Etaamb.openjustice.be
Arrêt
publié le 22 mai 2002

Extrait de l'arrêt n° 38/2002 du 20 février 2002 Numéros du rôle : 2041, 2078 et 2157 En cause : les questions préjudicielles concernant les articles 220, 221, 224, 265, §§ 1 er , 2 et 3, 266 et 283 de l'arrêté royal du 18 La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges P. Martens, R.(...)

source
cour d'arbitrage
numac
2002021189
pub.
22/05/2002
prom.
--
moniteur
https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi/article_body(...)
Document Qrcode

COUR D'ARBITRAGE


Extrait de l'arrêt n° 38/2002 du 20 février 2002 Numéros du rôle : 2041, 2078 et 2157 En cause : les questions préjudicielles concernant les articles 220, 221, 224, 265, §§ 1er, 2 et 3, 266 et 283 de l'arrêté royal du 18 juillet 1977 portant coordination des dispositions générales relatives aux douanes et accises, posées par le Tribunal correctionnel d'Anvers et par le Tribunal correctionnel d'Arlon.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges P. Martens, R. Henneuse, E. De Groot, L. Lavrysen et A. Alen, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président A. Arts, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles a. Par jugement du 21 septembre 2000 en cause du ministère public et de la société de droit néerlandais Bezoma BV contre A.Arcellaschi et autres, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 5 octobre 2000, le Tribunal correctionnel d'Anvers a posé les questions préjudicielles suivantes : « 1. L'article 265, §§ 1er et 2, de l'arrêté royal du 18 juillet 1977 portant coordination des dispositions générales relatives aux douanes et accises (L.G.D.A.), établit-il, relativement à la responsabilité pénale, une discrimination par rapport au droit pénal commun et viole-t-il dès lors les articles 10 et 11 de la Constitution en tant que cette disposition établit une responsabilité pénale objective et quasi absolue de certaines personnes pour les faits commis par leurs employés, ouvriers, domestiques ou autres personnes salariées par elles ? 2. Les articles 265, § 3, 266 et 283 de l'arrêté royal du 18 juillet 1977 portant coordination des dispositions générales relatives aux douanes et accises (L.G.D.A.), établissent-ils, relativement à la responsabilité civile, une discrimination par rapport au droit pénal commun et violent-ils dès lors les articles 10 et 11 de la Constitution en tant que ces dispositions postulent que le juge pénal est encore compétent pour statuer sur l'action civile, après l'acquittement au pénal ? 3. Les articles 220, 221 et 224 de la loi générale relative aux douanes et accises (arrêté royal du 18 juillet 1977 portant coordination des dispositions générales relatives aux douanes et accises, confirmé par la loi du 6 juillet 1978) violent-ils le principe constitutionnel d'égalité en tant que ces dispositions sont interprétées en ce sens que la confiscation qui y est visée revêt un caractère réel, plus précisément parce que celle-ci peut être ordonnée sans qu'il faille distinguer entre la situation où les choses appartiennent aux condamnés et la situation où elles appartiennent à des tiers, même si ceux-ci sont étrangers à la fraude, n'ont pas eu connaissance de la fraude ou ont été acquittés de cette prévention, alors que, de manière générale, pour ce qui est de la confiscation spéciale, les choses qui forment l'objet de l'infraction et celles qui ont servi ou qui ont été destinées à la commettre ne peuvent être confisquées que si elles appartiennent au condamné (article 42, 1°, du Code pénal) ? » Cette affaire est inscrite sous le numéro 2041 du rôle de la Cour.b. Par jugement du 6 novembre 2000 en cause du ministère des Finances et du ministère public contre P.Lambrecht et la s.a. General Logistics, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 21 novembre 2000, le Tribunal correctionnel d'Anvers a posé la question préjudicielle visant à savoir : « si l'article 265 de la loi générale relative aux douanes et accises du 18 juillet 1977 et la présomption de responsabilité pénale et civile instaurée par cet article dans le chef d'un préposé ne va pas à l'encontre : 1. du principe général de droit appliqué en matière pénale, en vertu duquel toute personne doit être présumée innocente tant que sa culpabilité n'est pas prouvée;2. de l'article 10 de la Constitution, en vertu duquel chaque Belge est égal devant la loi et en vertu duquel il n'y a dans l'Etat aucune distinction d'ordres et 3.de l'article 11 de la Constitution, en vertu duquel la jouissance des droits et libertés reconnus aux Belges doit être assurée sans discrimination ».

Cette affaire est inscrite sous le numéro 2078 du rôle de la Cour. c. Par jugement du 29 mars 2001 en cause du ministre des Finances et du ministère public contre G.Vergracht, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 5 avril 2001, le Tribunal correctionnel d'Arlon a posé la question préjudicielle suivante : « Les articles 220, 221 et 224 de la loi générale du 18 juillet 1977 sur les Douanes et Accises ne comportent-ils pas des discriminations vis-à-vis du droit pénal général et, par conséquent, violent-ils les articles 10 et 11 de la Constitution dans la mesure où ces dispositions sont lues en manière telle que la confiscation qui est prévue a un caractère réel, et plus spécifiquement parce qu'elle peut être prononcée sans qu'il doive être fait une distinction entre le cas où l'objet est la propriété du condamné et le cas où l'objet est la propriété des tiers, même s'ils sont étrangers à la fraude, même s'ils ignorent celle-ci ou s'ils ont été acquittés, et plus spécifiquement dans la mesure où cette peine de confiscation ne peut être assortie ni du sursis ni de la suspension ? » Cette affaire est inscrite sous le numéro 2157 du rôle de la Cour. [...] IV. En droit [...] La première question préjudicielle dans l'affaire n° 2041 et la question préjudicielle dans l'affaire n° 2078 (article 265 de la L.G.D.A.) B.1. La première question préjudicielle dans l'affaire n° 2041 et la question préjudicielle dans l'affaire n° 2078 concernent la compatibilité de l'article 265 de l'arrêté royal du 18 juillet 1977 portant coordination des dispositions générales relatives aux douanes et accises, confirmé par l'article 1er de la loi du 6 juillet 1978 (ci-après : A L.G.D.A », avec les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qui concerne la responsabilité pénale du commettant. Bien que la question préjudicielle dans l'affaire n° 2078 mentionne également la responsabilité civile du commettant, il ne ressort ni du jugement de renvoi ni des mémoires en quoi cette responsabilité serait discriminatoire.

B.2. L'article 265 de la L.G.D.A. est libellé comme suit : « § 1er. Tous négociants, fabricants, trafiquants, commerçants en détail, bateliers, voituriers et autres personnes qui, relativement à leur commerce ou profession, et les particuliers qui, concernant leurs propres affaires, auraient quelques relations avec l'administration, seront, sous ce rapport, responsables des faits de leurs employés, ouvriers, domestiques ou autres personnes salariées par eux, pour autant que ces faits seraient relatifs à la profession qu'ils exercent. § 2. Dans le cas où les négociants ou autres personnes plus amplement dénommées au § 1er seraient repris pour fraude ou autres infractions à la présente loi ou aux lois spéciales, et qu'ils voulussent avancer, pour leur justification, que ladite fraude ou infraction aurait eu lieu par leurs employés, domestiques et ouvriers, sans qu'ils en eussent connaissance, ces premiers n'encourront pas moins, et sans égard à leur ignorance du fait, l'amende prononcée contre lesdites infractions. § 3. Les personnes physiques ou morales seront civilement et solidairement responsables des amendes et frais résultant des condamnations prononcées en vertu des lois en matière de douanes et accises contre leurs préposés ou leurs administrateurs, gérants ou liquidateurs du chef des infractions qu'ils ont commises en cette qualité. » B.3. L'article 265, §§ 1er et 2, de la L.G.D.A. règle la responsabilité pénale du commettant.

B.4.1. Le Conseil des ministres considère que les catégories de justiciables visées, à savoir, d'une part, les commettants qui, relativement à leur commerce ou profession, ou concernant leurs propres affaires, auraient quelque relation avec l'administration, et, d§autre part, les commettants qui ne sont pas en relation avec l'administration, ne peuvent être comparées.

B.4.2. Contrairement à ce que soutient le Conseil des ministres, les juges a quo comparent la responsabilité pénale d'un commettant, qu'il s'agisse d'un commerçant ou d'un particulier, dans le droit pénal commun, d§une part, et dans le cadre de la législation relative aux douanes et accises, d'autre part.

Les catégories de personnes mentionnées dans les questions préjudicielles sont suffisamment comparables en ce qui concerne la question du fondement de la responsabilité pénale en matière de douanes et accises par rapport au droit pénal commun.

L'exception soulevée par le Conseil des ministres ne peut être admise.

B.5. La responsabilité établie dans l'article 265, § 1er, est, comme le constate la Cour de cassation, de nature pénale et elle est générale en ce sens qu'elle s'étend aux faits de tous ceux, salariés ou non, qui assistent ou suppléent dans son activité ou entreprise la personne désignée dans cet article, dénommée ci-après « le commettant », pour autant que ces infractions soient relatives à la profession du commettant.

Selon la même jurisprudence, cette responsabilité s'étend à toutes les sortes de peines, en ce compris l'emprisonnement. Elle est toutefois limitée au paiement de l'amende si le commettant peut prouver que l'infraction a eu lieu à son insu (article 265, § 2).

B.6. En adoptant les dispositions précitées, le législateur voulait garantir que le commettant ne puisse se prévaloir de son innocence en alléguant qu'il est demeuré étranger à l'infraction commise par son personnel. Le législateur entendait à cet effet rendre responsable le commettant qui, à son estime, serait le premier à profiter de la fraude qu'il dirait avoir ignorée.

B.7.1. Les droits et libertés reconnus aux Belges doivent, en vertu de l'article 11 de la Constitution, être assurés sans discrimination. Ces droits et libertés contiennent les garanties résultant des principes généraux du droit pénal.

B.7.2. En rendant le commettant pénalement responsable des actes de ses préposés, le législateur présume non seulement qu'il a bénéficié de la fraude, mais aussi qu'il y a collaboré.

B.7.3. D'une part, les dispositions générales du chapitre VII du Code pénal traitant « De la participation de plusieurs personnes au même crime ou délit » permettent aux autorités de poursuite d'établir que le commettant est, éventuellement, coauteur ou complice du délit douanier. Sans doute le législateur, ainsi qu'il ressort des motifs des arrêts nos 40/2000 et 43/2001, peut-il établir, sans violer le principe d'égalité, un système spécifique de recherche, de constatation et de poursuite, dérogatoire au droit commun, en vue de combattre l'ampleur et la fréquence des fraudes en matière de douanes et accises. Il peut également déterminer les éléments constitutifs propres aux infractions à ces règles, leur répression étant souvent rendue difficile par le nombre de personnes qui interviennent dans le commerce et le transport des marchandises sur lesquelles les droits sont dus. Mais par son caractère général et irréfragable, la présomption établie par la disposition en cause atteint cet objectif en portant une atteinte grave au principe fondamental de la personnalité des peines.

B.7.4. D'autre part, en ce qui concerne le souci du législateur de faciliter le paiement effectif des amendes et d'inciter le commettant à interdire à ses préposés de commettre des infractions douanières, il y a lieu de relever que l'article 265, § 3, de la L.G.D.A. rend le commettant civilement responsable des amendes et frais auxquels ses préposés sont condamnés. Cette disposition est de nature à persuader le commettant de ne s'entourer que de collaborateurs de confiance et d'exercer sur eux une surveillance efficace.

B.7.5. Il s'ensuit que la présomption critiquée, qui va à l'encontre du principe de la personnalité des peines, porte, malgré l'atténuation contenue au paragraphe 2 de la disposition en cause, une atteinte disproportionnée aux principes qui doivent régir la charge de la preuve en matière pénale.

B.8. La première question préjudicielle dans l'affaire n° 2041 et la question préjudicielle dans l'affaire n° 2078, en ce qui concerne la responsabilité pénale du commettant, appellent une réponse affirmative.

La deuxième question préjudicielle dans l'affaire n° 2041 (articles 265, § 3, 266 et 283 de la L.G.D.A.) B.9. La deuxième question préjudicielle dans l'affaire n° 2041 concerne la compatibilité des articles 265, § 3, 266 et 283 de la L.G.D.A. avec les articles 10 et 11 de la Constitution, « en tant que ces dispositions postulent que le juge pénal est encore compétent pour statuer sur l'action civile, après l'acquittement au pénal ».

B.10. L'article 266 de la L.G.D.A. est libellé comme suit : § 1er. Sauf disposition contraire dans les lois particulières et sans préjudice aux amendes et confiscations au profit du trésor, les délinquants et leurs complices et les personnes responsables de l'infraction sont tenus solidairement au paiement des droits et taxes dont le trésor a été ou aurait été frustré par la fraude ainsi que des intérêts de retard éventuellement dus. § 2. Les sommes récupérées dans une affaire sont imputées par priorité sur les intérêts de retard et sur les droits et taxes ».

L'article 283 de la L.G.D.A. est libellé comme suit : « Lorsque les contraventions, fraudes, délits ou crimes dont il s'agit dans les articles 281 et 282 donnent lieu au paiement de droits ou accises, et par conséquent à une action civile, indépendamment de la poursuite d'une peine, le juge compétent soit criminel soit correctionnel, connaîtra de l'affaire sous ce double rapport et jugera l'une et l'autre cause ».

B.11. Le Conseil des ministres fait valoir que la question préjudicielle manque en fait, en ce qui concerne les articles 265, § 3, et 266 de la L.G.D.A., étant donné que les règles contenues dans ces dispositions peuvent être appliquées seulement en cas de condamnation pénale du prévenu.

B.12. Les articles 265, § 3, et 266 de la L.G.D.A. sont étrangers à la règle, applicable en matière de douanes et accises, selon laquelle le juge saisi de l'action pénale statue, même en cas d'acquittement, sur l'action civile en paiement des droits et accises éludés. En conséquence, la Cour écarte ces dispositions de son examen.

B.13. Il est demandé à la Cour si l'article 283 de la L.G.D.A. viole les articles 10 et 11 de la Constitution, en tant que cet article postule que le juge pénal demeure compétent pour statuer sur l'action civile après un acquittement au pénal, alors que dans d'autres matières que celle des douanes et accises, le juge pénal n'est plus compétent pour statuer sur l'action civile en cas d'acquittement du prévenu.

B.14. Le Conseil des ministres estime que les différentes catégories d'actions, à savoir, d'une part, l'action de l'Administration en recouvrement de la taxe et, d'autre part, l'action civile de droit commun de la victime d'une infraction, ne peuvent être comparées.

B.15. Bien que l'action de l'Administration en matière de douanes et accises soit commandée par l'intérêt général et que l'action de la victime d'une infraction de droit pénal commun soit dictée par un intérêt personnel, et même si les infractions à la législation en matière de douanes et accises diffèrent des autres infractions, les catégories de personnes contre lesquelles sont dirigés les deux types d'actions civiles mentionnées dans la question préjudicielle sont suffisamment comparables : dans l'un et l'autre cas, il s'agit de personnes contre lesquelles une action civile peut être exercée.

L'exception soulevée par le Conseil des ministres ne peut être admise.

B.16. Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, l'action civile en paiement des droits et accises visée à l'article 283 de la L.G.D.A. ne découle pas de l'infraction mais trouve directement son fondement dans la loi qui impose le paiement des droits et accises, de sorte que l'action pénale et l'action civile sont indépendantes l'une de l'autre.

Pour cette raison, selon la même jurisprudence, la juridiction répressive qui acquitte le prévenu doit néanmoins statuer sur l'action civile en paiement des droits et accises portée devant elle en même temps que l'action publique.

B.17. En adoptant les dispositions de la loi générale sur les douanes et accises, le législateur entendait établir un système spécifique de recherche et de poursuites pénales, en raison de l'ampleur et de la fréquence des fraudes en cette matière, particulièrement technique, relative à des activités souvent transfrontalières et régie en grande partie par une abondante réglementation européenne. Le fait que dans cette matière spécifique le législateur ait dérogé au droit pénal commun n'est pas discriminatoire en soi.

B.18. Il convient toutefois de vérifier si la disposition en cause ne crée pas une différence de traitement injustifiée entre, d'une part, les personnes qui sont poursuivies pour des infractions à la L.G.D.A. et, d'autre part, les personnes qui sont poursuivies pour des infractions à d'autres dispositions répressives.

B.19. La différence de traitement entre les prévenus dans une affaire de douanes et accises et les prévenus dans une affaire de droit pénal commun se fonde sur un critère de distinction objectif, en rapport avec la nature des infractions définies par la loi.

B.20. A la lumière de la jurisprudence de la Cour de cassation rappelée en B.16 et des objectifs mentionnés en B.17, la disposition en cause n'est pas dénuée de justification raisonnable. Par ailleurs, en cas d'application de l'article 283 de la L.G.D.A., le justiciable jouit des mêmes garanties et droits que le justiciable contre lequel une action en paiement des droits et accises est portée devant le juge civil (article 280 de la L.G.D.A.).

B.21. La deuxième question préjudicielle dans l'affaire n° 2041 appelle une réponse négative.

La troisième question préjudicielle dans l'affaire n° 2041 et la question préjudicielle dans l'affaire n° 2157 (articles 220, 221 et 224 de la L.G.D.A.) B.22. La troisième question préjudicielle dans l'affaire n° 2041 et la question préjudicielle dans l'affaire n° 2157 concernent la compatibilité des articles 220, 221 et 224 de la L.G.D.A. avec les articles 10 et 11 de la Constitution, d'une part, en ce que la confiscation qu'ils prévoient a un caractère réel, parce qu'elle peut être ordonnée sans qu'il faille distinguer si les biens à confisquer sont la propriété des personnes condamnées ou s'ils sont la propriété de tiers, même si ceux-ci sont étrangers à la fraude, n'ont pas eu connaissance de celle-ci ou en ont été acquittés, et, d'autre part, en ce que cette peine de la confiscation ne peut être assortie d'un sursis ou d'une suspension du prononcé.

B.23. L'article 220 de la L.G.D.A. est libellé comme suit : « § 1er. Tout capitaine de navire, tout batelier ou patron d'une embarcation quelconque, tout voiturier, conducteur, porteur et tous autres individus, qui, à l'entrée ou à la sortie, tenteraient d'éviter de faire, soit au premier, soit à tout autre bureau où cela devrait avoir lieu, les déclarations requises, et chercheraient ainsi à frauder les droits du trésor, tout individu chez lequel on aura trouvé un dépôt prohibé par les lois en vigueur, seront punis d'un emprisonnement de quatre mois au moins et d'un an au plus. § 2. En cas de récidive, l'emprisonnement sera de huit mois au moins et de deux ans au plus; et pour toute récidive ultérieure, de deux ans au moins et de cinq ans au plus ».

L'article 221 de la L.G.D.A. est libellé comme suit : « § 1er. Dans les cas prévus par l'article 220, les marchandises seront saisies et confisquées, et les contrevenants encourront une amende égale au décuple des droits fraudés, calculée d'après les droits les plus élevés de douanes ou d'accises. § 2. Pour les marchandises prohibées, l'amende sera égale à deux fois leur valeur. § 3. L'amende sera double en cas de récidive ».

L'article 224 de la L.G.D.A. est libellé comme suit : « Les dispositions des articles 220, 221 et 222 s'appliquent à la circulation des marchandises transportées sans document valable dans le rayon, et, en outre, à celle de toutes marchandises à l'égard desquelles on pourra établir d'une manière quelconque qu'elles ont été soustraites à la déclaration prescrite relativement à l'importation, l'exportation, le transit ou le transport, sauf cependant que, pour ce qui concerne les marchandises d'accises, les amendes et peines statuées par les lois spéciales seront seules applicables dans ceux des cas prévus par ces lois qui ne se rapporteront pas à l'importation ou à l'exportation frauduleuse. » B.24. Le Conseil des ministres soutient que les questions préjudicielles manquent en fait et en droit en ce qui concerne l'article 220 de la L.G.D.A., étant donné que cet article ne contient aucune disposition relative à la confiscation de biens.

B.25. Contrairement à ce que prétend le Conseil des ministres, l'article 221, § 1er, de la L.G.D.A. prévoit la confiscation A dans les cas prévus par l'article 220 ». L'article 224 de la L.G.D.A., sur lequel la Cour est également interrogée, ne renvoie pas seulement aux articles 220 et 221 précités, mais également à l'article 222, qui traite aussi de la confiscation.

B.26. Pour les motifs mentionnés en B.17, le fait qu'en matière de douanes et d'accises, le législateur ait dérogé au droit pénal commun n'est pas discriminatoire en soi. Il convient cependant d'examiner si ces dérogations n'apportent pas des limites excessives aux droits des personnes auxquelles elles s'appliquent.

En ce que la loi n'exige pas que les biens confisqués soient la propriété du condamné B.27.1. L'article 42 du Code pénal dispose : « La confiscation spéciale s'applique : 1° aux choses formant l'objet de l'infraction et à celles qui ont servi ou qui ont été destinées à la commettre, quand la propriété en appartient au condamné;2° aux choses qui ont été produites par l'infraction;3° aux avantages patrimoniaux tirés directement de l'infraction, aux biens et valeurs qui leur ont été substitués et aux revenus de ces avantages investis ». Contrairement à l'article 42, 1°, du Code pénal, les dispositions en cause ne prescrivent pas que les biens confisqués doivent appartenir au condamné.

B.27.2. La différence de traitement entre des personnes impliquées dans une affaire de douanes et accises et des personnes impliquées dans une affaire de droit pénal commun se fonde sur un critère de distinction objectif, en rapport avec la nature des infractions définies par la loi.

En imposant la confiscation de biens, même lorsque ceux-ci ne sont pas la propriété du condamné, le législateur prend une mesure pertinente en regard de l'objectif répressif poursuivi et du souci de protéger les droits du Trésor.

B.27.3. La Cour doit encore vérifier si cette mesure ne lèse pas de manière disproportionnée, dans leur droit de propriété, les personnes étrangères à la fraude.

En ce que l'article 221 de la L.G.D.A. impose la confiscation sans que le propriétaire puisse établir qu'il est étranger à l'infraction, l'atteinte au droit de propriété est manifestement disproportionnée à l'objectif d'intérêt général poursuivi.

B.27.4. La troisième question préjudicielle dans l'affaire n° 2041 et la question préjudicielle dans l'affaire n° 2157 appellent une réponse affirmative.

En ce qui concerne l'impossibilité d'obtenir le sursis ou la suspension B.28.1. La confiscation spéciale constitue généralement, dans le droit pénal commun, une peine accessoire qui peut être assortie d'un sursis ou d'une suspension du prononcé. Selon la jurisprudence, le caractère réel de la confiscation opérée dans le cadre de la L.G.D.A. a pour effet que cette confiscation ne peut être prononcée avec sursis ou faire l'objet d'une suspension du prononcé.

B.28.2. La différence de traitement entre des personnes impliquées dans une affaire de douanes et accises et des personnes impliquées dans une affaire de droit pénal commun se fonde sur un critère de distinction objectif, à savoir le caractère de la confiscation.

En imposant la confiscation de biens que l'intéressé a sous sa responsabilité, sans possibilité de suspension ni de sursis, le législateur prend une mesure pertinente en regard de l'objectif mentionné en B.17.

B.28.3. La Cour doit encore vérifier si cette mesure ne lèse pas de manière disproportionnée les droits des personnes concernées.

Compte tenu de l'objectif de la L.G.D.A. consistant à combattre la fraude (B.17) et compte tenu en particulier du fait que la confiscation ne peut être infligée aux tiers concernés que lorsqu'ils ne peuvent démontrer qu'ils sont étrangers à l'infraction, il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre l'intérêt général que poursuit la mesure et les droits des intéressés.

B.28.4. En ce qui concerne l'impossibilité de sursis ou de suspension, la question préjudicielle dans l'affaire n° 2157 appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : 1) L'article 265, §§ 1er et 2, de l'arrêté royal du 18 juillet 1977 portant coordination des dispositions générales relatives aux douanes et accises, confirmé par l'article 1er de la loi du 6 juillet 1978, viole les articles 10 et 11 de la Constitution.2) L'article 283 du même arrêté royal ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.3) L'article 221 du même arrêté royal : - viole les articles 10 et 11 de la Constitution en tant qu'il ne permet pas au propriétaire d'un bien confisqué de démontrer qu'il est étranger à l'infraction et d'obtenir la restitution de ce bien; - ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution en tant que la confiscation ne peut être assortie d'un sursis ou d'une suspension du prononcé.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 20 février 2002.

Le greffier, Le président, P.-Y. Dutilleux A. Arts

^