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Arrêt
publié le 11 juin 2020

Extrait de l'arrêt n° 58/2020 du 7 mai 2020 Numéro du rôle : 6876 En cause : le recours en annulation de la loi du 19 septembre 2017 « modifiant le Code civil, le Code judiciaire, la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjou La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et A. Alen, et des juges L. Lavrysen(...)

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Extrait de l'arrêt n° 58/2020 du 7 mai 2020 Numéro du rôle : 6876 En cause : le recours en annulation de la loi du 19 septembre 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/09/2017 pub. 04/10/2017 numac 2017013422 source service public federal justice Loi modifiant le Code civil, le Code judiciaire, la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers et le Code consulaire, en vue de lutter contre la reconnaissance frauduleuse et comportant diverses dispositions en matière de recherche de paternité, de maternité et de comaternité, ainsi qu'en matière de mariage de complaisance et de cohabitation légale de complaisance fermer « modifiant le Code civil, le Code judiciaire, la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers et le Code consulaire, en vue de lutter contre la reconnaissance frauduleuse et comportant diverses dispositions en matière de recherche de paternité, de maternité et de comaternité, ainsi qu'en matière de mariage de complaisance et de cohabitation légale de complaisance », introduit par l'Ordre des barreaux francophones et germanophone et autres.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et A. Alen, et des juges L. Lavrysen, J.-P. Moerman, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet, R. Leysen, J. Moerman et M. Pâques, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président F. Daoût, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 19 mars 2018 et parvenue au greffe le 21 mars 2018, un recours en annulation de la loi du 19 septembre 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/09/2017 pub. 04/10/2017 numac 2017013422 source service public federal justice Loi modifiant le Code civil, le Code judiciaire, la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers et le Code consulaire, en vue de lutter contre la reconnaissance frauduleuse et comportant diverses dispositions en matière de recherche de paternité, de maternité et de comaternité, ainsi qu'en matière de mariage de complaisance et de cohabitation légale de complaisance fermer « modifiant le Code civil, le Code judiciaire, la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers et le Code consulaire, en vue de lutter contre la reconnaissance frauduleuse et comportant diverses dispositions en matière de recherche de paternité, de maternité et de comaternité, ainsi qu'en matière de mariage de complaisance et de cohabitation légale de complaisance » (publiée au Moniteur belge du 4 octobre 2017) a été introduit par l'Ordre des barreaux francophones et germanophone, l'ASBL « Coordination et Initiatives pour et avec les Réfugiés et Etrangers », l'ASBL « Point d'appui. Service d'aide aux personnes sans papiers », l'ASBL « Bureau d'Accueil et de Défense des Jeunes », l'ASBL « Ligue des Droits de l'Homme », l'ASBL « Kinderrechtencoalitie Vlaanderen », l'ASBL « Association pour le droit des Etrangers », l'ASBL « Défense des Enfants - International - Belgique - Branche francophone (D.E.I. Belgique) », l'ASBL « Medimmigrant », l'ASBL « Coordination des Organisations non gouvernementales pour les droits de l'enfant » et la fondation d'utilité publique « Comité belge pour l'UNICEF », assistés et représentés par Me C. de Bouyalski, Me M. Kaiser, Me C. Verbrouck et Me M. Verdussen, avocats au barreau de Bruxelles. (...) II. En droit (...) Quant à l'étendue du recours en annulation B.1.1. La Cour est saisie d'un recours en annulation dirigé contre la loi du 19 septembre 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/09/2017 pub. 04/10/2017 numac 2017013422 source service public federal justice Loi modifiant le Code civil, le Code judiciaire, la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers et le Code consulaire, en vue de lutter contre la reconnaissance frauduleuse et comportant diverses dispositions en matière de recherche de paternité, de maternité et de comaternité, ainsi qu'en matière de mariage de complaisance et de cohabitation légale de complaisance fermer « modifiant le Code civil, le Code judiciaire, la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers et le Code consulaire, en vue de lutter contre la reconnaissance frauduleuse et comportant diverses dispositions en matière de recherche de paternité, de maternité et de comaternité, ainsi qu'en matière de mariage de complaisance et de cohabitation légale de complaisance » (ci-après : la loi du 19 septembre 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/09/2017 pub. 04/10/2017 numac 2017013422 source service public federal justice Loi modifiant le Code civil, le Code judiciaire, la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers et le Code consulaire, en vue de lutter contre la reconnaissance frauduleuse et comportant diverses dispositions en matière de recherche de paternité, de maternité et de comaternité, ainsi qu'en matière de mariage de complaisance et de cohabitation légale de complaisance fermer).

B.1.2. La loi précitée permet à l'officier de l'état civil de surseoir à acter une reconnaissance, en vue d'une enquête complémentaire, et de refuser d'acter la reconnaissance lorsqu'il y a des indications qu'il s'agit d'une reconnaissance frauduleuse, conçue comme une reconnaissance par laquelle son auteur « vise manifestement uniquement l'obtention d'un avantage en matière de séjour, lié à l'établissement d'un lien de filiation » (article 330/1 du Code civil, inséré par la loi du 19 septembre 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/09/2017 pub. 04/10/2017 numac 2017013422 source service public federal justice Loi modifiant le Code civil, le Code judiciaire, la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers et le Code consulaire, en vue de lutter contre la reconnaissance frauduleuse et comportant diverses dispositions en matière de recherche de paternité, de maternité et de comaternité, ainsi qu'en matière de mariage de complaisance et de cohabitation légale de complaisance fermer).

B.2.1. Les parties requérantes sollicitent l'annulation totale de la loi du 19 décembre 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/12/2017 pub. 28/12/2017 numac 2017031999 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie Loi modifiant diverses dispositions en matière de brevets en relation avec la mise en oeuvre du brevet unitaire et de la juridiction unifiée du brevet type loi prom. 19/12/2017 pub. 02/06/2021 numac 2021031482 source service public federal interieur Loi modifiant diverses dispositions en matière de brevets en relation avec la mise en oeuvre du brevet unitaire et de la juridiction unifiée du brevet. - Traduction allemande fermer.

B.2.2. Selon le Conseil des ministres, il ressortirait toutefois de l'exposé des moyens que la critique formulée par les parties requérantes porte uniquement sur certaines dispositions de la loi attaquée.

B.2.3. La Cour doit déterminer l'étendue du recours en annulation sur la base du contenu de la requête.

La Cour peut uniquement annuler des dispositions législatives explicitement attaquées contre lesquelles des moyens sont invoqués et, le cas échéant, des dispositions qui ne sont pas attaquées mais qui sont indissociablement liées aux dispositions qui doivent être annulées.

B.2.4. Bien que les parties requérantes demandent l'annulation de l'ensemble de la loi du 19 septembre 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/09/2017 pub. 04/10/2017 numac 2017013422 source service public federal justice Loi modifiant le Code civil, le Code judiciaire, la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers et le Code consulaire, en vue de lutter contre la reconnaissance frauduleuse et comportant diverses dispositions en matière de recherche de paternité, de maternité et de comaternité, ainsi qu'en matière de mariage de complaisance et de cohabitation légale de complaisance fermer, il ressort de l'exposé des moyens que leurs griefs sont uniquement dirigés contre la définition de la notion de reconnaissance frauduleuse et contre les pouvoirs de l'officier de l'état civil et du ministère public à l'égard des reconnaissances frauduleuses, instaurés par les articles 9 à 11 de la loi du 19 septembre 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/09/2017 pub. 04/10/2017 numac 2017013422 source service public federal justice Loi modifiant le Code civil, le Code judiciaire, la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers et le Code consulaire, en vue de lutter contre la reconnaissance frauduleuse et comportant diverses dispositions en matière de recherche de paternité, de maternité et de comaternité, ainsi qu'en matière de mariage de complaisance et de cohabitation légale de complaisance fermer, qui insèrent les articles 330/1 à 330/3 dans le Code civil.

La Cour limite par conséquent son examen à ces dispositions.

B.3.1. Les articles 9 à 11 de la loi du 19 septembre 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/09/2017 pub. 04/10/2017 numac 2017013422 source service public federal justice Loi modifiant le Code civil, le Code judiciaire, la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers et le Code consulaire, en vue de lutter contre la reconnaissance frauduleuse et comportant diverses dispositions en matière de recherche de paternité, de maternité et de comaternité, ainsi qu'en matière de mariage de complaisance et de cohabitation légale de complaisance fermer disposent : «

Art. 9.Dans le livre Ier, titre VII, chapitre III, section 2 du même Code, il est inséré un article 330/1 rédigé comme suit : '

Art. 330/1.En cas de déclaration de reconnaissance, il n'y a pas de lien de filiation entre l'enfant et l'auteur de la reconnaissance lorsqu'il ressort d'une combinaison de circonstances que l'intention de l'auteur de la reconnaissance, vise manifestement uniquement l'obtention d'un avantage en matière de séjour, lié à l'établissement d'un lien de filiation, pour lui-même, pour l'enfant ou pour la personne qui doit donner son consentement préalable à la reconnaissance. '.

Art. 10.Dans le livre Ier, titre VII, chapitre III, section 2 du même Code, il est inséré un article 330/2 rédigé comme suit : '

Art. 330/2.L'officier de l'état civil refuse d'acter la reconnaissance lorsqu'il constate que la déclaration se rapporte à une situation telle que visée à l'article 330/1.

S'il existe une présomption sérieuse que la reconnaissance se rapporte à une situation telle que visée à l'article 330/1, l'officier de l'état civil peut surseoir à acter la reconnaissance, éventuellement après avoir recueilli l'avis du procureur du Roi de l'arrondissement judiciaire dans lequel la personne qui veut reconnaître l'enfant a l'intention de reconnaître l'enfant, pendant un délai de deux mois au maximum à partir de l'établissement de l'acte de déclaration, afin de procéder à une enquête complémentaire. Le procureur du Roi peut prolonger ce délai de trois mois au maximum. Dans ce cas, il en informe l'officier de l'état civil qui en informe à son tour les parties intéressées.

S'il n'a pas pris de décision définitive dans le délai prévu à l'alinéa 2, l'officier de l'état civil est tenu d'acter sans délai la reconnaissance.

En cas de refus visé à l'alinéa 1er, l'officier de l'état civil notifie sans délai sa décision motivée aux parties intéressées. Une copie de celle-ci, accompagnée d'une copie de tous documents utiles, est, en même temps, transmise au procureur du Roi de l'arrondissement judiciaire dans lequel la décision de refus a été prise et à l'Office des étrangers.

En cas de refus de l'officier de l'état civil d'acter la reconnaissance, la personne qui veut faire établir le lien de filiation, peut introduire une action en recherche de maternité, de paternité ou de comaternité auprès du tribunal de la famille du lieu de déclaration de la reconnaissance.

Dans le cas visé à l'alinéa 5, l'exploit de citation ou la requête contient, à peine de nullité, la décision de refus de l'officier de l'état civil.'.

Art. 11.Dans le livre Ier, titre VII, chapitre III, section 2 du même Code, il est inséré un article 330/3 rédigé comme suit : '

Art. 330/3.§ 1er. Le procureur du Roi poursuit la nullité d'une reconnaissance dans l'hypothèse visée à l'article 330/1. § 2. Tout exploit de signification d'un jugement ou arrêt portant annulation d'une reconnaissance est immédiatement communiqué en copie par l'huissier de justice instrumentant au ministère public et au greffier de la juridiction qui a prononcé la décision.

Lorsque la nullité de la reconnaissance a été prononcée par un jugement ou un arrêt coulé en force de chose jugée, un extrait reprenant le dispositif du jugement ou de l'arrêt et la mention du jour où celui-ci a acquis force de chose jugée, est adressé, sans délai, par le greffier à l'officier de l'état civil du lieu où l'acte de reconnaissance a été établi ou, lorsque l'acte de reconnaissance n'a pas été établi en Belgique, à l'officier de l'état civil de Bruxelles, et à l'Office des étrangers.

Le greffier en avertit les parties.

L'officier de l'état civil transcrit sans délai le dispositif sur ses registres; mention en est faite en marge de l'acte de reconnaissance et de l'acte de naissance de l'enfant, s'ils ont été dressés ou transcrits en Belgique. ' ».

B.3.2. La loi du 18 juin 2018Documents pertinents retrouvés type loi prom. 18/06/2018 pub. 02/07/2018 numac 2018012858 source service public federal justice Loi portant dispositions diverses en matière de droit civil et des dispositions en vue de promouvoir des formes alternatives de résolution des litiges fermer « portant dispositions diverses en matière de droit civil et des dispositions en vue de promouvoir des formes alternatives de résolution des litiges » (ci-après : la loi du 18 juin 2018Documents pertinents retrouvés type loi prom. 18/06/2018 pub. 02/07/2018 numac 2018012858 source service public federal justice Loi portant dispositions diverses en matière de droit civil et des dispositions en vue de promouvoir des formes alternatives de résolution des litiges fermer) modifie plusieurs des dispositions insérées par la loi du 19 septembre 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/09/2017 pub. 04/10/2017 numac 2017013422 source service public federal justice Loi modifiant le Code civil, le Code judiciaire, la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers et le Code consulaire, en vue de lutter contre la reconnaissance frauduleuse et comportant diverses dispositions en matière de recherche de paternité, de maternité et de comaternité, ainsi qu'en matière de mariage de complaisance et de cohabitation légale de complaisance fermer.

L'article 38 de la loi du 18 juin 2018Documents pertinents retrouvés type loi prom. 18/06/2018 pub. 02/07/2018 numac 2018012858 source service public federal justice Loi portant dispositions diverses en matière de droit civil et des dispositions en vue de promouvoir des formes alternatives de résolution des litiges fermer remplace, dans l'article 330/2, alinéa 2, du Code civil, tel qu'il a été inséré par l'article 10 de la loi du 19 septembre 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/09/2017 pub. 04/10/2017 numac 2017013422 source service public federal justice Loi modifiant le Code civil, le Code judiciaire, la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers et le Code consulaire, en vue de lutter contre la reconnaissance frauduleuse et comportant diverses dispositions en matière de recherche de paternité, de maternité et de comaternité, ainsi qu'en matière de mariage de complaisance et de cohabitation légale de complaisance fermer, les mots « l'établissement de l'acte de déclaration » par les mots « la signature de la déclaration ».

L'article 39 de la loi du 18 juin 2018Documents pertinents retrouvés type loi prom. 18/06/2018 pub. 02/07/2018 numac 2018012858 source service public federal justice Loi portant dispositions diverses en matière de droit civil et des dispositions en vue de promouvoir des formes alternatives de résolution des litiges fermer remplace, dans l'article 330/3, § 2, tel qu'il a été inséré par l'article 11 de la loi du 19 septembre 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/09/2017 pub. 04/10/2017 numac 2017013422 source service public federal justice Loi modifiant le Code civil, le Code judiciaire, la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers et le Code consulaire, en vue de lutter contre la reconnaissance frauduleuse et comportant diverses dispositions en matière de recherche de paternité, de maternité et de comaternité, ainsi qu'en matière de mariage de complaisance et de cohabitation légale de complaisance fermer, les alinéas 2 à 4 par ce qui suit : « Lorsque la nullité de la reconnaissance a été prononcée par une décision judiciaire coulée en force de chose jugée, le greffier transmet immédiatement les données de la décision judiciaire à la BAEC, en mentionnant le jour où elle a acquis force de chose jugée.

La BAEC établit une mention sur cette base et l'associe à l'acte de reconnaissance et à l'acte de naissance de l'enfant.

Le greffier en avertit immédiatement les parties.

Lorsqu'il s'agit de l'annulation d'une reconnaissance effectuée en violation de l'article 330/1, la BAEC notifie immédiatement la décision judiciaire, en mentionnant le jour où elle a acquis force de chose jugée, à l'Office des étrangers ».

B.3.3. Conformément à l'article 118 de la loi du 18 juin 2018Documents pertinents retrouvés type loi prom. 18/06/2018 pub. 02/07/2018 numac 2018012858 source service public federal justice Loi portant dispositions diverses en matière de droit civil et des dispositions en vue de promouvoir des formes alternatives de résolution des litiges fermer, ces modifications sont entrées en vigueur le 31 mars 2019.

B.3.4. Lors de son examen du fond de l'affaire, la Cour tiendra compte de l'incidence de ces modifications.

B.3.5. La circulaire du 21 mars 2018Documents pertinents retrouvés type circulaire prom. 21/03/2018 pub. 26/03/2018 numac 2018030678 source service public federal justice Circulaire relative à la loi du 19 septembre 2017 modifiant le Code civil, le Code judiciaire, la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers et le Code consulaire, en vue de lutter contre la reconnaissance frauduleuse et comportant diverses dispositions en matière de recherche de paternité, de maternité et de comaternité, ainsi qu'en matière de mariage de complaisance et de cohabitation légale de complaisance fermer « relative à la loi du 19 septembre 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/09/2017 pub. 04/10/2017 numac 2017013422 source service public federal justice Loi modifiant le Code civil, le Code judiciaire, la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers et le Code consulaire, en vue de lutter contre la reconnaissance frauduleuse et comportant diverses dispositions en matière de recherche de paternité, de maternité et de comaternité, ainsi qu'en matière de mariage de complaisance et de cohabitation légale de complaisance fermer modifiant le Code civil, le Code judiciaire, la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers et le Code consulaire, en vue de lutter contre la reconnaissance frauduleuse et comportant diverses dispositions en matière de recherche de paternité, de maternité et de comaternité, ainsi qu'en matière de mariage de complaisance et de cohabitation légale de complaisance » (ci-après : la circulaire du 21 mars 2018Documents pertinents retrouvés type circulaire prom. 21/03/2018 pub. 26/03/2018 numac 2018030678 source service public federal justice Circulaire relative à la loi du 19 septembre 2017 modifiant le Code civil, le Code judiciaire, la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers et le Code consulaire, en vue de lutter contre la reconnaissance frauduleuse et comportant diverses dispositions en matière de recherche de paternité, de maternité et de comaternité, ainsi qu'en matière de mariage de complaisance et de cohabitation légale de complaisance fermer), publiée au Moniteur belge du 26 mars 2018, explicite la portée de la loi du 19 septembre 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/09/2017 pub. 04/10/2017 numac 2017013422 source service public federal justice Loi modifiant le Code civil, le Code judiciaire, la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers et le Code consulaire, en vue de lutter contre la reconnaissance frauduleuse et comportant diverses dispositions en matière de recherche de paternité, de maternité et de comaternité, ainsi qu'en matière de mariage de complaisance et de cohabitation légale de complaisance fermer.

Les parties requérantes ont introduit un recours en annulation devant le Conseil d'Etat, lequel a rejeté ce recours par son arrêt n° 244.846 du 19 juin 2019, pour défaut de caractère réglementaire de la circulaire attaquée.

Quant à l'intérêt au recours B.4.1. La première partie requérante est l'Ordre des barreaux francophones et germanophone.

Les deuxième à dixième parties requérantes sont des associations sans but lucratif qui ont pour but de défendre les droits fondamentaux, respectivement, des étrangers, notamment en séjour illégal ou précaire, des enfants et des familles. La onzième partie requérante est une fondation d'utilité publique qui a pour but de promouvoir la mise en oeuvre de la Convention relative aux droits de l'enfant.

B.4.2. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d'un intérêt. Ne justifient de l'intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme attaquée.

B.4.3. Lorsqu'une association sans but lucratif qui n'invoque pas son intérêt personnel agit devant la Cour, il est requis que son but statutaire soit d'une nature particulière et, dès lors, distinct de l'intérêt général; qu'elle défende un intérêt collectif; que la norme attaquée soit susceptible d'affecter son but; qu'il n'apparaisse pas, enfin, que ce but n'est pas ou n'est plus réellement poursuivi.

B.4.4. Les deuxième à dixième parties requérantes, qui sont des associations sans but lucratif dont l'objet statutaire est de défendre les droits fondamentaux des étrangers ou des enfants et des familles, justifient de l'intérêt à agir en annulation contre la loi du 19 septembre 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/09/2017 pub. 04/10/2017 numac 2017013422 source service public federal justice Loi modifiant le Code civil, le Code judiciaire, la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers et le Code consulaire, en vue de lutter contre la reconnaissance frauduleuse et comportant diverses dispositions en matière de recherche de paternité, de maternité et de comaternité, ainsi qu'en matière de mariage de complaisance et de cohabitation légale de complaisance fermer, qui est susceptible de porter atteinte aux droits de ces catégories de personnes dès lors qu'elle instaure un mécanisme permettant d'empêcher l'établissement d'un lien de filiation par reconnaissance lorsqu'il ressort d'une combinaison de circonstances que l'auteur de cette reconnaissance vise uniquement l'obtention « frauduleuse » d'un avantage en matière de séjour.

B.4.5. Dès lors que le recours est recevable en ce qui concerne les deuxième à dixième parties requérantes, la Cour ne doit pas examiner si les autres parties requérantes justifient également de l'intérêt requis.

B.5. Le recours est recevable.

Quant à l'intervention B.6.1. Le Centre fédéral pour l'analyse des flux migratoires, la protection des droits fondamentaux des étrangers et la lutte contre la traite des êtres humains (Myria) a introduit un mémoire en intervention et un mémoire en réplique. Il justifie son intérêt à agir par sa qualité d'institution publique belge indépendante qui a notamment pour mission de veiller au respect des droits fondamentaux des étrangers et qui traite d'ailleurs de nombreuses plaintes émanant de personnes dont les droits sont fortement limités par la loi attaquée. Il soutient le recours en annulation des parties requérantes.

B.6.2. La partie intervenante formule notamment des critiques à l'égard des articles 6 et 7 de la loi du 19 septembre 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/09/2017 pub. 04/10/2017 numac 2017013422 source service public federal justice Loi modifiant le Code civil, le Code judiciaire, la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers et le Code consulaire, en vue de lutter contre la reconnaissance frauduleuse et comportant diverses dispositions en matière de recherche de paternité, de maternité et de comaternité, ainsi qu'en matière de mariage de complaisance et de cohabitation légale de complaisance fermer, qui concernent la procédure pour introduire une demande de reconnaissance, la compétence territoriale de l'officier de l'état civil et les documents à remettre à l'officier de l'état civil en cas de déclaration de reconnaissance.

B.6.3. La Cour doit limiter son examen aux dispositions dont l'annulation a été demandée dans la requête.

Il ressort du B.2.4 que le recours en annulation ne porte pas sur les articles 6 et 7 de la loi du 19 septembre 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/09/2017 pub. 04/10/2017 numac 2017013422 source service public federal justice Loi modifiant le Code civil, le Code judiciaire, la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers et le Code consulaire, en vue de lutter contre la reconnaissance frauduleuse et comportant diverses dispositions en matière de recherche de paternité, de maternité et de comaternité, ainsi qu'en matière de mariage de complaisance et de cohabitation légale de complaisance fermer, qui ne sont pas indissociablement liés aux articles 9 à 11, attaqués, de la même loi.

Une partie intervenante ne peut modifier ou étendre le recours originaire.

B.7. Etant donné que la partie intervenante n'ajoute pour le surplus aucun argument essentiel aux griefs formulés par les parties requérantes, il n'y a pas lieu d'examiner la recevabilité de son intervention.

Quant au fond B.8.1. La loi du 19 septembre 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/09/2017 pub. 04/10/2017 numac 2017013422 source service public federal justice Loi modifiant le Code civil, le Code judiciaire, la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers et le Code consulaire, en vue de lutter contre la reconnaissance frauduleuse et comportant diverses dispositions en matière de recherche de paternité, de maternité et de comaternité, ainsi qu'en matière de mariage de complaisance et de cohabitation légale de complaisance fermer tend à lutter contre les reconnaissances frauduleuses, à savoir les reconnaissances « effectuées dans le seul but de contourner les dispositions légales en matière de séjour » (Doc. parl., Chambre, 2016-2017, DOC 54-2529/001, p. 5).Le législateur a choisi un système dans lequel, « dans la mesure du possible, la reconnaissance frauduleuse sera traitée de la même manière que le mariage de complaisance » (ibid., p. 8), même si la reconnaissance « implique plusieurs parties et doit, plus particulièrement, être appréciée au regard de l'intérêt de l'enfant et du droit international privé » (ibid.).

En ce qui concerne l'objectif poursuivi, les travaux préparatoires mentionnent : « L'intensification ces dernières années de la lutte contre les mariages de complaisance et les cohabitations légales de complaisance, a eu pour conséquence le déplacement de la problématique vers la reconnaissance des enfants.

Les conditions pour reconnaître un enfant sont minimales, et au moment de l'établissement de la filiation, le droit au regroupement familial est ouvert.

Dans les cas les plus flagrants, plusieurs enfants, parfois plus de dix, sont reconnus par une seule personne.

Cela va même jusqu'à la conception effective d'enfants dans le seul but d'obtenir un avantage en matière de séjour. Dans ce cas, il existe un lien biologique, mais dès l'obtention de l'avantage en matière de séjour, l'enfant et l'autre parent sont abandonnés.

Dans son ' Rapport sur les lois ayant posé des difficultés d'application ou d'interprétation pour les cours et tribunaux au cours de l'année judiciaire 2010-2011 ' (DOC 53 1414/005), le Collège des procureurs généraux mentionne pour la première fois le problème de la reconnaissance frauduleuse. Dans les rapports 2011-2012, 2012-2013 et 2013-2014, le problème de la reconnaissance frauduleuse est une nouvelle fois évoqué, mais le Collège avance comme solution possible un règlement analogue à celui des mariages de complaisance (DOC 53 1414/008 - DOC 53 1414/012 - DOC 54 0435/002).

Les officiers de l'état civil sont de plus en plus souvent confrontés à des personnes souhaitant reconnaître un enfant en vue d'obtenir ou de procurer un avantage en matière de séjour, mais ne disposent toutefois pas pour l'instant de moyens légaux pour agir » (Doc. parl., Chambre, 2016-2017, DOC 54-2529/001, pp. 5-6).

B.8.2. Selon l'article 330/1 du Code civil, il est question d'une reconnaissance frauduleuse « lorsqu'il ressort d'une combinaison de circonstances que l'intention de l'auteur de la reconnaissance, vise manifestement uniquement l'obtention d'un avantage en matière de séjour, lié à l'établissement d'un lien de filiation, pour lui-même, pour l'enfant ou pour la personne qui doit donner son consentement préalable à la reconnaissance ».

B.8.3. L'article 330/2 du Code civil dispose que l'officier de l'état civil refuse d'acter la reconnaissance lorsqu'il constate que celle-ci se rapporte à une situation telle que celle qui est visée à l'article 330/1.

Il peut également surseoir à acter la reconnaissance s'il existe une « présomption sérieuse » de reconnaissance frauduleuse, auquel cas il peut éventuellement recueillir l'avis du procureur du Roi afin de procéder à une enquête complémentaire.

B.8.4. Outre ce contrôle a priori de la reconnaissance, par l'officier de l'état civil et, le cas échéant, par le procureur du Roi, la loi prévoit également que le procureur du Roi poursuit la nullité d'une reconnaissance frauduleuse au sens de l'article 330/1 du Code civil (article 330/3 du Code civil).

En ce qui concerne les premier, troisième et quatrième moyens B.9.1. Les griefs formulés par les parties requérantes dénoncent, en premier lieu, le fait que l'officier de l'état civil puisse refuser la reconnaissance, même en présence d'un lien de filiation biologique, et le fait que le procureur du Roi puisse refuser la constatation de la filiation, sans que ces autorités doivent, à cette occasion, prendre en considération l'intérêt de l'enfant ou le mettre en balance avec d'autres intérêts. Ainsi, les dispositions attaquées violeraient l'article 22bis de la Constitution, lu en combinaison avec les articles 3, paragraphe 1, et 7, paragraphe 1, de la Convention relative aux droits de l'enfant (premier moyen).

La possibilité de refuser la reconnaissance ou la constatation de la filiation porterait également atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale des personnes concernées et violerait en conséquence l'article 22 de la Constitution, lu en combinaison avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme (troisième moyen).

En ce qu'ils soutiennent que le procureur du Roi pourrait refuser la constatation de la filiation, ces moyens manquent en droit. D'une part, le procureur du Roi se voit conférer une compétence consultative, lorsque l'officier de l'état civil décide de recueillir son avis (article 330/2, alinéa 2, du Code civil). D'autre part, le procureur du Roi peut, aux conditions fixées par l'article 330/3 du Code civil, poursuivre la nullité d'une reconnaissance déjà octroyée.

Par ailleurs, il n'apparaît nullement de l'exposé du moyen en quoi l'intervention du ministère public est critiquée. La Cour examine dès lors les premier et troisième moyens en ce qu'ils sont dirigés contre l'intervention de l'officier de l'état civil.

B.9.2. Les parties requérantes critiquent en outre le fait qu'aucun recours spécifique ne soit ouvert contre le refus de l'officier de l'état civil d'acter la reconnaissance. Ainsi, le droit d'accès au juge ne serait pas garanti et les dispositions attaquées violeraient les articles 10, 11, 13 et 23, alinéa 3, 2°, de la Constitution, lus ou non en combinaison avec les articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (quatrième moyen).

B.9.3. Dès lors que ces trois moyens sont dirigés contre des aspects indissociables du mécanisme mis en place par les dispositions attaquées en vue de lutter contre les reconnaissances frauduleuses, la Cour examine ces moyens conjointement.

B.10.1. L'article 22bis de la Constitution dispose : « Chaque enfant a droit au respect de son intégrité morale, physique, psychique et sexuelle.

Chaque enfant a le droit de s'exprimer sur toute question qui le concerne; son opinion est prise en considération, eu égard à son âge et à son discernement.

Chaque enfant a le droit de bénéficier des mesures et services qui concourent à son développement.

Dans toute décision qui le concerne, l'intérêt de l'enfant est pris en considération de manière primordiale.

La loi, le décret ou la règle visée à l'article 134 garantissent ces droits de l'enfant ».

B.10.2. L'article 3, paragraphe 1, de la Convention relative aux droits de l'enfant dispose : « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ».

B.10.3. L'article 7, paragraphe 1, de la Convention relative aux droits de l'enfant dispose : « L'enfant est enregistré aussitôt sa naissance et a dès celle-ci le droit à un nom, le droit d'acquérir une nationalité et, dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d'être élevé par eux ».

Cette disposition n'est toutefois pas pertinente en l'espèce, dès lors que l'acte de reconnaissance de la filiation se distingue de l'acte d'enregistrement de l'enfant dès sa naissance.

B.11.1. L'article 22 de la Constitution dispose : « Chacun a droit au respect de sa vie privée et familiale, sauf dans les cas et conditions fixés par la loi.

La loi, le décret ou la règle visée à l'article 134 garantissent la protection de ce droit ».

B.11.2. L'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme dispose : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ». B.11.3. Le Constituant a recherché la plus grande concordance possible entre l'article 22 de la Constitution et l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme (Doc. parl., Chambre, 1992-1993, n° 997/5, p. 2). La portée de cet article 8 est analogue à celle de la disposition constitutionnelle précitée, de sorte que les garanties que fournissent ces deux dispositions forment un tout indissociable.

B.12.1. L'article 13 de la Constitution dispose : « Nul ne peut être distrait, contre son gré, du juge que la loi lui assigne ».

B.12.2. L'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l'homme dispose : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice ».

B.12.3. L'article 13 de cette même Convention dispose : « Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles ».

B.12.4. L'exposé des moyens ne révèle toutefois pas en quoi les dispositions attaquées pourraient violer l'article 23, alinéa 3, 2°, de la Constitution, qui garantit le droit à l'aide juridique, ou l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. En ce qu'ils portent sur ces normes, les moyens ne sont pas recevables.

B.13.1. Tant l'article 22bis, alinéa 4, de la Constitution que l'article 3, paragraphe 1, de la Convention relative aux droits de l'enfant imposent à toutes les institutions qui prennent des mesures vis-à-vis des enfants de prendre en compte, de manière primordiale, l'intérêt de l'enfant dans les procédures le concernant. L'article 22bis, alinéa 5, de la Constitution donne au législateur compétent la mission de garantir que l'intérêt de l'enfant soit pris en considération de manière primordiale.

B.13.2. Si l'intérêt de l'enfant doit être une considération primordiale, il n'a pas un caractère absolu. Mais dans la mise en balance des différents intérêts en jeu, l'intérêt de l'enfant occupe une place particulière du fait qu'il représente la partie faible dans la relation familiale.

B.14.1. Les procédures relatives à l'établissement ou à la contestation de la filiation concernent la vie privée, parce que la matière de la filiation englobe d'importants aspects de l'identité personnelle d'un individu (CEDH, 28 novembre 1984, Rasmussen c.

Danemark, § 33; 24 novembre 2005, Shofman c. Russie, § 30; 12 janvier 2006, Mizzi c. Malte, § 102; 16 juin 2011, Pascaud c. France, § § 48-49; 21 juin 2011, Kruskovic c. Croatie, § 20; 22 mars 2012, Ahrens c. Allemagne, § 60;12 février 2013, Krisztiàn Barnabàs Tóth c.

Hongrie, § 28). Lorsqu'il existe déjà une vie familiale, ces procédures peuvent également toucher à la protection de la vie familiale.

Dans les procédures relatives à l'établissement ou à la contestation de la filiation, l'intérêt de l'enfant doit être la considération primordiale. En fonction de la nature et de la gravité de l'intérêt de l'enfant, celui-ci peut l'emporter sur l'intérêt des parents (CEDH, 22 mars 2012, Ahrens c. Allemagne, § 63).

B.14.2. L'article 22, alinéa 1er, de la Constitution et l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme n'excluent pas une ingérence d'une autorité publique dans le droit au respect de la vie privée et familiale mais ils exigent que cette ingérence soit autorisée par une disposition législative suffisamment précise, qu'elle corresponde à un besoin social impérieux et qu'elle soit proportionnée à l'objectif légitime qu'elle poursuit.

B.15.1. Comme il est dit en B.8.1, la loi du 19 septembre 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/09/2017 pub. 04/10/2017 numac 2017013422 source service public federal justice Loi modifiant le Code civil, le Code judiciaire, la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers et le Code consulaire, en vue de lutter contre la reconnaissance frauduleuse et comportant diverses dispositions en matière de recherche de paternité, de maternité et de comaternité, ainsi qu'en matière de mariage de complaisance et de cohabitation légale de complaisance fermer tend à lutter contre les reconnaissances frauduleuses, conçues comme les « reconnaissances effectuées dans le seul but de contourner les dispositions légales en matière de séjour » (Doc. parl., Chambre, 2016-2017, DOC 54-2529/001, p. 5). Les dispositions attaquées s'inscrivent ainsi dans le cadre de la politique d'immigration de l'autorité publique et, plus précisément, de la volonté du législateur de lutter contre la fraude à l'obtention d'un droit de séjour, ce qui constitue un objectif légitime.

Lorsqu'il poursuit un tel objectif, le législateur doit toutefois veiller à garantir un juste équilibre entre les différents intérêts en présence et tenir compte de l'incidence des mesures attaquées sur le lien de filiation d'un enfant.

B.15.2. L'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ne reconnaît en principe pas à un étranger le droit de séjourner dans un pays déterminé. La Cour européenne des droits de l'homme a jugé à maintes reprises que « d'après un principe de droit international bien établi, les Etats ont le droit, sans préjudice des engagements découlant pour eux de traités, de contrôler l'entrée des non-nationaux sur leur sol » (CEDH, 28 mai 1985, Abdulaziz, Cabales et Balkandali c.

Royaume-Uni, § 67; 21 octobre 1997, Boujlifa c. France, § 42; 18 octobre 2006, Üner c. Pays-Bas, § 54; 31 juillet 2008, Darren Omoregie e.a. c. Norvège, § 54; grande chambre, 3 octobre 2014, Jeunesse c.

Pays-Bas, § 100).

B.15.3. Par corollaire, les étrangers ont l'obligation de suivre les procédures légales pour obtenir un droit de séjour et de fournir des informations correctes aux autorités (CEDH, 28 septembre 2011, Nunez c. Norvège, § 71;grande chambre, 3 octobre 2014, Jeunesse c.

Pays-Bas, § 100). Si des violations graves ou répétées du droit de l'immigration restaient impunies, il serait porté atteinte au respect de ce droit par le public (CEDH, 28 septembre 2011, Nunez c. Norvège, § 71).

B.15.4. Pour autant qu'il soit question d'une vie familiale, au sens de l'article 22 de la Constitution et de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, et que la politique d'immigration de l'Etat soit en cause, les obligations de l'autorité publique, lorsqu'il s'agit d'admettre des membres de la famille de personnes qui séjournent déjà sur le territoire, varient en fonction des intérêts spécifiques de ces personnes et de l'intérêt général. Les facteurs à prendre en considération dans ce contexte sont la mesure dans laquelle il y a effectivement entrave à la vie familiale, l'étendue des attaches que les personnes concernées ont dans l'Etat contractant en cause, la question de savoir s'il existe ou non des obstacles insurmontables à ce que la famille vive dans le pays d'origine de l'étranger concerné et celle de savoir s'il existe des éléments touchant au contrôle de l'immigration (par exemple, des précédents d'infractions aux lois sur l'immigration) ou des considérations d'ordre public pesant en faveur d'une exclusion. Si, au moment où débute la vie familiale, les membres de la famille concernés savent que le droit de séjour de l'un d'eux revêt un caractère précaire, le non-octroi d'un droit de séjour n'emportera qu'exceptionnellement la violation de l'article 8 de la Convention (CEDH, 28 septembre 2011, Nunez c. Norvège, § 70; 4 décembre 2012, Butt c. Norvège, § 78; 26 juin 2014, M.E. c. Suède, § § 93 et 97; grande chambre, 3 octobre 2014, Jeunesse c. Pays-Bas, § § 107-108). Lorsque des enfants sont concernés, il faut prendre en compte en particulier leur intérêt supérieur dans la mise en balance des intérêts en jeu. Cet intérêt n'est certes pas déterminant à lui seul, mais il faut lui accorder un poids important (CEDH, 28 septembre 2011, Nunez c. Norvège, § 78; grande chambre, 3 octobre 2014, Jeunesse c. Pays-Bas, § § 109 et 118).

B.16.1. Il ressort de la lecture combinée des articles 330/1 et 330/2 du Code civil que l'officier de l'état civil peut uniquement surseoir à acter une reconnaissance ou refuser celle-ci « lorsqu'il ressort d'une combinaison de circonstances que l'intention de l'auteur de la reconnaissance, vise manifestement uniquement l'obtention d'un avantage en matière de séjour, lié à l'établissement d'un lien de filiation, pour lui-même, pour l'enfant ou pour la personne qui doit donner son consentement au préalable à la reconnaissance ».

B.16.2. L'appréciation de l'existence ou de la présomption sérieuse d'une reconnaissance frauduleuse porte dès lors sur l'intention de l'auteur de la reconnaissance, qui vise « manifestement uniquement l'obtention d'un avantage en matière de séjour ».

Ainsi, les dispositions attaquées ne sont applicables que lorsque l'auteur de la reconnaissance veut uniquement obtenir un avantage en matière de séjour et qu'il n'a donc pas l'intention de créer un lien familial avec l'enfant et d'assumer les responsabilités parentales qui en découlent. En outre, l'intention de l'auteur de la reconnaissance doit viser « manifestement » uniquement les conséquences en matière de séjour, ce qui exige que cette intention soit indubitablement ou indéniablement présente.

A ce sujet, la circulaire du 21 mars 2018Documents pertinents retrouvés type circulaire prom. 21/03/2018 pub. 26/03/2018 numac 2018030678 source service public federal justice Circulaire relative à la loi du 19 septembre 2017 modifiant le Code civil, le Code judiciaire, la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers et le Code consulaire, en vue de lutter contre la reconnaissance frauduleuse et comportant diverses dispositions en matière de recherche de paternité, de maternité et de comaternité, ainsi qu'en matière de mariage de complaisance et de cohabitation légale de complaisance fermer mentionne : « Si l'on invoque le caractère frauduleux d'une reconnaissance, il faut disposer d'éléments indiquant clairement que la reconnaissance ne vise manifestement pas la création d'une relation parent-enfant avec les responsabilités parentales qui en découlent, mais uniquement un avantage en matière de séjour. L'interprétation que la jurisprudence et la doctrine donnent aux termes ' manifestement ' et ' uniquement ' dans le cadre de la lutte contre les mariages de complaisance (article 146bis du Code civil) et des cohabitations légales de complaisance (article 1476bis du Code civil) s'applique par analogie aux reconnaissances frauduleuses ».

B.16.3. L'article 330/1 du Code civil exige en outre que l'intention de l'auteur de la reconnaissance ressorte « d'une combinaison de circonstances ». La circulaire du 21 mars 2018Documents pertinents retrouvés type circulaire prom. 21/03/2018 pub. 26/03/2018 numac 2018030678 source service public federal justice Circulaire relative à la loi du 19 septembre 2017 modifiant le Code civil, le Code judiciaire, la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers et le Code consulaire, en vue de lutter contre la reconnaissance frauduleuse et comportant diverses dispositions en matière de recherche de paternité, de maternité et de comaternité, ainsi qu'en matière de mariage de complaisance et de cohabitation légale de complaisance fermer énumère une série de facteurs possibles, dont la combinaison peut constituer une indication sérieuse qu'une reconnaissance frauduleuse est visée, et que l'officier de l'état civil peut prendre en considération dans ce contexte. En conséquence, la charge de la preuve qu'il s'agit d'une reconnaissance frauduleuse incombe à l'officier de l'état civil. Le cas échéant, il peut recueillir l'avis du procureur du Roi afin de procéder à une enquête complémentaire.

B.17.1. Les parties requérantes reprochent aux dispositions attaquées de ne pas obliger l'officier de l'état civil à prendre en considération l'intérêt de l'enfant lorsqu'il refuse d'acter la reconnaissance envisagée au motif que celle-ci repose sur des intentions frauduleuses.

B.17.2. La reconnaissance est un acte juridique volontaire qui émane d'une femme ou d'un homme qui a l'intention de créer un lien de filiation avec un enfant.

Pour procéder à la reconnaissance, son auteur ne doit pas démontrer son lien biologique avec l'enfant. Il est donc possible, pour un homme ou pour une femme, de reconnaître un enfant dont il ou elle n'est pas le parent biologique.

B.17.3. Une reconnaissance doit être actée par l'officier de l'état civil. Eu égard au caractère public de sa fonction, cet officier est tenu de prêter son ministère à chaque fois qu'il y est invité légalement. L'article 51 du Code civil détermine les données qui doivent être contenues dans l'acte de reconnaissance. L'article 327/2 du Code civil énumère les documents qui doivent être remis et qui doivent permettre à l'officier de l'état civil de vérifier s'il est satisfait aux conditions légales de reconnaissance d'un enfant. Selon l'article 16 du Code civil, l'officier de l'état civil ne mentionne rien d'autre dans les actes qu'il dresse que ce qui doit lui être déclaré par les parties et ce qui lui est imposé par la loi. Il n'appartient pas à l'officier de l'état civil d'apprécier l'opportunité de la reconnaissance envisagée ni, dans ce contexte, de tenir compte de l'intérêt de l'enfant (Doc. parl., Chambre, 2016-2017, DOC 54-2529/001, p. 22; Doc. parl., Chambre, 2016-2017, DOC 54-2529/003, p. 13).

B.17.4. Le législateur a ainsi pu imposer à l'officier de l'état civil de refuser de prendre acte d'une reconnaissance qui lui apparaît frauduleuse dans le chef de son auteur, c'est-à-dire, en l'espèce, une reconnaissance demandée dans l'intention manifeste et exclusive de retirer un avantage en matière de séjour.

De même, le législateur a pu limiter le contrôle opéré par l'officier de l'état civil à la fraude ainsi décrite dans le chef de l'auteur, de sorte que, si l'officier de l'état civil constate que la fraude est établie, il ne lui revient pas de prendre en compte l'intérêt supérieur de l'enfant.

B.17.5. Confier un tel contrôle préventif à l'officier de l'état civil afin de prévenir la fraude à l'obtention d'un droit de séjour n'est dès lors pas contraire aux dispositions constitutionnelles et conventionnelles mentionnées en B.10 et B.11.

B.18. Toutefois, comme il est dit en B.13, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être pris en compte dans toute décision qui le concerne.

Il s'ensuit que la formule retenue par le législateur à l'article 330/1, selon laquelle « il n'y a pas de lien de filiation », ne peut viser que la phase administrative d'examen de la déclaration par l'officier de l'état civil lorsque celui-ci constate que la fraude est établie.

B.19. Sous réserve de ce qui est dit en B.18, les premier et troisième moyens ne sont pas fondés en ce qu'il est reproché aux dispositions attaquées de ne pas obliger l'officier de l'état civil à tenir compte de l'intérêt de l'enfant lorsqu'il refuse la reconnaissance.

B.20.1. La circonstance que les dispositions attaquées ne chargent pas l'officier de l'état civil de prendre en considération l'intérêt de l'enfant lorsqu'il refuse une reconnaissance frauduleuse ne permet toutefois pas de conclure que le législateur ne tient pas compte de cet intérêt ni que la constatation de la filiation est impossible.

Pour apprécier les griefs allégués par les parties requérantes, au regard des dispositions constitutionnelles et conventionnelles mentionnées en B.10 et en B.11, il convient en effet de tenir compte des dispositions attaquées dans leur ensemble.

B.20.2. En ce qui concerne la reconnaissance, la Cour européenne des droits de l'homme a jugé que « la reconnaissance comme l'annulation d'un lien de filiation touche directement à l'identité de l'homme ou de la femme dont la parenté est en question (voir, par exemple, Rasmussen c. Danemark, 28 novembre 1984, § 33, série A n° 87; I.L.V. c. Roumanie (déc.), n° 4901/04, § 33, 24 août 2010; Kruskovic, précité, § 18; et Canonne c. France (déc.), n° 22037/13, § 25, 2 juin 2015) » (CEDH, 14 janvier 2016, Mandet c.France, § 44). Lorsqu'est en cause le droit à une identité, un examen approfondi est nécessaire pour peser les intérêts en présence (CEDH, 13 juillet 2006, Jäggi c.

Suisse, § 37; 3 avril 2014, Konstantinidis c. Grèce, § 47).

B.20.3. Le caractère fondamental des intérêts en cause et l'équilibre entre ces intérêts exigent que soit garanti le droit d'accès au juge des intéressés, lorsque ces derniers estiment que c'est à tort que l'officier de l'état civil a refusé d'acter la reconnaissance au motif qu'il y aurait une fraude visant à obtenir un droit de séjour. Ce juge constitue en effet l'organe indépendant et impartial, disposant de pouvoirs d'instruction, et, partant, à même de disposer de tous les éléments, en fait et en droit, permettant de tenir compte de l'intérêt de l'enfant face à une situation complexe dans laquelle la reconnaissance poursuivrait un objectif de fraude en matière de séjour.

B.21.1. Lorsque l'officier de l'état civil refuse la reconnaissance, il doit notifier sans délai sa décision motivée aux parties intéressées. Une copie de celle-ci, accompagnée d'une copie de tous documents utiles, est, en même temps, transmise au procureur du Roi de l'arrondissement judiciaire dans lequel la décision de refus a été prise et à l'Office des étrangers (article 330/2, alinéa 4, du Code civil).

B.21.2. La personne qui veut faire établir le lien de filiation peut alors introduire une action en recherche de maternité, de paternité ou de comaternité auprès du tribunal de famille du lieu de la déclaration de la reconnaissance (article 330/2, alinéa 5, du Code civil). Saisi d'une telle action, le tribunal de la famille statue, en mettant en balance les différents intérêts en jeu et, comme il est dit en B.13.1, en prenant en considération l'intérêt de l'enfant de manière primordiale, même lorsque la décision de l'officier de l'état civil de refuser la reconnaissance de l'enfant est prise sur la base de l'article 330/1 du Code civil.

B.22.1. Toutefois, l'exercice d'une telle action en recherche de maternité, de paternité ou de comaternité ne constitue pas, comme telle, un « recours » dirigé contre le refus de l'officier de l'état civil, mais une action nouvelle et distincte, qui est réglée par les articles 314, 322 à 325, 325/8 à 325/10 et 332quinquies du Code civil.

B.22.2. Les parties requérantes critiquent l'absence de recours spécifique contre la décision de refus d'acter la reconnaissance prise par l'officier de l'état civil. Ainsi, le droit d'accès au juge ne serait pas garanti ou, à tout le moins, ne le serait pas pour l'auteur de la reconnaissance qui n'a pas de lien biologique avec l'enfant.

L'examen du présent grief porte donc sur la nécessité d'organiser, à un stade ultérieur de la procédure, un recours spécifique à l'égard du refus éventuel d'une autorité non juridictionnelle d'acter une reconnaissance de filiation, au motif que l'intention de l'auteur de la reconnaissance serait uniquement et manifestement l'obtention d'un avantage en matière de séjour.

B.23.1. La compétence que les dispositions attaquées confèrent à l'officier de l'état civil s'inscrit dans la ligne des compétences qui lui ont déjà été conférées en matière de mariage ou de cohabitation de complaisance.

Lorsque l'officier de l'état civil refuse de célébrer un mariage, au motif que ce mariage vise non pas à former une communauté de vie durable mais uniquement à obtenir un avantage en matière de séjour, cette décision est susceptible de recours par les parties intéressées pendant un délai d'un mois suivant la notification de celle-ci, devant le président du tribunal de la famille, statuant comme en référé (article 167, dernier alinéa, du Code civil juncto l'article 1253ter/4, § 2, alinéa 1er, 6°, et alinéa 2, du Code judiciaire).

Conformément à l'article 2 du Code judiciaire, les dispositions du Code judiciaire sont, en principe, applicables à cette procédure.

Un recours similaire est ouvert contre le refus de l'officier de l'état civil d'acter la déclaration de cohabitation légale au motif que seul un avantage en matière de séjour est visé (article 1476quater du Code civil juncto l'article 1253ter/4, alinéa 1er, 6°, et alinéa 2, du Code judiciaire).

B.23.2. En ce qui concerne la compétence du tribunal de la famille, visée en B.23.1, la Cour de cassation a jugé que celle-ci n'est pas limitée à un contrôle de la légalité de la décision de refus de l'officier de l'état civil, mais que le juge exerce à cet égard un contrôle de pleine juridiction. Tout ce qui relève du pouvoir d'appréciation de l'officier est soumis au contrôle du juge. Ce dernier doit se prononcer sur la base de tous les éléments de fait produits et peut, à cet égard, aussi tenir compte des éléments postérieurs à la décision de refus ou qui n'ont été connus que postérieurement à cette décision (Cass., 13 avril 2007, C.06.0334.N).

B.24. En ce qui concerne le choix du législateur de ne pas organiser, dans l'article 330/2, attaqué, du Code civil, un tel recours contre la décision de l'officier de l'état civil, les travaux préparatoires mentionnent : « A la différence du mariage ou de la cohabitation légale, il existe encore d'autres possibilités que la reconnaissance pour l'établissement de la filiation. La personne qui se voit refuser la reconnaissance peut recourir à une procédure d'établissement judiciaire. Cette procédure permet d'établir la filiation de différentes manières. L'auteur ne se verra donc pas refuser la possibilité de faire établir son lien de filiation avec l'enfant, même si ce lien ne repose pas sur la réalité biologique, mais sur une réalité socioaffective et volitive.

C'est la raison pour laquelle en cas de refus de l'officier de l'état civil d'acter la reconnaissance, l'auteur peut faire établir sa filiation par une procédure de recherche de maternité, de paternité ou de comaternité.

Dans ce cas, le juge se prononcera sur le lien de filiation à établir.

Il statuera conformément au droit national applicable en vertu du Code de droit international privé, tout en vérifiant le respect des conditions de l'article 330/1 du Code civil en tant que règle d'application nécessaire (loi de police).

La possibilité de demander l'établissement judiciaire fera donc office de possibilité de recours.

Lors de l'introduction de sa demande, l'intéressé devra mentionner la décision de refus de l'officier de l'état civil. Dans ce cas, le juge saisi de la demande a connaissance de la décision de refus y relative dont il peut annuler les effets par l'établissement judiciaire. Sur la base de tous les éléments qui lui ont été soumis, y compris ceux apparus après la décision de refus pour autant qu'ils aient été portés à sa connaissance, le juge examinera en fait également le droit subjectif de l'intéressé de voir établir sa paternité » (Doc. parl., Chambre, 2016-2017, DOC 54-2529/001, pp. 20-22).

B.25.1. Les articles 10 et 11 de la Constitution garantissent le principe d'égalité et de non-discrimination. L'article 13 de la Constitution implique un droit d'accès au juge compétent. Ce droit est également garanti par l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l'homme. L'article 13 de la même Convention garantit le droit à un recours effectif devant une instance nationale à toute personne dont les droits et libertés mentionnés dans cette Convention ont été violés.

B.25.2. Selon la Cour européenne des droits de l'homme, l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme garantit le « droit à un tribunal », dont le droit d'accès, à savoir le droit de saisir un tribunal en matière civile, constitue un aspect.

B.25.3. Le droit d'accès à un juge n'est toutefois pas absolu. Les limitations apportées à ce droit ne peuvent porter atteinte à la substance de ce droit. Elles doivent, en outre, être raisonnablement proportionnées au but légitime qu'elles poursuivent (CEDH, 7 juillet 2009, Stagno c. Belgique, § 25; grande chambre, 17 janvier 2012, Stanev c. Bulgarie, § § 229-230). La réglementation du droit d'accès à un juge ne peut cesser de servir les buts de la sécurité juridique et de la bonne administration de la justice et constituer une sorte de barrière qui empêche le justiciable de voir la substance de son litige tranchée par la juridiction compétente (CEDH, 7 juillet 2009, Stagno c. Belgique, § 25;29 mars 2011, RTBF c. Belgique, § 69). La compatibilité de ces limitations avec le droit d'accès à un juge s'apprécie en tenant compte des particularités de la procédure en cause et de l'ensemble du procès (CEDH, 29 mars 2011, RTBF c.

Belgique, § 70).

B.26.1. Comme il est dit en B.24, le législateur n'a pas organisé de recours spécifique contre le refus de l'officier de l'état civil d'acter la reconnaissance. Par contre, il donne aux intéressés la possibilité de demander, dans un tel cas, l'établissement judiciaire d'un lien de filiation auprès du tribunal de la famille. Selon les travaux préparatoires, cette procédure fait office de « possibilité de recours ».

Les actions en recherche de maternité, de paternité ou de comaternité sont réglées par les articles 314, 322 à 325, 325/8 à 325/10 et 332quinquies du Code civil.

B.26.2. Ainsi, la disposition attaquée subordonne la possibilité, pour les personnes dont la demande de reconnaissance est refusée par l'officier de l'état civil, d'établir la maternité, la paternité ou la comaternité à des conditions différentes, pouvant être plus strictes, alors même que, si la décision initiale de refus de l'officier de l'état civil avait pu être jugée irrégulière par un juge indépendant et impartial, elles pourraient demander la reconnaissance, indépendamment des dispositions mentionnées en B.26.1, alinéa 2 (voir l'avis rendu par la section de législation du Conseil d'Etat, Doc. parl., Chambre, 2016-2017, DOC 54-2529/001, p. 71).

B.27.1. Conformément aux articles 314 et 322 du Code civil, les actions en recherche de maternité et de paternité sont soumises aux conditions fixées par l'article 332quinquies du Code civil.

Conformément à l'article 325/8 du Code civil, les actions en recherche de comaternité sont soumises aux conditions fixées par l'article 332quinquies, § § 1er, 1er/1, 2 et 4, du Code civil.

B.27.2. Les actions en recherche de maternité et de paternité sont dès lors soumises à l'article 332quinquies, § 3, du Code civil, qui dispose : « Le tribunal rejette en toute hypothèse la demande s'il est prouvé que celui ou celle dont la filiation est recherchée n'est pas le père ou la mère biologique de l'enfant ».

B.27.3. L'exposé des motifs des dispositions législatives attaquées indique qu'il n'est « pas dans les intentions du législateur de sanctionner les pères socio-affectifs qui veulent assumer leur paternité vis-à-vis d'un enfant qui n'a pas de lien de filiation biologique avec celui-ci » (Doc. parl., Chambre, 2016-2017, DOC 54-2529/001, p. 5; voy. aussi ibid., p. 20), ce qui a été confirmé par le délégué du ministre devant la section de législation du Conseil d'Etat (ibid., p. 71), ainsi que par le ministre (Doc. parl., Chambre, 2016-2017, DOC 54-2529/003, pp. 6-7).

B.27.4. Cependant, en conséquence de la cause de rejet, en l'absence de lien biologique, prévue par l'article 332quinquies du Code civil, l'auteur de la reconnaissance et l'enfant seront totalement privés de la possibilité de bénéficier d'un lien de filiation s'il n'existe pas de lien biologique entre eux.

Dans une telle hypothèse, le juge qui se prononce sur une action en recherche de paternité ou de maternité n'a aucune possibilité d'apprécier in concreto les intérêts des différentes personnes concernées et, notamment, l'intérêt primordial des enfants visés par un refus de l'officier de l'état civil d'acter la reconnaissance en raison d'une présomption de reconnaissance frauduleuse.

B.27.5. Il est ainsi porté atteinte, dans un tel cas, au droit d'accès au juge.

B.28.1. Par conséquent, la possibilité d'entreprendre une procédure judiciaire, après que l'officier de l'état civil a refusé d'acter la reconnaissance, en vue de faire établir la filiation, ne suffit pas pour garantir le droit d'accès au juge.

B.28.2. Il appartient au législateur d'organiser une procédure juridictionnelle qui réponde aux manquements précités.

Cette procédure de recours contre la décision de refus de l'officier de l'état civil doit permettre au juge saisi de disposer d'un recours de pleine juridiction et de statuer en mettant en balance les différents intérêts en jeu et, comme il est dit en B.13.1, en prenant en considération l'intérêt de l'enfant de manière primordiale.

Le tribunal de la famille peut ainsi constater qu'il ne ressort manifestement pas de la combinaison des circonstances que la reconnaissance vise uniquement l'obtention d'un avantage en matière de séjour, mais également l'établissement d'un lien de filiation dans l'intérêt de l'enfant, et que par conséquent, les conditions d'application de l'article 330/1 du Code civil ne sont pas remplies, de sorte que cette disposition ne peut trouver à s'appliquer et que rien n'empêche la reconnaissance.

Contrairement à ce qui est le cas pour la disposition attaquée, lors d'un tel recours, l'article 332quinquies, § 3, du Code civil, ne peut faire obstacle à ce que la filiation soit établie, le cas échéant, sur une base socio-affective.

Afin, dans l'attente de cette intervention du législateur, que soit garanti aux parties intéressées le droit d'accès au juge, celles-ci doivent avoir la possibilité d'introduire devant le président du tribunal de la famille un recours contre la décision de refus de l'officier de l'état civil, conformément à ce qui est dit en B.23 en ce qui concerne le mariage ou la cohabitation de complaisance.

B.28.3. Le quatrième moyen, en sa première branche, est fondé. En conséquence, il y a lieu d'annuler l'article 330/2, alinéas 5 et 6, du Code civil, tel qu'il a été inséré par l'article 10 de la loi du 19 septembre 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/09/2017 pub. 04/10/2017 numac 2017013422 source service public federal justice Loi modifiant le Code civil, le Code judiciaire, la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers et le Code consulaire, en vue de lutter contre la reconnaissance frauduleuse et comportant diverses dispositions en matière de recherche de paternité, de maternité et de comaternité, ainsi qu'en matière de mariage de complaisance et de cohabitation légale de complaisance fermer.

B.29. En ce que les parties requérantes dénoncent, dans la seconde branche du quatrième moyen, une différence de traitement entre les parties intéressées qui souhaitent agir contre une décision de refus de l'officier de l'état civil, selon que celles-ci ont leur domicile en Belgique ou non, cette différence ne découle pas des dispositions attaquées.

B.30. Le quatrième moyen, en sa seconde branche, n'est pas fondé.

En ce qui concerne le deuxième moyen B.31.1. Les parties requérantes critiquent le fait que la loi attaquée crée une différence de traitement entre, d'une part, les enfants nés de parents en séjour légal en Belgique ou belges, qui ne peuvent jamais se voir refuser l'établissement de leur lien de filiation par le biais d'un acte de reconnaissance, et, d'autre part, les enfants nés d'au moins un parent en séjour irrégulier ou précaire en Belgique, qui peuvent être privés d'un tel lien de filiation. Les dispositions attaquées seraient ainsi contraires aux articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 22bis de la Constitution et avec les articles 3, paragraphe 1, et 7, paragraphe 1, de la Convention relative aux droits de l'enfant (deuxième moyen).

B.31.2. Les dispositions attaquées tendent à prévenir que la reconnaissance soit détournée de son but et utilisée en vue d'obtenir un droit de séjour de manière frauduleuse. Eu égard à cet objectif, les catégories de personnes mentionnées ne sont pas comparables, dès lors que le risque d'un tel abus n'existe pas dans le premier cas.

B.32. Le deuxième moyen n'est pas fondé.

Par ces motifs, la Cour : - annule l'article 330/2, alinéas 5 et 6, du Code civil, tel qu'il a été introduit par l'article 10 de la loi du 19 septembre 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/09/2017 pub. 04/10/2017 numac 2017013422 source service public federal justice Loi modifiant le Code civil, le Code judiciaire, la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers et le Code consulaire, en vue de lutter contre la reconnaissance frauduleuse et comportant diverses dispositions en matière de recherche de paternité, de maternité et de comaternité, ainsi qu'en matière de mariage de complaisance et de cohabitation légale de complaisance fermer « modifiant le Code civil, le Code judiciaire, la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers et le Code consulaire, en vue de lutter contre la reconnaissance frauduleuse et comportant diverses dispositions en matière de recherche de paternité, de maternité et de comaternité, ainsi qu'en matière de mariage de complaisance et de cohabitation légale de complaisance »; - sous réserve de ce qui est dit en B.18, rejette le recours pour le surplus.

Ainsi rendu en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 7 mai 2020.

Le greffier, Le président, P.-Y. Dutilleux F. Daoût

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