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Arrêt
publié le 28 février 2003

Extrait de l'arrêt n° 170/2002 du 27 novembre 2002 Numéro du rôle : 2301 En cause : les questions préjudicielles concernant l'article 158 du décret de la Région flamande du 18 mai 1999 portant organisation de l'aménagement du territoire, p La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges L. François, (...)

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COUR D'ARBITRAGE


Extrait de l'arrêt n° 170/2002 du 27 novembre 2002 Numéro du rôle : 2301 En cause : les questions préjudicielles concernant l'article 158 du décret de la Région flamande du 18 mai 1999 portant organisation de l'aménagement du territoire, posées par le Tribunal correctionnel de Gand.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges L. François, P. Martens, R. Henneuse, M. Bossuyt, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe et E. Derycke, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président A. Arts, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles Par jugement du 3 décembre 2001 en cause du ministère public contre J. T'Jollyn et autres, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 12 décembre 2001, le Tribunal correctionnel de Gand a posé les questions préjudicielles suivantes : « 1. L'article 158 du décret du 18 mai 1999 portant organisation de l'aménagement du territoire viole-t-il les règles qui sont établies par la Constitution ou en vertu de celle-ci pour déterminer les compétences respectives de l'Etat, des communautés et des régions, par suite de l'introduction d'une transaction qui éteint l'action publique sans intervention du ministère public ? 2. L'article 158 du décret du 18 mai 1999 portant organisation de l'aménagement du territoire viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en réservant l'extinction de l'action publique, à condition de payer une somme d'argent, uniquement à celui qui obtient une régularisation du permis de bâtir et non aux personnes qui ont commis une infraction en matière d'urbanisme en effectuant des travaux qui auraient pu être autorisés sur le plan planologique mais qui n'ont pas été autorisés sur la base de l'appréciation discrétionnaire de l'autorité quant à la compatibilité des travaux avec le bon ordonnancement des lieux, ni davantage aux personnes qui ont commis une infraction en matière d'urbanisme ne pouvant faire l'objet d'un permis mais qui procèdent volontairement à une remise en état des lieux, ni davantage aux personnes qui exploitent un établissement incommode sans permis mais qui obtiennent par la suite un permis d'environnement ? » (...) IV. En droit (...) B.1.1. Les prévenus devant le juge a quo font valoir qu'eu égard à la transaction définitive qui est intervenue, l'action publique s'est éteinte, de sorte que le juge a quo , en posant les questions préjudicielles, a excédé sa compétence. Ils estiment ensuite que la question est sans objet du fait de la modification de la disposition en cause par l'article 4 du décret de la Région flamande du 8 mars 2002.

B.1.2. Il appartient en règle au juge a quo de déterminer quelle norme de droit est applicable à l'affaire qui lui est soumise et de décider s'il y a lieu de poser une question à la Cour concernant cette norme.

Les parties devant la Cour ne peuvent mettre en cause l'application que les juridictions font de l'article 26, § 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989.

La Cour examine la constitutionnalité de la disposition en cause dans la version donnée dans le jugement de renvoi. Pour répondre aux questions qui sont posées, la Cour n'a pas à prendre en compte les modifications apportées par l'article 4 du décret de la Région flamande du 8 mars 2002.

Les exceptions sont rejetées.

B.2.1. Les questions préjudicielles concernent l'article 158 du décret de la Région flamande du 18 mai 1999 portant organisation de l'aménagement du territoire, tel qu'il a été modifié par l'article 35 du décret de la Région flamande du 26 avril 2000, qui énonce : « § 1er. Lorsque l'infraction visée à l'article 146 ne consiste pas en l'exécution de travaux ou l'accomplissement ou la poursuite d'opérations ou de modifications qui sont contraires aux plans d'exécution spatial [lire : spatiaux] ou plans d'aménagement ou à l'exécution des règlements établis en vertu du présent décret ou aux prescriptions d'un permis de lotir, et que ces travaux, opérations et modifications entrent en ligne de compte pour la délivrance du permis requis, [l'] inspecteur urbaniste peut, moyennant l'accord de l'autorité accordant l'autorisation, trouver un compromis avec le contrevenant à condition qu'il paie un montant déterminé, appelé ci-après montant de la transaction et demande un permis de régularisation.

Le permis de régularisation doit être demandé dans un délai de six mois suivant la proposition de compromis [lire : transaction].

Le compromis [lire : transaction] n'est obtenu définitivement que lorsque le contrevenant a obtenu le permis de régularisation visé à l'article 159, et a payé le montant de la transaction.

Suite au compromis [lire : transaction] devenu définitif, l'action en justice et le droit de l'autorité d'exiger la réparation échoient [lire : prennent fin]. § 2. Le Gouvernement flamand fixe le montant de la transaction, ainsi que le mode et les modalités de paiement du montant de la transaction.

Le comptable du Fonds foncier informe [l'] inspecteur urbaniste sans délai du paiement effectué. Pour autant que le permis de régularisation ait été demandé et puisse être accordé, conformément aux dispositions du § 1er, ce fonctionnaire établit alors un certificat confirmant le paiement du montant de la transaction et la demande du permis de régularisation et il transmet ce certificat au contrevenant, à l'autorité accordant l'autorisation et au procureur du Roi.

L'inspecteur urbaniste les informe aussi sans délai du refus de compromis [lire : transaction] ou de l'expiration du délai visé au § 1er.

Une copie du certificat est en outre transmise au conservateur des hypothèques, visé à l'article 160. » B.2.2. Conformément à la disposition litigieuse, toute transaction est subordonnée à une série de conditions. Premièrement, l'infraction ne peut être contraire ni aux plans d'exécution spatiaux ou aux plans d'aménagement, ni aux règlements adoptés en exécution du décret concerné ni au permis de lotir, et les travaux, opérations et modifications doivent pouvoir entrer en ligne de compte pour la délivrance d'un permis. Deuxièmement, l'autorité qui délivre les permis doit approuver la transaction. Troisièmement, le contrevenant doit payer une somme d'argent. Quatrièmement, il doit demander un permis de régularisation dans les six mois de la proposition de transaction (article 158, § 1er, alinéas 1er et 2).

Seul l'inspecteur urbaniste peut prendre l'initiative de conclure une transaction. Celle-ci consiste, d'une part, à demander un permis de régularisation et, d'autre part, à payer un montant transactionnel dans le délai fixé par l'inspecteur urbaniste. Le Gouvernement flamand fixe le montant de la somme transactionnelle ainsi que le mode et les modalités de paiement (article 158, § 2, alinéa 1er, et article 6, § 2, de l'arrêté du Gouvernement flamand du 5 mai 2000 relatif aux sommes transactionnelles en matière d'aménagement du territoire).

Dès que le montant de la transaction est payé et que le permis de régularisation a été demandé, l'inspecteur urbaniste établit un certificat, qui est nécessaire pour obtenir le permis de régularisation. Il y confirme le paiement du montant de la transaction et la demande d'un permis de régularisation. Il adresse ce certificat au contrevenant, à l'autorité qui délivre les permis et au procureur du Roi (article 158, § 2, alinéa 2).

Lorsque les conditions visées à l'article 158, § 1er, sont réunies et que le certificat visé à l'article 158, § 2, a été établi, un permis peut être délivré selon la procédure prévue par le décret. Sans paiement préalable du montant de la transaction, ce permis ne pourra toutefois être délivré.

La transaction n'est définitive que lorsque le contrevenant a reçu le permis de régularisation et payé le montant de la transaction (article 158, § 1er, alinéa 3). La transaction définitive éteint l'action publique et implique que l'autorité ne peut plus demander une remise en état (article 158, § 1er, alinéa 4). Si la régularisation est refusée, le montant de la transaction est immédiatement remboursé (article 159, alinéa 2).

B.3.1. La première question préjudicielle vise à savoir si la disposition litigieuse viole les règles répartitrices de compétences en tant que la transaction éteint l'action publique sans intervention du ministère public.

La seconde question préjudicielle invite la Cour à examiner si les articles 10 et 11 de la Constitution sont violés en ce que la disposition litigieuse réserve l'extinction de l'action publique moyennant le paiement d'une somme d'argent à ceux qui obtiennent un permis de régularisation et exclut d'autres personnes déterminées.

B.3.2. L'examen de la conformité d'une norme législative aux règles répartitrices de compétences doit précéder l'examen de sa compatibilité avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

En ce qui concerne la violation des règles répartitrices de compétences B.4. La Cour doit examiner si les régions sont compétentes pour disposer que l'inspecteur urbaniste, en cas d'infraction en matière d'aménagement du territoire, peut proposer au contrevenant une transaction qui a pour effet d'éteindre l'action publique sans intervention du ministère public, et alors que la transaction peut être réalisée tant que le juge n'a pas statué.

B.5.1. En vertu de l'article 6, § 1er, I, 1°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, les régions sont compétentes en matière d'urbanisme et d'aménagement du territoire.

Le Constituant et le législateur spécial, dans la mesure où ils ne disposent pas autrement, ont attribué aux communautés et aux régions toute la compétence d'édicter les règles propres aux matières qui leur ont été transférées. Sauf dispositions contraires, le législateur spécial a transféré aux communautés et aux régions l'ensemble de la politique relative aux matières qu'il a attribuées.

B.5.2. Aux termes de l'article 11 de la même loi spéciale, les décrets peuvent ériger en infraction les manquements à leurs dispositions et établir les peines punissant ces manquements. En principe, le législateur décrétal n'est toutefois pas compétent pour régler la forme des poursuites, ce que l'article 12, alinéa 2, de la Constitution réserve au législateur fédéral.

La loi spéciale a donné au législateur décrétal, dans les matières qui lui sont attribuées, une compétence répressive. Elle lui permet ainsi de décider, en ces matières, qu'un comportement trouble l'ordre public.

B.6.1. La compétence du législateur décrétal d'ériger en infraction certains actes implique celle de juger du niveau de gravité de l'atteinte à l'ordre public.

Tout comme il peut estimer que le non-respect d'une disposition qu'il a édictée est tel que cette infraction constitue un crime, un délit ou une contravention, le législateur décrétal a compétence pour décider que le manquement à certaines prescriptions est d'une gravité relative et que, bien qu'il s'agisse en réalité d'une infraction passible de peines correctionnelles, une telle peine n'est pas indiquée et qu'une forme de règlement administratif de l'action publique est préférable si les conditions qu'il détermine sont réunies.

B.6.2. Bien que la transaction visée dans la disposition litigieuse ne se présente pas comme une sanction pénale, il s'agit d'une sanction qui a pour but de prévenir et de réprimer un comportement illicite. La transaction devenue définitive implique qu'une peine ne peut plus être infligée. Si le contrevenant n'accepte pas la transaction ou ne remplit pas les conditions, l'action publique subsiste.

B.6.3. En prévoyant ainsi la possibilité d'une transaction, le législateur décrétal détermine, sur la base de l'habilitation contenue dans l'article 11 de la loi spéciale du 8 août 1980, un aspect des « cas prévus par la loi » au sens de l'article 12, alinéa 2, de la Constitution, dans lesquels des poursuites pénales peuvent être engagées. Ce faisant, le législateur décrétal ne règle pas la forme des poursuites au sens de cette disposition.

B.7. La première question préjudicielle appelle une réponse négative.

En ce qui concerne la violation du principe d'égalité B.8. La deuxième question préjudicielle invite la Cour à examiner si la disposition en cause viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce que l'extinction de l'action publique moyennant le paiement d'une somme d'argent n'est accordée qu'à celui qui obtient un permis de régularisation, - à l'exclusion des personnes qui ont commis une infraction en matière d'urbanisme en exécutant des travaux qui, d'un point de vue planologique, pourraient faire l'objet d'un permis mais qui ne sont pas autorisés sur la base de l'appréciation discrétionnaire de l'autorité quant à la compatibilité des travaux avec le bon aménagement local (première comparaison), - à l'exclusion des personnes qui ont commis une infraction en matière d'urbanisme en effectuant des travaux n'entrant pas en ligne de compte pour un permis, mais qui procèdent de plein gré à la remise en état des lieux (deuxième comparaison) - et à l'exclusion des personnes qui exploitent un établissement incommode sans permis, mais qui obtiennent par la suite un permis d'environnement (troisième comparaison).

B.9.1. En tant que la première comparaison porte sur la catégorie des contrevenants qui pourraient, d'un point de vue planologique, entrer en ligne de compte pour un permis mais qui n'en n'obtiennent pas parce que l'autorité qui délivre les permis estime que les travaux ne sont pas compatibles avec le bon aménagement local, elle critique en réalité l'une des conditions d'application de la disposition en cause, à savoir le fait que la transaction est subordonnée à l'accord de l'autorité qui délivre les permis. Celle-ci n'a toutefois nullement l'obligation de proposer une transaction : elle juge en fonction des exigences du bon aménagement local.

Par rapport au but de la disposition en cause, qui est de sanctionner les infractions qui ne présentent qu'une gravité relative et pour lesquelles une peine correctionnelle serait disproportionnée (voir les travaux préparatoires de la réglementation antérieure contenue dans la loi du 22 décembre 1970; Doc. parl. , Sénat, 1968-1969, n° 559/1, p. 52), il est pertinent de réserver l'appréciation de la conformité au bon aménagement local à l'autorité qui délivre les permis. A cet égard, il n'est pas déraisonnable que, si cette autorité ne donne pas son accord, la transaction soit refusée et que d'autres mesures de réparation soient demandées.

B.9.2. La différence de traitement entre les catégories de personnes établie dans la deuxième comparaison repose sur un critère objectif, à savoir le caractère régularisable ou non de l'infraction.

A la lumière de l'objectif mentionné en B.9.1, il est pertinent de prendre en compte les seuls travaux, opérations et modifications qui peuvent faire l'objet d'un permis parce qu'ils ne sont pas contraires aux prescriptions des plans d'aménagement ou des plans d'exécution spatiaux, des permis de lotissement ou d'autres permis.

La disposition en cause ne peut davantage être regardée comme disproportionnée. Le législateur décrétal a pu estimer en effet que celui qui a exécuté des travaux qui n'entrent pas en ligne de compte pour un permis et qui nuisent à l'intérêt général doit être puni, même s'il a, de plein gré, fait cesser leurs effets nuisibles.

B.9.3. En troisième lieu, la deuxième question préjudicielle invite la Cour à comparer des catégories de personnes qui ne sont pas suffisamment comparables au regard des articles 10 et 11 de la Constitution, à savoir, d'une part, celles qui ont commis une infraction visée à l'article 146 du décret du 18 mai 1999 et, d'autre part, celles qui exploitent un établissement incommode en contradiction avec le décret du 28 juin 1985 relatif au permis d'environnement mais qui obtiennent par la suite un permis d'environnement.

B.10. La deuxième question préjudicielle, en toutes ses branches, appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 158 du décret de la Région flamande du 18 mai 1999 portant organisation de l'aménagement du territoire, tel qu'il a été modifié par l'article 35 du décret de la Région flamande du 26 avril 2000, ne viole ni les règles qui déterminent les compétences respectives de l'Etat, des communautés et des régions, ni les articles 10 et 11 de la Constitution.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 27 novembre 2002.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, A. Arts

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