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Arrêt
publié le 18 juillet 2018

Extrait de l'arrêt n° 77/2018 du 21 juin 2018 Numéros du rôle : 6596 et 6598 En cause : les recours en annulation totale ou partielle de la loi du 6 juillet 2016 modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne l'aide juridique, introduits par La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et A. Alen, des juges L. Lavryse(...)

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Extrait de l'arrêt n° 77/2018 du 21 juin 2018 Numéros du rôle : 6596 et 6598 En cause : les recours en annulation totale ou partielle de la loi du 6 juillet 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 06/07/2016 pub. 14/07/2016 numac 2016009356 source chambres legislatives, chambre des representants Loi modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne l'aide juridique type loi prom. 06/07/2016 pub. 12/10/2017 numac 2017011221 source service public federal affaires etrangeres, commerce exterieur et cooperation au developpement Loi portant assentiment à la Convention sur la sécurité sociale entre le Royaume de Belgique et l'Etat d'Israël, faite à Jérusalem le 24 mars 2014 (2)(3) fermer modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne l'aide juridique, introduits par E.M. et par l'ASBL « Aimer Jeunes » et autres.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et A. Alen, des juges L. Lavrysen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, F. Daoût, T. Giet et R. Leysen, et, conformément à l'article 60bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, du président émérite E. De Groot, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président J. Spreutels, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des recours et procédure Par deux requêtes adressées à la Cour par lettres recommandées à la poste le 16 janvier 2017 et parvenues au greffe les 17 et 18 janvier 2017, des recours en annulation totale ou partielle (les articles 3 à 9, 11 et 13 à 19) de la loi du 6 juillet 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 06/07/2016 pub. 14/07/2016 numac 2016009356 source chambres legislatives, chambre des representants Loi modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne l'aide juridique type loi prom. 06/07/2016 pub. 12/10/2017 numac 2017011221 source service public federal affaires etrangeres, commerce exterieur et cooperation au developpement Loi portant assentiment à la Convention sur la sécurité sociale entre le Royaume de Belgique et l'Etat d'Israël, faite à Jérusalem le 24 mars 2014 (2)(3) fermer modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne l'aide juridique (publiée au Moniteur belge du 14 juillet 2016) ont été introduits respectivement par E.M., assisté et représenté par Me R. Fonteyn, avocat au barreau de Bruxelles, et par l'ASBL « Aimer Jeunes », l'ASBL « Association pour le droit des Etrangers », l'ASBL « Association Syndicale des Magistrats », l'ASBL « ATD Quart Monde Belgique », l'ASBL « Réseau Belge de Lutte contre la Pauvreté », l'ASBL « Bureau d'Accueil et de Défense des Jeunes », l'ASBL « Coordination et Initiatives pour et avec les Réfugiés et Etrangers », l'ASBL « Défense des Enfants - International - Belgique - Branche francophone (D.E.I. Belgique) », l'ASBL « Intact », l'ASBL « Ligue des Droits de l'Homme », l'ASBL « luttes solidarités travail », l'ASBL « Medimmigrant », l'ASBL « ORCA : Organisatie voor clandestiene arbeidsmigranten », l'ASBL « Point d'appui. Service d'aide aux personnes sans papiers », l'ASBL « Réseau wallon de lutte contre la pauvreté », l'ASBL « Service d'Action Sociale Bruxellois », l'ASBL « Service International de Recherche, d'Education et d'Action sociale », l'ASBL « Syndicat des Avocats pour la Démocratie », l'ASBL « Vlaams Netwerk van verenigingen waar armen het woord nemen », l'ASBL « Vluchtelingenwerk Vlaanderen » et Dominique Andrien, assistés et représentés par Me M. Doutrepont et Me C. Forget, avocats au barreau de Bruxelles.

Ces affaires, inscrites sous les numéros 6596 et 6598 du rôle de la Cour, ont été jointes. (...) II. En droit (...) Quant à la loi attaquée et à l'examen des moyens B.1.1. Les recours joints tendent à l'annulation totale ou partielle de la loi du 6 juillet 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 06/07/2016 pub. 14/07/2016 numac 2016009356 source chambres legislatives, chambre des representants Loi modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne l'aide juridique type loi prom. 06/07/2016 pub. 12/10/2017 numac 2017011221 source service public federal affaires etrangeres, commerce exterieur et cooperation au developpement Loi portant assentiment à la Convention sur la sécurité sociale entre le Royaume de Belgique et l'Etat d'Israël, faite à Jérusalem le 24 mars 2014 (2)(3) fermer modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne l'aide juridique. Il ressort des requêtes que les moyens concernent les articles 3 à 5, 7, 9 et 13 à 19 de cette loi.

B.1.2. Aux termes de l'article 508/1, 2°, du Code judiciaire, l'aide juridique de deuxième ligne est : « L'aide juridique accordée à une personne physique sous la forme d'un avis juridique circonstancié ou l'assistance juridique dans le cadre ou non d'une procédure ou l'assistance dans le cadre d'un procès y compris la représentation au sens de l'article 728 ».

B.1.3. Les dispositions attaquées modifient également les conditions d'octroi de l'assistance judiciaire. En vertu de l'article 664 du Code judiciaire, tel qu'il est modifié par l'article 15 de la loi attaquée : « L'assistance judiciaire consiste à dispenser, en tout ou en partie, ceux qui ne disposent pas des moyens d'existence nécessaires pour faire face aux frais d'une procédure, même extrajudiciaire, de payer les droits divers, d'enregistrement, de greffe et d'expédition et les autres dépens qu'elle entraîne. Elle assure aussi aux intéressés la gratuité du ministère des officiers publics et ministériels, dans les conditions ci-après déterminées.

Elle permet également aux intéressés de bénéficier de la gratuité de l'assistance d'un conseiller technique lors d'expertises judiciaires ».

B.1.4. D'après l'exposé des motifs de la loi attaquée, celle-ci « vise à préserver la philosophie du système de l'aide juridique gratuite, notamment l'accès pour tous à la justice, tout en répondant à un nombre important de demandes d'aide juridique en Belgique [et] réforme et modernise le système de l'aide juridique de deuxième ligne afin de garantir durablement cette aide à ceux qui y ont droit » et « vise à rechercher un équilibre entre l'accès des justiciables à la justice et une rémunération plus équitable des avocats pour les prestations réellement fournies » (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1819/001, p. 4).

B.1.5. Pour atteindre cet objectif, le législateur prévoit notamment les mesures suivantes : - l'instauration du principe du paiement d'une contribution par le bénéficiaire; - une meilleure définition des ressources du candidat à l'aide juridique devant être prises en compte pour vérifier s'il est dans les conditions pour l'obtenir; - la mise en place d'un contrôle plus adéquat des moyens d'existence du demandeur; - le caractère réfragable des diverses présomptions d'insuffisance de revenus existant au profit de certaines catégories de justiciables; - la mise en place d'un mécanisme de contrôle adapté permettant aux bureaux d'aide juridique de contrôler plus adéquatement les prestations accomplies; - l'inscription, par les ordres, des avocats désireux d'accomplir les prestations d'aide juridique sur une liste et la possibilité pour les ordres d'inscrire certains avocats d'office; - la création d'un mécanisme permettant aux avocats de réclamer une indemnité directement au bénéficiaire lorsque leur intervention lui a permis de percevoir un certain montant; - la révision de la « nomenclature » afin d'attribuer les points de manière plus juste et d'harmoniser la valeur des points pour les procédures équivalentes (ibid., pp. 5-8).

B.2. La Cour examine les moyens en les groupant de la façon suivante : 1. les moyens concernant la notion de « moyens d'existence » (articles 5, 7, 13 à 16 et 18 de la loi attaquée) : B.3.1 - B.12.6; 2. les moyens concernant les contributions à acquitter par le justiciable (article 7 de la loi attaquée) : B.13.1 - B.17.4; 3. les moyens concernant le rôle des ordres d'avocats dans la désignation des prestataires et dans le contrôle des prestations (articles 3 et 4 de la loi attaquée) : B.18.1 - B.28; 4. les moyens concernant le droit à la rétribution des avocats (articles 7 et 9 de la loi attaquée) : B.29 - B.34; 5. le moyen concernant le monopole des ordres belges d'avocats pour les prestations d'aide juridique de deuxième ligne (articles 3, 5 et 7 de la loi attaquée) : B.35 - B.37; 6. le moyen concernant le droit des étrangers non autorisés au séjour à l'assistance judiciaire (article 17 de la loi attaquée) : B.38.1 - B.44; 7. les moyens concernant l'entrée en vigueur de la loi attaquée (article 19 de la loi attaquée) : B.45.1 - B.48.

Quant aux moyens concernant la notion de « moyens d'existence » B.3.1. L'article 5 de la loi du 6 juillet 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 06/07/2016 pub. 14/07/2016 numac 2016009356 source chambres legislatives, chambre des representants Loi modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne l'aide juridique type loi prom. 06/07/2016 pub. 12/10/2017 numac 2017011221 source service public federal affaires etrangeres, commerce exterieur et cooperation au developpement Loi portant assentiment à la Convention sur la sécurité sociale entre le Royaume de Belgique et l'Etat d'Israël, faite à Jérusalem le 24 mars 2014 (2)(3) fermer attaquée, en ses points 1° et 3°, apporte à l'article 508/13 du Code judiciaire les modifications suivantes : « 1° dans l'alinéa 1er, les mots ' ressources sont insuffisantes ' sont remplacés par les mots ' moyens d'existence sont insuffisants '; [...] 3° l'alinéa 2 est remplacé par ce qui suit : ' Le Roi détermine par arrêté délibéré en Conseil des ministres l'ampleur de ces moyens d'existence, les pièces justificatives à produire ainsi que les personnes assimilées à celles dont les moyens d'existence sont insuffisants.'; [...] ».

L'article 7 attaqué remplace l'article 508/17 du Code judiciaire.

Cette disposition prévoit, en son paragraphe 2, que le bénéficiaire de l'aide juridique partiellement gratuite est tenu de s'acquitter d'une contribution « en fonction de ses moyens d'existence » et que le Roi fixe le montant de cette contribution « en fonction des moyens d'existence ».

L'article 13 attaqué remplace, dans les articles 508/22, alinéa 1er, et 508/23, alinéa 1er, du Code judiciaire, les mots « de ressources visées » par les mots « des moyens d'existence visés ».

L'article 14 attaqué remplace, dans l'article 508/25 du Code judiciaire, les mots « ressources insuffisantes » par les mots « moyens d'existence insuffisants ».

L'article 15 attaqué remplace, dans l'article 664, alinéa 1er, du Code judiciaire, le mot « revenus » par les mots « moyens d'existence ».

L'article 16 attaqué remplace l'article 667 du Code judiciaire relatif à l'assistance judiciaire. En vertu de l'alinéa 1er de la nouvelle disposition, le bénéfice de l'assistance judiciaire est accordé aux personnes de nationalité belge qui justifient de l'insuffisance de leurs moyens d'existence.

L'article 18 attaqué remplace, dans les articles 669, 677, alinéa 1er, 693, alinéa 1er, et 699ter du Code judiciaire, le mot « revenus » par les mots « moyens d'existence ».

B.3.2. Il résulte de ces modifications que l'accès à l'aide juridique de deuxième ligne et à l'assistance judiciaire est désormais conditionné par la preuve de ce que le demandeur ne dispose pas de « moyens d'existence » suffisants pour rémunérer les services de son avocat et pour s'acquitter des frais judiciaires selon les règles et barèmes applicables.

B.3.3. L'exposé des motifs indique au sujet de ces dispositions : « Par ailleurs, un contrôle plus adéquat des moyens d'existence du demandeur sera mis en place.

Le système actuel d'examen des ressources laisse apparaître que nombre de celles-ci ne sont pas suffisamment prises en compte, et notamment les revenus de biens immobiliers, les revenus de biens mobiliers, ou l'épargne en tant que telle.

Ainsi, les textes du Code judiciaire relatifs aux conditions financières d'accès à l'aide juridique de deuxième ligne et à l'assistance judiciaire seront harmonisés et feront référence à la notion de ' moyens d'existence '. De même, l'arrêté royal du 18 décembre 2003 déterminant les conditions de la gratuité totale ou partielle du bénéfice de l'aide juridique de deuxième ligne et de l'assistance judiciaire (MB 24 décembre 2003) sera également modifié afin de prendre en compte l'ensemble des moyens d'existence du bénéficiaire.

L'examen de l'ensemble des moyens d'existence des demandeurs permettra ainsi d'assurer l'aide juridique à ceux qui en ont besoin, et permettra de faire échec à ce bénéfice pour ceux qui disposent, en réalité, d'un accès à la justice par la voie traditionnelle » (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1819/001, p. 6).

Il est également indiqué que les modifications répondent à un souci d'harmonisation terminologique : « Même si le présent projet entend recourir au concept unique de ' ressources ' et [...] l'utiliser à la fois pour l'aide juridique et l'assistance judiciaire, il convient cependant d'aligner également les versions linguistiques.

En effet, la version française actuelle de l'article 508/13 utilise le concept de ' ressources ', ce qui est en concordance avec le but du présent projet. Toutefois, en néerlandais, le terme ' inkomsten ' ne reflète pas exactement la notion de ' ressources '. C'est pourquoi il est fait appel à la notion de ' bestaansmiddelen ' en néerlandais. En vue d'une traduction harmonieuse, on utilisera dorénavant les mots ' moyens d'existence ' en français plutôt que ' ressources ', ce qui s'accorde tout aussi bien au but visé par le présent projet » (ibid., p. 11). Au sujet de la délégation au Roi portée par l'article 508/13, alinéa 2, du Code judiciaire, l'exposé des motifs précise : « [...] c'est l'arrêté royal du 18 décembre 2003 déterminant les conditions de la gratuité totale ou partielle du bénéfice de l'aide juridique de deuxième ligne et de l'assistance judiciaire qui met en oeuvre cet article et qui précise les éléments du patrimoine à prendre en compte pour pouvoir bénéficier de l'aide juridique. Cet arrêté devra être modifié afin de pouvoir tenir compte de tous les moyens d'existence du bénéficiaire comme par exemple les revenus professionnels, les revenus de biens immobiliers, les revenus des biens mobiliers et divers, les capitaux, les avantages, le bien immobilier à l'exception de sa propre et unique habitation, etc. » (ibid.).

B.3.4. Au sujet de la modification terminologique attaquée, la section de législation du Conseil d'Etat a observé : « On peut toutefois se demander si cette adaptation terminologique suffit pour déterminer avec toute la clarté voulue les éléments de la situation financière de l'intéressé qui doivent être pris en considération pour décider ou non d'accorder l'aide juridique de deuxième ligne. Ainsi peut-on se demander si et, le cas échéant, dans quelle mesure ou de quelle manière des éléments du patrimoine peuvent être pris en compte dans le calcul des moyens d'existence » (ibid., p. 49).

B.4.1. Les griefs portent sur la violation du principe de légalité en matière de droit à l'aide juridique garanti notamment par l'article 23 de la Constitution (premier moyen dans les deux affaires), la violation de l'obligation de standstill en matière de droit à l'aide juridique contenue dans l'article 23 de la Constitution (cinquième moyen dans l'affaire n° 6596 et sixième moyen dans l'affaire n° 6598), la violation du principe de légalité en matière de droit à la protection de la vie privée (deuxième et troisième moyens dans les deux affaires) et la violation du droit à la protection de la vie privée et des droits de la défense (neuvième moyen dans l'affaire n° 6596 et onzième moyen dans l'affaire n° 6598).

B.4.2. La Cour examine d'abord les moyens en ce qu'ils sont pris de la violation de l'article 23 de la Constitution, lu isolément ou en combinaison avec l'article 13 de la Constitution et avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.

B.5.1. L'article 23 de la Constitution dispose : « Chacun a le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine.

A cette fin, la loi, le décret ou la règle visée à l'article 134 garantissent, en tenant compte des obligations correspondantes, les droits économiques, sociaux et culturels, et déterminent les conditions de leur exercice.

Ces droits comprennent notamment : [...] 2° le droit à la sécurité sociale, à la protection de la santé et à l'aide sociale, médicale et juridique; [...] ».

B.5.2. En consacrant le droit à l'aide juridique dans l'article 23, alinéa 3, 2°, précité, parallèlement au droit à l'aide sociale et médicale, le Constituant visait en premier lieu à « protéger la personne se trouvant en état de détresse ».

Selon les travaux préparatoires : « Cet article va toutefois plus loin et vise notamment à assurer un plus grand bien-être. Le manque de connaissances juridiques ou l'aptitude insuffisante à se défendre socialement ne peuvent pas avoir pour effet de priver l'individu de la jouissance d'un droit ou de la faculté de se défendre » (Doc. parl., Sénat, S.E., 1991-1992, n° 100-2/1°, p. 11, et n° 100-2/3°, p. 19).

B.5.3. L'article 23 contient ainsi, en la matière, une obligation de standstill qui interdit au législateur compétent de réduire significativement le niveau de protection offert par la législation applicable, sans qu'existent des motifs d'intérêt général.

B.5.4. Par ailleurs, l'article 23 de la Constitution prévoit que la loi, le décret ou l'ordonnance déterminent les conditions d'exercice du droit à l'aide juridique.

Cette disposition constitutionnelle n'interdit cependant pas au législateur d'accorder des délégations au pouvoir exécutif, pour autant qu'elles portent sur l'exécution de mesures dont le législateur a déterminé l'objet. Elle n'impose dès lors pas au législateur de régler tous les éléments essentiels du droit à l'aide juridique et ne lui interdit pas d'habiliter le pouvoir exécutif à régler ceux-ci.

B.5.5. En l'espèce, les parties requérantes dénoncent tant un recul significatif dans la protection du droit à l'aide juridique et à l'assistance judiciaire, contraire à l'obligation de standstill contenue dans l'article 23 (cinquième moyen dans l'affaire n° 6596 et sixième moyen dans l'affaire n° 6598), qu'une violation du principe de légalité garanti par cette disposition en ce que la condition d'exercice du droit à l'aide juridique et à l'assistance judiciaire manquerait de précision et ferait l'objet d'une délégation trop large au pouvoir exécutif (premier moyen dans les deux affaires).

B.6.1. L'article 13 de la Constitution dispose : « Nul ne peut être distrait, contre son gré, du juge que la loi lui assigne ».

L'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme dispose : « 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice. [...] 3. Tout accusé a droit notamment à : [...] c. se défendre lui-même ou avoir l'assistance d'un défenseur de son choix et, s'il n'a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d'office, lorsque les intérêts de la justice l'exigent; [...] ».

L'article 13 de la Constitution et l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme garantissent le droit d'accès au juge.

B.6.2. Dans les matières pénales, l'assistance gratuite d'un avocat pour les accusés qui n'ont pas les moyens de le rémunérer participe directement, en vertu de l'article 6.3 précité, du droit à un procès équitable. Dans les matières autres que pénales, l'assistance gratuite d'un avocat peut également, dans certaines circonstances, être une condition de la jouissance de ce droit fondamental (C.E.D.H., 9 octobre 1979, Airey c. Irlande, § 26; 16 juillet 2002, P.C.et S. c.

Royaume-Uni, § 100; 15 février 2005, Steel et Morris c. Royaume-Uni, § 72; 27 juin 2006, Tabor c. Pologne, § 47).

B.6.3. L'assistance judiciaire, en ce qu'elle dispense certains justiciables du paiement de frais qui pourraient constituer un obstacle pour eux à l'accès au juge, relève également du champ d'application de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme (C.E.D.H., 12 juin 2007, Bakan c. Turquie, § § 77 et 78; 10 mars 2009, Anakomba Yula c. Belgique, § 32).

B.6.4. Il en résulte que l'aide juridique et l'assistance judiciaire constituent, pour les personnes qui ne disposent pas des moyens suffisants pour assumer les frais liés à la conduite d'une procédure juridictionnelle, un élément fondamental du droit au procès équitable.

B.7.1. Ainsi qu'il ressort des extraits des travaux préparatoires relatifs aux dispositions attaquées cités en B.3.3, en retenant la notion d'insuffisance des moyens d'existence, le législateur a déterminé une des conditions d'exercice du droit à l'aide juridique et à l'assistance judiciaire et a dès lors suffisamment déterminé l'objet de la délégation conférée au Roi. Il peut être admis, compte tenu de la technicité de la matière et de la diversité des situations, ainsi que de la nécessité de pouvoir adapter les seuils en dessous desquels une personne doit être considérée comme ne disposant pas des moyens d'existence suffisants pour supporter elle-même les frais occasionnés par une procédure judiciaire, qu'il ne s'imposait pas au législateur de préciser lui-même la nature et l'ampleur des moyens d'existence à prendre en considération.

B.7.2. En ce qu'elles habilitent le Roi à déterminer la nature et l'ampleur des moyens d'existence à prendre en considération pour l'octroi du droit à l'aide juridique et à l'assistance judiciaire, les dispositions attaquées ne violent pas le principe de légalité contenu dans l'article 23 de la Constitution.

Dès lors que le grief exposé par les parties requérantes dans les deux affaires dans leur premier moyen porte exclusivement sur la compatibilité de la délégation au Roi avec le principe de légalité, l'examen des dispositions attaquées au regard des autres normes invoquées par les parties requérantes dans ce moyen ne saurait conduire à une conclusion différente.

Le premier moyen dans les deux affaires n'est pas fondé.

B.8.1. Par leurs cinquième (affaire n° 6596) et sixième (affaire n° 6598) moyens, les parties requérantes font essentiellement grief aux dispositions attaquées de violer l'obligation de standstill contenue dans l'article 23 de la Constitution, lu en combinaison avec l'article 13 de celle-ci et avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. B.8.2. En remplaçant les mots « ressources » ou « revenus », qui étaient tous deux traduits par « inkomsten » en néerlandais, par l'expression « moyens d'existence », traduite par « bestaansmiddelen », dans les dispositions législatives relatives aux conditions d'exercice du droit à l'aide juridique et à l'assistance judiciaire, le législateur vise non seulement à harmoniser les termes utilisés mais également à réserver l'aide juridique et l'assistance judiciaire aux justiciables qui en ont réellement besoin : « C'est ainsi que, pour l'octroi de l'aide gratuite ou non, il est tenu compte de tous les moyens d'existence dont dispose le justiciable, sans se limiter à ses revenus, comme c'est le cas aujourd'hui. [...] En considérant toutes les ressources du justiciable lors de l'octroi de la gratuité complète ou non, l'aide juridique reste assurée pour ceux qui en ont réellement besoin » (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1819/003, p. 6).

Les dispositions attaquées sont dès lors susceptibles d'exclure de la jouissance de ce droit des justiciables qui auraient pu auparavant en bénéficier.

B.8.3. L'objectif, qui est d'assurer la pérennité du système de l'aide juridique au bénéfice des justiciables les plus démunis (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1819/001, p. 4; DOC 54-1819/003, p. 6), peut être admis, compte tenu des contraintes budgétaires auxquelles les pouvoirs publics sont confrontés et peut dès lors constituer un motif d'intérêt général.

Les mesures prises à cet effet ne sont toutefois compatibles avec les exigences qui découlent de l'article 23 de la Constitution, combiné avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, qu'à la condition qu'elles garantissent réellement l'accès à l'aide juridique et à l'assistance judiciaire aux justiciables qui, sans cette aide et cette assistance, verraient dénier ou entraver gravement leur droit d'accès à un juge et leur droit à un procès équitable, compte tenu de l'ensemble des coûts occasionnés par une procédure en justice.

B.8.4. Il découle de ce qui précède que la nature et l'ampleur des moyens d'existence doivent être déterminées par le Roi de manière à garantir réellement que tous les justiciables qui n'auraient pas accès au juge, sans l'aide juridique et sans l'assistance judiciaire, ou à l'égard desquels le droit fondamental à un procès équitable ne serait pas garanti, soient considérés comme ne disposant pas de moyens d'existence suffisants. A cet égard, la notion de moyens d'existence doit être circonscrite par le Roi de façon à ne retenir que les revenus et les éléments du patrimoine du justiciable qui lui permettent effectivement de s'acquitter des frais de justice et des honoraires d'avocats et à en exclure les éléments qui, bien qu'ils constituent des moyens permettant au justiciable et à sa famille de subsister, ne lui sont d'aucun secours lorsqu'il s'agit de faire face aux dépenses, non prévues et exceptionnelles, occasionnées par une procédure judiciaire. Il revient au Roi, sous le contrôle du juge compétent, de déterminer avec précision non seulement la nature des moyens d'existence à prendre en considération, mais également leur ampleur, pour garantir le respect de l'obligation de standstill contenue dans l'article 23 de la Constitution.

B.8.5. Les dispositions attaquées ne portent pas, en elles-mêmes, atteinte à l'obligation de standstill contenue dans l'article 23 de la Constitution.

B.8.6. Pour le surplus, les critiques des parties requérantes relatives à l'insécurité juridique liée à la notion de moyens d'existence et aux différences de traitement entre justiciables selon la manière dont la notion sera interprétée sont rencontrées par l'interprétation de cette notion telle qu'elle doit être déterminée par le Roi, sous le contrôle du juge compétent. Enfin, la critique relative à l'atteinte au droit au procès équitable tenant à l'éventualité d'une désaffection des avocats volontaires pour assurer les prestations au titre de l'aide juridique relève de la mise en oeuvre de la loi et échappe pour ce motif à la compétence de la Cour.

B.8.7. Dès lors que le grief exposé par les parties requérantes dans ces moyens porte exclusivement sur la compatibilité des dispositions attaquées avec l'obligation de standstill contenue dans l'article 23 de la Constitution en matière d'aide juridique, l'examen des dispositions attaquées au regard des autres normes invoquées par les parties requérantes dans ces moyens ne saurait conduire à une conclusion différente.

Le cinquième moyen dans l'affaire n° 6596 et le sixième moyen dans l'affaire n° 6598 ne sont pas fondés.

B.9.1. Les deuxième et troisième moyens dans les deux affaires sont pris de la violation du principe de légalité contenu dans l'article 22 de la Constitution, qui garantit le droit au respect de la vie privée, combiné avec les articles 10, 11, 23, 33, 37, 105, 106 et 108 de la Constitution, avec les articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, avec l'article 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, avec les articles 20 et 21 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et avec les principes généraux de la légalité, de la confiance légitime et de la sécurité juridique.

B.9.2. Les parties requérantes font grief aux dispositions attaquées, en ce qu'elles substituent aux notions, selon le cas, de « ressources » ou de « revenus », la notion de « moyens d'existence », en ce qu'elles habilitent le Roi à déterminer l'ampleur des moyens d'existence à prendre en compte pour accorder ou refuser le droit à l'aide juridique et à l'assistance judiciaire et en ce qu'elles ont pour effet que les bureaux d'aide juridique sont amenés à vérifier concrètement les moyens d'existence des justiciables, d'occasionner une violation du principe de légalité attaché au droit au respect de la vie privée ainsi qu'une violation du principe d'égalité et de non-discrimination.

B.10.1. En réservant au législateur compétent le pouvoir de fixer dans quels cas et à quelles conditions il peut être porté atteinte au droit au respect de la vie privée, l'article 22 de la Constitution garantit à tout citoyen qu'aucune ingérence dans l'exercice de ce droit ne peut avoir lieu qu'en vertu de règles adoptées par une assemblée délibérante, démocratiquement élue.

Une délégation à un autre pouvoir n'est toutefois pas contraire au principe de légalité, pour autant que l'habilitation soit définie de manière suffisamment précise et porte sur l'exécution de mesures dont les éléments essentiels sont fixés préalablement par le législateur.

Outre l'exigence de légalité formelle, l'article 22 de la Constitution impose également que l'ingérence dans l'exercice du droit au respect de la vie privée soit définie en des termes clairs et suffisamment précis qui permettent d'appréhender de manière prévisible les hypothèses dans lesquelles le législateur autorise une pareille ingérence.

B.10.2. En attribuant au Roi le pouvoir de fixer la nature et l'ampleur des moyens d'existence à prendre en considération pour accorder l'aide juridique gratuite ou partiellement gratuite et l'assistance judiciaire, le législateur a fixé les éléments essentiels de la réglementation qu'il L'autorise à adopter. Par ailleurs, l'ingérence dans le droit au respect de la vie privée autorisée par le législateur ne concerne que l'hypothèse dans laquelle un justiciable demande à pouvoir bénéficier de l'aide juridique partiellement ou totalement gratuite ainsi que l'hypothèse dans laquelle un justiciable demande à bénéficier de l'assistance judiciaire. Ces hypothèses sont délimitées par la loi attaquée de manière suffisamment précise et prévisible.

Pour le surplus, il revient au Roi, sous le contrôle du juge compétent, de déterminer la nature et l'ampleur des moyens d'existence à prendre en compte sans ingérence injustifiée dans le droit au respect de la vie privée des justiciables concernés.

B.11.1. Le justiciable qui entend faire appel à l'aide juridique et à l'assistance judiciaire sait qu'il doit, pour bénéficier de ce droit, prouver qu'il est dans les conditions établies par le législateur pour y accéder. Parmi ces conditions figure celle de ne pas disposer de moyens d'existence suffisants. La vérification de cette condition par les bureaux d'aide juridique, tout comme celle, antérieurement, de la condition de ne pas bénéficier de revenus dépassant un certain plafond, entraîne une ingérence inévitable dans le droit au respect de la vie privée du justiciable concerné. Une telle ingérence est toutefois justifiée par l'objectif poursuivi, à savoir garantir l'accès à la justice et le droit au procès équitable aux justiciables pour qui, sans cette aide, ces droits fondamentaux ne pourraient être garantis.

B.11.2. Comme il est dit en B.8.4, il revient au Roi, sous le contrôle du juge compétent, de circonscrire avec précision la nature et l'ampleur des moyens d'existence à prendre en considération. Dès lors que la notion de moyens d'existence doit être définie dans les textes réglementaires dans le respect des exigences découlant de l'article 23 de la Constitution, l'ingérence par les bureaux d'aide juridique dans le droit au respect de la vie privée occasionnée par la mise en oeuvre du droit à l'aide juridique et à l'assistance judiciaire n'est pas dépourvue de justification raisonnable.

B.11.3. Quant au grief des parties requérantes relatif à l'habilitation des bureaux d'aide juridique à conserver les pièces des justiciables (troisième moyen dans les deux affaires, deuxième branche), il convient d'observer qu'il porte sur l'article 508/13, alinéa 4, du Code judiciaire, qui n'a pas été modifié par la loi attaquée.

B.11.4. Enfin, la définition de la notion de moyens d'existence par le Roi et le rôle des ordres d'avocats, qui sont habilités à émettre des lignes de conduite de manière à unifier la pratique des différents bureaux d'aide juridique, devraient éviter que se fassent jour des différences de traitement entre justiciables quant au droit à l'aide juridique ou à l'assistance judiciaire ou encore quant aux modalités de conservation des pièces.

B.11.5. Les deuxième et troisième moyens dans les deux affaires ne sont pas fondés.

B.12.1. Les parties requérantes prennent encore un neuvième (dans l'affaire n° 6596) et onzième (dans l'affaire n° 6598) moyen de la violation, par les mêmes dispositions, du droit au respect de la vie privée, des droits de la défense du justiciable et du principe d'égalité et de non-discrimination. Elles font grief aux dispositions attaquées d'obliger l'avocat effectuant des prestations dans le cadre de l'aide juridique de deuxième ligne à s'ingérer dans le droit au respect de la vie privée du justiciable en vue de vérifier qu'il ne bénéficie pas de moyens d'existence supérieurs à ce qui est fixé par le Roi pour l'accès à l'aide juridique de deuxième ligne et à l'assistance judiciaire. Elles estiment que cette ingérence comporte un risque d'atteinte à l'indépendance de l'avocat (première branche du moyen dans les deux affaires et quatrième branche du moyen dans l'affaire n° 6596), une dérogation disproportionnée au principe du secret professionnel de l'avocat (deuxième branche du moyen dans l'affaire n° 6596 et troisième branche du moyen dans l'affaire n° 6598), un risque de favoriser les conflits d'intérêts dans le chef des avocats (troisième branche du moyen dans l'affaire n° 6596 et quatrième branche du moyen dans l'affaire n° 6598) et des différences de traitement injustifiées entre justiciables selon qu'ils sont en mesure de payer leur avocat eux-mêmes et n'ont pas à subir d'ingérence de sa part dans leur droit au respect de leur vie privée ou doivent faire appel à l'aide juridique de deuxième ligne (cinquième branche du moyen dans l'affaire n° 6596 et deuxième branche du moyen dans l'affaire n° 6598).

B.12.2. Comme il est dit en B.11.1 et B.11.2, l'ingérence dans le droit au respect de sa vie privée que subit le justiciable qui fait appel au système de l'aide juridique de deuxième ligne est en principe justifiée par l'objectif poursuivi par celui-ci. Cette justification est la même, que l'on considère que l'ingérence est le fait du bureau d'aide juridique ou de l'avocat désigné ou choisi par le justiciable qui vérifie que celui-ci est dans les conditions pour obtenir l'aide juridique ou qui accompagne son client dans les démarches à accomplir pour obtenir sa désignation au titre de l'aide juridique.

B.12.3. De même, la différence de traitement qui en découle entre justiciables, selon qu'ils font appel ou pas à l'aide juridique de deuxième ligne, est raisonnablement justifiée par l'objectif poursuivi par le système de l'aide juridique.

B.12.4. Pour le surplus, toutes les informations confiées à l'avocat au sujet des moyens d'existence du demandeur sont couvertes par le secret professionnel qui le lie, ainsi que les membres du bureau d'aide juridique appelés à traiter des dossiers, en application de l'article 458 du Code pénal, de sorte que les dispositions attaquées ne portent pas atteinte au secret professionnel des avocats.

B.12.5. Enfin, le risque de conflits d'intérêts dans le chef de l'avocat intervenant au titre de l'aide juridique de deuxième ligne, pour autant qu'il puisse être démontré, n'est pas plus important depuis l'adoption des dispositions attaquées que ce qu'il était auparavant et ressortit à la déontologie de l'avocat contrôlée par les autorités ordinales.

B.12.6. Les neuvième (dans l'affaire n° 6596) et onzième (dans l'affaire n° 6598) moyens ne sont pas fondés.

Quant aux moyens relatifs aux contributions dues par le justiciable B.13.1. L'article 7 de la loi attaquée remplace l'article 508/17 du Code judiciaire par la disposition suivante : «

Art. 508/17.§ 1er. Lorsque le demandeur se trouve dans les conditions pour bénéficier de l'aide juridique de deuxième ligne partiellement ou entièrement gratuite, le bureau d'aide juridique désigne un avocat figurant sur la liste visée à l'article 508/7.

Sauf en cas de succession d'avocats, toute désignation donne lieu à la perception par l'avocat d'une contribution forfaitaire à charge du bénéficiaire.

Celui-ci est en outre tenu de s'acquitter, en faveur de son avocat, d'une contribution forfaitaire par instance pour chaque procédure contentieuse dans laquelle ce dernier l'assiste ou le représente.

Le Roi fixe, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, le montant des contributions visées aux alinéas 2 et 3, sans qu'il puisse être inférieur à 10 euros et supérieur à 50 euros. § 2. La personne qui bénéficie de l'aide juridique de deuxième ligne partiellement gratuite s'acquitte d'une contribution dont le montant est fixé en fonction de ses moyens d'existence, en plus de celles visées au paragraphe 1er, excepté dans le cas d'une succession d'avocats. Le Roi fixe le montant de la contribution en fonction des moyens d'existence. § 3. L'avocat n'entame sa mission qu'à partir du moment où il reçoit le paiement des contributions visées aux paragraphes 1 et 2 sauf en cas d'exemption prévue par les paragraphes 4 ou 5, ou sauf dans le cas où l'avocat renonce à la perception du paiement des contributions ou accorde un délai de paiement. § 4. Aucune des contributions visées au paragraphe 1er n'est due : 1° lorsque la personne n'a pas atteint l'âge de dix-huit ans;2° dans le chef de la personne du malade mental, en ce qui concerne la procédure dans le cadre de la loi du 26 juin 1990Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/06/1990 pub. 22/07/2009 numac 2009000474 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la personne des malades mentaux fermer sur la protection de la personne des malades mentaux et dans le chef de la personne internée en ce qui concerne la procédure dans le cadre de la loi du 5 mai 2014 relative à l'internement;3° en matière pénale, dans le chef de personnes bénéficiant de l'aide juridique de deuxième ligne entièrement gratuite;4° lorsque la personne introduit une procédure de reconnaissance de la qualité d'apatride;5° lorsque la personne introduit une demande d'asile;6° lorsque la personne introduit une procédure contre une décision de retour ou une interdiction d'entrée;7° lorsque la personne introduit une procédure en règlement collectif de dettes;8° lorsque la personne ne dispose d'aucuns moyens d'existence. Le Roi peut déterminer des exemptions additionnelles au paiement des contributions visées au paragraphe 1er. § 5. Sans préjudice du paragraphe 4, le bureau d'aide juridique décide, par une décision motivée, et sur demande du demandeur ou du bénéficiaire de l'aide juridique, de dispenser du paiement de tout ou partie des contributions visées au paragraphe 1er lorsqu'il estime : 1° que la multiplication des procédures pour lesquelles une contribution est due entraverait gravement l'accès à la justice du demandeur ou du bénéficiaire de l'aide juridique de deuxième ligne ou rendrait leur procès inéquitable, ou 2° que le paiement des contributions entraverait gravement l'accès à la justice du demandeur ou du bénéficiaire de l'aide juridique de deuxième ligne ou rendrait leur procès inéquitable. Le bureau d'aide juridique tient une liste, comprenant une description des cas dans lesquels une exemption visée à l'alinéa 1er a été accordée, le nombre total d'exemptions accordées et le montant total que représentent ces exemptions.

Le bureau d'aide juridique transmet cette liste au bâtonnier. Le bâtonnier communique la liste aux autorités visées à l'article 488, lesquelles communiquent une fois par an les listes de tous les barreaux au ministre de la Justice en même temps qu'elles communiquent le total des points en application de l'article 508/19, § 2, alinéa 3. § 6. Lorsque le bénéficiaire se trouve dans un des cas d'exemption du paiement des contributions visées aux paragraphes 4 et 5, le bureau d'aide juridique délivre au bénéficiaire ainsi qu'à l'avocat un document stipulant qu'aucune contribution n'est due pour cette instance et cette désignation ».

B.13.2. Le paragraphe 1er de l'article 508/17 du Code judiciaire, remplacé par la disposition attaquée, met à charge du bénéficiaire de l'aide juridique de deuxième ligne entièrement ou partiellement gratuite deux contributions forfaitaires, directement dues à l'avocat qui prend son dossier en charge. La première contribution est due dès la désignation de l'avocat. La deuxième contribution est due par instance pour chaque procédure contentieuse. Ces contributions sont dues aussi bien par le justiciable qui agit en demande que par celui qui agit en défense. L'obligation de s'acquitter de ces contributions est assortie d'exceptions, établies par le paragraphe 4 de la disposition, tenant soit à la personne du justiciable soit à la nature de la procédure menée. Par ailleurs, en vertu du paragraphe 5 de la même disposition, le bureau d'aide juridique est habilité à dispenser le bénéficiaire de l'aide juridique du paiement des contributions, en tout ou en partie, dans certains cas. L'avocat peut également renoncer à la perception des contributions ou accorder des délais de paiement.

Les contributions dues à l'avocat sont déduites de l'indemnité qu'il perçoit pour son intervention au titre de l'aide juridique de deuxième ligne, même s'il y a renoncé.

B.13.3. L'exposé des motifs indique, au sujet de la mesure attaquée : « En premier lieu, il sera ainsi demandé aux bénéficiaires de participer, de manière modique, au financement de l'aide juridique.

A l'exception de certains cas tenant compte de la précarité particulière du bénéficiaire, il sera prévu que des contributions financières forfaitaires seront demandées au bénéficiaire, d'abord au stade même de la désignation d'un avocat, ensuite au stade de la procédure.

Si la contribution pour la désignation d'un avocat revêtira un caractère symbolique, celle destinée à assurer la représentation ou l'assistance d'un bénéficiaire en justice sera légèrement plus conséquente, tout en restant modique, ceci afin de responsabiliser le bénéficiaire dans le choix de mener une procédure contentieuse qui, à l'heure actuelle, peut être diligentée pour des montants très nettement inférieurs aux coûts réels de la procédure à charge de la société ou alors que les chances de succès de la procédure sont inexistantes. [...] Si le droit pour le justiciable de faire appel à la justice doit indiscutablement être maintenu quel que soit le montant en jeu, ce choix sera néanmoins plus responsable et réfléchi par la conséquence financière qu'il implique » (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1819/001, pp. 5-6). « Le présent projet introduit le principe du paiement d'une contribution financière par la personne se trouvant dans les conditions pour bénéficier de l'aide juridique de deuxième ligne entièrement ou partiellement gratuite.

Cette mesure se situe à un double niveau.

Tout d'abord, le demandeur de l'aide juridique de deuxième ligne dont le bureau constate qu'il se trouve dans les conditions fixées à l'article 508/13 du Code judiciaire, devra s'acquitter auprès de l'avocat désigné d'une contribution modique pour la désignation de ce dernier.

Ensuite, et outre cette première contribution due pour toute désignation, une seconde contribution forfaitaire sera due pour chaque instance au sein de laquelle l'avocat désigné devra intervenir au nom du bénéficiaire. Il s'agit donc de prévoir le paiement d'un montant forfaitaire toutes les fois que le bénéficiaire introduit une procédure contentieuse ou est amené à se défendre dans le cadre d'une procédure contentieuse. La notion d'instance recouvre toute saisine d'une juridiction, à chaque degré de la procédure. Le paiement d'une nouvelle contribution sera donc demandé toutes les fois qu'une procédure est introduite. [...] C'est la raison pour laquelle la personne qui bénéficie de l'aide juridique de deuxième ligne entièrement gratuite s'acquittera d'un montant forfaitaire minime pour la désignation d'un avocat et d'un montant forfaitaire si l'affaire est portée devant une juridiction.

Outre ces deux contributions, le bénéficiaire de l'aide juridique de deuxième ligne partiellement gratuite s'acquittera de la contribution existante dont le montant est fixé en fonction de ses revenus. [...] Les montants fixés sont raisonnables afin de ne pas entraver le libre accès à la justice garanti par l'article 23 de la Constitution pour les personnes les plus démunies et des exceptions sont prévues afin de respecter les obligations internationales [...]. [...] Le Roi peut déterminer des exemptions additionnelles au paiement de la contribution.

Enfin, le bureau d'aide juridique pourra dispenser, par une décision motivée, les bénéficiaires de l'aide juridique d'une contribution si le paiement entrave gravement leur accès à la justice ou rend le procès inéquitable. Les bureaux d'aide juridique doivent tenir compte de certains critères, comme la complexité de l'affaire, la législation applicable et la possibilité pour les parties de défendre elles-mêmes leur affaire » (ibid., pp. 13-15).

L'exposé des motifs mentionne encore : « La dissociation entre le paiement unique par désignation et le paiement d'une contribution par instance poursuit un triple objectif.

D'abord, elle permet d'encourager le recours aux modes alternatifs de résolution des conflits, en ce sens que la contribution due par instance concerne la procédure contentieuse. De cette manière on contribue à l'objectif du gouvernement de promouvoir la médiation.

Ensuite, elle permet de responsabiliser le bénéficiaire ainsi que l'avocat désigné et prévient des procédures inutiles.

Enfin, il faut ajouter, afin de répondre à une observation mentionnée dans l'avis du Conseil d'Etat, qu'il s'agit de manière plus fondamentale de prévoir l'introduction d'un principe général de paiement des contributions par tous les bénéficiaires de l'aide juridique de deuxième ligne, basé sur le principe de solidarité concernant tous les acteurs de l'aide juridique. Il importe dès lors peu que certaines procédures soient initiées par le ministère public, la partie adverse ou même par le juge dès lors que des exceptions ont été prévues afin d'éviter que de telles contributions entravent gravement l'accès à la justice.

Généralement la perception du montant de la désignation de l'avocat et du montant pour commencer une procédure sera [faite] en une fois.

Toutefois dans certaines affaires, où une recherche préalable s'impose, il peut se passer un certain temps entre le moment où le montant pour la désignation de l'avocat est perçu et le moment où le montant pour le début d'une procédure est perçu. Au cas où l'avocat conseille de ne pas introduire de procédure, il va de soi que seulement le montant de la désignation de l'avocat sera dû » (ibid., p. 16). B.14.1. Les parties requérantes dénoncent la violation du droit au procès équitable dans la mesure où l'obligation de s'acquitter des contributions forfaitaires représenterait un obstacle au bénéfice de l'aide juridique de deuxième ligne (1ère branche du sixième moyen dans l'affaire n° 6596 et du septième moyen dans l'affaire n° 6598), la violation de l'obligation de standstill contenue à l'article 23 de la Constitution en ce qu'il garantit le droit à l'aide juridique (2ème branche des mêmes moyens) ainsi que la violation du principe d'égalité et de non-discrimination dans la mesure où la disposition attaquée créerait trois différences de traitement non susceptibles de justification (3ème à 5ème branches des mêmes moyens).

B.14.2. Il ressort de l'examen de ces moyens qu'ils ne visent que les paragraphes 1er et 3 à 6 de l'article 508/17 du Code judiciaire, tel qu'il est remplacé par la disposition attaquée.

B.14.3. La Cour examine d'abord ces moyens en leur deuxième branche pris de la violation de l'obligation de standstill contenue à l'article 23 de la Constitution en ce qu'il garantit le droit à l'aide juridique.

B.15.1. Comme il est dit en B.5.3, l'article 23 de la Constitution contient, en matière d'aide juridique, une obligation de standstill qui interdit au législateur compétent de réduire significativement le niveau de protection offert par la législation applicable, sans qu'existent pour ce faire des motifs d'intérêt général.

B.15.2. Avant l'entrée en vigueur des dispositions attaquées, les bénéficiaires de l'aide juridique totalement gratuite ne devaient pas s'acquitter d'une contribution financière au profit de l'avocat qui était désigné pour les assister ou les représenter et les bénéficiaires de l'aide juridique partiellement gratuite ne devaient pas s'acquitter d'une contribution financière autre que celle qui avait été calculée en fonction de leurs revenus. Les dispositions attaquées, qui créent l'obligation de s'acquitter de ces contributions, à l'exception des cas visés dans les paragraphes 4 et 5, représentent donc un recul dans la protection du droit à l'aide juridique pour les personnes qui, en raison de leur situation financière, ont droit à l'aide juridique totalement ou partiellement gratuite.

B.15.3. Même si les contributions financières attaquées ont été qualifiées par le législateur de « modestes », « symboliques » ou « modiques », leur montant, qui peut aller jusqu'à 50 euros par contribution et être multiplié au-delà de cette somme en fonction du nombre de procédures diligentées, peut être considéré comme important pour les justiciables relevant de l'aide juridique gratuite ou partiellement gratuite qui, par hypothèse, n'ont que peu de moyens d'existence. Il ne peut donc être conclu que le recul opéré par les dispositions attaquées n'est pas significatif pour les justiciables concernés.

B.16.1. Ainsi qu'il ressort des travaux préparatoires cités en B.13.3, l'instauration des deux contributions financières vise à faire participer les bénéficiaires de l'aide juridique de deuxième ligne à son financement, à favoriser le recours aux procédures non contentieuses et à décourager l'introduction de procédures judiciaires inutiles. La circonstance qu'elles sont imposées à tous les justiciables relevant de l'aide juridique de deuxième ligne et pas uniquement à ceux qui agissent en demande répond à la volonté du législateur de créer une solidarité entre tous ces justiciables, quelle que soit leur position dans la procédure.

B.16.2. Les bénéficiaires de l'aide juridique de deuxième ligne sont, par hypothèse, des personnes qui ne disposent pas des moyens d'existence suffisants pour s'acquitter elles-mêmes des frais afférents à leur défense en justice. Par la loi du 23 novembre 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 23/11/1998 pub. 22/12/1998 numac 1998009936 source ministere de la justice Loi relative à l'aide juridique fermer relative à l'aide juridique, l'aide juridique de deuxième ligne a été expressément instituée en faveur des « groupes sociaux [les] plus vulnérables » et des « justiciables disposant de revenus insuffisants » ou de certains groupes de population, comme les enfants (Doc. parl., Chambre, 1995-1996, n° 549/14, p. 6). Il ressort par ailleurs des travaux préparatoires de la loi attaquée cités en B.8.2 qu'en considérant désormais toutes les ressources du justiciable lors de l'octroi de la gratuité complète ou non, « l'aide juridique reste assurée pour ceux qui en ont réellement besoin ».

Les dispositions attaquées réservent dès lors la jouissance de ce droit aux justiciables qui ne peuvent, en considération de leurs moyens d'existence, supporter eux-mêmes les frais liés à leur défense en justice.

B.16.3. S'agissant d'une aide destinée aux personnes qui ne disposent pas des moyens leur permettant de prendre en charge elles-mêmes les frais relatifs à leur défense en justice, il est contradictoire de mettre à charge de ces mêmes personnes une contribution financière dans le but de les faire participer au financement de cette aide.

Les paragraphes 4 et 5 de la disposition attaquée qui prévoient des exceptions et des dispenses à l'obligation de payer des contributions forfaitaires, s'ils permettent d'exclure le risque que le paiement de ces contributions n'entrave l'accès à la justice pour les catégories de bénéficiaires de l'aide juridique qu'ils visent, ne modifient pas la situation des autres justiciables bénéficiaires qui sont, par hypothèse, comme l'ensemble des bénéficiaires de l'aide juridique de deuxième ligne, des personnes qui font partie de groupes sociaux très vulnérables et qui, pour ce motif, bénéficient de l'aide juridique totalement ou partiellement gratuite.

Dès lors, l'objectif de faire participer les bénéficiaires de l'aide juridique de deuxième ligne au financement de celle-ci ne constitue pas un motif d'intérêt général susceptible de justifier, à lui seul, le recul significatif dans la protection du droit à l'aide juridique.

B.17.1. La mesure attaquée repose aussi sur l'objectif de favoriser le recours aux procédures non contentieuses et d'éviter l'engagement de procédures juridictionnelles inutiles.

Pour qu'il puisse être considéré comme légitime et susceptible de justifier le recul significatif dans la protection du droit à l'aide juridique, cet objectif suppose que soit démontré un recours abusif ou à tout le moins anormalement élevé aux procédures contentieuses dans le chef des justiciables qui jouissent du droit à l'aide juridique de deuxième ligne. A cet égard, certains intervenants ont relevé, lors des discussions en commission de la Justice, que le projet de loi était fondé sur « la croyance erronée d'une surconsommation injustifiée de l'aide juridique » (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1819/003, p. 21). Lors des auditions tenues par la même commission, le représentant de l'Orde van Vlaamse Balies a estimé que le Gouvernement s'appuyait « sur une prémisse dont le bien-fondé n'est pas prouvé : la surconsommation juridique » (ibid., p. 55), la représentante de la plateforme « Recht voor iedereen » a souligné que « le projet de loi se [fondait] sur une hypothèse incorrecte qui postule l'existence d'une surconsommation juridique » (ibid., p. 60) et le représentant de la plateforme « Justice pour tous » a estimé que le « ticket modérateur est une mauvaise réponse à une fausse question », s'agissant du « débat de la prétendue surconsommation de l'aide juridique » (ibid., p. 62).

B.17.2. En outre, d'une part, l'aide juridique de première ligne est conçue pour assurer un rôle de premier filtre, en n'orientant vers l'aide juridique de deuxième ligne que les justiciables qui ont besoin d'y faire appel et, d'autre part, l'article 508/14, alinéa 6, du Code judiciaire, remplacé par l'article 6, 2°, de la loi attaquée, permet au bureau d'aide juridique de rejeter les demandes manifestement irrecevables ou mal fondées. Enfin, il revient à l'avocat consulté de déconseiller au justiciable d'introduire des procédures judiciaires inutiles. Le système relatif au recours à l'aide juridique est dès lors conçu de manière à éviter que les justiciables n'engagent des procédures juridictionnelles de façon inconsidérée avec l'appui de l'aide juridique totalement ou partiellement gratuite, de sorte que l'objectif du législateur peut être atteint par des mesures moins attentatoires aux droits des justiciables concernés.

B.17.3. L'obligation de payer des contributions forfaitaires à l'avocat constitue un recul significatif dans la protection du droit à l'aide juridique garanti par l'article 23 de la Constitution, qui n'est pas justifié par un motif d'intérêt général et qui est dès lors contraire à l'obligation de standstill contenue dans cette disposition.

Le sixième moyen dans l'affaire n° 6596 et le septième moyen dans l'affaire n° 6598 sont fondés en leur deuxième branche. L'article 7 de la loi attaquée doit être annulé en ce que, dans l'article 508/17 du Code judiciaire qu'il remplace, il introduit le paragraphe 1er, alinéas 2 à 4, et les paragraphes 4 à 6, ainsi qu'en ce qu'il renvoie, dans les paragraphes 2 et 3, aux contributions visées au paragraphe 1er.

Il n'y a dès lors pas lieu d'examiner ces moyens en leurs autres branches.

B.17.4. Afin d'éviter les difficultés liées au remboursement des sommes perçues, sur la base de la disposition partiellement annulée, par les avocats désignés par le bureau d'aide juridique, il y a lieu de maintenir les effets de la disposition partiellement annulée à l'égard des contributions perçues par les avocats dans les affaires pour lesquelles l'avocat a, au 31 août 2018, fait rapport au bureau d'aide juridique conformément à l'article 508/19, § 2, alinéa 1er, du Code judiciaire.

Quant aux moyens relatifs au rôle des ordres d'avocats dans l'organisation de l'aide juridique de deuxième ligne En ce qui concerne la tenue de la liste des avocats volontaires B.18.1. L'article 3 de la loi attaquée remplace l'article 508/7 du Code judiciaire par la disposition suivante : « L'Ordre des avocats établit, selon les modalités et conditions qu'il détermine, une liste des avocats désireux d'accomplir à titre principal ou à titre accessoire des prestations au titre de l'aide juridique de deuxième ligne organisée par le bureau d'aide juridique et tient cette liste à jour. L'Ordre peut prévoir l'inscription obligatoire d'avocats pour autant que ce soit nécessaire pour l'effectivité de l'aide juridique ».

B.18.2. L'exposé des motifs précise, au sujet de cette disposition : « En vue d'accroître le nombre d'avocats qui accomplissent des prestations au titre de l'aide juridique de deuxième ligne, il est prévu que l'Ordre des avocats inscrive les avocats (ci-inclus les avocats stagiaires) désireux d'accomplir de telles prestations à la liste des volontaires. L'Ordre tiendra cette liste à jour et pourra prévoir l'inscription obligatoire d'avocats » (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1819/001, p. 9).

Le rapport des travaux de la commission de la Justice de la Chambre indique : « Le ministre reconnaît que l'inscription obligatoire des avocats peut être prévue. Il explique qu'il s'agit d'ancrer dans la loi une pratique qui est déjà appliquée par certains barreaux actuellement.

Il souligne que dans la proposition initiale, il avait été proposé que chaque avocat prenne en charge un nombre minimum de dossiers. Les ordres des avocats ont toutefois rejeté cette proposition et ont suggéré un autre système, qui a été repris dans le projet de loi » (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1819/003, p. 31).

B.19.1. Les parties requérantes font grief à cette disposition de contenir des délégations aux ordres d'avocats contraires au principe de légalité contenu dans l'article 23 de la Constitution (quatrième moyen dans les deux affaires, première, deuxième et cinquième branches) et de créer diverses différences de traitement contraires au principe d'égalité et de non-discrimination (quatrième moyen dans les deux affaires, troisième, quatrième, sixième et septième branches).

Ces moyens sont pris de la violation des articles 10, 11, 23, 33, 37 et 106 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 6 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, avec l'article 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, avec les articles 20 et 21 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et avec le principe général de la légalité.

B.19.2. Les parties requérantes dans l'affaire n° 6598 font encore grief à la même disposition de violer le droit au libre choix d'une activité professionnelle, l'interdiction de la réquisition du travail et le droit à une rémunération équitable (douzième moyen). Ce moyen est pris de la violation des articles 10, 11, 12, alinéa 1er, 16, 17, 22 et 23 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 4 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à cette Convention, avec les articles 2 et 14, alinéa 1er, de la Convention n° 29 de l'Organisation internationale du Travail et avec l'article 1er de la Convention n° 105 de l'Organisation internationale du Travail.

B.20.1. Le quatrième moyen dans les deux affaires, en ses première, deuxième et cinquième branches, est pris de la violation du principe de légalité contenu à l'article 23 de la Constitution, en ce qu'il s'applique au droit à l'aide juridique. Les parties requérantes n'explicitent cependant pas en quoi la circonstance que le législateur charge les ordres d'avocats d'établir la liste des avocats pratiquant l'aide juridique de deuxième ligne et leur permet d'inscrire d'office des avocats sur cette liste si c'est nécessaire pour assurer l'aide juridique à tous les justiciables qui y ont droit porterait atteinte au principe de légalité contenu dans l'article 23 précité. La délégation attaquée en l'espèce ne porte en effet ni sur le droit à l'aide juridique en tant que tel ni sur les conditions d'exercice de ce droit, mais bien sur la désignation, en pratique, des personnes appelées à en assurer la mise en oeuvre. En ce qu'ils sont pris de la violation du principe de légalité, les moyens ne sont pas fondés.

B.20.2. Au surplus, l'article 495 du Code judiciaire, non modifié par la loi attaquée, rend l'Ordre des barreaux francophones et germanophone et l'Orde van Vlaamse Balies compétents « en ce qui concerne l'aide juridique » et l'article 496 du même Code, également non modifié par la loi attaquée, les charge d'arrêter les règlements appropriés en ce qui concerne les matières pour lesquelles ils sont compétents.

B.20.3. Dès lors qu'il entre dans les missions des ordres d'adopter les règlements organisant l'aide juridique, la disposition attaquée, en ce qu'elle les charge d'établir la liste des avocats effectuant des prestations au titre de l'aide juridique de deuxième ligne, ne contient pas de délégation injustifiée.

B.21.1. Le quatrième moyen dans les deux affaires, en sa troisième branche, est pris de la violation du principe d'égalité et de non-discrimination en ce que la disposition attaquée créerait une discrimination entre les avocats désireux d'accomplir les prestations d'aide juridique de deuxième ligne suivant qu'ils sont ou qu'ils ne sont pas repris sur la liste en cause en vertu des modalités et conditions établies par les ordres d'avocats.

B.21.2. En chargeant les ordres d'avocats d'établir et de tenir à jour la liste en question, le législateur ne les autorise pas à décider de manière arbitraire quels avocats sont autorisés à effectuer des prestations d'aide juridique de deuxième ligne ou à exclure arbitrairement des avocats de la possibilité d'effectuer ces prestations. Rien, dans la disposition attaquée, n'autorise les ordres à refuser l'inscription sur cette liste d'un avocat qui souhaite y figurer pour des motifs d'opportunité. En outre, les refus d'inscription sont susceptibles de faire l'objet d'un appel conformément à l'article 432bis du Code judiciaire. Sous réserve de ce qui sera examiné ci-après au sujet de l'article 4, qui permet aux ordres d'effectuer des contrôles sur les prestations accomplies et de prendre des dispositions à l'égard des avocats qui ne répondraient pas aux exigences de qualité, il n'apparaît pas que la mission confiée aux ordres quant à l'établissement de la liste d'avocats désireux d'accomplir des prestations d'aide juridique de deuxième ligne soit susceptible de créer les différences de traitement injustifiées entre avocats dénoncées par les parties requérantes.

B.22.1. Le quatrième moyen dans les deux affaires, en sa quatrième branche, est pris de la violation du principe d'égalité et de non-discrimination en ce que la disposition attaquée, en autorisant les ordres à inscrire d'office des avocats sur la liste en question, traiterait de manière identique, sans justification raisonnable, des avocats se trouvant dans des situations essentiellement différentes selon qu'ils sont, ou pas, désireux d'accomplir des prestations d'aide juridique de deuxième ligne. Le douzième moyen dans l'affaire n° 6598 est pris de la violation du droit au libre choix d'une activité professionnelle contenu dans l'article 23 de la Constitution (1ère branche), de la violation de l'article 12, alinéa 1er, de la Constitution, lu en combinaison avec les dispositions des conventions de l'Organisation internationale du travail mentionnées en B.19, en ce que la disposition attaquée instaurerait une réquisition du travail (2ème branche), et de la violation du droit à la propriété en ce que le travail des avocats réquisitionnés ne serait pas justement et préalablement indemnisé (3ème branche).

B.22.2. En vertu de la disposition attaquée, l'inscription d'office d'avocats sur la liste en cause est justifiée par la nécessité d'assurer l'effectivité de l'aide juridique et elle ne peut être effectuée que dans la mesure nécessaire pour atteindre cet objectif.

L'effectivité de l'aide juridique de deuxième ligne est assurément un but légitime qui rencontre l'obligation du législateur, inscrite à l'article 23, alinéa 3, 2°, de la Constitution, de garantir l'aide juridique à ceux qui en ont besoin pour assurer leur droit fondamental à l'accès à la justice.

B.22.3. Toute personne satisfaisant aux conditions fixées par le Code judiciaire choisit librement d'exercer ou non la profession d'avocat.

Celui qui choisit cette profession est réputé connaître et accepter les obligations que la loi impose à ce groupe professionnel, en ce compris l'obligation éventuelle d'effectuer des prestations au titre de l'aide juridique de deuxième ligne. La disposition attaquée n'est donc pas contraire au droit au libre choix d'une activité professionnelle.

La possibilité pour les Ordres de prévoir, en cas de nécessité, l'inscription obligatoire d'avocats sur la liste des avocats pratiquant l'aide juridique de deuxième ligne est une mesure pertinente pour garantir l'effectivité de l'aide juridique.

B.22.4. Selon la Cour européenne des droits de l'homme, l'interdiction du travail forcé ou obligatoire, visée à l'article 4.2 de la Convention européenne des droits de l'homme, ne s'oppose pas à ce que la loi impose des obligations raisonnables aux avocats, comme les obligations pro deo (CEDH, 23 novembre 1983, Van der Mussele c.

Belgique, § § 39 à 41) ou la désignation comme tuteur légal d'un interdit (CEDH, 18 octobre 2011, Graziani-Weiss c. Autriche, § § 38 à 43). Il faut néanmoins qu'il s'agisse d'obligations entrant dans l'exercice normal de la profession d'avocat. L'obligation doit en outre trouver son fondement dans une conception de solidarité sociale et, enfin, la mission imposée ne peut constituer une charge disproportionnée pour l'avocat. Les obligations que la loi impose aux avocats sont contrebalancées par certains privilèges dont bénéficie ce groupe professionnel, tel le monopole de plaidoirie (CEDH, 18 octobre 2011, Graziani-Weiss c. Autriche, § 41).

B.22.5. La dispensation d'avis juridiques circonstanciés, l'assistance et la représentation des justiciables constituent le coeur de la profession d'avocat. L'obligation d'effectuer des prestations au titre de l'aide juridique de deuxième ligne contribue à assurer l'effectivité de l'aide juridique au bénéfice des justiciables les plus précarisés, ce qui est indubitablement un objectif de solidarité sociale. Dès lors que, d'une part, l'obligation imposée par les Ordres ne saurait être interprétée comme occupant la totalité du temps de travail des avocats concernés et que, d'autre part, les prestations effectuées sont partiellement indemnisées par l'Etat, l'obligation ne constitue pas une charge disproportionnée pour les avocats qui feraient l'objet d'une inscription obligatoire sur la liste. La disposition attaquée ne constitue dès lors pas une réquisition du travail contraire aux dispositions invoquées au moyen et elle ne viole pas le droit à la protection de la propriété.

B.23.1. Le quatrième moyen dans les deux affaires, en sa sixième branche, est pris de la violation du principe d'égalité et de non-discrimination en ce que la disposition attaquée créerait une différence de traitement injustifiée entre les prestataires de l'aide juridique de deuxième ligne, suivant qu'ils sont avocats ou qu'ils ne le sont pas. Le quatrième moyen dans les deux affaires, en sa septième branche, est pris de la violation du principe d'égalité et de non-discrimination en ce que la disposition attaquée créerait une différence de traitement entre justiciables, selon qu'ils ont recours à un prestataire de l'aide juridique de deuxième ligne qui est avocat ou à un autre prestataire. Les discriminations dénoncées dans ces deux branches des moyens proviendraient de la circonstance que les modalités et conditions arrêtées par les ordres d'avocats pour l'établissement de la liste des avocats pratiquant l'aide juridique de deuxième ligne ne sont pas susceptibles d'être contrôlées par le Conseil d'Etat, mais uniquement par la Cour de cassation. Il en découlerait des différences de traitement injustifiables entre prestataires et entre bénéficiaires de l'aide juridique de deuxième ligne, selon que l'assistance ou la représentation du justiciable bénéficiaire serait assurée par un avocat ou par une autre personne.

B.23.2. En vertu de l'article 728 du Code judiciaire, les parties à une procédure judiciaire peuvent, dans certains contentieux précisés, être assistées ou représentées par des personnes qui ne sont pas avocats, tels un expert-comptable, comptable professionnel ou réviseur d'entreprise, un délégué d'une organisation syndicale, un délégué d'une organisation représentative d'indépendants ou d'une organisation sociale.

B.23.3. Les personnes précitées, lorsqu'elles assistent ou représentent un justiciable dans une procédure judiciaire, n'acquièrent pas le statut d'avocat. Elles n'accomplissent pas non plus, dans cette mission, des prestations au titre de l'aide juridique de deuxième ligne, même si le justiciable pour lequel elles agissent entre dans les conditions pour bénéficier de l'aide juridique de deuxième ligne et aurait dès lors pu faire appel à un avocat accomplissant des prestations dans ce cadre. Les personnes visées par l'article 728 du Code judiciaire et les avocats agissant au titre de l'aide juridique de deuxième ligne ne peuvent dès lors être utilement comparés quant au contrôle qui s'exerce sur les conditions arrêtées par les ordres pour être inscrit sur la liste des avocats accomplissant des prestations au titre de l'aide juridique de deuxième ligne.

B.23.4. Pour le même motif, les différences de traitement entre les justiciables qui choisissent de faire appel à un avocat accomplissant des prestations dans le cadre de l'aide juridique de deuxième ligne et ceux qui choisissent de se faire assister ou représenter par une des personnes visées par l'article 728 du Code judiciaire et, notamment, la circonstance que les premiers ne peuvent recourir aux services d'un avocat qui n'est pas inscrit sur la liste en question s'ils souhaitent bénéficier de l'aide juridique gratuite ou partiellement gratuite, ne sont pas dépourvues de justification raisonnable.

B.24. Le quatrième moyen dans les deux affaires et le douzième moyen dans l'affaire n° 6598 ne sont pas fondés.

En ce qui concerne le contrôle des prestations par les ordres d'avocats B.25.1. L'article 4 de la loi attaquée remplace l'article 508/8 du Code judiciaire par la disposition suivante : « L'Ordre des avocats contrôle l'effectivité et la qualité des prestations effectuées par les avocats au titre de l'aide juridique de deuxième ligne, ainsi que la régularité des démarches effectuées en vertu des articles 508/9, 508/14, alinéas 1er et 3 et 508/19, § 2.

Sans préjudice des poursuites disciplinaires, le conseil de l'Ordre peut en cas de manquement et selon la procédure déterminée aux articles 458 à 463, subordonner au respect des conditions qu'il détermine le maintien de l'avocat sur la liste visée à l'article 508/7, suspendre son inscription sur cette liste pour une période de huit jours à trois ans ou l'en omettre.

En cas de non-respect des conditions déterminées par le conseil de l'Ordre en application de l'alinéa 2, le bâtonnier convoque l'avocat devant le conseil de l'Ordre en vue de prononcer une autre mesure prévue au même alinéa.

Sauf décision contraire du conseil de l'Ordre, la mesure de suspension visée à l'alinéa 2 est sans effet sur les désignations opérées par le bureau d'aide juridique avant son entrée en vigueur.

En cas d'omission, l'avocat est, sauf décision contraire du conseil de l'Ordre, déchargé de tous ses dossiers au titre de l'aide juridique de deuxième ligne. Le bureau d'aide juridique procède à la désignation d'un nouvel avocat. L'avocat peut solliciter sa réinscription sur la liste visée à l'article 508/7, par une demande motivée qui ne peut être introduite avant un terme de cinq ans après son omission.

Les décisions visées aux alinéas 2, 4 et 5 sont motivées. Elles sont susceptibles de recours conformément à l'article 432bis ».

B.25.2. L'exposé des motifs de la loi attaquée mentionne, concernant cette disposition : « Cet article a pour objet d'assurer un contrôle accru des prestations accomplies par les avocats dans le cadre de l'aide juridique et de prévoir un panel de mesures effectives adaptées à la gravité des manquements constatés.

En l'état actuel de la législation, lorsqu'un manquement est constaté dans le chef d'un avocat inscrit sur la liste de l'aide juridique de première ou de deuxième ligne, la seule mesure possible est sa radiation de la liste des avocats.

La modification proposée tend à donner aux Ordres diverses alternatives afin de moduler la mesure par rapport au manquement. Il s'agit du maintien sur la liste moyennant conditions, de la suspension de l'inscription pour une durée de huit jours à trois ans ou de l'omission.

Les Ordres peuvent décider de maintenir un avocat sur la liste moyennant des conditions à respecter. En réponse à une remarque du Conseil d'Etat mentionnée dans son avis n° 58.761 du 17 février 2016, il est impossible de prévoir la nature de telles conditions dans le dispositif du texte étant donné la diversité des mesures qui pourraient être envisagées par les Ordres. Par ailleurs, cette matière relève de la compétence des Ordres. Toutefois, des exemples peuvent être donnés pour illustrer cette hypothèse : maintien sur la liste avec interdiction de faire certains types de procédures ou d'exercer dans certaines matières ou une obligation de suivre une formation » (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1819/001, p. 9).

B.26.1. Les parties requérantes dans l'affaire n° 6598 prennent un cinquième moyen de la violation du principe de légalité en ce que la disposition attaquée habilite les ordres d'avocats à contrôler l'effectivité et la qualité des prestations effectuées dans le cadre de l'aide juridique de deuxième ligne ainsi que la régularité des démarches effectuées par les avocats en vue de leur désignation et de la clôture de leurs prestations. Elles estiment que l'habilitation n'est pas définie de manière suffisamment précise et porte sur l'exécution de mesures dont les éléments essentiels n'ont pas été fixés préalablement par le législateur.

B.26.2. Les parties requérantes invoquent la violation des articles 10, 11 et 23, alinéas 1er, 2 et 3, 2°, in fine, de la Constitution, lus isolément ou en combinaison avec les articles 33, 105 et 108 de la Constitution, avec les articles 6.1 et 6.3, c), et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, avec l'article 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, avec les articles 20 et 21 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et avec le principe général de la légalité.

B.27.1. Le moyen est pris de la violation du principe de légalité contenu dans l'article 23 de la Constitution, en ce qu'il s'applique au droit à l'aide juridique. Les parties requérantes n'explicitent cependant pas en quoi la circonstance que le législateur habilite les ordres d'avocats à contrôler l'effectivité et la qualité des prestations effectuées par les avocats au titre de l'aide juridique de deuxième ligne porterait atteinte au principe de légalité en matière de droit à l'aide juridique contenu à l'article 23 précité. La délégation attaquée ne porte en effet ni sur le droit à l'aide juridique en tant que tel ni sur les conditions d'exercice de ce droit, mais bien sur les modalités du contrôle des prestations effectuées par les avocats prestataires de l'aide juridique de deuxième ligne.

B.27.2. Pour le surplus, l'Ordre des barreaux francophones et germanophone et l'Orde van Vlaamse Balies ont pour mission, en vertu des articles 495 et 496 du Code judiciaire, notamment d'assurer l'aide juridique et de prendre des mesures en matière de règles disciplinaires. Aucune des normes de référence citées au moyen n'interdit au législateur de charger les ordres d'avocats de contrôler l'effectivité et la qualité des prestations accomplies par les avocats au titre de l'aide juridique de deuxième ligne, mission qui s'inscrit dans les compétences qui leur sont conférées par les dispositions précitées.

B.28. Le cinquième moyen dans l'affaire n° 6598 n'est pas fondé.

Quant aux moyens relatifs au droit à la rétribution des avocats B.29. Les huitième moyen dans l'affaire n° 6596 et neuvième moyen dans l'affaire n° 6598 concernent le droit des avocats qui pratiquent l'aide juridique à obtenir une juste rémunération pour les prestations accomplies dans ce cadre. Ces moyens, en leur première branche, visent l'article 7 de la loi attaquée, en ce qu'il insère l'article 508/17, § 3, dans le Code judiciaire. En leur seconde branche, ils visent l'article 9, 3°, de la loi attaquée.

B.30.1. L'article 7 de la loi attaquée devant être partiellement annulé pour les motifs énoncés en B.17.3, il n'y a lieu d'examiner ces moyens, en leur première branche, qu'en ce qu'ils portent sur la contribution due par la personne qui bénéficie de l'aide juridique partiellement gratuite (article 508/17, § 2, du Code judiciaire).

B.30.2. L'article 508/17, § 3, du Code judiciaire, inséré par l'article 7 de la loi attaquée, dispose : « L'avocat n'entame sa mission qu'à partir du moment où il reçoit le paiement des contributions visées aux paragraphes 1 et 2 sauf en cas d'exemption prévue par les paragraphes 4 ou 5, ou sauf dans le cas où l'avocat renonce à la perception du paiement des contributions ou accorde un délai de paiement ».

B.30.3. Les parties requérantes font grief à cette disposition de faire peser le risque du non-paiement de la contribution due par les bénéficiaires de l'aide juridique partiellement gratuite sur l'avocat, en manière telle que si, à la clôture du dossier, certaines sommes n'ont pas été payées par le bénéficiaire de l'aide juridique, elles seraient néanmoins imputées sur le montant des indemnités dues par l'Etat à l'avocat.

B.30.4. L'exposé des motifs relatif à la disposition attaquée semble en effet confirmer que lorsque l'avocat donne un délai de paiement, « il supporte le risque de non-paiement ». Il est également précisé : « Il ne s'agit pas ici pour l'avocat d'exempter le bénéficiaire du paiement. Excepté les catégories expressément déterminées par la loi, seul le bureau d'aide juridique peut prendre la décision d'exempter.

Il s'agit de la possibilité laissée à l'avocat de renoncer à la perception du paiement à ses propres risques car ces contributions seront déduites des indemnités calculées sur la base des points qu'il sera amené à recevoir à l'issue de la procédure » (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1819/001, p. 17).

B.30.5. Toutefois, en application de l'article 508/19, § 2, du Code judiciaire, tel que modifié par l'article 9 de la loi attaquée, l'avocat qui a accompli des prestations au titre de l'aide juridique fait rapport au bureau d'aide juridique sur chaque affaire, en mentionnant « les indemnités perçues en vertu de l'article 508/19ter ainsi que les contributions visées à l'article 508/17, § 1er, alinéas 2 et 3, et § 2 ».

L'alinéa 2 du paragraphe 2 de l'article 508/19 du Code judiciaire, remplacé par l'article 9, 3°, de la loi attaquée, dispose : « Le bureau d'aide juridique attribue des points aux avocats pour ces prestations et en fait un rapport au bâtonnier. Le bureau d'aide juridique n'attribue pas de points ou diminue les points, le cas échéant, pour des prestations pour lesquelles des sommes ont été perçues sur la base des articles 508/17, § 1er, alinéas 2 et 3, et § 2, 508/19, § 1er, et 508/19ter ou pour des prestations pour lesquelles l'avocat a renoncé à la perception de sommes sur la base de l'article 508/17, § 3 ».

B.31.1. Il résulte de ce qui précède que si l'avocat qui renonce volontairement à la perception de la contribution due par les bénéficiaires de l'aide juridique partiellement gratuite ne peut récupérer les montants auxquels il a renoncé à charge de l'Etat, il n'en va pas de même de celui qui, sans avoir renoncé à ces contributions, a néanmoins entamé la mission au profit de son client bénéficiaire de l'aide juridique partiellement gratuite et n'a jamais été en mesure de percevoir les montants qui lui étaient dus. Dans cette hypothèse, les montants n'ont pas été « perçus » et l'avocat n'y a pas renoncé sur la base de l'article 508/17, § 3, de sorte qu'il n'y a pas lieu, pour le bureau d'aide juridique, de diminuer les points attribués pour les prestations accomplies du montant de la contribution non payée.

B.31.2. Par ailleurs, contrairement à ce que soutiennent les parties requérantes, la disposition attaquée ne crée pas de présomption de renonciation au paiement des contributions concernées dans le chef de l'avocat qui ne les percevrait pas dès l'entame de sa mission.

B.31.3. Les moyens, en leur première branche, reposent sur une lecture erronée de la disposition attaquée et ne sont, pour ce motif, pas fondés.

B.32.1. Les moyens, en leur seconde branche, visent l'alinéa 2 du paragraphe 2 de l'article 508/19, du Code judiciaire, remplacé par l'article 9, 3°, de la loi attaquée, cité en B.30.5.

B.32.2. Les parties requérantes font grief à cette disposition de créer une discrimination entre avocats suivant le bureau d'aide juridique dont ils dépendent, parce que le mécanisme mis en place prévoit que la diminution des points intervient avant que la valeur du point ne soit connue, de sorte que suivant la valeur du point retenue par chaque bureau d'aide juridique pour effectuer le calcul, la rémunération octroyée aux avocats pour les mêmes prestations au bénéfice de clients se trouvant dans la même situation peut varier.

B.32.3. Rien, dans l'exposé des motifs relatif à la disposition attaquée ou dans le rapport de la commission de la Justice de la Chambre, n'indique que le législateur a eu l'intention de permettre aux bureaux d'aide juridique de calculer arbitrairement le nombre de points à retirer en fonction des sommes perçues par l'avocat en cours de traitement du dossier.

B.33.1. Si la disposition attaquée devait être interprétée en ce sens que chaque bureau d'aide juridique attribue une somme arbitraire à la valeur des points à retirer lorsque l'avocat a perçu une contribution payée par le client, avant de connaître la valeur du point pour la période considérée, de sorte que l'indemnisation de l'avocat pour les prestations effectuées au titre de l'aide juridique de deuxième ligne serait calculée arbitrairement, elle créerait des discriminations injustifiables entre avocats.

B.33.2. La disposition attaquée doit toutefois être interprétée, compte tenu du droit de chaque avocat à obtenir une rémunération équitable et égale pour des prestations équivalentes, comme imposant aux bureaux d'aide juridique de diminuer les indemnités perçues par les avocats pour les prestations accomplies au titre de l'aide juridique des contributions exactes payées par les clients et du montant exact de l'indemnité de procédure obtenue par l'avocat.

B.34. Sous réserve que l'article 508/19, § 2, alinéa 2, du Code judiciaire soit interprété comme indiqué en B.33.2, les huitième moyen dans l'affaire n° 6596 et neuvième moyen dans l'affaire n° 6598 ne sont pas fondés.

Quant au moyen relatif au « monopole » des ordres belges d'avocats pour les prestations d'aide juridique de deuxième ligne B.35. Le treizième moyen dans l'affaire n° 6598 vise les articles 3, 5, 1°, 2° et 3°, et 7 de la loi attaquée. Les parties requérantes font grief au législateur de réserver un « monopole » aux avocats pour accomplir des services au titre de l'aide juridique de deuxième ligne, alors que d'autres praticiens du droit offrent également des services comparables qui ne peuvent être fournis dans le cadre de l'aide juridique de deuxième ligne (1ère et 3ème branches). Elles estiment que, dans la mesure où les organisations professionnelles d'avocats jouissant du « monopole » peuvent être considérées comme des ententes entre entreprises, ce « monopole » serait constitutif d'une aide d'Etat prohibée (2ème branche). Elles font enfin grief au législateur d'avoir réservé la possibilité d'effectuer des prestations au titre de l'aide juridique de deuxième ligne aux seuls avocats inscrits à un ordre belge d'avocats et d'avoir ainsi créé une discrimination entre ces avocats et ceux qui sont inscrits à un ordre d'avocats d'un autre pays (4ème branche).

B.36.1. Ainsi que les parties requérantes le relèvent elles-mêmes, le choix du législateur de confier l'organisation de l'aide juridique de deuxième ligne aux ordres d'avocats et aux barreaux, ainsi que celui de réserver aux avocats la mise en oeuvre concrète de cette aide sont antérieurs à la loi attaquée. Si celle-ci s'inscrit dans le système ainsi mis en place et ne remet donc pas ce choix législatif en cause, l'on ne saurait en déduire que le « monopole » et les différences de traitement qui en découlent trouveraient leur source dans les dispositions attaquées.

B.36.2. En effet, l'article 508/7, alinéa 1er, du Code judiciaire, non modifié par la loi attaquée, dispose : « Au sein de chaque barreau, le Conseil de l'Ordre des Avocats établit un Bureau d'aide juridique selon les modalités et les conditions qu'il détermine ». et l'article 508/9, § 1er, du même Code, également non modifié par la loi attaquée, dispose : « Pour l'obtention d'une aide juridique de deuxième ligne partiellement ou entièrement gratuite, les personnes accordant l'aide juridique de première ligne renvoient le demandeur vers le bureau.

Le bureau désigne un avocat que le demandeur aura choisi sur la liste visée à l'article 508/7. Le bureau informe l'avocat de sa désignation.

L'avocat dont le nom figure sur la liste et auquel un justiciable se sera adressé directement sans passer par le bureau demande au bureau l'autorisation d'accorder l'aide juridique de deuxième ligne à son client lorsqu'il estime que celui-ci peut bénéficier de la gratuité complète ou partielle. L'avocat fait parvenir au bureau les pièces visées à l'article 508/13.

En cas d'urgence, la personne qui n'a pas d'avocat peut s'adresser directement à l'avocat du service de garde. Cet avocat lui assure l'aide juridique et demande au bureau la confirmation de sa désignation ».

B.37. Le « monopole » des barreaux ou des avocats pour organiser et assurer l'aide juridique de deuxième ligne, qui fait l'objet des griefs des parties requérantes, n'est pas institué par les dispositions attaquées. Il en résulte que le treizième moyen dans l'affaire n° 6598 n'est pas fondé.

Quant au moyen relatif au droit des étrangers non autorisés au séjour à l'assistance judiciaire B.38.1. Le dixième moyen dans l'affaire n° 6598 concerne l'article 17 de la loi attaquée, qui complète l'article 668 du Code judiciaire.

Celui-ci disposait, jusqu'à l'entrée en vigueur de la disposition attaquée : « Le bénéfice de l'assistance judiciaire peut être accordé dans les mêmes conditions : a) aux étrangers, conformément aux traités internationaux;b) à tout ressortissant d'un Etat membre du Conseil de l'Europe;c) à tout étranger qui a, d'une manière régulière, sa résidence habituelle en Belgique ou qui est en situation régulière de séjour dans l'un des Etats membres de l'Union européenne;d) à tout étranger dans les procédures prévues par la loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers ». L'article 17 attaqué complète cet article de la façon suivante : « e) à tous les étrangers qui ont, d'une manière irrégulière, leur résidence en Belgique, à condition qu'ils aient essayé de régulariser leur séjour en Belgique, que leur demande présente un caractère urgent et que la procédure porte sur des questions liées à l'exercice d'un droit fondamental ».

B.38.2. En vertu de l'article 664 du Code judiciaire, l'assistance judiciaire consiste à dispenser, en tout ou en partie, ceux qui ne disposent pas des moyens d'existence nécessaires pour faire face aux frais d'une procédure, même extrajudiciaire, de payer les droits divers, d'enregistrement, de greffe et d'expédition et les autres dépens qu'elle entraîne. Elle assure aussi aux intéressés la gratuité du ministère des officiers publics et ministériels, dans certaines conditions, et leur permet de bénéficier de la gratuité de l'assistance d'un conseiller technique lors d'expertises judiciaires.

B.38.3. L'exposé des motifs relatif à la disposition attaquée mentionne : « L'article 17 modifie l'article 668 du Code judiciaire en ce qui concerne l'accès à l'assistance judiciaire.

Cet article sera modifié pour se conformer à l'arrêt Anakomba rendu par la Cour européenne des droits de l'homme du 10 mars 2009.

Dans cet arrêt, la Cour indique que les étrangers qui séjournent illégalement en Belgique n'ont pas de droit au bénéfice de l'assistance judiciaire.

Dorénavant, ces personnes auront droit au bénéfice de l'assistance judiciaire si elles répondent à trois conditions. Elles doivent avoir essayé de régulariser leur séjour (1), le motif pour lequel elles introduisent une demande doit présenter un caractère urgent (2) et la procédure doit porter sur des questions sérieuses liées à l'exercice d'un droit fondamental (3). Dans ce dernier cas, cela signifie qu'il doit s'agir d'un droit fondamental garanti par une convention internationale ayant un effet direct en Belgique (comme par exemple la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales) et/ou par la Constitution. Le juge dispose d'un droit d'appréciation en la matière dès qu'il est saisi d'une affaire » (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1819/001, p. 23).

B.39.1. Les parties requérantes dans l'affaire n° 6598 font grief à cette disposition, en ce qu'elle établit une triple condition pour l'obtention du bénéfice de l'assistance judiciaire par les étrangers en séjour irrégulier, d'une part, de créer une différence de traitement injustifiée entre étrangers en séjour irrégulier (1ère branche du moyen) et, d'autre part, de porter une atteinte disproportionnée au droit au procès équitable pour les étrangers concernés (2ème branche du moyen).

B.39.2. Le moyen est pris de la violation des articles 10, 11, 13, 23 et 191 de la Constitution, lus isolément ou en combinaison avec les articles 6.1, 6.3, c), et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, avec les articles 20, 21 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et avec l'article 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

B.40.1. En étendant l'avantage de l'assistance judiciaire aux étrangers en séjour irrégulier en Belgique, le législateur entend donner suite à l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme du 10 mars 2009 en cause de Anakomba Yula c. Belgique (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1819/001, p. 23).

B.40.2. Par cet arrêt, la Cour a jugé en ce qui concerne l'ancien système de l'assistance judiciaire pour les étrangers, tel qu'il était contenu dans l'article 668 du Code judiciaire : « 35. Cet article accorde le bénéfice de l'assistance judiciaire aux ressortissants d'un Etat ayant conclu une convention internationale avec la Belgique à propos de l'assistance judiciaire, aux ressortissants d'un Etat membre du Conseil de l'Europe, à ceux qui ont de manière régulière leur résidence habituelle en Belgique ou dans un Etat membre de l'Union européenne et à ceux qui demandent l'assistance pour une procédure [en matière] d'accès au territoire, [de] séjour, [d']établissement et [d']éloignement des étrangers. La Cour ne doute pas que ces conditions poursuivent les buts légitimes mentionnés par le Gouvernement. [....] 37. La Cour relève que les questions en jeu devant les tribunaux internes en l'espèce étaient des questions graves liées au droit de la famille.Les décisions que les tribunaux allaient rendre marqueraient de manière définitive la vie privée et familiale non seulement de la requérante elle-même mais de plusieurs autres personnes. [Il fallait donc] des raisons particulièrement impérieuses pour justifier une différence de traitement entre [la requérante, qui ne possédait pas de] carte de séjour, et les personnes qui [en possédaient une] (voir, mutatis mutandis, Niedzwiecki c. Allemagne, n° 58453/00, 25 octobre 2005). Cette conclusion est en outre renforcée par le fait que l'article 508/13 du code judiciaire ne prévoyait pas le critère de la régularité du séjour pour bénéficier de l'aide juridique d'un avocat (aide juridique de seconde ligne - article 508/13 du code judiciaire), dont la requérante a d'ailleurs pu bénéficier. 38. De plus, la Cour ne perd pas de vue que la carte de séjour de la requérante avait expiré un mois et demi après la naissance de sa fille et qu'elle avait déjà avant l'expiration de sa carte, comme cela ressort de la lettre du 21 juin 2006 au bourgmestre, entrepris des démarches pour être régularisée [eu égard à] la vie familiale qu'elle menait en Belgique, le père de son enfant étant de nationalité belge. Enfin, il y avait urgence à agir, le délai pour introduire une action en contestation de paternité étant d'un an à compter de la date de la naissance de l'enfant (articles 318 et 322 du code civil). 39. Au vu de ces éléments, la Cour considère que l'Etat a manqué [...] à son obligation de réglementer le droit d'accès à un tribunal d'une manière conforme aux exigences de l'article 6 § 1 de la Convention combiné avec l'article 14. 40. Il y a donc eu violation de ces dispositions ». B.40.3. En subordonnant l'obtention de l'assistance judiciaire à la condition que l'étranger en séjour irrégulier sur le territoire ait entrepris des démarches pour être régularisé (1), que la demande ait un caractère urgent (2) et porte sur des points relatifs à l'exercice d'un droit fondamental (3), le législateur a tenu compte des différents éléments que la Cour européenne des droits de l'homme a pris en compte dans l'arrêt précité.

B.41.1. L'article 668 du Code judiciaire énumère les catégories d'étrangers qui ont droit à l'assistance judiciaire, aux mêmes conditions que les ressortissants belges. Les étrangers en séjour régulier sur le territoire sont donc traités de la même manière que les ressortissants belges. Contrairement aux catégories d'étrangers mentionnées aux points a) à d) de la disposition précitée, les étrangers en séjour irrégulier sur le territoire sont toutefois soumis à des conditions supplémentaires pour pouvoir prétendre à l'assistance judiciaire (point e).

B.41.2. En subordonnant en principe l'octroi de l'assistance judiciaire aux étrangers à leur séjour légal sur le territoire ou dans le cadre des procédures prévues par la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer, le législateur poursuit des objectifs légitimes (CEDH, 10 mars 2009, Anakomba Yula c. Belgique, § 35).

B.42. La Cour doit toutefois examiner si la différence de traitement qui est créée au sein de la catégorie des étrangers en séjour irrégulier selon qu'ils satisfont ou non aux conditions émises par la disposition attaquée établit une discrimination ou s'il est porté atteinte au droit à un procès équitable.

La thèse de la partie requérante revient en substance à dire que les étrangers en séjour illégal sur le territoire doivent pouvoir prétendre à l'assistance judiciaire aux mêmes conditions que les étrangers en séjour légal sur le territoire. Il existe néanmoins entre les deux catégories de personnes une différence objective tenant à la régularité de leur statut de séjour. L'Etat n'est pas tenu d'assumer les mêmes obligations à l'égard de ceux qui sont en séjour illégal sur le territoire qu'à l'égard de ceux qui sont en séjour légal.

B.43.1. La disposition attaquée exige d'abord de l'étranger qui réside irrégulièrement en Belgique et qui pourrait, sur le vu de sa situation financière, bénéficier de l'assistance judiciaire de prouver, pour obtenir ce bénéfice, qu'il a essayé de régulariser son séjour dans le Royaume.

En réponse à un amendement visant à supprimer cette condition, le ministre de la Justice a indiqué : « la modification proposée se situe dans le droit fil de la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l'Homme. Il estime en outre que l'on est parfaitement en droit de poser comme condition, pour l'obtention du droit à l'assistance judiciaire, que le ressortissant étranger concerné ait tenté de régulariser son séjour.

Il ne peut dès lors pas souscrire à l'amendement présenté » (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1819/003, p. 48).

La tentative de régularisation du séjour exigée par la disposition attaquée indique que l'étranger a l'intention de demeurer légalement en Belgique. Compte tenu de l'objet de l'assistance judiciaire, le législateur peut exiger, pour son octroi, que l'étranger résidant illégalement sur le territoire ait entrepris à un moment donné les démarches nécessaires en vue d'obtenir un droit de séjour, quel que soit le fondement de cette demande.

B.43.2. La disposition attaquée exige ensuite que la demande pour laquelle un étranger en séjour illégal sur le territoire souhaite une assistance judiciaire soit urgente. Cette condition implique que le droit d'accès au juge serait irrémédiablement compromis si l'assistance judiciaire n'était pas accordée.

Les étrangers en séjour légal sur le territoire ont droit à l'assistance judiciaire aux mêmes conditions que les ressortissants belges. Pour toutes les procédures prévues par la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer qui visent à octroyer un tel droit de séjour, une assistance judiciaire peut également être octroyée (article 668, c) et d), du Code judiciaire).

Lorsqu'un tel droit de séjour ne peut toutefois être octroyé, les étrangers concernés sont réputés quitter le territoire ou un ordre de quitter le territoire peut être délivré. Dans ces circonstances, il n'est pas dénué de justification raisonnable que, tant que leur situation de séjour est irrégulière, mais qu'ils séjournent néanmoins dans le pays, l'assistance judiciaire n'est octroyée que lorsque la procédure pour laquelle l'assistance judiciaire est demandée est urgente. Il appartient au bureau de la juridiction compétente, sous le contrôle du juge, d'apprécier le caractère urgent de la demande.

B.43.3. La disposition attaquée exige enfin que la procédure pour laquelle l'assistance judiciaire est demandée porte sur l'exercice d'un droit fondamental. S'agissant de cette condition, l'exposé des motifs précise qu'il doit s'agir d'un droit protégé par une convention internationale ayant effet direct, comme la Convention européenne des droits de l'homme, et que le juge dispose d'un pouvoir d'appréciation lorsque l'affaire lui est soumise (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1819/001, p. 23).

Eu égard à la situation de séjour irrégulière des étrangers concernés, cette limitation n'est pas dénuée de justification raisonnable. Comme il est dit en B.42, l'Etat n'est en effet pas tenu d'assumer les mêmes obligations à l'égard de ceux qui sont en séjour illégal sur le territoire qu'à l'égard de ceux qui sont en séjour légal. Il appartient au bureau de la juridiction compétente, sous le contrôle du juge, d'examiner si un droit fondamental est en cause.

B.43.4. Compte tenu de ce qui précède, ni le principe d'égalité et de non-discrimination ni le droit d'accès au juge ne sont violés du fait que l'octroi d'une assistance judiciaire à des personnes en séjour illégal sur le territoire peut être soumis aux conditions visées à l'article 668, e), du Code judiciaire.

B.44. Le dixième moyen dans l'affaire n° 6598 n'est pas fondé.

Quant aux moyens relatifs à l'entrée en vigueur de la loi attaquée B.45.1. Le septième moyen dans l'affaire n° 6596 et le huitième moyen dans l'affaire n° 6598 portent sur l'article 19 de la loi attaquée, qui dispose : « A l'exception de l'article 17 qui entre en vigueur dix jours après la publication de la présente loi au Moniteur belge, la présente loi entre en vigueur à une date fixée par le Roi et au plus tard le 1er septembre 2016 ».

B.45.2. Les parties requérantes font grief à la disposition attaquée d'être, à défaut de dispositions transitoires, immédiatement applicable aux litiges en cours et de créer ainsi une incertitude portant sur la rémunération des avocats ayant effectué des prestations au titre de l'aide juridique de deuxième ligne avant le 1er septembre 2016 (première branche), en ce que, en application de l'article 9, 3°, de la loi attaquée, le montant des contributions dues en application de l'article 7 de la loi attaquée à la désignation de l'avocat et par instance seraient déduites du total des points formant la base du calcul de la rémunération de l'avocat alors que, si la mission de celui-ci a débuté avant le 1er septembre 2016, ces contributions n'ont pas été perçues. Les parties requérantes critiquent également l'imprévisibilité de la rémunération des avocats tenant aux fluctuations de la valeur du point. Enfin, les parties requérantes critiquent la rétroactivité de la loi en ce que les contributions dues en application de l'article 7 de la loi le sont immédiatement, de sorte qu'elles sont également dues par les justiciables qui auraient d'abord tenté une médiation et introduiraient en conséquence leur action en justice après le 1er septembre 2016 (seconde branche).

B.46.1. Les moyens sont pris de la violation de l'article 16 de la Constitution, lu isolément ou en combinaison avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme et avec les principes de sécurité juridique, de légitime confiance, de non-rétroactivité des lois et de standstill.

B.46.2. Lorsque sont en cause des dispositions garantissant des droits fondamentaux dont le respect peut être invoqué directement devant le juge, l'invocation d'une obligation de standstill n'est pas pertinente. Les parties ne développent du reste pas leurs griefs en ce qu'ils sont pris de la violation de cette obligation.

B.47.1. En vertu de l'alinéa 2 du paragraphe 2 de l'article 508/19 du Code judiciaire, remplacé par l'article 9, 3°, de la loi attaquée, cité en B.30.5, le bureau d'aide juridique diminue les points pour les prestations pour lesquelles des sommes ont été perçues au titre de contributions dues par le bénéficiaire de l'aide juridique partiellement gratuite en application de l'article 508/17, § 2, du même Code. Il en résulte que si les sommes en question n'ont pas été perçues, notamment parce qu'elles n'étaient pas exigibles au moment où l'avocat a commencé sa mission, le bureau d'aide juridique ne les déduit pas des points attribués pour la prestation.

B.47.2. L'entrée en vigueur immédiate de la loi attaquée n'a dès lors pas pour effet d'entraîner une incertitude quant à la rémunération des avocats sur ce plan. Pour le surplus, l'incertitude éventuelle liée à la valeur du point et à la réforme de la nomenclature ne trouve pas sa source dans la loi attaquée, mais bien dans ses arrêtés d'exécution et échappe pour cette raison à la compétence de la Cour.

Le septième moyen dans l'affaire n° 6596 et le huitième moyen dans l'affaire n° 6598, en leur première branche, ne sont pas fondés.

B.48. L'article 7 devant être annulé dans la mesure indiquée en B.17.3, les moyens, en leur seconde branche, ne doivent pas être examinés.

Par ces motifs, la Cour 1. annule dans l'article 508/17, du Code judiciaire, remplacé par l'article 7 de la loi du 6 juillet 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 06/07/2016 pub. 14/07/2016 numac 2016009356 source chambres legislatives, chambre des representants Loi modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne l'aide juridique type loi prom. 06/07/2016 pub. 12/10/2017 numac 2017011221 source service public federal affaires etrangeres, commerce exterieur et cooperation au developpement Loi portant assentiment à la Convention sur la sécurité sociale entre le Royaume de Belgique et l'Etat d'Israël, faite à Jérusalem le 24 mars 2014 (2)(3) fermer modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne l'aide juridique : - le paragraphe 1er, alinéas 2, 3 et 4; - dans le paragraphe 2, les mots « en plus de celles visées au paragraphe 1er »; - dans le paragraphe 3, les mots « 1 et » et les mots « sauf en cas d'exemption prévue par les paragraphes 4 ou 5 »; - les paragraphes 4, 5 et 6; 2. maintient les effets des dispositions annulées dans l'article 508/17 du Code judiciaire à l'égard des contributions perçues par les avocats dans les affaires pour lesquelles l'avocat a, au 31 août 2018, fait rapport au bureau d'aide juridique conformément à l'article 508/19, § 2, alinéa 1er, du Code judiciaire; 3. sous réserve que l'article 508/19, § 2, alinéa 2, du Code judiciaire, tel qu'il a été remplacé par l'article 9, 2°, de la loi du 6 juillet 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 06/07/2016 pub. 14/07/2016 numac 2016009356 source chambres legislatives, chambre des representants Loi modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne l'aide juridique type loi prom. 06/07/2016 pub. 12/10/2017 numac 2017011221 source service public federal affaires etrangeres, commerce exterieur et cooperation au developpement Loi portant assentiment à la Convention sur la sécurité sociale entre le Royaume de Belgique et l'Etat d'Israël, faite à Jérusalem le 24 mars 2014 (2)(3) fermer, soit interprété comme indiqué en B.33.2, rejette les recours pour le surplus.

Ainsi rendu en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 21 juin 2018.

Le greffier, F. Meersschaut Le président, J. Spreutels

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