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Arrêt
publié le 12 janvier 2017

Extrait de l'arrêt n° 143/2016 du 17 novembre 2016 Numéro du rôle : 6265 En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 2bis du titre préliminaire du Code de procédure pénale et 508/1 et 508/13 du Code judiciaire, posées par l La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et E. De Groot, et des juges L. (...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 143/2016 du 17 novembre 2016 Numéro du rôle : 6265 En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 2bis du titre préliminaire du Code de procédure pénale et 508/1 et 508/13 du Code judiciaire, posées par le Tribunal correctionnel de Liège, division Liège.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et E. De Groot, et des juges L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, F. Daoût et T. Giet, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président J. Spreutels, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure Par jugement du 2 septembre 2015 en cause du procureur du Roi et autres contre M.S. et autres, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 1er octobre 2015, le Tribunal correctionnel de Liège, division Liège, a posé les questions préjudicielles suivantes : 1. « Les articles 2bis du titre préliminaire du Code de procédure pénale et 508/1 et 508/13 du Code judiciaire, en tant, pour le premier, qu'il oblige les cours et tribunaux à procéder à la désignation d'un mandataire ad hoc dès l'instant où une personne morale et la personne habilitée à la représenter sont poursuivies du chef de mêmes faits ou de faits connexes et, pour les suivants, en ce qu'ils ne garantissent pas à la personne morale poursuivie pénalement l'intervention de l'Etat dans la prise en charge des frais et des prestations de ce mandataire ad hoc chargé de la représenter en justice dans le cadre de l'action publique diligentée contre elle, violent-ils les articles 10 et 11 de la Constitution lus en combinaison avec l'article 6, § 3c, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que, en cas de difficultés financières ou d'insolvabilité de la personne morale poursuivie, le mandataire ad hoc désigné par le tribunal afin de la représenter ne bénéficie d'aucun mécanisme légal lui garantissant une intervention de l'Etat dans la prise en charge de ses frais et de ses prestations ? »;2. « Les articles 508/1 et 508/13 du Code judiciaire, en tant qu'ils ne garantissent pas à la personne morale poursuivie pénalement l'assistance gratuite d'un avocat pour la défendre au moyen de l'intervention de l'Etat dans la prise en charge des frais et honoraires de cet avocat, violent-ils les articles 10 et 11 de la Constitution lus en combinaison avec l'article 6, § 3c, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que, en cas de difficulté financière ou d'insolvabilité de la personne morale poursuivie, l'avocat choisi par elle ou par le mandataire ad hoc désigné par le tribunal afin de la représenter ne bénéficie d'aucun mécanisme légal lui garantissant une intervention de l'Etat dans la prise en charge des honoraires de son conseil [lire : de ses honoraires] ? ». (...) III. En droit (...) Quant aux dispositions en cause B.1.1. Les questions préjudicielles portent sur l'article 2bis du titre préliminaire du Code de procédure pénale et sur les articles 508/1 et 508/13 du Code judiciaire.

B.1.2. L'article 2bis du titre préliminaire du Code de procédure pénale dispose : « Lorsque les poursuites contre une personne morale et contre la personne habilitée à la représenter sont engagées pour des mêmes faits ou des faits connexes, le tribunal compétent pour connaître de l'action publique contre la personne morale désigne, d'office ou sur requête, un mandataire ad hoc pour la représenter ».

B.1.3. L'article 508/1 du Code judiciaire dispose : « Pour l'application du présent livre, il faut entendre par : 1° aide juridique de première ligne : l'aide juridique accordée sous la forme de renseignements pratiques, d'information juridique, d'un premier avis juridique ou d'un renvoi vers une instance ou une organisation spécialisées;2° aide juridique de deuxième ligne : l'aide juridique accordée à une personne physique sous la forme d'un avis juridique circonstancié ou l'assistance juridique dans le cadre ou non d'une procédure ou l'assistance dans le cadre d'un procès y compris la représentation au sens de l'article 728; [...] ».

B.1.4. L'article 508/13 du Code judiciaire dispose : « L'aide juridique de deuxième ligne peut être partiellement ou entièrement gratuite pour les personnes dont les ressources sont insuffisantes ou pour les personnes y assimilées.

Le Roi détermine par arrêté délibéré en Conseil des ministres le montant de ces ressources, les pièces justificatives à produire ainsi que les personnes assimilées à celle dont les ressources sont insuffisantes.

Le bureau vérifie si les conditions de gratuité sont remplies.

Le bureau conserve une copie des pièces ».

B.1.5. La Cour est invitée à examiner la compatibilité de ces dispositions avec les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 6.3, c), de la Convention européenne des droits de l'homme, qui dispose : « Tout accusé a droit notamment à : [...] c) se défendre lui-même ou avoir l'assistance d'un défenseur de son choix et, s'il n'a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d'office, lorsque les intérêts de la justice l'exigent; [...] ».

B.2.1. Le juge a quo estime que l'article 2bis du titre préliminaire du Code de procédure pénale exige la désignation d'un mandataire ad hoc lorsque les poursuites à l'encontre d'une personne morale et de la personne habilitée à la représenter sont engagées pour les mêmes faits ou pour des faits connexes.

B.2.2. Cette disposition vise en effet, selon les travaux préparatoires, à répondre à la question de savoir comment une personne morale peut comparaître lorsque ses représentants sont eux-mêmes cités en leur nom propre (Doc. parl., Chambre, 1998-1999, n° 2093/5, p. 42) et à résoudre les difficultés résultant du conflit d'intérêts pouvant surgir lorsque cette personne morale et ses représentants sont l'une et les autres poursuivis (Doc. parl., Sénat, 1998-1999, n° 1-1217/6, p. 74).La désignation d'un mandataire ad hoc vise donc à « garantir une défense autonome de la personne morale » (Cass., 4 octobre 2011, Pas., 2011, n° 519).

En B.7 de son arrêt n° 190/2006 du 5 décembre 2006, la Cour a jugé : « La désignation d'un mandataire ad hoc aurait des effets disproportionnés si elle privait systématiquement la personne morale de la possibilité de choisir son représentant. Tel n'est pas le cas en l'espèce puisque l'article 2bis permet à la personne morale elle-même de demander cette désignation par requête et qu'elle peut proposer au juge son mandataire ad hoc ».

B.2.3. Le mandataire ad hoc prend la place du représentant habituel de la personne morale pour les besoins de la procédure pénale diligentée contre elle lorsqu'il est dans l'impossibilité de remplir ce rôle parce qu'il est poursuivi conjointement avec la personne morale et qu'un conflit d'intérêts naît de cette situation. Le mandataire ad hoc ne reçoit pas un mandat ad litem semblable à celui d'un avocat. Il ne prend pas ses instructions auprès des organes de la société mais se substitue à eux et est seul compétent pour arrêter la stratégie de défense de la société et décider d'exercer les voies de recours.

B.2.4. Bien que le mandataire ad hoc désigné, d'office ou sur requête, par le tribunal compétent soit généralement un avocat, la loi n'exige pas qu'il en soit ainsi et ce n'est donc pas nécessairement toujours le cas. Parmi les décisions qu'il peut prendre pour assurer la défense pénale de la personne morale qu'il représente, il peut choisir de la faire assister et représenter, lors de la procédure pénale, par un avocat. Il « choisit librement le conseil de la personne morale » qu'il est chargé de représenter (Cass., 4 octobre 2011, précité).

B.3. La première question préjudicielle concerne la prise en charge des frais et honoraires du mandataire ad hoc. La seconde question préjudicielle concerne la prise en charge des frais et honoraires de l'avocat désigné par la personne morale poursuivie, agissant éventuellement par son mandataire ad hoc, pour l'assister dans la procédure pénale diligentée contre elle. Le mandataire ad hoc et l'avocat ayant des positions et des missions distinctes quant à la représentation et à l'assistance de la personne morale poursuivie pénalement, la question de la prise en charge des frais et honoraires respectifs du premier et du second doit en effet être distinguée.

Quant à la première question préjudicielle B.4.1. Par la première question préjudicielle, la Cour est invitée à examiner la compatibilité des dispositions en cause avec les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 6.3, c), de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce qu'en cas de difficultés financières ou d'insolvabilité de la personne morale poursuivie, les frais et honoraires de son mandataire ad hoc ne font l'objet d'aucune prise en charge par l'Etat.

B.4.2. Le Conseil des ministres estime que la question préjudicielle est irrecevable dès lors qu'elle ne mentionne pas les catégories de personnes qui devraient être comparées et que l'invocation de l'article 6.3, c), de la Convention européenne des droits de l'homme, en tant que norme de référence, n'est pas pertinente dans le cadre de l'examen de cette question.

B.4.3. Lorsqu'une violation du principe d'égalité et de non-discrimination est alléguée en combinaison avec un autre droit fondamental garanti par la Constitution ou par une disposition de droit international, ou découlant d'un principe général du droit, la catégorie de personnes pour lesquelles ce droit fondamental est violé doit être comparée à la catégorie de personnes envers lesquelles ce droit fondamental est garanti. Pour juger de l'exception soulevée par le Conseil des ministres, il est nécessaire de déterminer si l'article 6.3, c), précité peut être pertinemment invoqué en l'espèce.

B.5.1. A la différence de la seconde question préjudicielle, la première question ne concerne ni le droit de la personne morale poursuivie pénalement à obtenir l'assistance gratuite d'un avocat pour se défendre, ni l'éventuelle prise en charge par l'Etat des frais et honoraires de cet avocat. En ce qu'il garantit le droit à l'assistance gratuite par un avocat, l'article 6.3, c), de la Convention européenne des droits de l'homme, en sa seconde partie, n'est pas applicable à la situation du mandataire ad hoc.

B.5.2. L'article 6.3, c), de la Convention européenne des droits de l'homme garantit, en sa première partie, le droit de tout accusé de se défendre lui-même.

Sous réserve des exceptions qu'il prévoit, l'article 5 du Code pénal rend toute personne morale pénalement responsable « des infractions qui sont intrinsèquement liées à la réalisation de son objet ou à la défense de ses intérêts, ou de celles dont les faits concrets démontrent qu'elles ont été commises pour son compte ».

L'institution du mandataire ad hoc, qui a précisément pour raison d'être de permettre à la personne morale de mener une défense indépendamment des personnes qui la représentent habituellement dans l'hypothèse où ces dernières se trouvent dans l'incapacité de la représenter, relève du champ d'application de l'article 6.3, c), de la Convention européenne des droits de l'homme, en sa première partie.

B.5.3. La première question préjudicielle, qui mentionne la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec le droit fondamental à se défendre d'une accusation pénale garanti par l'article 6.3, c), de la Convention européenne des droits de l'homme, est recevable.

B.6. La Cour examine l'article 2bis du titre préliminaire du Code de procédure pénale, disposition en cause dans la première question préjudicielle, dans l'interprétation du juge a quo selon laquelle les frais et honoraires du mandataire ad hoc ne sont pas visés par l'article 2 de la loi-programme (II) du 27 décembre 2006 et ne sont donc pas pris en charge par l'Etat.

B.7. Le rôle du mandataire ad hoc ne consiste ni à donner à la personne morale qu'il représente des avis juridiques circonstanciés, ni à l'assister dans le cadre de la procédure pénale diligentée contre elle, mais bien à se substituer aux personnes qui ont normalement la capacité de la représenter. Il ne s'agit d'ailleurs pas nécessairement d'un avocat, ainsi qu'il est dit en B.2.4. La mission du mandataire ad hoc ne s'inscrit dès lors pas dans le contexte de l'aide juridique de deuxième ligne, de sorte que les articles 508/1 et 508/13 du Code judiciaire sont étrangers à l'objet de la première question préjudicielle.

B.8.1. L'intervention du mandataire ad hoc est essentielle pour permettre à la personne morale de se défendre contre une accusation en matière pénale lorsque les personnes habituellement habilitées à la représenter ne peuvent le faire en raison d'un conflit d'intérêts. Le défaut d'intervention du mandataire ad hoc, en une telle hypothèse, porte donc directement atteinte au droit de la personne morale poursuivie pénalement de se défendre elle-même, garanti par l'article 6.3, c), de la Convention européenne des droits de l'homme.

B.8.2. Dès lors qu'il ne s'agit pas d'un mandat à titre gratuit, il n'est pas raisonnablement justifié de faire supporter le risque de l'insolvabilité de la personne morale par le mandataire ad hoc lui-même, alors qu'il est chargé de sa mission par le tribunal, dans la mesure où il pourrait en résulter une défaillance dans la défense de la personne morale assurée par le mandataire ad hoc.

B.8.3. Par ailleurs, il ressort des débats devant la Cour qu'en l'absence, dans la disposition en cause, de réglementation plus précise de l'institution du mandataire ad hoc, la pratique judiciaire est multiple et très variée. Ainsi, en ce qui concerne la désignation du mandataire ad hoc, certains barreaux ont arrêté une liste d'avocats volontaires qui sont proposés à tour de rôle à la juridiction alors que d'autres barreaux proposent systématiquement le bâtonnier comme mandataire ad hoc.

En ce qui concerne les frais et honoraires, certaines cours et certains tribunaux prévoient une provision dès le début du mandat et prescrivent que l'état de frais et honoraires soit soumis pour taxation, alors que d'autres cours et tribunaux ne prévoient rien en la matière.

B.9.1. Il résulte de ce qui précède que l'absence de prise en charge des frais et honoraires du mandataire ad hoc, en cas d'insolvabilité de la personne morale qu'il représente, n'est pas compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec le droit de se défendre en justice contre une accusation en matière pénale garanti par l'article 6.3, c), de la Convention européenne des droits de l'homme.

B.9.2. Cette discrimination ne trouve toutefois pas sa source dans l'article 2bis du titre préliminaire du Code de procédure pénale, mais bien dans l'absence d'un mécanisme permettant la prise en charge des frais et honoraires du mandataire ad hoc désigné, en application de cette disposition, lorsque la personne morale qu'il représente est insolvable. Il appartient au législateur de prévoir un tel mécanisme.

La première question préjudicielle appelle une réponse négative.

Quant à la seconde question préjudicielle B.10.1. Par la seconde question préjudicielle, la Cour est invitée à examiner la compatibilité des articles 508/1 et 508/13 du Code judiciaire avec les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 6.3, c), de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce que la personne morale poursuivie pénalement qui éprouve des difficultés financières ou est insolvable est exclue de l'aide juridique de deuxième ligne et ne bénéficie donc d'aucun mécanisme lui garantissant une intervention de l'Etat dans la prise en charge des frais et honoraires de son avocat.

B.10.2. L'article 6.3, c), de la Convention européenne des droits de l'homme garantit, en sa seconde partie, le droit de l'accusé qui n'a pas les moyens de rémunérer un défenseur d'être assisté gratuitement par un avocat d'office. Pour répondre à la question préjudicielle, il convient d'examiner s'il est envisageable qu'une personne morale poursuivie pénalement satisfasse aux conditions prévues par l'article 6.3, c), de la Convention européenne des droits de l'homme pour bénéficier du droit à l'assistance gratuite d'un avocat pour se défendre.

B.11.1. La Cour européenne des droits de l'homme considère que les personnes morales, même si elles poursuivent un but lucratif, bénéficient du droit à l'assistance du défenseur de leur choix en matière pénale, tel qu'il est consacré dans la première branche de l'article 6.3, c), de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH, décision, 7 septembre 2004, Eurofinacom c. France). En revanche, elle a admis que les sociétés commerciales soient exclues du bénéfice de l'aide juridique en matière civile (CEDH, décision, 28 août 2007, VP Diffusion c. France; CEDH, 24 novembre 2009, CMVMC O'Limo c. Espagne, § 26; CEDH, 22 mars 2012, Granos Orgssnicos c.

Allemagne, §§ 48 et s.).

B.11.2. Selon la jurisprudence de cette Cour, deux conditions sont requises pour qu'un accusé bénéficie de l'assistance judiciaire gratuite garantie par la seconde branche de l'article 6.3, c), de la Convention : « la première est liée à l'absence de ' moyens de rémunérer un défenseur '. En second lieu, il faut rechercher si les ' intérêts de la justice ' commandent l'octroi de l'assistance judiciaire gratuite » (CEDH, 22 octobre 2009, Raykov c. Bulgarie, § 57; CEDH, 27 mars 2007, Talat Tunç c. Turquie, § 55).

B.12. Une personne morale poursuivie pénalement peut disposer de moyens financiers limités, si bien qu'il peut être satisfait, dans son chef, à la première condition d'application de la garantie prévue par la seconde partie de l'article 6.3, c), de la Convention européenne des droits de l'homme.

B.13.1. En ce qui concerne la seconde condition d'application du droit à l'assistance judiciaire gratuite, il ressort de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme que, « parmi les facteurs permettant d'apprécier les exigences des intérêts de la justice figurent l'importance de ce qui est en jeu pour le requérant, notamment la gravité de l'infraction imputée au requérant et la sévérité de la sanction encourue, ainsi que l'aptitude personnelle des requérants à se défendre et la nature de la procédure, par exemple la complexité ou l'importance des questions litigieuses ou des procédures en cause » (CEDH, décision, 25 avril 2002, Gutfreund c. France). Par ailleurs, « la probabilité de réussir et l'existence d'une aide judiciaire à d'autres phases de la procédure » peuvent aussi entrer en ligne de compte (CEDH, décision, 1er février 2000, Thomasson et Divier c. France). B.13.2. Il revient à la Cour d'examiner si, au regard de l'importance des accusations susceptibles d'être portées contre une personne morale, de son aptitude personnelle à se défendre et de la nature de la procédure qui est susceptible de la concerner, les intérêts de la justice peuvent requérir qu'une personne morale dont les ressources sont insuffisantes bénéficie d'une assistance judiciaire gratuite.

B.13.3. En ce qui concerne le critère lié à l'importance des accusations, une personne morale est pénalement responsable de toute infraction intrinsèquement liée à la réalisation de son objet ou à la défense de ses intérêts ainsi que de toute infraction dont les faits concrets démontrent qu'elle a été commise pour son compte (article 5, alinéa 1er, du Code pénal). Il s'ensuit qu'une personne morale peut être accusée d'avoir commis n'importe quelle infraction (Cass., 26 septembre 2006, Pas., 2006, n° 435) et être condamnée du chef d'infractions graves.

En outre, s'il est vrai que les intérêts de la justice commandent en principe d'accorder l'assistance d'un avocat « lorsqu'une privation de liberté se trouve en jeu » (CEDH, grande chambre, 10 juin 1996, Benham c. Royaume-Uni, § 61), il n'en demeure pas moins qu'une peine d'amende, d'un certain montant, peut être considérée comme d'une gravité suffisante aux fins de l'application de l'article 6.3, c), de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH, 25 septembre 1992, Pham Hoang c. France, §§ 16 et 40).

Une personne morale peut encore être condamnée à l'interdiction d'exercer une activité relevant de son objet social ou à la dissolution s'il est établi qu'elle a été intentionnellement créée pour exercer les activités pour lesquelles elle a été condamnée ou lorsque son objet a été intentionnellement détourné en ce but.

Il ne saurait dès lors être exclu qu'une accusation en matière pénale portée contre une personne morale soit suffisamment importante pour justifier la gratuité d'une assistance judiciaire à son bénéfice.

B.13.4. En ce qui concerne, ensuite, le critère lié à la complexité ou à l'importance des questions litigieuses ou des procédures en cause, il ne fait pas de doute que les poursuites à l'encontre d'une personne morale peuvent poser de délicates questions juridiques, en ce compris la détermination même de l'engagement de sa responsabilité pénale au côté, le cas échéant, des personnes physiques ayant matériellement commis l'infraction.

B.13.5. En ce qui concerne, enfin, l'aptitude personnelle à se défendre, il convient de constater qu'il ne saurait être présumé que le mandataire ad hoc possède toujours les compétences et l'expérience nécessaires pour assurer, sans l'aide d'un avocat spécialisé dans la matière concernée, la défense de la personne morale.

B.14. En conséquence, une personne morale poursuivie pénalement, qui n'a pas les moyens de rémunérer un défenseur, satisfait aux conditions imposées par l'article 6.3, c), de la Convention européenne des droits de l'homme, afin de pouvoir bénéficier gratuitement de l'assistance d'un avocat.

Cette gratuité implique que, lorsqu'elle est poursuivie pénalement, une telle personne morale soit admise au bénéfice de l'aide juridique de deuxième ligne.

B.15. Les articles 508/1 et 508/13 du Code judiciaire, en ce qu'ils excluent de l'aide juridique de deuxième ligne la personne morale poursuivie pénalement dont les ressources sont insuffisantes, ne sont pas compatibles avec les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 6.3, c), de la Convention européenne des droits de l'homme.

La seconde question préjudicielle appelle une réponse positive.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : 1. L'article 2bis du titre préliminaire du Code de procédure pénale ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 6.3, c), de la Convention européenne des droits de l'homme.

L'absence d'un mécanisme permettant la prise en charge des frais et honoraires du mandataire ad hoc désigné, en application de cette disposition, lorsque la personne morale qu'il représente est insolvable, viole les mêmes dispositions. 2. Les articles 508/1 et 508/13 du Code judiciaire violent les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 6.3, c), de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce qu'ils excluent de l'aide juridique de deuxième ligne la personne morale poursuivie pénalement dont les ressources sont insuffisantes.

Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 17 novembre 2016.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, J. Spreutels

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