/2007 pub. 11/10/2007 numac 2007000845 source service public federal interieur Loi relative à la répétibilité des honoraires et des frais d'avocat fermer inscrit dans le droit procédural la répétibilité des frais liés à l'assistance fournie par un avocat (Doc. parl., Sénat, 2006-2007, n° 3-1686/5, p. 16) et la soustrait ainsi au droit de la responsabilité. Sur la base de l'article 1022 nouveau du Code judiciaire, les frais d'avocat ne peuvent être récupérés de manière forfaitaire qu'auprès de la partie perdante, et non plus de manière intégrale. Les frais liés à l'assistance d'un conseil technique demeurent, par contre, totalement récupérables sur la base du droit de la responsabilité.

B.8.3. Il faut néanmoins constater que les frais d'assistance d'un avocat et les frais d'assistance d'un conseil technique sont des frais qui, bien qu'ils procèdent d'un rapport différent entre les parties, doivent les uns et les autres être supportés par la partie perdante, de sorte que les catégories de personnes concernées sont suffisamment comparables.

B.9. Les règles constitutionnelles de l'égalité et de la non-discrimination n'excluent pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

B.10.1. Les experts et conseils techniques qui assistent une partie à un procès se trouvent, au regard de la législation en cause, dans une situation essentiellement différente de celle des avocats qui assistent les parties et les représentent en justice. Alors que l'intervention d'un avocat est pratiquement toujours indispensable dans le cadre d'une procédure judiciaire, le recours à un conseil technique est moins fréquent. De même, l'intervention de l'avocat est généralement poursuivie tout au long de la procédure, ce qui crée entre lui et son client un rapport spécifique, alors que celle du conseil technique est généralement ponctuelle, lorsqu'il est appelé à donner un avis sur un aspect précis et limité du litige.

B.10.2. Dès lors que le choix du législateur de régler la matière en fixant des montants forfaitaires qui peuvent être mis à charge de la partie succombante est raisonnablement justifié, compte tenu de ce qui est dit en B.7.6.6 de l'arrêt n° 182/2008 du 18 décembre 2008 concernant les personnes qui bénéficient de l'aide juridique de seconde ligne, les différences qui existent entre les avocats et les conseils techniques en ce qui concerne leur place dans le procès et la nature de leur intervention justifient que le législateur n'ait pas étendu la réglementation spécifique qu'il a adoptée pour la répétibilité des frais et honoraires d'avocat à l'ensemble des autres conseils qui sont éventuellement susceptibles d'intervenir dans une procédure judiciaire.

B.11. La seconde question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 1022 du Code judiciaire, tel qu'il a été remplacé par l'article 7 de la loi du 21 avril 2007Documents pertinents retrouvés type loi prom. 21/04/2007 pub. 31/05/2007 numac 2007009497 source service public federal justice Loi relative à la répétibilité des honoraires et des frais d'avocat type loi prom. 21/04/2007 pub. 11/10/2007 numac 2007000845 source service public federal interieur Loi relative à la répétibilité des honoraires et des frais d'avocat fermer relative à la répétibilité des honoraires et des frais d'avocat, ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, à l'audience publique du 5 février 2009.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, M. Bossuyt.

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