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publié le 07 juillet 1999

Conseil de la concurrence. - Décision du 26 avril 1999, n° 99-C/C-04 En cause : The Coca-Cola Company, One Coca-Cola Plaza, Atlanta GA 30013, USA et Cadbury Schweppes plc, Berkeley Square 25, London W1X 6HT, Royaume-Uni Vu la notific Vu la décision du 10 février 1999 n° 99-C/C-03 du Conseil de la concurrence relative à cette concen(...)

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MINISTERE DES AFFAIRES ECONOMIQUES


Conseil de la concurrence. - Décision du 26 avril 1999, n° 99-C/C-04 En cause : The Coca-Cola Company, One Coca-Cola Plaza, Atlanta GA 30013, USA et Cadbury Schweppes plc, Berkeley Square 25, London W1X 6HT, Royaume-Uni Vu la notification enregistrée le 11 janvier 1999 d'une concentration conclue le 11 décembre 1998 par la société américaine The Coca-Cola Company et la société Cadbury Schweppes de droit anglais et du Pays de Galles, ayant pour représentant commun Mes Dirk Vandermeersch et Marc Waha.

Vu la décision du 10 février 1999 n° 99-C/C-03 du Conseil de la concurrence relative à cette concentration.

Vu le rapport motivé du Service de la concurrence du 17 mars 1999.

Vu les autres pièces du dossier.

Entendus le 19 avril 1999 : - les rapporteurs de la Division Prix et Concurrence; - les parties intervenantes « Pepsi-Cola », assisté par Mes. Vincent Dirckx et John Davies et « Unilever »; - les représentants des parties notifiantes, assistés de leurs conseils.

Après délibéré, le Conseil de la concurrence prononce la décision suivante : I. Les parties 1. The Coca-Cola Company (ci-après : « TCCC ») est une société cotée en Bourse dont le siège social est établi à Atlanta, Géorgie, USA. TCCC est donc un propriétaire de marques et un fournisseur de concentrés, et dans une moindre mesure de boissons finies, dans le domaine des « soft drinks » (boissons rafraîchissantes sans alcool ou BRSA).

Les marques principales de TCCC en Belgique sont Coca-Cola, Fanta, Sprite et Minute-Maid.

En Belgique, TCCC est présente via deux filiales et deux succursales de services commerciaux et financiers et de la société anonyme Coca-Cola Soft Drinks (CCSD) qui assure principalement l'embouteillage (soit la préparation, l'emballage, le marketing, la distribution et la vente de boissons) et la distribution de jus sous la marque Minute Maid (cfr notification, pg 3).

A l'exception de Minute Maid, les marques de TCCC sont embouteillées en Belgique par la S.p.r.l. Coca-Cola Enterprises Belgium (CCEB), une filiale du groupe Coca-Cola Enterprises, Inc. (CCE).

TCCC est le premier fournisseur mondial de concentrés de sirop servant à produire des boissons gazeuses sans alcool. Elle est présente dans près de deux cent pays.

Dans son rapport annuel pour 1997, elle souligne détenir quatre des cinq marques de boissons sans alcool les plus vendues au monde : Coca-Cola, Coca-Cola Light, Sprite et Fanta.

Le chiffre d'affaires de TCCC s'élève pour 1997 à 18,8 milliards de dollars (celui réalisé en Belgique s'élève à ( ... ) de Fb).

Cadbury Schweppes (ci-après : « CS ») est une société active au plan mondial d'une part dans les produits de confiserie (Cadbury) et d'autre part dans l'offre en licence de marques de boissons rafraîchissantes sans alcool (BRSA) et la production de concentré de boissons. Elle dispose également de certaines usines d'embouteillage.

Aux Etats-Unis, Cadbury Schweppes a un accord d'embouteillage et de distribution avec PepsiCo.

En Belgique, les marques de CS comprennent Schweppes, Canada Dry, Dr Pepper, Gini et Oasis. Cadbury Schweppes y dispose par ailleurs d'une filiale à 100 %, Schweppes Belgium S.A., qui procède à l'embouteillage des marques de sa maison-mère.

Dans son rapport annuel pour 1997, CS souligne que Schweppes est l'une des marques de boissons sans alcool les plus notoires au monde, vendue dans 129 pays.

CS a réalisé au plan mondial en 1997 un chiffre d'affaires de 4,2 milliards de Livres Sterling.

En Belgique, CS a réalisé en 1997 un chiffre d'affaires de ( ... ) millions de FB. II. L'opération L'opération du 11 décembre 1998 La concentration du 11 décembre 1998 prévoit la vente par CS à TCCC de la plupart des marques de boissons détenues par CS ainsi que des unités de production de concentré correspondantes à ces marques, et ce en dehors des Etats-Unis d'Amérique, de l'Afrique du Sud et de la France.

Les actifs cédés sont, selon les Parties, la plupart des marques de boissons commerciales en dehors des Etats-Unis et les installations de production de concentré correspondantes (Espagne et Irlande). Les installations d'embouteillage de CS ne sont donc pas incluses dans l'opération et la notification précise à cet égard que « CS cherchera un acquéreur tiers pour ces activités ».

La filiale belge, Schweppes Belgium, et son usine d'embouteillage de Genval (150 travailleurs) ne sont dès lors pas acquises à l'issue de l'opération.

La notification précise que « les marques vendues seront cédées moyennant le maintien des contrats de licence et d'embouteillage existants », cela étant valable pour les relations contractuelles de Cadbury Schweppes avec ses filiales d'embouteillage (dont l'usine belge) et les contrats avec les embouteilleurs tiers.

En ce qui concerne la Belgique, TCCC détiendrait, à l'issue de l'opération, les droits relatifs aux marques Schweppes, Canada Dry, Gini, Oasis et Dr. Pepper.

L'avenant du 19 avril 1999 Le jour de l'audience, soit l'après-midi même de celle-ci, les parties notifiantes ont informé le Conseil de la concurrence d'une modification au contrat, censée changer selon elles la structure de l'opération et priver celle-ci de tout effet en Belgique.

Le contrat modifié est censé mettre fin au contrat d'acquisition en ce qui concerne la Belgique.

Cette résiliation est considérée par les parties comme : - totale, parce qu'elle annule toutes les cessions prévues par le contrat d'acquisition; - inconditionnelle, ( ... ); - permanente, parce que CS a le droit de céder les actifs belges et les marques à tout tiers sans aucun droit de préemption en faveur de TCCC. En raison de ce contrat de modification, les parties ont informé le Conseil de manière officielle du retrait de l'opération envisagée du 11 décembre 1998 et demandé à celui-ci de constater que la notification du 11 janvier 1999 "est devenue caduque et doit être clôturée pour défaut d'objet".

Le procès verbal de l'audience relève que : - le représentant commun explique que le contrat du 19 avril 1999 a notamment pour objet de remettre CS dans la situation antérieure, soit plus particulièrement de permettre à CS la possibilité de choix de : - (...); - (...); - (...); - (...). - Le représentant commun s'engage à contacter les parties notifiantes pour envisager le dépôt d'une nouvelle notification relative au contrat d'acquisition notifié le 11 janvier 1999 tel qu'amendé par la convention du 19 avril 1999.

III. La compétence du Conseil de la concurrence 1. Les effets de l'avenant A titre principal, les parties demandent au Conseil de constater que le retrait de la notification a un double effet : l'absence de toute concentration en Belgique et la caducité de la notification soumise le 11 janvier 1999. A titre infiniment subsidiaire, elles n'excluent pas que le contrat de modification puisse entraîner des effets en Belgique de nature à justifier la compétence du Conseil.

Elles considèrent toutefois, dans cette éventualité, que l'opération modifiée ainsi que ses effets « radicalement diminués » constitueraient une concentration nouvelle et complètement différente en Belgique, avec pour conséquence que l'actuelle procédure devrait malgré tout être close et une nouvelle procédure entamée.

Le raisonnement des parties ne peut être suivi.

En effet, les parties demeurent liées par la convention du 11 décembre 1998 qui n'est donc nullement frappée de caducité, une modification, même substantielle ou présentée comme telle, d'une convention n'entraînant naturellement pas sa disparition.

La loi du 5 août 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/1991 pub. 10/08/2010 numac 2010000448 source service public federal interieur Loi relative à l'importation, à l'exportation, au transit et à la lutte contre le trafic d'armes, de munitions et de matériel devant servir spécialement à un usage militaire ou de maintien de l'ordre et de la technologie y afférente. - Coordination officieuse en langue allemande fermer sur la protection de la concurrence économique ne contient aucune disposition d'où il pourrait être déduit qu'une modification par les parties de la convention au cours de la procédure d'examen de l'admissibilité de la concentration opérerait le dessaisissement du Conseil et entraînerait pour les parties l'obligation de notifier l'opération de concentration ainsi modifiée.

Au contraire, les parties doivent avoir la possibilité, dans le courant de la procédure, d'apporter à l'opération originale des modifications ou encore proposer des engagements sans perdre pour autant le bénéfice de la notification effectuée.

Par ailleurs, le contrôle des opérations de concentration est d'ordre public.

Les parties ne sont donc pas maîtres de la procédure engagée par le dépôt par elles d'une notification de concentration et il ne leur appartient nullement, par le biais du retrait d'une notification au motif que la convention notifiée aurait été modifiée, de soustraire à l'examen du Conseil l'admissibilité d'une concentration notifiée.

C'est en effet à la lumière des modifications apportées qu'il appartient au Conseil de se prononcer sur l'admissibilité de l'opération, et ce dans le délai prévu à l'article 33, § 3 dernier alinéa de la loi du 5 août 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/1991 pub. 10/08/2010 numac 2010000448 source service public federal interieur Loi relative à l'importation, à l'exportation, au transit et à la lutte contre le trafic d'armes, de munitions et de matériel devant servir spécialement à un usage militaire ou de maintien de l'ordre et de la technologie y afférente. - Coordination officieuse en langue allemande fermer sur la protection de la concurrence économique, les modifications n'ayant en l'espèce aucune incidence sur les seuils de contrôle, ainsi que cela sera démontré.

Enfin, comme il sera exposé plus loin, c'est à tort que les parties soutiennent que l'opération telle que modifiée n'aurait aucune incidence sur le marché belge et que CS se retrouverait, après réalisation de l'accord modifié, dans la situation qui était la sienne avant l'accord du 11 décembre 1998.

Le retrait par les parties de la notification n'a pour ces motifs aucune incidence sur la saisine du Conseil. 2. Les seuils prévus à la loi du 5 août 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/1991 pub. 10/08/2010 numac 2010000448 source service public federal interieur Loi relative à l'importation, à l'exportation, au transit et à la lutte contre le trafic d'armes, de munitions et de matériel devant servir spécialement à un usage militaire ou de maintien de l'ordre et de la technologie y afférente. - Coordination officieuse en langue allemande fermer sont-ils atteints? Le 29 janvier 1999, la Division Prix et Concurrence (ci-après « le Service ») a, en application de l'article 24, § 4, de loi du 5 août 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/1991 pub. 10/08/2010 numac 2010000448 source service public federal interieur Loi relative à l'importation, à l'exportation, au transit et à la lutte contre le trafic d'armes, de munitions et de matériel devant servir spécialement à un usage militaire ou de maintien de l'ordre et de la technologie y afférente. - Coordination officieuse en langue allemande fermer sur la protection de la concurrence économique, déposé son rapport. Il résulte de celui-ci que le seuil de contrôle exprimé en chiffre d'affaires est largement dépassé puisque le chiffre d'affaires réalisé par TCCC s'élève pour l'année 1997 à environ 675 milliards de BEF, dont ( ... ) réalisés en Belgique.

Il ressort également du rapport du Service que le marché de produit à prendre en considération est le marché global des boissons rafraîchissantes sans alcool gazeuses pour lequel les parties disposent d'une part de marché de plus de 25 %.

Le Service considère dans son rapport que le marché de produit concerné par l'opération est celui des BRSA gazeuses. Dans cette hypothèse, les parts de marché des parties notifiantes s'élèvent à ( ... ) % pour TCCC et ( ... ) % pour CS. Si l'on devait considérer le marché concerné comme étant celui de l'ensemble de BRSA (eaux plates et pétillantes, jus et nectars de fruits, boissons sportives et énergétiques, sirops et concentrés, thés glacés et boissons gazeuses), la part de marché des parties notifiantes s'élèverait respectivement à ( ... ) % pour TCCC et à ( ... ) % pour CS, soit un total de ( ... ) % ce qui rend l'opération notifiable.

Le rapport du Service met, entre autres, en exergue : - la circonstance que la position déjà dominante avant l'opération de TCCC sur le marché affecté des boissons rafraîchissantes sans alcool gazeuses ne fera, par le biais du rachat des marques CS, que se renforcer quantitativement et qualitativement; - les conséquences du développement de l'effet de portefeuille et la dégradation des conditions concurrentielles concrètes pour le circuit de la consommation différée et de la consommation immédiate, ce secteur étant encore davantage touché.

Le Service a conclu de la manière suivante : « Le Service estime que la concentration notifiée aboutit au renforcement de la position dominante de TCCC sur le marché des BRSA gazeuses.

En conséquence, et sous réserve que l'opération en cause n'atteigne pas une dimension communautaire au sens de l'article 1er du règlement (CEE) n° 4064/89 du Conseil du 21 décembre 1989 relatif aux opérations de concentrations, le Service propose au Conseil de la concurrence de déclarer, en application de l'article 33, § 2, 2b de la loi du 5 août 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/1991 pub. 10/08/2010 numac 2010000448 source service public federal interieur Loi relative à l'importation, à l'exportation, au transit et à la lutte contre le trafic d'armes, de munitions et de matériel devant servir spécialement à un usage militaire ou de maintien de l'ordre et de la technologie y afférente. - Coordination officieuse en langue allemande fermer sur la protection de la concurrence économique, que la concentration en objet tombe dans le champ d'application de cette loi et soulève des doutes sérieux quant à son admissibilité ».

Les parties notifiantes ont, à l'époque, déclaré avoir notifié l'opération en Belgique à des fins de sécurité juridique dès lors qu'elles considèrent que, sur base d'une définition du marché qui concernait l'ensemble des boissons commerciales, en ce compris les boissons alcoolisées, l'opération ne devrait même pas être notifiée.

IV. La décision du Conseil de la concurrence du 10 février 1999 Par sa décision du 10 février 1999, le Conseil de la concurrence a constaté que l'opération entrait dans le champ d'application de la loi du 5 août 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/1991 pub. 10/08/2010 numac 2010000448 source service public federal interieur Loi relative à l'importation, à l'exportation, au transit et à la lutte contre le trafic d'armes, de munitions et de matériel devant servir spécialement à un usage militaire ou de maintien de l'ordre et de la technologie y afférente. - Coordination officieuse en langue allemande fermer sur la protection de la concurrence économique et qu'elle suscitait des doutes sérieux quant à son admissibilité.

Le Conseil a également constaté que les données fournies par les parties et non encore vérifiées, et celles recueillies par le Service, ne permettent pas d'écarter les définitions des marchés de référence dans le secteur des boissons commerciales retenues par la Commission des Communautés européennes et d'autres autorités de concurrence ni de justifier la conclusion d'une substituabilité suffisante entre toutes les boissons.

Le Conseil a en conséquence décidé d'engager la procédure prévue au § 3 de l'article 33 de la loi du 5 août 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/1991 pub. 10/08/2010 numac 2010000448 source service public federal interieur Loi relative à l'importation, à l'exportation, au transit et à la lutte contre le trafic d'armes, de munitions et de matériel devant servir spécialement à un usage militaire ou de maintien de l'ordre et de la technologie y afférente. - Coordination officieuse en langue allemande fermer et chargé le Service de la concurrence d'une instruction complémentaire.

Préoccupé par l'importance des parts de marché et le fait que l'opération apportait à TCCC la quasi-totalité des grandes marques de BRSA (Coca-Cola, Coca-Cola Light, Sprite, Fanta, Minute-Maid, Schweppes, Dr. Pepper, Gini, Canada Dry et Oasis), le Conseil a demandé au Service une instruction complémentaire aux fins de vérifier si TCCC soit jouit d'une position dominante que la concentration ne ferait que renforcer, soit acquiert une position dominante par la disparition à son profit de la concurrence de CS. V. La procédure après la décision du 10 février 1999 Le second rapport du Service de la concurrence Dans son second rapport, déposé le 17 mars 1999, le Service est arrivé aux conclusions suivantes : - le Service élargit sa définition de marché concerné en incluant le segment des thés glacés dans les BRSA gazeuses. En effet, un acteur important sur le segment des thés glacés sur le marché belge se considère comme un concurrent des parties. Le segment des thés glacés en Belgique se distingue, contrairement à ce qui peut se passer dans d'autres pays européens, par le fait qu'il est à 90 % constitué de thés glacés de nature gazeuse. Leur insertion dans le marché concerné par l'opération est par conséquent une simple reconnaissance de cette réalité formelle; - le groupe TCCC dispose sur le marché belge d'une position dominante; - l'opération envisagée conduira incontestablement à un renforcement de la position dominante de TCCC, pour les raisons suivantes : - les marques CS sont des marques de notoriété internationale qui viennent compléter le portefeuille du groupe TCCC; - la disparition de CS modifie profondément la structure concurrentielle du marché affecté; - l'effet portefeuille joue à plein rendement et entraînera de facto toutes les marques CS dans le sillage de TCCC; - l'opération de rachat recèle un potentiel important en terme d'accroissement quantitatif pour les marques rachetées, grâce à la puissance du groupe TCCC; - l'opération ne doit pas s'analyser comme une addition purement arithmétique (2 + 2 = 4) mais plutôt comme la possibilité d'opérer un accroissement exponentiel des ventes des marques rachetées; - les marques CS sont des marques de notoriété internationale qui viennent compléter le portefeuille du groupe TCCC Le Service, avant de conclure à l'inadmissibilité de la concentration, avait souligné la possible disparition d'un embouteilleur sur le marché belge ainsi que la perspective de la fermeture d'usine et les pertes d'emploi correspondantes.

Ces conclusions ont été formellement contestées par les parties notifiantes dans leur mémoire en réponse.

Celles-ci avaient relevé que l'opération ne créait ni ne renforçait aucune position dominante en Belgique et qu'en tout état de cause, l'impact limité provoqué par l'opération envisagée sur la concurrence n'était pas de nature à poser une menace réelle qui entraverait de façon substantielle la concurrence en Belgique.

L'audience du 19 avril 1999 Comme déjà exposé, ce n'est que le jour de l'audience que les parties ont informé le Conseil de l'existence du « contrat de modification ».

Dans une lettre du 19 avril 1999, elles ont fait état du fait que, se trouvant à quelques jours de l'expiration du délai légal de décision, elles n'auraient pas la possibilité effective d'expliquer leur point de vue sur la convention originale ni de répondre aux inquiétudes du Conseil, raison pour laquelle elles auraient décidé « de mettre fin à l'opération envisagée en ce qui concerne la Belgique ».

Dans la mesure où ces explications devaient être interprétées comme un reproche éventuel d'une atteinte aux droits de la défense dans l'hypothèse d'un refus d'acter le retrait de la notification et donc d'une poursuite de la procédure, il y a lieu de faire observer que : - les parties ont reçu communication du rapport du Service de la concurrence le 17 mars 1999; - leur mémoire a été déposé le 2 avril 1999; - les parties ont été convoquées le 7 avril 1999 pour faire valoir leurs moyens lors de l'audience du 19 avril 1999; - (...).

La circonstance que les parties n'ont pas présenté oralement leurs moyens sur l'opération initiale lors de l'audience du 19 avril 1999 est sans incidence sur l'exercice des droits de la défense des parties, dès lors que celle-ci trouve sa cause dans l'attitude des parties qui ont soutenu que les modifications du 19 avril 1999 modifiait la convention au point de rendre celle-ci caduque, ce qui constituait leur seule défense.

VI. L'admissibilité Les activités des parties et le marché des produits concernés Les activités des parties ont déjà été décrites ci-avant et il y a lieu de se référer à cet exposé.

Quant au marché des produits concernés, le marché affecté est constitué par celui des boissons rafraîchissantes gazeuses sans alcool en ce compris les thés glacés.

TCCC est propriétaire de marques de boissons et fournisseur de concentrés dans le domaine des boissons rafraîchissantes sans alcool alors que CS est actif au plan mondial dans la production de concentré de boissons et dans la confiserie.

L'embouteillage des marques TCCC, à savoir la préparation, l'emballage, le marketing, la distribution et la vente de boissons, est pour l'essentiel effectué par une autre société multinationale, en l'occurrence, Coca-Cola Enterprises (en Belgique par CCEB, filiale belge de CCE).

C'est à tort que les parties soutiennent, nonobstant les définitions des marchés de référence dans le secteur des boissons commerciales retenues par la Commission des Communautés Européennes (cfr. Décision attaquée du 22 janvier 1997, en cause Coca-Cola / Amalgamated Beverages GB) ou d'autorités nationales de concurrence, comme le Conseil de la concurrence français (cfr. Décision du 17 septembre 1998, également attaquée, mais confirmée en degré d'appel, en cause TCCC / Pernod Ricard projet d'acquisition des boissons de marque « Orangina » par TCCC), n'être présentes que sur le marché des concentrés et qu'elles ne détiennent pas le contrôle de l'embouteillage.

Le Conseil ne peut en effet que constater que tant TCCC que CS contrôle les embouteilleurs, lesquels disposent d'une autonomie d'action à ce point réduite que, dans les faits, leur action est déterminée par les propriétaires de concentrés. En outre, ce contrôle résulte également des droits attachés aux marques qui rend quasi impossible la dissociation sur les marchés des concentrés et des produits finis (cfr. infra).

La position des parties avant la concentration La position de CS : CS détient ( ... ) % du marché affecté (BRSA gazeuses en ce compris le thé glacé) La position de TCCC : Il résulte du rapport du Service que TCCC détient sur le marché concerné (BRSA gazeuses en ce compris le thé glacé) une part de volume de vente de ( ... ) %.

Une telle part de marché constitue un indice probant de l'existence d'une position dominante, d'autant plus que TCCC est leader dans six segments de marché sur huit (soit l'ensemble du marché à l'exception de la limonade et du thé glacé).

Les parties ont contesté ces chiffres en faisant observer que les données sur la base desquelles les parts ont été calculé seraient partielles et ne couvriraient que 85 % du marché.

Ces contestations doivent être écartées.

En effet, les données réunies permettent, de manière fiable, d'évaluer les parts de marché de TCCC étant entendu que les comportements des consommateurs, notamment dans le secteur de la distribution où les marques TCCC et CS ne sont pas distribuées, ne peuvent à eux seuls ramener la part de marché de TCCC à ( ... ) %, comme le soutiennent les parties (pourcentage au demeurant indice d'une position dominante).

Cette position dominante n'est par ailleurs nullement momentanée et ne paraît guère contestable pour l'avenir.

En effet, l'examen des cinq dernières années ne permet pas de constater que le marché se soit ouvert à une concurrence accrue.

De nouvelles boissons (telles que Pepsi Max et Virgin) sont apparues sur le marché.

Force est toutefois de constater que ces entrées n'ont nullement empêché l'accroissement de la part de marché de TCCC et que ces nouvelles boissons ne représentent, malgré l'importance des efforts consentis pour assurer leur pénétration, qu'une part peu significative du marché.

En outre, celui-ci a atteint un stade de maturité tel qu'il est peu probable que sa croissance éventuelle puisse profiter à des concurrents actuels ou potentiels.

L'importance des écarts entre les parts de marché le concurrent le plus puissant ne détient qu'une part de l'ordre de ( ... ) % et encore sur un seul segment du marché - ne permet pas aux concurrents, nonobstant la puissance financière de certains de ceux-ci, d'adopter une stratégie de marketing de vente comparable à celle développée par TCCC, et ces écarts énormes démontrent le pouvoir d'attraction des marques détenues par TCCC. Les enquêtes menées par le Service permettent en outre de conclure au caractère incontournable des marques détenues par TCCC tant dans le circuit de la consommation immédiate que dans celui de la consommation différée.

TCCC détient au surplus un avantage concurrentiel durable dans la mesure où elle dispose d'un éventail de marques de notoriété (Coca-Cola, Coca-Cola light, Fanta, Sprite, Nestea) qui lui permet déjà de couvrir, à elle seule, la plupart des besoins en boissons rafraîchissantes gazeuses sans alcool, en offrant par ailleurs une gamme largement plus complète que celle de chacun de ses concurrents.

Par ailleurs, dans le circuit de la consommation différée, seule TCCC a réussi à mettre en place des techniques d'accès aux réseaux de distribution et de contrôle de ceux-ci ce qui lui assure une constance dans l'offre de ses produits. Ces techniques assurent l'approvisionnement direct des différents points de vente (« merchandising ») ainsi que la mise en valeur dans l'espace de distribution de ses marques et s'accompagnent d'efforts intensifs de publicité et de promotion, qui encouragent le distributeur à promouvoir les marques TCCC. TCCC est également la seule à disposer des « racks » réservés à la présentation des produits dans les supermarchés, qui lui donnent un meilleur emplacement qu'à ses concurrents; elle installe aussi des armoires réfrigérantes qui contiennent seulement la gamme des produits dont CCEB assure la distribution.

TCCC conteste cette puissance sur le marché en faisant valoir la prétendue indépendance économique de son embouteilleur vis-à-vis d'elle.

Le Conseil a déjà, sur ce point, rappelé la jurisprudence de la Commission et fait référence à une décision d'une autorité de concurrence d'un Etat membre et souligné qu'il résulte de cette absence d'indépendance économique une intégration verticale suffisamment forte que le marché concerné est celui des produits finis.

La puissance de TCCC sur le circuit de la consommation immédiate est également établie par : - la circonstance que sur 53.000 points de vente en Belgique, ( ... ), ce qui assure l'offre des produits de TCCC dans la plupart des points de vente - les marques TCCC sont également recommandées par ( ... ) à sa clientèle - la durée des contrats de brasseries, qui rend difficile toute fragilisation du réseau de distribution à court ou moyen terme - la notoriété de la marque est telle que la distribution dépend de son offre et que le déréférencement constitue un moyen de pression insuffisant pour contrecarrer le risque d'abus de l'offreur TCCC. - TCCC à des liens privilégiés avec ( ... ).

Conclusions Il résulte de ces constatations et de ces considérations que le groupe TCCC dispose, sur le marché belge, d'une position dominante et que l'opération envisagée ne pouvait aboutir qu'à un renforcement de celle-ci (les parts de marché passant de ( ... ) % à ( ... ) %).

Les effets de la convention du 19 avril 1999 Aux termes de la convention du 19 avril 1999, les marques Benelux dont CS est titulaire sont exclues du contrat d'acquisition du 11 décembre 1998.

Cette seule exclusion ne permet cependant pas de conclure que la concentration serait sans effet sur le marché belge.

Il résulte des termes de la convention du 19 avril 1999 que les parties s'engagent à conclure un accord de licence ( ... ) en vertu duquel CS accorderait à TCCC le droit d'utiliser ( ... ) les marques Benelux sur le territoire des Pays-Bas et du Luxembourg, ( ... ).

Ces clauses créent entre les parties une situation de dépendance économique réciproque dès lors que TCCC se voit attribuer la qualité de licencié de CS pour les Pays-Bas et le Luxembourg ( ... ). (...).

L'intention des parties paraît dès lors clairement être d'abandonner à TCCC la maîtrise des marques Benelux de CS, pour l'ensemble du territoire Benelux bien que CS en garderait la propriété, ce que le caractère ( ... ) en soi contestable de l'octroi de la licence d'exploitation ne fait que renforcer.

En prévoyant entre autres l'obligation ( ... ), TCCC acquiert en réalité la possibilité d'exercer le contrôle de l'apposition des marques, ce qui suffit pour constater qu'il y a contrôle par une même entité (cfr. à ce sujet CJCE, 22 juin 1994, Aff. C-9/93, Rec., p I-2836) Par ailleurs, le fait que CS ait accordé à TCCC une licence d'exploitation de ses marques pour les Pays-Bas et le Luxembourg a pour effet que CS ne pourra à aucun moment s'opposer à l'importation dans le territoire belge des produits mis en circulation par TCCC avec son consentement.

Enfin, les rapports économiques que les parties établissent entre elles dans le cadre de l'accord de cession de marques limité à certains territoires, en ce qui concerne l'apposition et l'usage des marques dans les territoires exclus de la convention, feront jouer nécessairement la règle de l'épuisement et dans l'hypothèse où cette règle ne jouerait pas, rien n'indique que CS serait hostile à l'importation sur les territoires qu'elle prétend se réserver, des produits mis en circulation par TCCC dans les autres territoires.

La convention du 19 avril 1999 ne fait dès lors que remplacer la vente de certains actifs par une situation de dépendance économique entre les parties ( ... ).

Celle-ci, en ce qu'elle prévoyait l'acquisition par TCCC des marques Benelux CS, avait manifestement pour effet de renforcer la position dominante de TCCC sur le marché belge, puisque l'entreprise issue de la concentration augmentait son offre de marques de notoriété dans le marché concerné.

La structure de l'offre, la faiblesse de la part de marché acquise, n'enlève rien à cette analyse, compte tenu notamment de l'importance de la part de marché de TCCC avant la concentration, de l'amplitude de l'écart entre cette part de marché et celles de ses concurrents et de la notoriété des marques détenues par CS. Les caractéristiques du marché font que toute augmentation, même minime, de la position de TCCC constitue un risque supplémentaire d'entrave à la libre concurrence.

En outre, la modification du 19 avril 1999, à la lumière du contrat du 11 décembre 1998, enlève à CS sa qualité d'entreprise économiquement indépendante de TCCC, susceptible de pouvoir concurrencer celle-ci sur le marché belge : bien que CS reste titulaire des marques Benelux, les liens économiques qui s'installent entre les parties tels que déjà décrits rend illusoire toute prise de décision de manière indépendante de TCCC relative à la mise en circulation et au marketing de l'ensemble des produits dont elle détient aujourd'hui la marque.

La différence entre l'accord initial et l'accord amendé réside exclusivement dans l'échelonnement des effets de l'opération qui auraient été immédiats en cas de cession des marques. (...).

Par ces motifs, Le Conseil de la concurrence, Constate que l'opération de concentration du 11 décembre 1998 telle que modifiée le 19 avril 1999 est inadmissible et que les conditions définies à l'article 10, § 3, de la loi du 5 août 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/1991 pub. 10/08/2010 numac 2010000448 source service public federal interieur Loi relative à l'importation, à l'exportation, au transit et à la lutte contre le trafic d'armes, de munitions et de matériel devant servir spécialement à un usage militaire ou de maintien de l'ordre et de la technologie y afférente. - Coordination officieuse en langue allemande fermer sur la protection de la concurrence économique ne sont pas rencontrées.

Interdit la réalisation de cette concentration.

Ainsi décidé le 26 avril 1999 par la chambre du Conseil de la concurrence composée par Monsieur Jacques Schaar, Président de la chambre, Messieurs Bernard Dauchot, Eric Balate et Marc Jegers, membres.

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