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Arrêt
publié le 18 juin 2003

Extrait de l'arrêt n° 33/2003 du 12 mars 2003 Numéro du rôle : 2411 En cause : les questions préjudicielles concernant les articles 36 et 56 du décret de la Communauté française du 4 mars 1991 relatif à l'aide à la jeunesse, posées par le La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges P. Martens, (...)

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COUR D'ARBITRAGE


Extrait de l'arrêt n° 33/2003 du 12 mars 2003 Numéro du rôle : 2411 En cause : les questions préjudicielles concernant les articles 36 et 56 du décret de la Communauté française du 4 mars 1991 relatif à l'aide à la jeunesse, posées par le Tribunal du travail de Bruxelles.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges P. Martens, R. Henneuse, E. De Groot, J.-P. Moerman et E. Derycke, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles Par jugement du 28 mars 2002 en cause de J. Assagando contre le centre public d'aide sociale de Bruxelles, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 17 avril 2002, le Tribunal du travail de Bruxelles a posé les questions préjudicielles suivantes : 1. « Le décret du 4 mars 1991 de la Communauté française (relatif à l'aide à la jeunesse), plus particulièrement ses articles 36 et 56, viole-t-il le prescrit constitutionnel fixant les répartitions de compétences entre l'autorité fédérale, les communautés et les régions et notamment l'article 134 nouveau (26bis ancien) de la Constitution en tant qu'il considérerait ou aurait pour conséquence nécessaire que l'aide financière due par la Communauté française est subsidiaire, complémentaire et supplétive par rapport à celle que devrait octroyer prioritairement le C.P.A.S. compétent ? » 2. « Faut-il faire une distinction selon que l'aide accordée est principalement financière ou consiste en une mesure de protection sociale ? » (...) IV. En droit (...) B.1. Les questions préjudicielles invitent la Cour à se prononcer sur la violation éventuelle, par les articles 36 et 56 du décret de la Communauté française relatif à l'aide à la jeunesse, des règles répartitrices de compétences entre l'autorité fédérale, les communautés et les régions, en tant que ces articles auraient pour conséquence que l'aide financière due par la Communauté française est « subsidiaire, complémentaire et supplétive » par rapport à celle que devrait octroyer prioritairement le centre public d'aide sociale compétent. Le juge a quo demande encore à la Cour s'il convient de faire une distinction selon que l'aide accordée est principalement financière ou consiste en une mesure de protection sociale.

B.2. L'article 36 du décret du 4 mars 1991 relatif à l'aide à la jeunesse dispose : « § 1er. Le conseiller examine les demandes d'aide relatives au jeune et aux personnes visés à l'article 2, alinéa 1er, du présent décret. § 2. Le conseiller : 1o oriente les intéressés vers tout particulier ou service approprié, agréé ou non dans le cadre du présent décret, dont notamment le centre public d'aide sociale compétent ou une équipe S.O.S.-Enfants; 2o seconde les intéressés dans l'accomplissement de leurs démarches en vue d'obtenir l'aide sollicitée; 3o autorise, s'il échet, conformément à l'article 56, le remboursement des frais exposés par le centre public d'aide sociale. § 3. Lorsqu'il a connaissance de mauvais traitements, de privations ou de négligences dont est victime un enfant, ou lorsqu'il en suspecte l'existence, le conseiller peut demander l'intervention d'une équipe S.O.S.-Enfants. Celle-ci le tient au courant de l'évolution de la situation. § 4. Le conseiller coordonne les actions entreprises en faveur des personnes pour lesquelles son intervention est sollicitée, notamment en suscitant la coopération entre les différents services amenés à intervenir. § 5. A la demande du jeune, d'un membre de sa famille ou d'un de ses familiers, ou du délégué général aux droits de l'enfant et à l'aide à la jeunesse, le conseiller interpelle tout service public ou privé, agréé ou non dans le cadre du présent décret, s'occupant du jeune pour lui demander des informations sur ses interventions ou son refus d'intervenir en faveur de ce jeune. § 6. Lorsque les conditions définies à l'article 7, alinéa 1er, du présent décret sont réunies, le conseiller peut, après avoir constaté qu'aucun autre service ou particulier n'est en mesure à ce moment d'apporter au jeune une aide appropriée, exceptionnellement et provisoirement tant que les démarches prévues au § 2 n'ont pas abouti, confier aux services de l'aide à la jeunesse et aux particuliers et services qui concourent à l'application du présent décret le soin d'apporter l'aide appropriée durant le temps nécessaire. § 7. En cas de déchéance de l'autorité parentale, l'aide directe de la Communauté française à l'enfant dont les père et mère ou l'un d'eux sont déchus de l'autorité parentale, est subordonnée à la décision du tribunal de la jeunesse de confier le mineur au conseiller conformément à l'article 34, alinéa 1er, de la loi du 8 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/04/1965 pub. 02/08/2010 numac 2010000404 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié et à la réparation du dommage causé par ce fait. - Coordination officieuse en langue allemande fermer relative à la protection de la jeunesse ou à une demande écrite d'intervention du protuteur adressée au conseiller. » L'article 56 du décret du 4 mars 1991 prévoit : « Le ministère ayant l'aide et la protection de la jeunesse dans ses compétences rembourse aux centres publics d'aide sociale, en ce compris ceux de la Région bilingue de Bruxelles-Capitale, les frais exposés en vue de l'exécution de leur mission légale d'aide sociale pour les jeunes visés par le présent décret à raison d'un pourcentage établi suivant les critères et les normes fixés par le Gouvernement.

Le Gouvernement fixe les modalités de ce remboursement.

Les centres publics d'aide sociale ne peuvent recevoir des subventions inhérentes à leurs missions d'aide à la jeunesse et de protection de la jeunesse qu'à condition de se conformer aux critères de sélection et d'orientation des dossiers déterminés par le Gouvernement et de respecter les procédures fixées en la matière par le Gouvernement. » B.3. Il ressort des motifs de la décision rendue par le juge a quo que la Cour est appelée à se prononcer sur la conformité des dispositions du décret avec l'article 128, § 1er, alinéa 1er, de la Constitution, ainsi qu'avec l'article 5, § 1er, II, 2o et 6o, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles.

La Cour apprécie la conformité d'une norme soumise à son contrôle au regard des règles répartitrices de compétences en vigueur à la date où cette norme a été adoptée : c'est par rapport à la loi spéciale du 8 août 1980, telle qu'elle était en vigueur avant sa modification par la loi spéciale du 16 juillet 1993, qu'il convient de contrôler le décret susvisé.

B.4.1. L'article 128, § 1er, alinéa 1er, de la Constitution, dans sa formulation au moment de l'adoption du décret, disposait : « Les Conseils de Communauté règlent par décret, chacun en ce qui le concerne, les matières personnalisables, de même qu'en ces matières, la coopération entre les Communautés et la coopération internationale, y compris la conclusion de traités. » Aux termes de l'article 5, § 1er, II, 2o, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles alors en vigueur, les matières personnalisables étaient : « En matière d'aide aux personnes : La politique d'aide sociale, à l'exception : a) des règles organiques des centres publics d'aide sociale;b) de la fixation du montant minimum, des conditions d'octroi et du financement du revenu légalement garanti conformément à la législation instituant le droit à un minimum de moyens d'existence ». Quant au 6o du même article, il conférait alors aux communautés : « la protection de la jeunesse, en ce compris la protection sociale et la protection judiciaire, à l'exception : a) des règles de droit civil relatives au statut des mineurs et de la famille, telles qu'elles sont établies par le Code civil et les lois qui le complètent;b) des règles de droit pénal érigeant en infraction les comportements qui contreviennent à la protection de la jeunesse et établissant des peines qui punissent ces manquements, en ce compris les dispositions qui ont trait aux poursuites, sans préjudice de l'article 11;c) de l'organisation des juridictions de la jeunesse, de leur compétence territoriale et de la procédure devant ces juridictions;d) de la détermination des mesures qui peuvent être prises à l'égard des mineurs ayant commis un fait qualifié d'infraction;e) de la déchéance de l'autorité parentale et de la tutelle sur les prestations familiales ou autres allocations sociales ». B.4.2. Le décret de la Communauté française du 4 mars 1991 relatif à l'aide à la jeunesse organise plusieurs mesures d'aide en faveur des personnes âgées de moins de dix-huit ans ou en faveur de personnes de moins de vingt ans pour lesquelles l'aide est sollicitée avant l'âge de dix-huit ans.

L'aide accordée aux jeunes en difficulté tend, d'après l'article 2 du décret, à leur permettre de se développer dans des conditions d'égalité de chances en vue de leur accession à une vie conforme à la dignité humaine.

Les mesures d'aide proprement dites sont énoncées à l'article 36 du décret. Il s'agit notamment, pour le conseiller de l'aide à la jeunesse, d'orienter les intéressés vers tout particulier ou service approprié, dont notamment le centre public d'aide sociale. Le conseiller doit également accompagner le jeune dans ses démarches en vue d'obtenir l'aide sollicitée. Une aide exceptionnelle et provisoire peut encore être accordée à l'intéressé lorsqu'il est constaté que les démarches auprès des services ou particuliers appropriés n'ont pas abouti.

B.4.3. Les dispositions en cause portent sur des mesures de protection sociale de la jeunesse, qui relèvent, par application de l'article 5, § 1er, II, 6o, de la loi spéciale du 8 août 1980, de la compétence des communautés.

La Cour doit examiner si la Communauté française, dans la mise en oeuvre de la compétence qui lui a été attribuée, n'a pas porté atteinte aux compétences que le législateur spécial avait réservées à l'Etat par l'article 5, § 1er, II, 2o, a) et b), lors de l'adoption des dispositions en cause.

B.4.4. Ni le texte des dispositions en cause ni leurs travaux préparatoires ne font apparaître que le législateur décrétal aurait voulu porter atteinte à la compétence de l'Etat s'agissant du règlement de la création des centres publics d'aide sociale ou de la fixation du montant minimum, des conditions d'octroi et du financement du revenu légalement garanti conformément à la législation instituant le droit à un minimum de moyens d'existence.

Il apparaît au contraire des travaux préparatoires que le législateur décrétal a veillé à ne pas porter atteinte à cette compétence de l'Etat ni, par conséquent, aux obligations imposées par la législation organique des C.P.A.S. en ce qui concerne les jeunes visés par le décret.

Par rapport à cette législation, le caractère supplétif et complémentaire de l'aide octroyée par la Communauté française a été instauré de manière explicite dans l'article 36 du décret, pour tenir compte de l'avis du Conseil d'Etat, pour qui il convenait « d'éviter tout double emploi avec l'aide prévue à l'article 1er de la loi du 8 juillet 1976Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/07/1976 pub. 18/04/2016 numac 2016000231 source service public federal interieur Loi organique des centres publics d'action sociale. - Coordination officieuse en langue allemande de la version applicable aux habitants de la région de langue allemande fermer organique des centres publics d'aide sociale » (Doc. , Conseil de la Communauté française, 1990-1991, no 165/1, p. 102).

Dans les travaux préparatoires du décret, le législateur a précisé le sens qu'il convenait de donner à ces deux caractères de l'aide spécialisée : « complémentaire, elle permet de trouver ou de renforcer sous un mode plus adapté l'aide que la société offre à toutes les familles depuis la naissance jusqu'à la majorité des enfants; supplétive, l'aide spécialisée ne doit être dispensée que dans les cas où ces services dits ' de première ligne ' n'ont pu apporter l'aide de manière adéquate » (ibid. , p. 2).

Il a encore été précisé que l'aide spécialisée devait s'entendre comme « toute forme d'aide distincte de celle organisée par d'autres législations comme, par exemple, la loi du 8 juillet 1976Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/07/1976 pub. 18/04/2016 numac 2016000231 source service public federal interieur Loi organique des centres publics d'action sociale. - Coordination officieuse en langue allemande de la version applicable aux habitants de la région de langue allemande fermer organique des centres publics d'aide sociale. [...] Elle peut revêtir toute forme que le conseiller entend lui donner et qui comporte l'accord du jeune et de sa famille, par exemple la forme d'une aide financière comme le paiement d'un séjour en classes vertes ou encore la forme d'un hébergement en institution ou en famille d'accueil ou également la forme d'une assistance du jeune dans ses démarches envers un service administratif, pour autant que ces formes d'aide ne puissent être prises en application d'aucune autre législation que le présent décret » (ibid. , p. 10).

B.4.5. Quant à l'article 56 du décret, qui prévoit que la Communauté française rembourse, sous certaines conditions à fixer par le Gouvernement, les frais que les centres publics d'aide sociale ont exposés en faveur du jeune visé par le décret, son adoption a été justifiée par le fait qu'il fallait instaurer un incitant vis-à-vis des centres publics d'aide sociale pour obtenir leur intervention directe en faveur des enfants en difficulté (ibid. , p. 36; C.R.I., Conseil de la Communauté française, séance du 19 février 1991, no 10, pp. 32 et 33). Ce remboursement peut uniquement porter sur l'aide complémentaire et supplétive prévue par le décret.

B.4.6. Quelle que soit sa nature, l'aide accordée par le décret de la Communauté française conserve son caractère supplétif et complémentaire et ne touche donc pas à la compétence fédérale.

B.5. Les questions préjudicielles appellent une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : Les articles 36 et 56 du décret de la Communauté française du 4 mars 1991 relatif à l'aide à la jeunesse ne violent ni l'article 128, § 1er, alinéa 1er, de la Constitution ni l'article 5, § 1er, II, 2o, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles.

Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 12 mars 2003.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, M. Melchior.

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