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Arrêt
publié le 24 février 2003

Extrait de l'arrêt n° 154/2002 du 6 novembre 2002 Numéros du rôle : 2189, 2190, 2191, 2194 et 2225 En cause : les questions préjudicielles concernant l'article 54bis de l'arrêté royal n° 78 du 10 novembre 1967 relatif à l'exercice de l'ar La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges L. François, (...)

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COUR D'ARBITRAGE


Extrait de l'arrêt n° 154/2002 du 6 novembre 2002 Numéros du rôle : 2189, 2190, 2191, 2194 et 2225 En cause : les questions préjudicielles concernant l'article 54bis de l'arrêté royal n° 78 du 10 novembre 1967 relatif à l'exercice de l'art de guérir, de l'art infirmier, des professions paramédicales et aux commissions médicales (actuellement : arrêté royal n° 78 relatif à l'exercice des professions des soins de santé), posées par le Conseil d'Etat.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges L. François, P. Martens, R. Henneuse, M. Bossuyt, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe et E. Derycke, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles a. Par quatre arrêts nos 95.626, 95.624, 95.625 et 97.472 des 18 mai et 4 juillet 2001 en cause de P. Malfatti, A.-M. Vanesse, J. Lenoir et D. Rucquoy contre l'Etat belge, dont les expéditions sont parvenues au greffe de la Cour d'arbitrage les 31 mai, 6 juin et 17 juillet 2001, le Conseil d'Etat a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 54bis de l'arrêté royal n° 78 du 10 novembre 1967 relatif à l'exercice de l'art de guérir, de l'art infirmier, des professions paramédicales et aux commissions médicales, tel qu'inséré par la loi du 20 décembre 1974 et tel que modifié par les lois des 26 décembre 1985 et 22 février 1994, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution pris isolément et/ou conjointement avec les articles 12 et 23, alinéa 3, 1°, de la Constitution et l'article 6 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, en ce qu'il exige des personnes qui ne satisfont pas aux conditions de qualification prévues à l'article 21quater de disposer, pour continuer leur activité dans les mêmes conditions que les praticiens de l'art infirmier, d'une expérience utile de 3 années à la date du 1er septembre 1990 sans prendre en considération l'expérience utile acquise jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi du 22 février 1994, voire jusqu'à la date ultime où elles doivent se faire connaître auprès de la commission médicale compétente (le 1er avril 1996), voire même jusqu'à la date à laquelle la commission médicale compétente examine leur déclaration, alors même que le législateur, dans la loi du 22 février 1994, a habilité le Roi, sans limitation dans le temps, à déterminer les délais et les modalités par lesquels les personnes se font connaître auprès de la commission médicale et n'a pas limité le délai dans lequel ladite commission médicale devait statuer sur les déclarations introduites ? » Ces affaires sont inscrites respectivement sous les numéros 2189, 2190, 2194 et 2225 du rôle de la Cour. b. Par arrêt n° 95.627 du 18 mai 2001 en cause de P. Kieken contre l'Etat belge, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 31 mai 2001, le Conseil d'Etat a posé la question préjudicielle suivante : « Interprété en ce sens qu'il exige pour pouvoir continuer les mêmes activités dans les mêmes conditions que les praticiens de l'art infirmier effectuant ces prestations, à la date du 1er septembre 1990, une période d'occupation à temps plein dans un établissement de soins, l'article 54bis de l'arrêté royal n° 78 du 10 novembre 1967 relatif à l'exercice de l'art de guérir, de l'art infirmier, des professions paramédicales et aux commissions médicales n'est-il pas contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il détermine une discrimination injustifiée entre, d'une part, les personnes qui peuvent démontrer, à la date du 1er septembre 1990, une occupation de trois ans à temps plein, même si, depuis cette date, elles ont cessé de travailler, et, d'autre part, celles qui ne peuvent établir, à la même date, qu'une occupation de trois ans à mi-temps, mais débutant avant la date du 1er septembre 1990 ? » Cette affaire est inscrite sous le numéro 2191 du rôle de la Cour. (...) IV. En droit (...) Les dispositions en cause B.1.1. La loi du 20 décembre 1974 relative à l'exercice de l'art de soigner a inséré un article 21bis dans l'arrêté royal n° 78 du 10 novembre 1967 relatif à l'exercice de l'art de guérir, de l'art infirmier, des professions paramédicales et aux commissions médicales; cette disposition énonce : « § 1er. Nul ne peut exercer l'art infirmier tel qu'il est défini à l'article 21ter s'il n'est porteur du diplôme ou du titre d'infirmier gradué ou d'infirmière graduée, du brevet ou du titre d'infirmier ou d'infirmière, du brevet ou du titre d'hospitalier ou d'hospitalière et s'il ne réunit pas, en outre, les conditions fixées par l'article 21quater . § 2. Pour l'exercice de l'art infirmier, est assimilée à l'infirmier gradué ou à l'infirmière graduée, la personne titulaire du diplôme d'accoucheuse. » B.1.2. Ces exigences d'aptitude figurent, jusqu'à la date d'entrée en vigueur de la loi du 10 août 2001Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/08/2001 pub. 01/09/2001 numac 2001022579 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi portant des mesures en matière de soins de santé fermer, sous une forme légèrement modifiée, à l'article 21quater de l'arrêté royal précité, qui énonce : « Art. 21quater . § 1er. Nul ne peut exercer l'art infirmier tel qu'il est défini à l'article 21quinquies s'il n'est porteur du diplôme ou du titre d'infirmier gradué ou d'infirmière graduée, du brevet ou du titre d'infirmier ou d'infirmière, du brevet ou du titre d'hospitalier ou d'hospitalière et s'il ne réunit pas, en outre, les conditions fixées par l'article 21sexies . [...] » B.1.3. Parallèlement à l'article 21quater , l'article 21quinquies a été inséré dans l'arrêté royal n° 78, lequel énonçait jusqu'à la date d'entrée en vigueur de la loi du 10 août 2001Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/08/2001 pub. 01/09/2001 numac 2001022579 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi portant des mesures en matière de soins de santé fermer : « § 1er. On entend par art infirmier l'accomplissement par les personnes visées à l'article 21quater des activités suivantes : a) d'une part, l'observation et la constatation des symptômes et réactions, tant physiques que psychiques, du patient, afin de rencontrer ses différents besoins et de collaborer à l'établissement du diagnostic par le médecin ou à l'exécution du traitement médical en vue des soins que requiert son état;d'autre part, la prise en charge d'une personne, saine ou malade, pour l'aider, par une assistance continue, à l'accomplissement des actes contribuant au maintien, à l'amélioration ou au rétablissement de la santé, ou pour l'assister dans son agonie; tous ces actes étant accomplis en vue d'assurer une dispensation globale des soins infirmiers; b) l'accomplissement de prestations techniques de soins infirmiers liées à l'établissement du diagnostic par le médecin ou à l'application du traitement prescrit par le médecin ou à des mesures relevant de la médecine préventive;c) l'accomplissement d'actes pouvant être confiés par un médecin, conformément à l'article 5, § 1er, aliénas 2 et 3. § 2. Le Roi peut, conformément aux dispositions de l'article 46bis , établir la liste des prestations visées au § 1er, b , du présent article et fixer les modalités de leur exécution et les qualifications requises. » B.1.4. Afin de tenir compte de la situation des personnes qui, avant la nouvelle réglementation, exerçaient l'art infirmier sans être titulaires du diplôme requis, il a été inséré, dans l'arrêté royal n° 78, une disposition transitoire qui énonçait alors : « Art. 54bis . § 1er. Les personnes qui ne satisfont pas aux conditions de qualification prévues à l'article 21bis mais qui, à la date du 1er janvier 1975, ont été occupées pendant au moins trois ans dans un établissement de soins ou un cabinet médical ou dentaire peuvent continuer les mêmes activités dans les mêmes conditions que les praticiens de l'art infirmier effectuant ces prestations. § 2. Sous peine de perdre le bénéfice de la disposition du § 1er du présent article, elles sont tenues de se faire connaître à la commission médicale compétente dans les délais fixés par le Roi; à cette occasion, elles font connaître les activités pour lesquelles elles invoquent le bénéfice des droits acquis. » La loi du 26 décembre 1985 a remplacé la date du 1er janvier 1975 par celle du 1er janvier 1986. La loi du 22 février 1994 a finalement reporté cette date au 1er septembre 1990.

Quant à la première question préjudicielle B.2.1. La première question préjudicielle invite la Cour à examiner si l'article 54bis de l'arrêté royal n° 78, tel qu'il a été modifié par la loi du 22 février 1994, établit une discrimination en ce qu'il tient uniquement compte de l'expérience professionnelle des personnes intéressées, antérieure au 1er septembre 1990, « sans prendre en considération l'expérience utile acquise jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi du 22 février 1994, voire jusqu'à la date ultime où elles doivent se faire connaître auprès de la Commission médicale compétente (le 1er avril 1996), voire même jusqu'à la date à laquelle la Commission médicale compétente examine leur déclaration . » B.2.2. L'objectif général de la loi du 20 décembre 1974 était de doter le personnel infirmier d'un statut légal et de veiller à la qualité des soins infirmiers. Pour atteindre cet objectif, l'exercice de l'art infirmier a été réservé aux personnes qui disposent des diplômes ou titres requis par la loi. Aux yeux du législateur, il convenait de garantir que les personnes qui effectueraient des prestations relevant de l'art infirmier soient compétentes pour ce faire et aient, dès lors, reçu une formation suffisante.

B.2.3. Afin de déterminer les activités qui relèvent de l'« art infirmier » et qui sont donc réservées à certaines personnes, le législateur a procédé de deux manières : d'une part, l'article 21ter , § 1er, de l'arrêté royal n° 78 définit de façon générale l'art infirmier; d'autre part, l'article 21ter , § 2, habilite le Roi à établir la liste des prestations techniques de soins infirmiers visées au paragraphe 1er, b) , de cet article et à fixer les modalités de leur exécution et les qualifications requises.

L'arrêté royal du 13 mars 1985 qui avait arrêté la liste de ces prestations ayant été annulé par le Conseil d'Etat, un nouvel arrêté a été pris le 18 juin 1990.

B.3.1. Initialement, l'article 54bis de l'arrêté royal n° 78, tel qu'il a été inséré par la loi du 20 décembre 1974, prévoyait un régime transitoire autorisant les personnes qui ne satisfaisaient pas aux conditions d'aptitude mais qui, au 1er janvier 1975, avaient travaillé au moins trois ans dans un établissement de soins ou dans un cabinet médical ou dentaire, à continuer d'exercer les mêmes activités.

La loi prévoyait aussi que le Roi devait fixer un délai dans lequel les intéressés devaient se faire connaître auprès des commissions médicales compétentes.

B.3.2. Après avoir constaté l'absence d'arrêté royal établissant la liste des prestations prévues par l'article 21ter , § 1er, b) , de l'arrêté royal n° 78, le législateur a modifié à deux reprises le régime transitoire : une première fois la loi du 26 décembre 1985 a prévu que serait prise en compte l'expérience utile de trois ans acquise au 1er janvier 1986; une seconde fois, la loi du 22 février 1994 a permis de prendre en compte l'expérience utile acquise au 1er septembre 1990. Les deux fois, le législateur a pris pour point de départ la date d'entrée en vigueur de l'arrêté royal prévu par l'article 21ter , § 2.

Dans l'intervalle, l'arrêté royal du 8 septembre 1993 a réglé la procédure à suivre pour faire connaître à la commission médicale compétente les activités pour lesquelles est invoquée l'application de l'article 54bis .

B.3.3. Tout régime transitoire est limité dans le temps et établit une distinction entre les personnes qui peuvent bénéficier de ce régime et les autres. Le législateur méconnaîtrait l'objectif qu'il s'est lui-même fixé, consistant à réserver l'exercice de l'art infirmier aux personnes qui sont titulaires des diplômes et titres requis, s'il ne prévoyait pas de date finale pour le régime transitoire prévu à l'article 54bis de l'arrêté royal n° 78.

En liant la fin du régime transitoire à l'entrée en vigueur de l'arrêté royal du 18 juin 1990, le législateur recourt à un critère de distinction objectif. En effet, cet arrêté fixe, en exécution de l'article 21ter , § 2, de l'arrêté royal n° 78, la liste des prestations techniques de l'art infirmier et la liste des actes pouvant être confiés par un médecin à des praticiens de l'art infirmier.

Il établit une distinction entre les personnes habilitées à exercer l'art infirmier : les actes pouvant être confiés par un médecin ne peuvent être accomplis que par les personnes porteuses des diplômes et brevets énumérés aux a) et b) de l'annexe III de cet arrêté (article 6). Les prestations techniques peuvent être exécutées par les mêmes personnes et, en outre, par celles qui sont porteuses des brevets et certificats énumérés au c) ainsi que par celles qui peuvent se prévaloir des dispositions de l'article 54bis précité (littera d).

B.3.4. C'est en règle au législateur qu'il appartient d'apprécier si un changement législatif doit s'accompagner de mesures transitoires afin de tenir compte des attentes légitimes des personnes concernées et c'est à lui qu'il revient de déterminer à quelles conditions et dans quels délais il pourra être dérogé aux dispositions nouvelles au bénéfice de ces personnes.

B.3.5. Il ne relève pas de la compétence de la Cour d'apprécier si le Roi a excédé Ses pouvoirs en tardant à exécuter les dispositions que le législateur a introduites, en 1974 et en 1985, dans l'arrêté royal n° 78.Il ne lui incombe pas davantage d'apprécier si des commissions médicales ont statué dans un délai raisonnable en ne statuant seulement qu'en 2000 et 2001 sur les demandes introduites par les intéressés en 1995. Il lui appartient seulement de dire si, en fixant au 1er septembre 1990, par une loi du 22 février 1994, la date à laquelle les personnes intéressées doivent avoir exercé l'art infirmier pendant trois ans, le législateur a porté une atteinte disproportionnée aux attentes légitimes de cette catégorie de personnes.

B.3.6. L'exigence d'un diplôme, d'un brevet ou d'un titre figurait à l'article 21bis , introduit dans l'arrêté royal n° 78 par la loi du 20 décembre 1974, l'art infirmier était défini à l'article 21ter , § 1er, et la dérogation permise au bénéfice des personnes justifiant d'une occupation de trois ans était formulée à l'article 54bis . Toutefois, ces dispositions sont restées sans effet tant que n'était pas arrêtée la liste des prestations techniques et des actes confiés à des praticiens de l'art infirmier - ce qui fut fait par l'arrêté royal du 18 juin 1990 - et tant que n'était pas organisée la procédure permettant de saisir les commissions médicales - ce qui fut fait par l'arrêté royal du 8 septembre 1993.

B.3.7. Il peut se concevoir que le législateur refuse de prendre en considération les personnes qui n'avaient pas le diplôme, le brevet ou le titre requis et qui auraient été engagées postérieurement à l'entrée en vigueur de l'arrêté royal du 18 juin 1990 puisque celui-ci établissait la liste des actes et prestations relevant de l'art infirmier et énumérait les diplômes, brevets et certificats requis pour les accomplir.

Mais en exigeant que l'occupation remonte à trois ans à partir du 1er septembre 1990, c'est-à-dire à une période où, ainsi que l'admet le Conseil des ministres, il n'était pas possible de connaître le contenu exact de l'art infirmier et où aucune procédure n'était offerte aux intéressés pour qu'ils puissent s'assurer qu'ils satisfaisaient à la condition exigée par l'article 54bis , le législateur a pris une mesure qui est de nature à tromper les attentes légitimes des personnes intéressées. C'est seulement quand elles ont connu le contenu de l'arrêté royal du 18 juin 1990 et de ses annexes que ces personnes ont pu décider, soit d'abandonner une profession dont l'exercice leur était désormais interdit, soit d'entreprendre des études pour obtenir les diplômes, titres ou brevets, énumérés dans les annexes de cet arrêté, qui leur permettraient d'en poursuivre l'exercice.

Par son caractère rétroactif, la mesure n'est pas proportionnée à l'objectif poursuivi, quelle que soit l'interprétation qu'il faut lui donner.

B.3.8. Ou bien il suffit, conformément à la lecture que font les requérantes devant le Conseil d'Etat, d'avoir été occupé trois ans avant le 1er septembre 1990 et, dans ce cas, la mesure peut profiter même aux personnes qui n'auraient plus exercé l'art infirmier entre 1990 et 1994, ce qui serait incohérent dans une profession où les techniques et les méthodes de soins évoluent sans cesse.

Ou bien il faudrait, conformément à l'interprétation du Conseil des ministres, à la fois justifier d'une occupation de trois ans avant le 1er septembre 1990 et pratiquer encore les activités sur lesquelles porte la demande au moment où celle-ci est introduite, ce qui revient à exiger une occupation supérieure à trois ans alors que cette durée a été choisie parce qu'elle coïncide avec celle des études permettant d'obtenir l'un des diplômes ou brevets requis.

B.4. Il s'ensuit que, dans les limites indiquées au B.3.5, la première question préjudicielle appelle une réponse affirmative.

Quant à la seconde question préjudicielle B.5.1. La différence de traitement décrite dans la deuxième question préjudicielle résulte de l'interprétation donnée à l'article 54bis de l'arrêté royal n° 78 selon laquelle cet article exigerait des personnes qui veulent exercer l'art infirmier sans avoir les diplômes et titres requis, qu'elles justifient d'une période d'occupation à temps plein dans un établissement de soins antérieurement au 1er septembre 1990. Cette disposition aurait des effets discriminatoires en ce qu'elle accorderait le bénéfice de l'article 54bis aux personnes qui peuvent démontrer, à la date du 1er septembre 1990, une occupation de trois ans à temps plein, même si, depuis cette date, elles ont cessé de travailler alors qu'elle le refuserait à celles qui ne peuvent établir, à la même date, qu'une occupation de trois ans à mi-temps, mais débutant avant le 1er septembre 1990.

B.5.2. Les diplômes ou brevets exigés pour exercer l'art infirmier s'obtiennent au terme d'une formation de trois ans à temps plein. Il est donc conforme à l'objectif du législateur de n'assimiler aux détenteurs de ces diplômes et brevets, à titre transitoire, que ceux qui justifient d'un exercice effectif de l'art infirmier pendant une durée de trois ans à temps plein.

B.5.3. La question préjudicielle invite cependant la Cour à examiner la disposition en cause, non pas en comparant les personnes qui ont exercé l'art infirmier pendant trois ans à temps plein à celles qui l'ont fait à temps partiel, mais en faisant une autre comparaison fondée sur la lecture littérale de cette disposition mentionnée en B.3.8.

B.5.4. Selon cette lecture, la personne qui justifierait d'une occupation de trois ans à temps plein avant le 1er septembre 1990 bénéficierait de la disposition transitoire de l'article 54bis alors même qu'elle aurait cessé toute activité après le 1er septembre 1990 pour autant qu'elle ait introduit sa demande entre le 1er avril 1994 et le 1er avril 1996 (articles 1er et 9 de l'arrêté royal du 8 septembre 1993 modifié par l'article 1er de l'arrêté royal du 9 janvier 1995). Dans ce cas, la disposition établirait une différence de traitement dont on n'aperçoit pas la justification : ceux qui, depuis plusieurs années, ont abandonné toute pratique de l'art infirmier pourraient bénéficier de la disposition transitoire alors que ceux qui ont continué de l'exercer, mais à temps partiel, ne pourraient l'invoquer. Cette conséquence serait d'autant plus incohérente que l'article 54bis a été interprété par l'autorité chargée de l'appliquer comme permettant de valoriser une occupation discontinue et à temps partiel, pour autant que l'addition de toutes les périodes d'occupation antérieures au 1er septembre 1990 aboutisse à trois ans « équivalent temps plein au 1er septembre 1990. » B.5.5. Il existe toutefois une autre lecture de l'article 54bis , qui est suggérée par le Conseil des ministres : les personnes qu'il concerne étant autorisées à « continuer les mêmes activités dans les mêmes conditions que les praticiens de l'art infirmier effectuant ces prestations », l'application de l'article 54bis serait subordonnée à la condition qu'elles exercent encore, au moment de leur demande, les activités pour lesquelles elles en revendiquent le bénéfice.

Dans cette interprétation, et sous réserve de l'inconstitutionnalité constatée en B.3, la question appelle une réponse négative pour le motif énoncé en B.5.2.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : 1. L'article 54bis de l'arrêté royal n° 78 du 10 novembre 1967 relatif à l'exercice de l'art de guérir, de l'art infirmier, des professions paramédicales et aux commissions médicales (actuellement : arrêté royal n° 78 relatif à l'exercice des professions des soins de santé), inséré par la loi du 20 décembre 1974 et modifié par les lois des 26 décembre 1985 et 22 février 1994, viole les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu'il exige des personnes qui ne satisfont pas aux conditions de qualification prévues à l'article 21quater , qu'elles aient été occupées pendant au moins trois ans dans un établissement de soins ou un cabinet médical ou dentaire à la date du 1er septembre 1990.2. La même disposition viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'elle refuse le bénéfice de la disposition transitoire qu'elle contient aux personnes qui ont été occupées à mi-temps pendant les trois années qui précèdent le 1er septembre 1990, si elle est interprétée comme l'accordant à celles qui démontrent une occupation à temps plein dans un établissement de soins ou un cabinet médical ou dentaire au 1er septembre 1990 alors que, depuis cette date, elles ont cessé de travailler.3. La même disposition ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution si elle est interprétée comme subordonnant le bénéfice de la disposition transitoire qu'elle contient à la condition que les personnes qui demandent à en bénéficier exercent encore, au moment de leur demande, les activités pour lesquelles elles en revendiquent le bénéfice. Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 6 novembre 2002.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, M. Melchior.

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